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Décisions

Cass. com., 9 janvier 1996, n° 93-14.933

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

Mme Pasturel

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde, SCP Ghestin

Rouen, du 15 avr. 1993

15 avril 1993

Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 15 avril 1993), que la société Diesel énergie, mise en redressement judiciaire le 30 novembre 1989 avec une date de cessation des paiements ultérieurement reportée au 12 juillet 1988, avait, les 11 et 12 octobre 1989, émis deux chèques au profit de la société Banque de Bruxelles Lambert France (la banque) ; qu'invoquant l'article 108 de la loi du 25 janvier 1985, M. X..., ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Diesel énergie, ainsi que de la société Houvenaghel, a demandé l'annulation de ces paiements ; que la banque a fait valoir que les deux paiements correspondaient à des encaissements effectués par la société Diesel énergie au titre de créances professionnelles précédemment cédées en application de la loi du 2 janvier 1981 ;

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande de l'Administration, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'article 5 de la loi du 2 janvier 1981 confère, en même temps qu'au cessionnaire, la propriété de la créance, la qualité de mandataire du cédant, dont le mandat est, comme la cession elle-même et par le seul effet de la loi, opposable aux tiers ; qu'il s'ensuit qu'en décidant qu'elle ne pouvait opposer aux créanciers de la société Diesel énergie la qualité de mandataire de celle-ci, agissant en son nom pour son compte, la cour d'appel a violé ledit texte ; alors, d'autre part, que le principe de l'égalité des créanciers ne saurait, par lui-même, justifier l'annulation des paiements effectués par le débiteur après la date de cessation des paiements, dès lors que le juge dispose à cet égard d'un pouvoir de décision qu'il exerce en opportunité et abstraction faite de tout principe de droit ; qu'en se fondant sur ce principe pour annuler les encaissements en cause, la cour d'appel, qui n'a pas ainsi fait apparaître qu'ils auraient causé aux créanciers un préjudice effectif, ce qu'elle contestait, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions de l'article 108 de la loi du 25 janvier 1985 ; alors, en outre, que dans ses conclusions elle soutenait que les versements effectués n'avaient pu causer aucun préjudice aux créanciers de la société Diesel énergie, qui n'avait subi aucun appauvrissement en transférant à sa mandante des fonds qui ne lui appartenaient pas, pour ne lui avoir été remis qu'en sa qualité de mandataire ; qu'en s'abstenant de toute réponse à ce moyen tendant à établir l'inexistence de la condition tenant à l'existence du préjudice, à laquelle est subordonné l'exercice du pouvoir reconnu aux juges par l'article 108 de la loi du 25 janvier 1985, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin et en tout état de cause, que l'article 108 précité, en ce qu'il permet au juge d'annuler ou de ne pas annuler les paiements effectués après la date de cessation des paiements et lui donne, ainsi, un pouvoir d'appréciation, lui impose de statuer en fait et compte tenu des circonstances particulières de l'espèce ; qu'en décidant exclusivement, pour des raisons de droit et sans tenir compte de la situation particulière des parties et, notamment, de l'absence de préjudice des créanciers que signalaient ses conclusions, la cour d'appel, qui n'a pas exercé les pouvoirs que l'article 108 de la loi du 25 janvier 1985 réserve aux juges, a violé ledit texte ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article 108 de la loi du 25 janvier 1985 les paiements pour dettes échues effectués après la date de cessation des paiements et les actes à titre onéreux accomplis après cette même date peuvent être annulés si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de la cessation des paiements ; qu'en vertu des articles 1er et 110 de la même loi, l'action en nullité a pour effet de reconstituer l'actif du débiteur ; qu'il s'ensuit que les juges du fond, pour prononcer la nullité prévue à l'article 108 de la loi du 25 janvier 1985, ne sont pas tenus de constater l'existence d'un préjudice subi par le débiteur ou par ses créanciers ;

Attendu que l'arrêt relève, d'un côté, que les paiements litigieux ont été effectués après la date de cessation des paiements de la société Diesel énergie et, d'un autre côté, que la banque avait connaissance de l'état de cessation des paiements de la société Diesel énergie lors des paiements effectués ; qu'en l'état de ces seules constatations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre aux conclusions inopérantes dont fait état la deuxième branche, n'a fait, en annulant les paiements litigieux, qu'user des pouvoirs qu'elle tient de l'article 108 ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.