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Décisions

Cass. crim., 6 septembre 2000, n° 99-87.552

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

Pau, du 09 nov. 1999

9 novembre 1999

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 388 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Xavier X... coupable d'abus de confiance commis par un officier public et ministériel, et l'a condamné à la peine d'un an d'emprisonnement avec sursis ;

" aux motifs qu'il ressort du rapport d'inspection effectué le 12 avril 1995 par le conseil national des greffiers des tribunaux de commerce que les sommes dues par Xavier X... au titre du compte bancaire " greffe " et des dettes de gestion du greffe dépassaient la somme de 320 000 francs ; qu'il est établi par le rapport de l'expert, M. Y..., du 4 avril 1996, que, de l'année 1989 au 28 février 1995, les fonds détenus pour le compte de tiers n'étaient pas disponibles en l'état de la trésorerie du greffe, sauf en novembre 1989 et en juin 1991 ;

" alors que les juges correctionnels ne peuvent statuer légalement que sur les faits relevés dans l'acte qui les a régulièrement saisis ; que l'ordonnance de renvoi ne visait que des faits d'abus de confiance commis entre décembre 1994 et le 28 février 1995, et concernant le défaut de représentation des sommes de 98 166 francs et de 10 055 francs dues au BODACC et à l'INPI ; qu'en se prononçant, pour retenir le délit d'abus de confiance, sur des dettes dépassant la somme de 320 000 francs, et des faits commis de l'année 1989 au 28 février 1995, la cour d'appel a excédé sa saisine et violé les textes susvisés " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, si les juges font état dans leurs motifs de certaines constatations exposées au moyen, le prévenu n'a été déclaré coupable que des faits visés à la prévention tant par le tribunal que par la cour d'appel qui a confirmé le jugement ;

D'où il suit que le moyen manque en fait ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 314-1 et 314-3 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Xavier X... coupable d'abus de confiance commis par un officier public et ministériel, et l'a condamné de ce chef ;

" aux motifs que Xavier X... devait reverser les fonds reçus par des particuliers et destinés au BODACC et à l'INPI quasi immédiatement, ce qu'il ne pouvait faire en l'espèce, les fonds étant affectés à d'autres fins que celle à laquelle ils étaient destinés, ce qui empêchait le versement à leurs destinataires normaux, même s'il existait une possibilité de régularisation ; qu'il s'ensuit qu'il y a bien eu détournement, révélé par le caractère systématique du retard excessif ; que, de la conjonction entre cette façon d'opérer et le manque de liquidités dans la trésorerie du greffe, se déduit l'intention délictuelle de Xavier X... ;

" alors que l'abus de confiance n'existe qu'autant qu'il y a eu, de la part du prévenu, intention frauduleuse de s'approprier la chose d'autrui ; qu'en se bornant à relever un usage abusif, par le greffier, des fonds versés par des particuliers, et le caractère systématique de leur reversement tardif au BODACC et à l'INPI du fait de cet usage abusif, sans caractériser un véritable détournement, ni une intention frauduleuse de s'approprier ces fonds, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'élément intentionnel du délit d'abus de confiance " ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 314-1 et 314-3 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Xavier X... coupable d'abus de confiance commis par un officier public et ministériel, et l'a condamné de ce chef ;

" aux motifs que, selon le rapport d'expertise déposé le 25 avril 1997, alors que l'article 76 du décret du 30 mai 1984 fixe à 8 jours le délai de rétrocession au BODACC des fonds remis aux greffiers et que l'article 24 de l'arrêté du 9 février 1988 prévoit un règlement à l'INPI dans les 15 jours pour ce qui est des émoluments perçus pour le compte de cet organisme, les versements intervenaient certes mais avec retard ; que, ces fonds étant affectés à un usage déterminé, Xavier X... devait pouvoir les représenter à tout moment à compter de leur exigibilité, ce qu'il n'était pas en mesure de faire, eu égard à l'état de la trésorerie de son greffe ; que les retards ci-dessus notés, par leur caractère excessif et quasi systématique, se présentent comme la manifestation d'une indisponibilité, due à la circonstance que les fonds étaient affectés à d'autres fins que celle à laquelle ils étaient destinés, ce qui empêchait tout versement à leur destinataire dans les délais normaux, même s'il existait une possibilité de régularisation ; que le détournement s'avère ainsi caractérisé dans son élément matériel, révélé par le caractère systématique du retard excessif ; que le BODACC et l'INPI, par les retards de règlement dus à l'indisponibilité de la somme, subissaient nécessairement un préjudice, et se trouvaient éventuellement exposés à divers tracas de la part de commerçants ;

