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Décisions

Cass. com., 30 juin 2004, n° 03-10.751

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rapporteur :

M. de Monteynard

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

Me Foussard, SCP Boré, Xavier et Boré, SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Boutet

Bordeaux, du 18 nov. 2002

18 novembre 2002

Attendu, selon l'arrêt confirmatif déféré et les productions, que la société MD emballages (société MD) a confié à la société Transports Saunier (société Saunier) l'acheminement de deux machines de sept tonnes depuis le Pas-de-Calais jusque dans les locaux de la société SEREM à Bordeaux ; qu'après un premier sinistre à l'occasion du chargement qui a été réglé par la société Transmalev, société de levage chargée du chargement, un second sinistre s'est produit le 20 octobre 1997 lors du déchargement ; que sur assignation de la société MD, une ordonnance de référé aux fins d'expertise a été prononcée le 5 mars 1998 à l'égard de la société Saunier et rendue commune à la société SEREM le 18 août 1998 ; que le 17 juin 1999, la société MD a assigné la société Saunier et M. X..., son administrateur judiciaire et la société Axa Corporate solutions (société Axa), son assureur, ainsi que la société SEREM et la société Transmalev en indemnisation de son préjudice ; que la société SEREM a soulevé la prescription de l'action introduite à son encontre par la société MD emballages ; que la cour d'appel a déclaré prescrite l'action de la société MD emballages contre la société Saunier et l'action de la société SEREM contre la société MD emballages et débouté les parties de leurs autres demandes ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société MD reproche à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :

1 ) que s'agissant d'envois de trois tonnes ou plus, c'est au destinataire qu'incombe l'exécution matérielle du déchargement ; qu'il s'ensuit qu'en la matière, la livraison doit être regardée comme ayant été accomplie dès l'instant où le transporteur a mis le destinataire en mesure d'accéder à la marchandise pour procéder au déchargement, par exemple en ouvrant les portes du véhicule de transport ; qu'en décidant, en l'espèce, que la livraison n'avait pas eu lieu et en comprenant ainsi, dans le périmètre du contrat de transport, les opérations de déchargement, la cour d'appel a violé les articles L. 133-1 et L. 133-6 du Code de commerce ensemble l'article 7-1 du contrat type général, tel qu'approuvé par le décret du 7 avril 1988, applicable à la cause, et l'article 25 de la loi n° 95-97 du 1er février 1995 ;

2 ) que dès l'instant que la livraison doit être regardée comme ayant été effectuée, le contrat de transport ne reprend pas vie du simple fait que le transporteur a été conduit, sur ordre du destinataire, à manoeuvrer le véhicule au cours des opérations de déchargement, et à seule fin de les faciliter ; qu'en rattachant l'avarie s'étant produite à l'occasion d'une telle manoeuvre à l'exécution même du contrat de transport, la cour d'appel a violé les articles L. 133-1 et L. 133-6 du Code de commerce ensemble l'article 7-1 du contrat type général, tel qu'approuvé par le décret du 7 avril 1988, applicable à la cause, et l'article 25 de la loi n° 95-97 du 1er février 1995 ;

Mais attendu que dès lors que la livraison, qui met fin à l'exécution du contrat de transport, s'entend de la remise physique de la marchandise au destinataire ou à son représentant qui l'accepte, l'arrêt, en retenant, par motifs adoptés, que le sinistre a eu lieu alors que, conseillé par un préposé de la société SEREM, le chauffeur a manoeuvré son camion pour se présenter en marche arrière et que la marchandise, qui avait été désarrimée, a été déséquilibrée et a chuté sans que la société SEREM ne l'ait appréhendée matériellement, a pu en déduire que la livraison n'avait pas encore été effectuée et statuer comme il a fait ;

que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles 2244 du Code civil et L. 133-6 du Code de commerce ;

Attendu qu'une assignation en référé aux fins de rendre commune à un tiers les opérations d'expertise précédemment ordonnées interrompt la prescription à l'égard de ce tiers jusqu'à ce que le litige ait trouvé sa solution, c'est-à-dire jusqu'à la décision rendant communes les opérations d'expertise ;

Attendu que pour déclarer prescrite l'action de la société MD à l'encontre de la société SEREM, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que le délai de l'article L. 133-6 a commencé à courir le 20 octobre 1997, que la société Saunier n'était pas partie à la procédure de référé ayant fait l'objet de l'ordonnance du 18 août 1998, que la prescription a recommencé à courir au jour de l'ordonnance nommant l'expert judiciaire, soit le 5 mars 1998, cette décision ayant mis fin à l'instance en référé engagée par la société MD contre la société Saunier et que l'assignation au fond du 21 juin 1999 est tardive ;

Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que le délai de prescription annale avait commencé à courir à l'encontre de la société SEREM le 27 octobre 1997, qu'une ordonnance de référé aux fins de rendre commune à la société SEREM les opérations d'expertise avait été rendue le 18 août 1998 à la demande de la société MD tandis que l'assignation au fond de la société MD à l'encontre de la société SEREM avait été délivrée à cette dernière le 21 juin 1999, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté de sa demande la société MD emballages à l'encontre de la société SEREM, l'arrêt rendu le 18 novembre 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen.