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Décisions

CJUE, 2e ch., 15 septembre 2022, n° C-705/20

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Fossil (Gibraltar) Ltd

Défendeur :

Commissioner of Income Tax

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

Mme Prechal

Juges :

M. Passer, M. Biltgen, M. Wahl (rapporteur), Mme Arastey Sahún

Avocat général :

Mme Kokott

Avocats :

Me Feetham, Me Levy, Me Pennington-Benton, Me Llamas, Me Petite

CJUE n° C-705/20

14 septembre 2022

LA COUR (deuxième chambre),

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la décision (UE) 2019/700 de la Commission, du 19 décembre 2018, concernant l’aide d’État SA.34914 (2013/C) mise à exécution par le Royaume-Uni en ce qui concerne le régime d’imposition des sociétés de Gibraltar (JO 2019, L 119, p. 151).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Fossil (Gibraltar) Ltd au Commissioner of Income Tax (commissaire de l’impôt sur les revenus, Gibraltar) au sujet de la mise en œuvre de l’obligation de récupération des aides d’État visées à l’article 1er de la décision 2019/700.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le règlement (UE) 2015/1589

3 Aux termes du considérant 25 du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 2015, L 248, p. 9) :

« En cas d’aide illégale incompatible avec le marché intérieur, une concurrence effective devrait être rétablie. À cette fin, il importe que l’aide, intérêts compris, soit récupérée sans délai. Il convient que cette récupération se déroule conformément aux procédures du droit national. L’application de ces procédures ne devrait pas faire obstacle au rétablissement d’une concurrence effective en empêchant l’exécution immédiate et effective de la décision de la Commission [européenne]. Afin d’atteindre cet objectif, les États membres devraient prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir l’effet utile de la décision de la Commission. »

4 L’article 16 de ce règlement, intitulé « Récupération de l’aide », dispose :

« 1. En cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l’État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide auprès de son bénéficiaire [...]. La Commission n’exige pas la récupération de l’aide si, ce faisant, elle allait à l’encontre d’un principe général du droit de l’Union.

[...]

3. Sans préjudice d’une ordonnance de la Cour de justice de l’Union européenne prise en application de l’article 278 [...] TFUE, la récupération s’effectue sans délai et conformément aux procédures prévues par le droit national de l’État membre concerné, pour autant que ces dernières permettent l’exécution immédiate et effective de la décision de la Commission. À cette fin, et en cas de procédure devant les tribunaux nationaux, les États membres concernés prennent toutes les mesures prévues par leurs systèmes juridiques respectifs, y compris les mesures provisoires, sans préjudice du droit de l’Union. »

La décision 2019/700

5 Le 16 octobre 2013, la Commission a ouvert une procédure formelle d’examen afin de vérifier si la non-imposition des revenus générés par les intérêts passifs et les redevances de propriété intellectuelle, prévue par l’Income Tax Act 2010 (loi relative à l’impôt sur le revenu de 2010), qui est la loi relative à l’imposition des sociétés de Gibraltar (ci-après l’« ITA 2010 »), avantageait de manière sélective certaines entreprises, en violation des règles de l’Union en matière d’aides d’État.

6 Le 1er octobre 2014, la Commission a informé le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de sa décision d’étendre la procédure établie à l’article 108, paragraphe 2, TFUE afin d’y inclure la pratique des décisions fiscales anticipées à Gibraltar et, plus particulièrement, l’adoption de 165 décisions fiscales anticipées.

7 Le 19 décembre 2018, la Commission a adopté la décision 2019/700. En substance, la Commission a constaté, d’une part, que l’« exonération » des revenus générés par les intérêts passifs et par les redevances, applicable à Gibraltar entre l’année 2011 et l’année 2013 au titre de l’ITA 2010, constituait un régime d’aides d’État illégalement mis en œuvre et incompatible avec le marché intérieur et, d’autre part, que le traitement fiscal octroyé par le gouvernement de Gibraltar sur la base de décisions fiscales anticipées accordées à cinq sociétés établies à Gibraltar détenant une participation dans des sociétés en commandite simple néerlandaises (commanditaire vennootschap) et percevant des revenus générés par des intérêts passifs et par des redevances de propriété intellectuelle constituait des aides d’État individuelles illégales et incompatibles avec le marché intérieur.

8 L’article 1er de cette décision énonce :

« 1. Le régime d’aides d’État accordé sous la forme d’une exonération fiscale des revenus liés aux intérêts passifs, applicable à Gibraltar au titre de l’[ITA 2010] entre le 1er janvier 2011 et le 30 juin 2013 et illégalement mis à exécution par Gibraltar en violation de l’article 108, paragraphe 3, [...] TFUE est incompatible avec le marché intérieur au sens de l’article 107, paragraphe 1, [...] TFUE.

