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Décisions

Cass. com., 21 novembre 1995, n° 93-21.303

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Tricot

Avocat général :

M. Mourier

Avocats :

SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde, Me Bertrand

Versailles, du 30 sept. 1993

30 septembre 1993

Attendu, selon l'arrêt déféré (Versailles, 30 septembre 1993), que MM. Fabrice, Thierry et Daniel A... et Mme Elisabeth A... (les consorts A...) ayant cédé à la société Groupe A... les actions qu'ils détenaient dans la société Image et Stratégie, le prix en a été versé, le 31 décembre 1987, à un compte courant ouvert à leur nom dans les livres de la société Groupe A... ; que le 21 octobre 1988, les consorts A... se sont fait rembourser par la société Groupe A... le montant de leur compte courant ; qu'après l'ouverture du redressement judiciaire de la société Groupe A... le 19 décembre 1988, le tribunal, qui a prononcé la liquidation judiciaire de cette société, a fixé au 18 juin 1987 la date de la cessation des paiements ; que le liquidateur judiciaire a demandé l'annulation des paiements effectués par la société Groupe A... et la restitution des fonds ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que les consorts A... reprochent à l'arrêt d'avoir accueilli les demandes alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'article 108 de la loi du 25 janvier 1985 donne au juge la faculté d'annuler les paiements pour dettes échues effectués après la date de cessation des paiements, à condition que le bénéficiaire ait eu connaissance de la cessation des paiements ; que la cessation des paiements ne se confond pas avec les difficultés financières de la société, si graves soient elles et n'est constituée qu'à compter du moment où "celle-ci à régler ses dettes" ; qu'il appartient dès lors, aux juges du fond, statuant dans le cadre des dispositions de l'article 108 précité, de relever que le bénéficiaire d'un paiement dont la nullité est demandée, avait, au moment de ce paiement, connaissance du fait que la société avait suspendu le règlement de ses dettes ; qu'en se bornant à constater que les associés de la société Groupe A... connaissaient sa situation financière et à faire état du défaut de paiement des salaires à une date postérieure aux remboursements contestés, l'arrêt n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions de l'article 108 de la loi du 25 janvier 1985 ; et alors, d'autre part, que si l'application des dispositions de ce texte n'est pas soumise à l'existence d'un préjudice subi par la société soumise à la procédure collective, elle a pour objet de permettre à celle-ci de retrouver la disposition des sommes payées après la cessation des paiements et de reconstituer ainsi la situation financière qui était alors la sienne ; que dans leurs conclusions, les consorts A... démontraient qu'ayant fait apport des sommes perçues de la société Groupe A... à une société tierce qui, elle-même, les avait réglées à la société Groupe A..., dont la situation avait été ainsi très exactement reconstituée, ce qui excluait l'application de l'article 108 ; qu'en se prononçant exclusivement sur la question de savoir si les associés de la société Groupe A... avaient tiré profit des paiements annulés, l'arrêt, qui n'a pas recherché, comme il y était invité, si la situation financière antérieure aux paiements n'avait pas été reconstituée, a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des dispositions de l'article 108 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu, d'une part, que l'appréciation des juges du fond selon laquelle ils estiment que le bénéficiaire du règlement connaissait l'état de cessation des paiements de son débiteur échappe au contrôle de la Cour de cassation ;

Attendu, d'autre part, que les juges du fond, pour prononcer la nullité prévue à l'article 108 de la loi du 25 janvier 1985, ne sont pas tenus de constater l'existence d'un préjudice subi par le débiteur ou ses créanciers ; que dès lors, la cour d'appel n'avait pas à effectuer la recherche inopérante visée à la seconde branche du moyen ;

D'où il suit que celui-ci n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen :

Attendu que les consorts A... reprochent encore à l'arrêt qui les a condamnés à restituer les fonds, d'avoir en outre ordonné le versement des intérêts au taux légal, sur ces sommes, à compter du 21 octobre 1988 alors, selon le pourvoi, qu'il résulte de l'article 1153 du Code civil que les intérêts des sommes réclamées et allouées ne sont dus qu'à partir de la demande en justice, sauf constatation de la mauvaise foi du débiteur et du préjudice indépendant du retard du créancier ; qu'en faisant partir les intérêts légaux de la date de l'acte annulé, sans autre constatation, l'arrêt n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions de l'article 1153 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant constaté que les consorts A... connaissaient, au jour du règlement, l'état de cessation des paiements de la société débitrice, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir leur mauvaise foi, a fait l'exacte application de l'article 1153 du Code civil en ordonnant la restitution, en même temps que le capital, des intérêts au taux légal depuis le jour du paiement ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.