Cass. 1re civ., 13 novembre 1973, n° 71-14.469
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bellet
Rapporteur :
M. Devismes
Avocat général :
M. Gegout
Avocat :
Me Choucroy
SUR L'INTERVENTION DE LA SOCIETE DE LA PROPRIETE ARTISTIQUE ET DES DESSINS ET MODELES (S P A D E M) : ATTENDU QUE LA S P A D E M , QUI N'ETAIT PAS PARTIE A L'INSTANCE QUI A DONNE LIEU A L'ARRET ATTAQUE, NE JUSTIFIE NI D'UN INTERET DIRECT ET INSEPARABLE DE CELUI D'UNE DES PARTIES, NI DE CIRCONSTANCES OU D'INTERETS EXCEPTIONNELS ET QU'IL Y A LIEU DE DECLARER SON INTERVENTION IRRECEVABLE ;
DECLARE LA S P A D E M X... EN SON INTERVENTION ;
SUR LES PREMIER ET DEUXIEME MOYENS REUNIS : ATTENDU QU'IL RESULTE DES ENONCIATIONS DE L'ARRET ATTAQUE QUE LE SCULPTEUR GUINO A EXECUTE UN CERTAIN NOMBRE DE SCULPTURES SOUS LA DIRECTION DU PEINTRE AUGUSTE B... QUI ETAIT ATTEINT DE RHUMATISMES DEFORMANTS LUI INTERDISANT PHYSIQUEMENT L'EXECUTION DE TELLES Z... ;
QU'AUGUSTE B... PUIS SES HERITIERS ONT BENEFICIE DES DROITS D'EDITION AFFERENTS A CES Z... SANS OPPOSITION DE GUINO JUSQU'EN AOUT 1965, EPOQUE A LAQUELLE CELUI-CI A ASSIGNE LES HERITIERS DE B... POUR VOIR JUGER QU'IL ETAIT COAUTEUR DE CES SCULPTURES ET QU'IL AVAIT DROIT, EN CONSEQUENCE, AU PARTAGE DES DROITS PERCUS A L'OCCASION DES TIRAGES ;
QUE LA COUR D'APPEL, STATUANT AU VU DE L'EXPERTISE ORDONNEE PAR LE TRIBUNAL, A DECIDE QUE LES SCULPTURES LITIGIEUSES ETAIENT DES Z... DE COLLABORATION ENTRE AUGUSTE B... ET GUINO, JUGE QUE CELUI-CI AVAIT RENONCE A EXPLOITER SES DROITS DE COAUTEUR JUSQU'AU JOUR DE L'ASSIGNATION ET ORDONNE UNE EXPERTISE POUR RECHERCHER LES DROITS CONFERES A DES TIERS PAR LES CONSORTS B... SUR L'Y... COMMUNE DE B... ET GUINO DEPUIS LA DATE DE L'ASSIGNATION ;
ATTENDU QUE LES CONSORTS B... REPROCHENT A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR AINSI STATUE, ALORS QUE LA QUALITE D'AUTEUR OU DE COAUTEUR SUPPOSERAIT LE DROIT DE DECIDER DES RETOUCHES, DU DEGRE DE FINITION, DU MOMENT DE L'ACHEVEMENT ET DE LA DIVULGATION DE L'Y... ;
QUE CES DIFFERENTS POUVOIRS SERAIENT, EN EFFET, L'EXPRESSION DU DROIT MORAL DE L'ARTISTE, QU'AINSI, QUEL QUE SOIT SON DEGRE DE LIBERTE, L'EXECUTANT D'UNE SCULPTURE QUI SE SOUMETTRAIT AU POUVOIR DE DECISION D'UN ARTISTE VIVANT QUI L'A CONCUE, QUANT AUX RETOUCHES A EFFECTUER AU DEGRE DE FINITION A ATTEINDRE "AU MOMENT DE L'ACHEVEMENT A PRECISER ET A L'EPOQUE DE LA DIVULGATION A ENTREPRENDRE" NE SERAIT PAS INVESTI DE CES ATTRIBUTS DU DROIT MORAL ET NE POURRAIT DONC ETRE QUALIFIE D'AUTEUR OU DE COAUTEUR ;
QUE SEUL L'ARTISTE QUI DIRIGE AINSI L'EXECUTION POSSEDERAIT CES DIFFERENTES PREROGATIVES ET AURAIT LA QUALITE D' AUTEUR ;
QUE, DANS CES CONDITIONS, LA COUR D'APPEL N'AURAIT PU LEGALEMENT CONFERER A GUINO LA QUALITE DE COAUTEUR PAR UNE APPRECIATION ESTHETIQUE TIREE DE LA COMPARAISON SUBJECTIVE ENTRE Z... D'ART QUI LUI SERAIT INTERDITE EN RAISON DE L'IMPOSSIBILITE DE JUGER DU "MERITE", SANS RECHERCHER SI GUINO, EXECUTANT DES SCULPTURES LITIGIEUSES AVAIT EU OU NON DU VIVANT DE B... POUVOIR DE "CODECISION" SUR LES RETOUCHES, LE DEGRE DE FINITION, L'ETAT D'ACHEVEMENT ET LA DIVULGATION, D'AUTANT QU'IL RESULTERAIT TANT DES PROPRES CONSTATATIONS DES JUGES DU FOND QUE DE CELLES DE L'EXPERT A... B... SEUL AVAIT EU EFFECTIVEMENT POUVOIR DE DECISION SUR CES ELEMENTS ESSENTIELS ;