2. Le régime d’aides d’État accordé sous la forme d’une exonération fiscale des revenus générés par les redevances de propriété intellectuelle, applicable à Gibraltar au titre de l’[ITA 2010] entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2013 et illégalement mis à exécution par Gibraltar en violation de l’article 108, paragraphe 3, [...] TFUE est incompatible avec le marché intérieur au sens de l’article 107, paragraphe 1, [...] TFUE. »

9 Aux termes de l’article 2 de ladite décision :

« Les aides d’État individuelles octroyées par le gouvernement de Gibraltar sur la base des décisions fiscales anticipées [...] accordées à cinq entreprises établies à Gibraltar détenant une participation dans des sociétés néerlandaises en commandite simple (Commanditaire vennootschap) et percevant des revenus liés aux intérêts passifs et aux redevances de propriété intellectuelle, qui ont été illégalement mises à exécution par le Royaume-Uni en violation de l’article 108, paragraphe 3, [...] TFUE, sont incompatibles avec le marché intérieur au sens de l’article 107, paragraphe 1, [...] TFUE. »

10 En vertu de l’article 5, paragraphe 1, de la décision 2019/700, le Royaume-Uni est tenu de récupérer notamment toutes les aides incompatibles accordées sur la base notamment des régimes d’aides visés à l’article 1er de cette décision.

11 Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, de la décision 2019/700 :

« 1. Dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la présente décision, le Royaume-Uni est tenu de communiquer les informations suivantes à la Commission :

[...]

b) une liste de bénéficiaires ayant perçu une aide sur la base des régimes d’aides visés à l’article 1er, accompagnée des informations suivantes pour chacun d’entre eux et pour chaque exercice fiscal pertinent :

– le montant des bénéfices réalisés (en indiquant séparément ceux réalisés à partir des redevances de propriété intellectuelle et ceux réalisés à partir des revenus liés aux intérêts passifs), la base imposable, le taux général d’imposition applicable, le montant de l’impôt sur les revenus acquitté et le montant des recettes fiscales perdues,

– le montant total de l’aide reçue ;

[...]

d) le montant total (principal et intérêts) à récupérer auprès de chaque bénéficiaire (pour tous les exercices concernés par une récupération) ;

[...]

f) les documents démontrant que les bénéficiaires ont été mis en demeure de rembourser l’aide. »

12 La section 10, intitulée « Récupération de l’aide », de la décision 2019/700 contient des indications relatives au montant des aides individuelles que les autorités nationales doivent récupérer auprès des bénéficiaires des aides. En particulier, les considérants 223, 224 et 226 sont libellés comme suit :

« (223) Dans le cas d’une aide d’État illégale sous la forme de mesures fiscales, le montant à récupérer doit être calculé sur la base d’une comparaison entre l’impôt effectivement payé et le montant qui aurait dû être payé en l’absence du traitement fiscal préférentiel.

(224) Dans le cas d’espèce, pour aboutir au montant d’impôt qui aurait dû être payé en l’absence du traitement fiscal préférentiel, les autorités britanniques doivent réévaluer l’obligation fiscale des entités bénéficiant des mesures en question pour chaque exercice fiscal durant lequel elles ont bénéficié de ces mesures.

[...]

(226) Le montant des recettes fiscales perdues pour l’exercice en question doit être calculé de la façon suivante :

– tout d’abord, les autorités britanniques doivent établir le montant total des bénéfices de l’entreprise en cause pour cet exercice fiscal (y compris les bénéfices issus de revenus liés aux intérêts passifs et aux redevances),

– à partir de ces bénéfices, les autorités fiscales doivent calculer la base imposable de l’entreprise en cause pour cet exercice,

– la base imposable doit être multipliée par le taux d’imposition sur les revenus applicables lors de cet exercice,

– enfin, les autorités britanniques doivent déduire l’impôt sur les revenus dont l’entreprise s’est déjà acquittée pour cet exercice (le cas échéant). »

Le droit national

La Gibraltar Constitution Order 2006

13 Le système de gouvernance de Gibraltar est fixé dans la Gibraltar Constitution Order 2006 (ordonnance établissant la Constitution de Gibraltar de 2006), entrée en vigueur le 1er janvier 2007.

