CA Bordeaux, 2e ch. civ., 10 septembre 2013, n° 12/04548
BORDEAUX
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Siemens Lease Services (SAS)
Défendeur :
Conseil départemental de l'Ordre des masseurs kinésithérapeutes de Charente
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme O'yl
Conseillers :
M. Bancal, Mme Rouger
- Vu le jugement du tribunal de grande instance d'ANGOULEME en date du 11 juillet 2012
- Vu la déclaration d'appel de la SAS SIEMENS LEASE SERVICES en date du 30 juillet 2012
- Vu ses conclusions récapitulatives déposées et signifiées le 18 avril 2013
- Vu les conclusions de la SCP S. B. es qualités de mandataire de madame L. et du conseil départemental de l'ordre des masseurs kinésithérapeutes de Charente déposées et signifiées le 27 novembre 2012
- Vu l'avis du ministère public en date du 22 mars 2013 qui s'en rapporte
Par jugement en date du 24 septembre 2010 le tribunal de grande instance d'ANGOULEME a ouvert à l'encontre de madame L., kinésithérapeute, une procédure de redressement judiciaire, la SCP S. B. étant désignée en qualité de mandataire et la date de cessation des paiements fixée provisoirement au 8 juillet 2010 :
Par jugement en date du 4 novembre 2011 la date de cessation des paiements a été fixée au 24 mars 2009 ;
La SAS SIEMENS LEASE SERVICES qui avait par ordonnance de référé en date du 19 mars 2007 obtenu la condamnation de madame L. à lui restituer du matériel informatique donné en crédit bail et à lui payer une provision de 32 363.76 € avec intérêts à compter du 19 février 2007 outre 400 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile a en vertu de cette décision fait pratiquer par ministère de maitre B., huissier de justice, d'une part une saisie attribution le 10 juillet 2010 entre les mains de maitre F., notaire à SAINT CYBARD, et d'autre part le 20 juillet 2010 une saisie attribution entre les mains de la CPAM d'ANGOULEME ;
Le 24 novembre 2010 la SAS SIEMENS LEASE SERVICES a déclaré sa créance à hauteur de 102 308.51 € auprès de la SCP S. B. es qualités ;
Le 17 octobre 2011 la SCP S. B. es qualités a fait assigner la SAS SIEMENS LEASE SERVICES sur le fondement des dispositions de l'article L 632-2 du code de commerce pour obtenir la nullité des saisies attributions pratiquées les 10 et 20 juillet 2010 ;
Par le jugement critiqué le tribunal de grande instance d'ANGOULEME a :
- prononcé la nullité de ces deux saisies attributions
- annulé en conséquence tous les actes subséquents ;
La SAS SIEMENS LEASE SERVICES qui a relevé appel demande à la cour de :
- constater qu'elle n'a pas une connaissance personnelle de l'état de cessation des paiements de madame L.
