Cass. crim., 19 février 1990, n° 89-82.783
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 406 et 408 du Code pénal, et de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué, réformant le jugement déféré, a déclaré recevable la constitution de partie civile de l'agent judiciaire du Trésor public, et avant dire droit sur le montant du dommage subi par la DAAT, a ordonné une expertise comptable ;
" aux motifs qu'" il n'est pas contesté que par contrats de marchés conclus en 1983, 1984 et 1985 avec la DAAT, Claude X..., gérant de la SARL Y... et X..., s'est engagé à fabriquer, pour le compte de cette administration, des trappes de trottoirs et de parkings ; qu'il a été également convenu en se référant au cahier des charges qu'il stockerait le matériel fabriqué, gratuitement, sur une aire de stockage lui appartenant ; qu'il apparaît, au vu des pièces du dossier et après le constat du 15 novembre 1985, qu'un certain nombre de trappes manquait et que X... à qui un délai de quelques mois était imparti pour en fabriquer, n'a pu les remettre à la DAAT ; que X... s'était engagé à recevoir en dépôt ces trappes après fabrication, et avait donc l'obligation de les restituer à son cocontractant ; que la clause du cahier des charges prévoyant qu'au-delà d'1 an de stockage, la responsabilité du constructeur n'était plus engagée, n'avait pas pour conséquence de le dispenser de cette restitution, mais d'exclure sa responsabilité de gardien en cas de disparition du matériel déposé, du fait d'autrui ; qu'en outre, X... savait que la convention conclue avec la DAAT l'obligeait à remettre le matériel fabriqué ; que les éléments constitutifs de l'infraction étant réunis, c'est donc à tort que les premiers juges ont relaxé X... des fins de la poursuite ; que l'agent judiciaire du Trésor est donc fondé à demander la réparation de son préjudice, mais que la Cour ne possède pas en l'état de la cause tous les éléments pour l'évaluer " (cf. arrêt p. 4) ;
" alors que le délit d'abus de confiance suppose la remise volontaire de la chose détournée, en vertu d'un des contrats visés par l'article 408 du Code pénal ; qu'en l'espèce la remise de la chose par la DAAT à X... en vertu d'un contrat de dépôt ne pouvait être effective qu'à compter de la réception technique des trappes par la DAAT valant transfert de propriété ; que, pour caractériser le délit d'abus de confiance, la cour d'appel s'est bornée à énoncer qu'un certain nombre de trappes manquait et que X... n'a pu les remettre à la DAAT ; qu'en statuant ainsi, sans constater que ces trappes ont réellement été fabriquées, puis réceptionnées et effectivement remises par la DAAT à compter de cette réception à X... à titre de dépôt, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
" alors que le délit d'abus de confiance implique la constatation du détournement ou de la dissipation frauduleuse de la chose remise, sans que le seul défaut de restitution puisse caractériser ce détournement ou cette dissipation ; qu'en se bornant encore à énoncer qu'un certain nombre de trappes manquait, que X... n'a pu les remettre à la DAAT et qu'il savait que la convention conclue avec la DAAT l'obligeait à remettre le matériel fabriqué, sans constater aucun fait de nature à caractériser le détournement frauduleux des trappes par X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que les juges répressifs ne peuvent déclarer le prévenu responsable des conséquences dommageables des faits qui lui sont reprochés qu'à la condition de justifier le caractère délictueux de ces faits en relevant tous les éléments constitutifs du délit reproché ;
Attendu que, pour déclarer X... responsable à l'égard de la partie civile victime d'un abus de confiance, l'arrêt se borne à constater qu'une clause du cahier des charges liant le prévenu à la direction de l'approvisionnement des ateliers de télécommunications l'obligeait, après stockage, à restituer les trappes métalliques de trottoir qu'il fabriquait, et qu'il n'a pu représenter, alors qu'un délai de 2 mois lui avait été imparti pour le faire, un certain nombre de trappes qui manquaient lors d'un inventaire établi le 15 novembre 1985 ;
Mais attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, et alors que le défaut de restitution, même après mise en demeure, ne suffit pas à caractériser le détournement, les juges du fond, qui n'ont pas davantage constaté la remise à titre de dépôt des trappes manquantes, ont méconnu le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 12 avril 1989, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Poitiers.