14 L’article 47, paragraphe 3, de cette ordonnance dispose :

« Sans préjudice de la responsabilité du Royaume-Uni d’assurer le respect par Gibraltar du droit de l’Union, les ministères du gouvernement du Gibraltar demeurent responsables pour toute question relevant de leurs compétences au titre de la présente Constitution, même si celle-ci se pose dans le cadre de l’Union. »

L’ITA 2010

15 L’ITA 2010 est entrée en vigueur le 1er janvier 2011 et a remplacé la précédente loi relative à l’imposition des sociétés de Gibraltar, datant de 1952 (Income Tax Act 1952). L’ITA 2010 a instauré un taux général d’imposition des sociétés de 10 %, applicable à l’ensemble des entreprises de Gibraltar à l’exception des prestataires de services d’utilité publique et de services de télécommunication ainsi que des entreprises qui profitent et abusent d’une position dominante sur le marché, qui sont soumises à un taux spécial de 20 %.

16 Les sociétés imposables au titre de l’ITA 2010 sont les sociétés qui sont habituellement établies à Gibraltar ainsi que celles qui n’y sont pas établies habituellement, mais qui y exercent des activités commerciales par l’intermédiaire d’une succursale ou d’une agence.

17 L’ITA 2010 met en place un régime d’imposition territorial, en ce que les bénéfices ou les plus-values ne peuvent être imposés que si les revenus qui en sont issus « sont générés ou trouvent leur origine à » Gibraltar. Conformément à l’article 74 de l’ITA 2010, l’expression « sont générés ou trouvent leur origine à » vise le lieu où sont menées les activités à l’origine des bénéfices ou des plus-values, lequel est normalement déterminé au cas par cas. Cette disposition prévoit également que les activités exigeant un permis et régies par une réglementation de Gibraltar sont considérées comme ayant lieu à Gibraltar.

18 En vertu de l’ITA 2010 dans sa version initiale (entrée en vigueur le 1er janvier 2011), les intérêts passifs et les redevances de propriété intellectuelle n’étaient pas imposables, quelle que soit la source des revenus et sans égard à l’application du principe de territorialité. À la suite de modifications apportées à l’ITA 2010 en 2013, avec prise d’effet au 1er juillet 2013, tous les intérêts sur les prêts entre entreprises ont été soumis à l’impôt au taux général de 10 %, dans la mesure où les intérêts reçus ou à recevoir par l’entreprise source dépassent 100 000 livres sterling (GBP) par an. Par ailleurs, à la suite de modifications apportées à l’ITA 2010 en 2013, avec prise d’effet au 1er janvier 2014, toutes les redevances de propriété intellectuelle reçues ou à recevoir par une entreprise enregistrée à Gibraltar ont également été soumises à l’impôt, au même taux de 10 %.

19 L’article 37 de l’ITA 2010, intitulé « Allégement fiscal au titre de l’impôt payé à l’étranger », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Sous réserve des paragraphes 2 et 8, toute personne qui a acquitté, par déduction ou autrement, l’impôt dû au titre de la présente loi pour des bénéfices ou plus-values générés par des sources situées à Gibraltar ou dans tout autre pays, territoire ou juridiction, ou qui est redevable d’un tel impôt, et qui prouve, à la satisfaction du Commissioner [of Income Tax], qu’elle a acquitté, par déduction ou autrement, l’impôt sur le revenu dans l’autre pays, territoire ou juridiction pour les mêmes bénéfices ou plus-values, ou qu’elle y est redevable d’un tel impôt, a droit à une réduction de l’impôt dû au titre de la présente loi qu’elle a acquitté ou dont elle est redevable pour lesdits bénéfices ou plus-values, à concurrence d’un montant correspondant au montant moins élevé parmi les deux montants suivants :

a) l’impôt dû au titre de la présente loi pour lesdits bénéfices ou plus values, ou

b) l’impôt sur le revenu dans l’autre pays, territoire ou juridiction pour ledit revenu. »

20 L’article 37, paragraphe 8, de l’ITA 2010 dispose :

« Le présent article ne s’applique qu’à l’impôt acquitté dans un pays dans lequel sont générées ou trouvent leur origine les recettes résultant de l’activité commerciale sous-jacente ayant donné lieu aux bénéfices ou plus-values visés au paragraphe 1. »

21 Aux fins de la mise en œuvre de la décision 2019/700, l’Income Tax (Amendment) Regulations 2019 [règlement de 2019 relatif à l’impôt sur les revenus (modification)] a modifié l’ITA 2010 en vue de permettre l’imposition rétroactive des revenus de redevances perçues entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2013.

Le litige au principal et la question préjudicielle

22 Fossil (Gibraltar), société établie à Gibraltar, est une filiale détenue à 100 % par Fossil Group Inc., société qui a son siège aux États-Unis d’Amérique et qui est active dans le domaine de la création et de la fabrication d’articles de mode. Fossil (Gibraltar) perçoit des redevances de propriété intellectuelle qui sont générées par l’utilisation, à l’échelle mondiale, de plusieurs marques, dessins et modèles dont Fossil Group est propriétaire.