En conséquence,
- réformer le jugement déféré
En toute hypothèse,
- condamner la SCP S. en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de madame L. à lui payer une somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Elle fait essentiellement valoir que le fait que l'huissier de justice, maitre B., qu'elle a mandaté pour recouvrer sa créance, ait connu l'état de cessation des paiements de madame L. compte tenu des très nombreuses mesures conservatoires ou d'exécution qu'elle a pratiquées pour le compte de divers créanciers, n'implique pas sa propre connaissance personnelle de cet état de cessation des paiements compte tenu du secret professionnel auquel est tenu l'huissier de justice ;
La SCP S. B. es qualités demande à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance d'ANGOULEME
Y ajoutant,
- condamner la SAS SIEMENS LEASE SERVICES à lui payer es qualités la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
Elle explique que maitre B. mandatée par l'appelante est intervenue depuis plusieurs années dans l'intérêt de nombreux créanciers et connaissait l'état de cessation des paiements de madame L. au moment où elle a diligenté les saisies attributions litigieuses ; le fait qu'elle ait agi en qualité de mandataire de la SAS SIEMENS LEASE SERVICES implique que les informations portées à sa connaissance ont été aussi portées à la connaissance de sa mandante ; le fait que maitre B. ait pratiqué a procédé à dix saisies attributions le 12 juillet 2010 à la requête de 10 créanciers différents démontre qu'elle a fait partager à l'ensemble des créanciers dont elle était la mandataire les informations qu'elle avait reçues de l'un d 'entre eux qui l'avait informée de ce que madame L. était susceptible de bénéficier d'une succession ; enfin elle souligne qu'il entre dans le devoir de l'huissier d'informer son mandant des nombreuses mesures d'exécution dont fait l'objet son débiteur et de son état de cessation des paiements ;
Madame L. régulièrement et à laquelle les conclusions de la SAS SIEMENS LEASE SERVICES et de la SCP S. B. ont été signifiées ne comparait pas ; il sera statué par arrêt réputé contradictoire ;
Tout avis à tiers détenteur, toute saisie attribution ou toute opposition peut être annulé lorsqu'il a été délivré ou pratiqué par un créancier à compter de la date des cessations des paiements et en connaissance de celle-ci ;
Il est acquis que le créancier doit avoir une connaissance personnelle de l'état de cessation des paiements de son débiteur et que la nullité encourue n'est que facultative ;
La date de cessation des paiements de madame L. a été fixée au 24 mars 2009;les deux saisies attributions litigieuses ont été pratiquées les 12 et 20 juillet 2010 à savoir pendant la période suspecte et sont donc susceptibles d'annulation ;
Les nombreuses mesures conservatoires ou d'exécution diligentées par maItre B., huissier de justice, en sa qualité de mandataire d'une dizaine de créanciers au préjudice de madame L., telles que rappelées par le premier juge et restée infructueuses, établissent que celle-ci connaissait parfaitement son état de cessation des paiements lorsqu'elle a pratiqué les saisies attributions critiquées ;
Maitre B. en sa qualité de mandataire, a certes diligenté ces mesures d'exécution au nom et pour le compte de la SAS SIEMENS LEASE SERVICES ; toutefois la parfaite connaissance qu'avait maître B. de cet état de cessation des paiements n' induit pas celle de son mandant ; en effet ainsi que le fait valoir l'appelante l'huissier de justice en sa qualité d'officier public et ministériel dépositaire par sa profession des secrets qu'on lui confie est soumis au secret professionnel lequel fait obstacle à la divulgation des informations qu'il a pu recueillir dans le cadre des mandats qui lui ont été confiés ; il n'est pas démontré qu'elle ait failli à son devoir ;
Certes la SAS SIEMENS LEASE SERVICES avait précédemment par le ministère de maître B. :
- le 9 novembre 2007 fait délivrer un commandement aux fins de saisie vente
- le 30 janvier 2008 fait dresser un procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation
- le 28 décembre 2008 fait pratiquer une saisie attribution ;
Ces mesures sont restées vaines mais elle se limitent à témoigner des difficultés financières rencontrées par madame L. qui n'était pas alors en état de cessation des paiements ;
En conséquence il n'est pas démontré qu'au moment où les saisies attributions litigieuses ont été pratiquées la SAS SIEMENS LEASE SERVICES ait eu une connaissance personnelle au sens de l'article 632-2 du code de commerce de l'état de cessation des paiements de sa débitrice ;
Le jugement déféré sera en conséquence réformé ;
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
la Cour, statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire prononcé par sa mise à disposition au greffe,
- réforme le jugement déféré
Statuant à nouveau,
- déboute la SCP S. B. de sa demande d'annulation des saisies attributions pratiquées les 10 et 20 juillet 2010 par la SAS SIEMENS LEASE SERVICES au préjudice de madame L.
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile
- dit que les dépens seront employés en frais de procédure collective.