CA Paris, 1re ch. A, 26 février 1985, n° 18.395
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Assedic de Paris
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Grégoire
Conseillers :
M. Le Foyer de Costil, M. Gélineau-Larrivet
Avoués :
SCP Gaultier, SCP Garnier-Duboscq
Avocats :
Me Contant, Me Lafarge
M. X est appelant d’un jugement du Tribunal de grande Instance de Paris du 5 juillet 1983 qui l’a débouté de sa demande d’allocation spéciale de chômage au motif qu’il ne démontrait pas l'existence du contrat de travail dont il aurait été titulaire.
Il est constant qu’à compter du 1er mars 1965, M. X a rempli les fonctions dites de “Directeur commercial” et de "fondé de pouvoirs" de l'entreprise de tissage exploitée par la Société X & Cie, société en commandite par actions, dont sa mère, Mme X était l'actionnaire commanditée et la gérante statutaire.
M. X lui-même actionnaire commanditaire, fut membre du conseil de surveillance de novembre 1965 à septembre 1970, puis du 1er avril 1973 jusqu'à la liquidation de biens de la société prononcée par jugement du 22 septembre 1968. Le syndic, Me Y lui adressa une lettre de licenciement avec préavis prenant fin au 31 mars 1981, puis lui demanda son concours rémunéré pendant une période de trois mois.
Le TRIBUNAL a estimé que M. X avait “participé à la gestion” de cette société de famille "dans des conditions excluant toute possibilité d’un liens de subordination entra lui-même et l’un quelconque des dirigeants”.
A l’appui de son appel, M. X fait observer qu'il a été régulièrement engagé par la société comme directeur commercial en remplacement d’une personne décédée qui était étrangère à la famille X.
II soutient qu'il a toujours exercé ces fonctions sous l'autorité de sa mère et sans s'immiscer dans la gestion, le cumul d'un emploi salarié et de la qualité de membre du conseil de surveillance n'étant pas interdit par la loi. Il évalue à 46.906,55 francs le montant de l’indemnité de chômage qui lui serait due. II réclame en outre 5.000 francs de dommages-intérêts pour résistance abusive et 4.000 francs au titre de l’article 700 du N.C.P.C.
L'ASSEDIC de PARIS affirme qua la prohibition du cumul d'un emploi salarié et des fonctions de membre du Conseil de surveillance résulte, à défaut de texte légal, "des principes généraux applicables aux sociétés commerciales”.
Elle soutient qu'en tout cas I'immixtion de M. X dans la gestion des affaires sociales que révèleraient son poste de directeur et la détention d'une fraction importante du capital social exclut tout lien de subordination entre lui-même et la gérante commanditée. Le fait que la syndic se soit adressé à lui pour l'assister au cours des opérations de liquidation serait en outre révélateur, comme l’a estimé le Tribunal, de son rôle prépondérant au sein de l'entreprise.
Considérant que dès lors que le cumul invoqué par M. X n’est pas prohibé par un texte d’ordre public - dont l'ASSEDIC serait recevable à se prévaloir – il est sans intérêt pour la solution du présent litige que cette situation soit ou non admissible au regard du Droit des sociétés ; qu'il importe seulement de rechercher si en fait et en l’espèce, les fonctions de M. X étaient compatibles avec I'existence d’un véritable lien de subordination né du contrat de travail conclu par lui avec la Société X le 20 février 1965 ;
Considérant en premier lieu que les pouvoirs du conseil de surveillance se limitent à un contrôle de la gestion sociale avec interdiction de participer à celle-ci et qu’ils n'excluent donc pas en eux-mêmes la possibilité pour les membres du conseil d’être subordonnés au gérant poux l’accomplissement de tâches techniques au sein de l'entreprise ; que rien ne permet de supposer a priori que M. X ait outrepassé ces pouvoirs, puisque les opérations de liquidation de la société ont pris fin en décembre 1984 sans que lui ait été reproché aucun acte d’immixtion de nature à lui faire encourir la déchéance de la commandite ;
Considérant d'autre part que si la fraction du capital social détenue par M. X est passée de 13 % en 1973 à 24 % en 1979, il est toujours demeuré dans la position d'un actionnaire minoritaire sans rôle prépondérant à l'assemblée générale, où sa mère, sa soeur et sa mère [sic] disposaient à elles trois d’un nombre de voix très supérieur au sien ; qu'il ne peut donc être soutenu que M. X était le véritable maître de la société dont il aurait assuré la direction sous couvert de fonctions apparemment salariales ;
Considérant en outre que la direction commerciale de l'entreprise qui lui fut confiée en 1965, n’était pas un emploi fictif imaginé à son intention, mais correspond à un poste préexistant, que M. H. X avait créé en 1954, en même temps que deux autres postes de direction, et qui avait été successivement occupé jusqu’en 1965 par deux personnes étrangères à la famille X ; que d’ailleurs de la même manière, le frère de M. X avait été pendant quelques années employé par la société comme directeur techniques, poste dans lequel il avait été précédé et fut suivi par des personnes recrutées elles aussi hors de la famille ;
Considérant enfin que si les fonctions de directeur commercial et de fondé de pouvoirs comportent un mandat permettant à leur titulaire de traiter avec les clients de l'entreprise, de tels pouvoirs limités dans leur objet et délégués de façon habituelle aux salariés supérieurs pour l'exécution de leur contrat de travail ne sont pas de même nature que ceux que la loi confère au gérant en sa qualité d’organe de la société dont il assure la direction ;
Considérant que le concours que M. X a prêté au syndic de la liquidation a été sollicité par celui-ci en raison de sa connaissance des affaires de la société et non de sa situation juridique antérieure ; que l'argument avancé sur ce point par l'ASSEDIC ne peut être retenu ;
Considérant qu’il apparait dans ces conditions qua M. X a bien été, de 1965 à 1980, lié à la Société X et Cie par un contrat de travail et que sa demande d’allocation de chômage est en conséquence bien fondée ;
Considérant que le montant de la somme due à M. X n’est pas contesté ;
Considérant que l'ASSEDIC n’a commis aucun abus de procédure en résistant à la demande de M. X et qu’il n’est pas inéquitable de laisser à celui-ci la charge des frais qu’il a engagés;
Par ces motifs :
INFIRME le jugement entrepris ;
Condame l'ASSEDIC de PARIS à payer à M. X la somme de 46.908 francs avec intérêts de droit à compter du 15 novembre 1982 ;
Déboute M. X du surplus de ses demandes;
Condamne l’ASSEDIC aux dépens de première instance et d'appel;
Admet la S.C.P. GAULTIER KISTNER au bénéfice de l’article 699 du NCPC.