23 Fossil (Gibraltar), qui ne figure pas sur la liste des 165 décisions fiscales anticipées mentionnée au point 6 du présent arrêt, a tiré des revenus de redevances de propriété intellectuelle qui n’ont pas été imposés au titre de l’ITA 2010. Elle a, en revanche, déclaré l’intégralité de ces revenus qu’elle a perçus à l’administration fiscale des États-Unis, où un impôt sur ces revenus a été acquitté au taux de 35 %.

24 Le 19 février 2019, le Commissioner of Income Tax, qui est, à Gibraltar, l’autorité chargée de la perception de l’impôt sur le revenu et les bénéfices, a adressé à la Commission une liste de bénéficiaires d’une aide, sur laquelle figurait Fossil (Gibraltar), et lui a communiqué le calcul du montant de l’aide à récupérer auprès de Fossil (Gibraltar).

25 Par courrier du 8 avril 2019, le Commissioner of Income Tax a proposé à la Commission un ajustement du montant de l’aide à récupérer auprès de Fossil (Gibraltar). L’ajustement proposé prenait en compte un impôt supplémentaire qui avait été acquitté aux États-Unis par Fossil Group à la suite de l’application des règles américaines relatives aux sociétés étrangères contrôlées.

26 Par courriers des 13 mai et 6 juin 2019, la direction générale (DG) « Concurrence » de la Commission a estimé qu’il y avait lieu de refuser cet ajustement.

27 Par courrier du 26 mars 2020, la DG « Concurrence » a précisé que, aux fins de l’établissement de l’impôt dû, le Commissioner of Income Tax ne pouvait prendre en compte l’impôt acquitté aux États-Unis sur les revenus de Fossil (Gibraltar) générés par les redevances de propriété intellectuelle.

28 Selon la DG « Concurrence », la méthode de calcul de l’impôt dû aux fins de la récupération de l’aide décrite au considérant 226 de la décision 2019/700 n’a pas pour objet d’autoriser la déduction des impôts acquittés aux États-Unis, en application des règles américaines relatives aux sociétés étrangères contrôlées. En effet, la taxe prévue par ces règles répondrait à une logique fiscale propre, à savoir la lutte contre la fraude, de sorte qu’elle serait sans incidence sur le raisonnement qui sous-tend la décision 2019/700 et sur la méthode de calcul de l’aide à récupérer auprès de Fossil (Gibraltar). Les services de la Commission ont notamment précisé que le point 102 de la communication de la Commission sur la récupération des aides d’État illégales et incompatibles avec le marché intérieur (JO 2019, C 247, p. 1), qui permet à un État membre de tenir compte, lors du calcul du montant de l’aide à récupérer, du fait que le bénéficiaire d’une aide illégale a ou non acquitté des impôts sur le montant de l’aide reçue, n’était pas applicable dans l’affaire en cause au principal, Fossil (Gibraltar) ne s’étant pas acquittée de tels impôts.

29 Le 31 octobre 2020, à la suite du refus par la Commission du calcul de l’aide à récupérer auprès de Fossil (Gibraltar), effectué par le Commissioner of Income Tax, celui-ci a adressé à Fossil (Gibraltar) de nouveaux ordres de récupération.

30 Le 4 décembre 2020, Fossil (Gibraltar) a formé un recours contre ces ordres de récupération devant la juridiction de renvoi.

31 Devant cette juridiction, le Commissioner of Income Tax estime qu’il doit suivre la position de la DG « Concurrence ». Il considère que, bien que l’allégement fiscal prévu à l’article 37 de l’ITA 2010 n’a pas, en tant que tel, été examiné par la DG « Concurrence », la position prise par cette dernière a pour conséquence de rendre impossible l’application de cette disposition.

32 Fossil (Gibraltar) soutient, pour sa part, que, si la réglementation nationale relative à l’impôt sur les revenus, mentionnée au point 21 du présent arrêt, autorise désormais l’imposition rétroactive des revenus de redevances de propriété intellectuelle générés entre l’année 2011 et l’année 2013, le Commissioner of Income Tax demeure habilité, au titre du droit interne et en conformité avec l’article 16, paragraphe 3, du règlement 2015/1589, à accorder tout allégement fiscal disponible en vertu de l’ITA 2010 lors de l’imposition de ces revenus. Elle relève, à cet égard, que la décision 2019/700 ne s’est pas prononcée sur l’application de l’article 37 de l’ITA 2010 ou sur la conformité de cet article au droit de l’Union. Selon Fossil (Gibraltar), le Commissioner of Income Tax commettrait une confusion entre le calcul de l’impôt dû aux fins de la récupération de l’aide, tel que prévu par la décision 2019/700, et les allégements fiscaux susceptibles d’être appliqués par les autorités de Gibraltar sur le montant brut à récupérer, en application de l’ITA 2010.