" alors, d'une part, qu'un greffier du tribunal de commerce, qui reçoit des provisions pour le paiement des frais, droits, débours et émoluments afférents aux actes ou formalités de son ministère, comprenant des sommes à reverser au BODACC ou à l'INPI, ne détient pas ces fonds (qui entrent dans les recettes du greffe et sont déposés sur le compte " étude ", et non sur un compte séquestre) pour le compte de ces organismes, et n'a pas à les représenter ; qu'il s'ensuit que l'impossibilité de représenter à tout moment ces fonds ne sauraient être constitutive d'abus de confiance ; qu'en estimant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

" alors, d'autre part, que, même à supposer l'existence d'une obligation de représentation, le seul retard de reversement des sommes dues au BODACC ou à l'INPI, fût-il important et fréquent, ne saurait caractériser un détournement, élément essentiel et constitutif du délit d'abus de confiance ; qu'en déduisant le prétendu détournement du " caractère systématique du retard excessif ", la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

" alors, de surcroît, que les délais impartis par les articles 76 du décret du 30 mai 1984 et 24 de l'arrêté du 9 février 1988 ne sont assortis d'aucune sanction ; qu'en qualifiant néanmoins d'abus de confiance le dépassement de ces délais, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

" alors, enfin, que le délit d'abus de confiance n'est constitué que si les choses ont été détournées au préjudice de leurs propriétaires, possesseurs ou détenteurs ; que la réception, par le greffier, des provisions comprenant les sommes à reverser au BODACC et à l'INPI ne confère à ces organismes aucune de ces qualités, mais oblige seulement le greffier, après achèvement de la formalité, à payer les frais d'insertion ; qu'il s'ensuit que le retard dans le paiement des sommes dues au BODACC et à l'INPI ne saurait être de nature à créer un préjudice à ces organismes, au sens de l'article 314-1 du Code pénal ; qu'en déclarant néanmoins Xavier X... coupable d'abus de confiance, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que l'inspection effectuée au greffe du tribunal de commerce d'Oloron-Sainte-Marie, dont Xavier X... avait la charge, a montré que les sommes dues par celui-ci, au titre du compte bancaire et des dettes de gestion du greffe, dépassaient 320 000 francs et que l'expertise ordonnée par le juge d'instruction a établi que les fonds détenus pour compte de tiers n'étaient que rarement disponibles en l'état de la trésorerie, que les prélèvements personnels du prévenu étaient supérieurs aux bénéfices du greffe, que les émoluments perçus pour le compte du BODACC et de l'INPI n'étaient reversés à ces organismes que dans un délai entre 50 et 100 jours au lieu des 8 ou 15 jours prévus par les textes et qu'au moment de la mise en examen du prévenu, les sommes à reverser au BODACC s'élevaient à 98 166 francs et celles dues à l'INPI à 10 693 francs ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu, en sa qualité de greffier du tribunal de commerce, coupable d'avoir détourné au préjudice du BODACC et de l'INPI, les sommes précitées qui lui avaient été remises à charge de les représenter ou d'en faire un usage déterminé, les juges du second degré énoncent que les fonds qui lui étaient confiés en vue de les remettre au BODACC et à l'INPI, étaient ainsi affectés à un usage déterminé, qu'il devait pouvoir les représenter à tout moment à compter de leur exigibilité, et qu'il n'était pas en mesure de le faire en l'état de la trésorerie de son greffe, même si par la suite, existait une possibilité de régularisation ;

Qu'ils ajoutent qu'il n'y a pas eu seulement usage abusif ou prolongé de ces fonds mais bien détournement révélé par le caractère systématique du retard excessif érigé en pratique de fonctionnement, que de cette façon d'opérer se déduit l'intention délictueuse du prévenu qui utilisait en pleine connaissance de cause des fonds remis par des particuliers à des fins étrangères à celles prévues et que le BODACC et l'INPI, par les retards de règlement, subissaient nécessairement un préjudice et pouvaient être exposés à divers tracas de la part de commerçants ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, qui caractérisent sans insuffisance ni contradiction tous les éléments, tant matériels qu'intentionnel, du délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine des juges du fond, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;