Cass. 1re civ., 2 mars 2004, n° 01-13.767
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lemontey
Attendu que, le 30 décembre 1991, la SCI l'Avenir, constituée le 17 décembre 1991 entre Mme X... et ses deux enfants, Y... et Z... A..., a acquis quatre appartements de la SCI Les Beaux Sites, dirigée par M. B..., pour un prix de 3 856 000 francs, intégralement financé par un prêt accordé par M. B... et correspondant à un débit de son compte courant dans la SCI Les Beaux Sites ; que M. B... a été mis en liquidation judiciaire le 27 mai 1993, M. C... étant désigné en qualité de liquidateur ; que la date de cessation des paiements a été fixée au 27 novembre 1991 ; que M. C... a assigné la SCI l'Avenir et Mme X... tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'administratrice légale des biens de ses enfants mineurs aux fins de voir ordonner, sur le fondement de l'article 107 de la loi du 25 janvier 1985, devenu l'article L. 621-107 du Code de commerce, le transfert à son profit, à titre gratuit, de l'ensemble des parts sociales de la SCI l'Avenir, et voir condamner les associés à lui restituer l'intégralité des sommes perçues de la SCI depuis sa constitution ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Rouen, 23 mai 2001) d'avoir accueilli cette demande, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en qualifiant le prêt de donation déguisée sans constater l'accord des parties pour dispenser l'emprunteur de tout remboursement, alors que le prêt devait être remboursé au plus tard le 31 décembre 2006 et que M. B... avait demandé des remboursements anticipés, la cour d'appel aurait privé sa décision de base légale au regard des articles 894, 1902, 1899 du Code civil et L. 621-107 du Code de commerce ;
2°/ qu'en décidant que le prêt devait être requalifié en donation et annulé, alors que Mme X... faisait valoir qu'elle avait déjà remboursé un total de 839 338 francs avant l'ouverture de la procédure collective à l'encontre de M. B..., la cour d'appel aurait privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L. 621-107 du Code de commerce ;
3°/ qu'en ordonnant le transfert, à titre gratuit, de l'ensemble des parts sociales de la SCI l'Avenir détenues par Mme X... et ses deux enfants au profit de M. C..., ès qualités, et en les condamnant tous trois, en leur qualité d'associés de la SCI l'Avenir, à restituer à M. C... l'ensemble des sommes perçues de la SCI depuis sa constitution, la cour d'appel aurait violé les articles 1134, 1165 et 1304 du Code civil ainsi que l'article L. 621-107 du Code de commerce ;
4°/ qu'en énonçant aucun motif susceptible de caractériser la fictivité de la SCI l'Avenir permettant de nier sa personnalité juridique et de considérer que ce sont ses associés qui ont agi à travers elle et qui doivent, en conséquence, répondre personnellement des actes passés au nom de la société, la cour d'appel aurait violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que l'acquisition des quatre appartements par la SCI l'Avenir avait été financée en totalité par un prêt qui ne prévoyait aucun intérêt, ne comportait aucun échéancier, et ne stipulait pas d'autre obligation pour l'emprunteuse que le remboursement du capital au terme d'un délai de quinze ans, que les remboursements allégués n'étaient pas établis, et que M. B... avait indiqué dans un courrier adressé à Mme X..., après leur rupture, qu'il pourrait à tout moment reprendre les appartements par simple transfert d'actions, la cour d'appel, appréciant souverainement l'intention des parties, a estimé que celui-ci n'avait jamais eu la volonté de réclamer à Mme X... un remboursement quelconque, que le prêt s'inscrivait dans le cadre d'une opération ayant pour finalité de permettre à M. B..., alors déjà en état de cessation des paiements, de distraire au détriment de ses créanciers une partie de son patrimoine et de celui de la SCI Les Beaux Sites, en gratifiant sa compagne, Mme X..., et ses enfants, par l'intermédiaire de la SCI l'Avenir, et constituait, en réalité, une donation déguisée à leur profit, frappée de nullité dès lors qu'elle avait été faite depuis la date de la cessation des paiements, la cour d'appel a donc légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.