33 C’est dans ces conditions que la juridiction de renvoi a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Une décision du Commissioner of Income Tax d’accorder une réduction d’impôt au titre de l’ITA 2010 au regard de l’impôt sur les revenus de [Fossil (Gibraltar)] générés par les redevances de propriété intellectuelle acquitté aux [États-Unis] serait-elle contraire à la décision 2019/700 ou cette dernière s’oppose-t-elle à l’adoption d’une telle mesure pour toute autre raison ? »

Sur la question préjudicielle

34 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la décision 2019/700 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à ce que les autorités nationales en charge de la récupération, auprès du bénéficiaire, d’une aide illégale et incompatible avec le marché intérieur fassent application d’une disposition nationale prévoyant un mécanisme d’imputation des impôts acquittés par ce bénéficiaire à l’étranger sur ceux dont il est redevable à Gibraltar.

35 D’emblée, il y a lieu de relever que la question, telle que formulée par la juridiction de renvoi et à laquelle la Cour est invitée à répondre, repose sur la prémisse que l’article 37 de l’ITA 2010, qui prévoit un mécanisme d’imputation de l’impôt acquitté dans un État tiers en vue d’éviter les doubles impositions, trouve à s’appliquer dans l’affaire au principal.

36 Certes, le Commissioner of Income Tax et la Commission ont fait valoir que les conditions requises aux fins de bénéficier du mécanisme d’imputation au titre de l’article 37 de l’ITA 2010 semblent faire défaut dans l’affaire au principal. Toutefois, les considérations avancées à cet égard reviennent à mettre en cause l’appréciation du droit national effectuée par la juridiction de renvoi, qui a conclu que les conditions d’application de l’article 37 de l’ITA 2010 étaient réunies dans le cadre de l’affaire au principal.

37 Or, il appartient à la seule juridiction de renvoi et non à la Cour de vérifier le bien-fondé de cette appréciation du droit national. En effet, l’article 267 TFUE institue une procédure de coopération directe entre la Cour et les juridictions des États membres. Dans le cadre de cette procédure, fondée sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, toute appréciation des faits de la cause relève de la compétence du juge national, auquel il appartient d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour, alors que la Cour est uniquement habilitée à se prononcer sur l’interprétation ou la validité d’un texte de l’Union à partir des faits qui lui sont indiqués par le juge national (arrêts du 16 juin 2015, Gauweiler e.a., C 62/14, EU:C:2015:400, point 15, ainsi que du 20 avril 2021, Repubblika, C 896/19, EU:C:2021:311, point 28).

38 En l’occurrence, et en partant de la prémisse que l’article 37 de l’ITA 2010 trouve à s’appliquer dans l’affaire au principal, il y a lieu de déterminer si l’octroi d’une réduction du montant de l’aide devant être récupérée auprès de Fossil (Gibraltar), sur le fondement de cette disposition, est de nature à compromettre l’exécution effective de l’ordre de récupération contenu dans la décision 2019/700.

39 À cet égard, il convient de rappeler que la suppression d’une aide illégale par voie de récupération est la conséquence logique de la constatation de son illégalité. Partant, l’État membre destinataire d’une décision l’obligeant à récupérer des aides illégales est tenu, en vertu de l’article 288 TFUE, de prendre toutes les mesures propres à assurer l’exécution de cette décision. Il doit parvenir à un recouvrement effectif des sommes dues aux fins d’éliminer la distorsion de concurrence causée par l’avantage concurrentiel procuré par l’aide illégale (arrêt du 24 janvier 2013, Commission/Espagne, C 529/09, EU:C:2013:31, points 90 et 91 ainsi que jurisprudence citée). Par la restitution, le bénéficiaire perd l’avantage dont il avait bénéficié sur le marché par rapport à ses concurrents et la situation antérieure à l’octroi de l’aide est rétablie (arrêt du 15 décembre 2005, Unicredito Italiano, C 148/04, EU:C:2005:774, point 113).

40 En vertu de l’article 16, paragraphe 3, du règlement 2015/1589, la récupération d’une aide déclarée illégale et incompatible avec le marché intérieur par une décision de la Commission doit, ainsi qu’il ressort également du considérant 25 de ce règlement, s’effectuer sans délai et conformément aux procédures prévues par le droit national de l’État membre concerné, pour autant que ces dernières permettent l’exécution immédiate et effective de ladite décision, une telle condition reflétant les exigences du principe d’effectivité consacré par la jurisprudence de la Cour (voir, par analogie, arrêt du 24 janvier 2013, Commission/Espagne, C 529/09, EU:C:2013:31, point 92 et jurisprudence citée).

41 Aux fins du calcul du montant de l’aide à récupérer, le juge national doit prendre en considération l’ensemble des éléments pertinents portés à sa connaissance. Il ne saurait être exclu que, eu égard à l’ensemble de ces éléments, ce calcul effectué par le juge national fasse apparaître un montant de l’aide inférieur à celui qui résulte de la prise en compte isolée de la décision de la Commission ordonnant la restitution de l’aide déclarée incompatible avec le marché intérieur, voire un montant égal à zéro (voir, en ce sens, arrêt du 13 février 2014, Mediaset, C 69/13, EU:C:2014:71, points 36 et 37).

42 La Cour a ainsi précisé que le rétablissement de la situation antérieure signifie le retour, autant que possible, à la situation qui aurait prévalu si les opérations en cause avaient été réalisées sans octroi de la mesure d’aide litigieuse (voir, en ce sens, arrêt du 15 décembre 2005, Unicredito Italiano, C 148/04, EU:C:2005:774, point 117).

43 Si les montants à restituer ne sauraient être déterminés en considération d’opérations hypothétiques qui auraient pu être mises en œuvre par les entreprises si elles n’avaient pas opté pour la forme d’opération assortie de l’aide, les bénéficiaires d’un régime d’aide peuvent, au stade de la récupération, se prévaloir des déductions et réductions prévues par le droit national s’il est avéré, eu égard aux opérations concrètement réalisées, qu’ils étaient effectivement en droit d’en bénéficier. En effet, le rétablissement de la situation antérieure exige uniquement la prise en compte, au stade de la récupération de l’aide par les autorités nationales, du traitement fiscal le cas échéant plus favorable que celui de droit commun qui, en l’absence de l’aide illégale et en vertu de règles internes compatibles avec le droit de l’Union, aurait été accordé au titre de l’opération effectivement réalisée (voir, en ce sens, arrêt du 15 décembre 2005, Unicredito Italiano, C 148/04, EU:C:2005:774, points 114 à 119).

44 Cela étant précisé, s’agissant, en premier lieu, du point de savoir si la décision 2019/700 s’oppose en tant que telle à la réduction sollicitée au titre de l’article 37 de l’ITA 2010, il y a lieu de rappeler que, par cette décision, la Commission a déclaré illégaux et incompatibles avec le marché intérieur, d’une part, le régime accordé sous forme de non imposition des revenus générés par des intérêts passifs et par des redevances de propriété intellectuelle et, d’autre part, les mesures d’aides individuelles constituées de cinq décisions fiscales anticipées, parmi les 165 visées dans la décision de la Commission du 1er octobre 2014 d’étendre la procédure formelle d’examen visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, mentionnée au point 6 du présent arrêt.

45 En ce qui concerne les mesures prises sous la forme de non-imposition des revenus générés par des intérêts passifs et par des redevances de propriété intellectuelle, qui sont seules mises en cause dans l’affaire au principal, il ressort de la décision 2019/700 que ces mesures ont été qualifiées d’aides d’État interdites par l’article 107, paragraphe 1, TFUE notamment au motif qu’elles accordaient un avantage sélectif.

46 Il a en particulier été tenu compte de la circonstance que cette non imposition se heurtait au principe général selon lequel l’impôt sur les sociétés est collecté auprès de tous les assujettis qui perçoivent des revenus générés ou trouvant leur origine à Gibraltar. Il en résulte, selon la Commission, que « les revenus générés par des intérêts passifs et des redevances devraient normalement être soumis à l’impôt » (considérant 82 de la décision 2019/700). Or, l’allégement d’un impôt que les entreprises auraient autrement dû payer constituerait un avantage (considérant 83 de cette décision) a priori sélectif dans la mesure où il favorise principalement les groupes multinationaux (considérants 103 et 104 de ladite décision). La Commission a indiqué, au considérant 107 de la même décision, que, au regard d’une situation de non imposition, l’argument tiré de la nécessité de prévenir la double imposition ne tient pas « puisque l’entité (étrangère) imposable est généralement autorisée à déduire les intérêts ou les redevances aux fins de l’impôt ».

47 Il résulte de ces considérations que la décision 2019/700 se rapporte uniquement au constat selon lequel certaines catégories de revenus, en l’occurrence ceux générés par des intérêts passifs et des redevances de propriété intellectuelle, ne sont pas soumises à l’impôt sur les sociétés à Gibraltar.

48 Si la décision 2019/700 impose, dès lors, aux autorités nationales compétentes de récupérer l’impôt qui aurait dû être perçu en l’absence de l’exonération pour les revenus générés par des intérêts passifs et des redevances de propriété intellectuelle (considérant 223 de cette décision), elle ne traite pas, en revanche, de l’éventuelle faculté de se prévaloir des déductions et des réductions prévues par la législation de Gibraltar, qui auraient pu être appliquées lors du calcul de l’impôt dû. Ladite décision, et en particulier son considérant 226, ne fait donc pas obstacle à ce que, conformément au principe consacré par la jurisprudence citée au point 43 du présent arrêt, soit invoqué un mécanisme tel que celui prévu à l’article 37 de l’ITA 2010. Partant, elle ne remet pas davantage en cause la possibilité, pour l’administration fiscale de Gibraltar, en application de ce mécanisme, d’imputer des impôts afférents à des redevances de propriété intellectuelle acquittés à l’étranger sur l’impôt afférent à ces redevances devant être acquitté à Gibraltar.

49 Quant aux prises de position ressortant des courriers que la Commission a adressés aux autorités nationales dans le cadre des échanges visant à assurer l’exécution immédiate  et effective de la décision 2019/700, telles qu’elles sont mentionnées aux points 26 à 28 du présent arrêt, lesquelles ne figurent pas parmi les actes pouvant être adoptés sur le fondement du règlement 2015/1589, elles ne sauraient aboutir à compléter ou à modifier le contenu de cette décision et doivent être considérées comme dépourvues de toute valeur contraignante (voir, en ce sens, arrêt du 13 février 2014, Mediaset, C 69/13, EU:C:2014:71, points 24 à 28).

50 En deuxième lieu, il y a lieu d’examiner si la prise en compte, au stade de la récupération de l’aide, d’un crédit d’impôt octroyé sur le fondement de l’article 37 de l’ITA 2010 aboutit à compromettre l’efficacité de la décision 2019/700, en ce que cette prise en compte revient à placer Fossil (Gibraltar) dans une situation plus avantageuse que celle qui aurait prévalu si les opérations en cause avaient été réalisées sans l’octroi des mesures d’aides en cause au principal.

51 À cet égard, ainsi que l’énonce le considérant 25 du règlement 2015/1589, l’État membre concerné doit « prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir l’effet utile de la décision de la Commission » ordonnant la récupération d’une aide incompatible avec le marché intérieur.

52 En effet, ainsi qu’il a été rappelé au point 39 du présent arrêt, l’État membre en cause doit parvenir à une récupération effective des sommes dues aux fins d’éliminer la distorsion de concurrence causée par l’avantage concurrentiel procuré par les aides illégales. Si, certes, une telle exigence implique nécessairement qu’un État membre ne saurait contourner la portée d’une décision de la Commission par l’adoption de mesures compensatoires destinées à rendre inopérantes les conséquences de cette décision, elle ne saurait empêcher les bénéficiaires des aides en cause de se prévaloir, au stade de la récupération, des déductions et des réductions prévues par le droit national s’il est avéré, eu égard aux opérations concrètement réalisées, qu’ils étaient effectivement en droit d’en bénéficier à la date de ces opérations.

53 En particulier, ladite exigence ne compromet pas a priori la mise en œuvre d’un mécanisme, tel que celui prévu à l’article 37 de l’ITA 2010, permettant, en vue d’éviter la double imposition d’un même revenu, d’accorder une réduction d’impôt au regard de l’impôt acquitté par une personne morale ou physique dans un pays ou un territoire dans lequel ce revenu est généré ou trouve son origine.

54 En troisième et dernier lieu, il convient d’examiner si la décision 2019/700, qui qualifie le régime de non-imposition des revenus générés par des intérêts passifs et des redevances de propriété intellectuelle d’aide d’État en ce que, notamment, celui-ci s’écarte du principe de territorialité consacré par la législation fiscale de Gibraltar, implique, par extension, que l’article 37 de l’ITA 2010, dont Fossil (Gibralar) se prévaut dans l’affaire au principal, doit être assimilé à un tel régime et, par conséquent, être considéré comme une aide d’État interdite, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

55 Ainsi, dans le cas où, à la date des opérations en cause, Fossil (Gibraltar) pouvait effectivement se prévaloir de l’application de l’article 37 de l’ITA 2010, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, il convient d’examiner si l’imputation d’un impôt afférent à des redevances de propriété intellectuelle acquitté à l’étranger, prévue à cette disposition, est susceptible de constituer une aide d’État interdite, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

56 À cet égard, il convient de souligner que, conformément à la jurisprudence de la Cour, même s’il n’appartient pas à cette dernière de se prononcer, dans le cadre d’une procédure introduite en application de l’article 267 TFUE, sur la compatibilité de normes de droit interne avec le droit de l’Union ni d’interpréter des dispositions législatives ou réglementaires nationales, elle est toutefois compétente pour fournir à la juridiction de renvoi tous les éléments d’interprétation relevant du droit de l’Union qui peuvent permettre à celle-ci de trancher l’affaire dont elle est saisie. En matière d’aides d’État, la Cour peut notamment fournir au juge de renvoi les éléments d’interprétation lui permettant de déterminer si une mesure nationale peut être qualifiée d’aide d’État au sens du droit de l’Union (arrêt du 8 septembre 2011, Paint Graphos e.a., C 78/08 à C 80/08, EU:C:2011:550, points 34 et 35 ainsi que jurisprudence citée).

57 Or, il y a lieu de rappeler que la qualification d’une mesure nationale d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, requiert que toutes les conditions suivantes soient remplies. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre les États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage sélectif à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (arrêt du 6 octobre 2021, World Duty Free Group et Espagne/Commission, C 51/19 P et C 64/19 P, EU:C:2021:793, point 30 ainsi que jurisprudence citée).

58 S’agissant en particulier de mesures nationales conférant un avantage fiscal, il importe de relever qu’une mesure de cette nature qui, bien que ne comportant pas un transfert de ressources d’État, place les bénéficiaires dans une situation plus favorable que les autres contribuables est susceptible de procurer un avantage sélectif aux bénéficiaires et de constituer, partant, une « aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Ainsi, est notamment considérée comme une aide d’État une intervention qui allège les charges qui grèvent normalement le budget d’une entreprise et qui, de ce fait, sans être une subvention au sens strict du mot, est de même nature et a des effets identiques. En revanche, ne constitue pas une telle aide, au sens de cette disposition, un avantage fiscal résultant d’une mesure générale applicable sans distinction à tous les opérateurs économiques (arrêt du 16 mars 2021, Commission/Pologne, C 562/19 P, EU:C:2021:201, point 30 et jurisprudence citée).

59 Cela étant, en dehors des domaines dans lesquels le droit fiscal de l’Union fait l’objet d’une harmonisation, la détermination des caractéristiques constitutives de chaque impôt relève du pouvoir d’appréciation des États membres, dans le respect de leur autonomie fiscale, ce pouvoir devant, en tout état de cause, être exercé dans le respect du droit de l’Union. Il en va ainsi, notamment, de la détermination de son assiette et de son fait générateur (arrêt du 16 mars 2021, Commission/Pologne, C 562/19 P, EU:C:2021:201, point 38).

60 Or, comme l’a, en substance, relevé Mme l’avocate générale au point 59 de ses conclusions, décider quels sont les impôts étrangers qui peuvent être imputés sur la dette fiscale interne et à quelles conditions cette imputation est possible est une décision d’ordre général relevant du pouvoir d’appréciation des États membres dans la détermination des caractéristiques constitutives de l’impôt.

61 Une mesure telle que celle visée à l’article 37 de l’ITA 2010, qui tend à éviter les doubles impositions en prévoyant un mécanisme d’imputation des impôts payés par un contribuable à l’étranger sur ceux dont il est redevable à Gibraltar, relève, en principe, de l’autonomie fiscale des États membres et ne saurait être, sauf à établir qu’elle repose sur des paramètres discriminatoires, qualifiée d’aide d’État interdite, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Dans ce contexte, il importe de rappeler que le droit de l’Union en cette matière vise seulement la suppression des avantages sélectifs dont pourraient bénéficier certaines entreprises au détriment d’autres qui seraient placées dans une situation comparable (arrêt du 16 mars 2021, Commission/Pologne, C 562/19 P, EU:C:2021:201, point 41).

62 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que la décision 2019/700 doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à ce que les autorités nationales en charge de la récupération, auprès du bénéficiaire, d’une aide illégale et incompatible avec le marché intérieur fassent application d’une disposition nationale prévoyant un mécanisme d’imputation des impôts acquittés par ce bénéficiaire à l’étranger sur ceux dont il est redevable à Gibraltar, dans l’hypothèse où il apparaît que cette disposition trouvait à s’appliquer à la date des opérations en cause.

Sur les dépens

63 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit :

La décision (UE) 2019/700 de la Commission, du 19 décembre 2018, concernant l’aide d’État SA.34914 (2013/C) mise à exécution par le Royaume-Uni en ce qui concerne le régime d’imposition des sociétés de Gibraltar,

doit être interprétée en ce sens que :

elle ne s’oppose pas à ce que les autorités nationales en charge de la récupération, auprès du bénéficiaire, d’une aide illégale et incompatible avec le marché intérieur fassent application d’une disposition nationale prévoyant un mécanisme d’imputation des impôts acquittés par ce bénéficiaire à l’étranger sur ceux dont il est redevable à Gibraltar, dans l’hypothèse où il apparaît que cette disposition trouvait à s’appliquer à la date des opérations en cause.