QU'IL EST ENCORE FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR JUGE QU'IL NE S'AGISSAIT PAS D'Z... COLLECTIVES, ALORS QU'AINSI QU'IL ETAIT RAPPELE DANS LES CONCLUSIONS, L'Y... COLLECTIVE SUPPOSE L'INITIATIVE D'UN MAITRE D'Y..., ENSUITE SA DIRECTION SUR L'EXECUTION DE L'Y..., PUIS LA FUSION DANS UN ENSEMBLE DES APPORTS DE DIVERS AUTEURS SANS QU'IL SOIT POSSIBLE D'ATTRIBUER A CHACUN D'EUX UN DROIT DISTINCT SUR CET ENSEMBLE, ENFIN LA DIVULGATION DE CELUI-CI PAR LE MAITRE D'Y... ET SOUS SON NOM, ET QU'EN L'ESPECE, LES JUGES D'APPEL N'AURAIENT PAS RECHERCHE SI CES CONDITIONS ETAIENT REUNIES APRES AVOIR CONSTATE QUE B... AVAIT EU L'INITIATIVE DES SCULPTURES, QU'IL EN AVAIT DIRIGE L'EXECUTION ET ASSUME LA DIVULGATION SOUS SON NOM, APRES QUE SON APPORT SE FUT FONDU A CELUI "PRETENDU DE GUINO" ;
MAIS ATTENDU QUE LA COUR D'APPEL A ENONCE, TANT PAR SES MOTIFS PROPRES QUE PAR CEUX DES PREMIERS JUGES QU'ELLE A ADOPTES, QUE GUINO N'AVAIT PAS ETE UN SIMPLE MODELEUR QUI N'AURAIT PAS FAIT UN GESTE SANS UNE INDICATION DE B..., QU'IL TRAVAILLAIT SEUL PENDANT DES HEURES PARFOIS MEME LOIN DE B..., QU'AINSI QUE L'AVAIT INDIQUE L'EXPERT, LA COMPARAISON DES TABLEAUX DE B... ET DES SCULPTURES LITIGIEUSES REVELAIT QUE CERTAINES ATTITUDES, CERTAINES EXPRESSIONS AVAIENT ETE ACCEPTEES ET NON DICTEES PAR B... ET MARQUAIENT "L'EMPREINTE DU TALENT CREATEUR PERSONNEL DE GUINO " ET ENFIN QUE LES SCULPTURES "AURAIENT ETE AUTRES SI ELLES AVAIENT ETE L'Y... DU SEUL B..." ;
ATTENDU QUE DE CES ENONCIATIONS SOUVERAINES QUI NE COMPORTENT AUCUNE APPRECIATION DU MERITE DES Z... QUI ONT ETE COMPAREES ET D'OU IL RESULTE QUE GUINO, CONSERVANT SA LIBERTE DE CREATION, A EXECUTE CHACUNE DES SCULPTURES LITIGIEUSES EN COOPERATION AVEC B... ET A ACQUIS SUR CELLES-CI UN DROIT DISTINCT, LES JUGES DU SECOND DEGRE ONT, A BON DROIT, DEDUIT QUE GUINO AVAIT LA QUALITE DE COAUTEUR, QUI LUI CONFERAIT NECESSAIREMENT LES ATTRIBUTS DU DROIT MORAL DONT LA POSSESSION LUI EST DENIEE PAR LE POURVOI, ET QUE LESDITES SCULPTURES ETAIENT DES Z... DE COLLABORATION ET NON DES Z... COLLECTIVES ;
QU'AINSI LES DEUX PREMIERS MOYENS NE SONT PAS FONDES ;
SUR LE TROISIEME MOYEN : ATTENDU QU'IL EST ENFIN REPROCHE AUX JUGES D'APPEL D'AVOIR REJETE L'EXCEPTION TIREE DE LA PRESCRIPTION EXTINCTIVE TRENTENAIRE, TOUT EN AFFIRMANT QUE GUINO AVAIT RENONCE A EXPLOITER SES DROITS DE COAUTEUR JUSQU'AU JOUR DE L'ASSIGNATION, ALORS QUE, SI LE DROIT D'AUTEUR DANS SES ATTRIBUTS D'ORDRE INTELLECTUEL ET MORAL EST NECESSAIREMENT IMPRESCRIPTIBLE, IL SERAAIT EN REVANCHE PRESCRIPTIBLE DANS SES ATTRIBUTS D'ORDRE PATRIMONIAL ;
QUE LA DUREE DE CETTE PRESCRIPTION QUI NE SAURAIT ETRE CONFONDUE AVEC LA DUREE DES DROITS D'AUTEUR, SERAIT REGIE PAR L'ARTICLE 2262 DU CODE CIVIL, A DEFAUT DE DISPOSITIONS CONTRAIRES INSEREES DANS LES LOIS SUR LA PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE ;
QU'AINSI LA COUR D'APPEL AYANT CARACTERISE L'ABSTENTION CONTINUE ET EN TOUTE CONNAISSANCE DE CAUSE D'UN COAUTEUR PENDANT PLUS DE TRENTE ANS, AURAIT DU, SELON LE MOYEN, DECLARER PRESCRITS LES ATTRIBUTS D'ORDRE PATRIMONIAL ET NOTAMMENT LE DROIT D'EXPLOITATION DE GUINO ;
MAIS ATTENDU QU'UN AUTEUR AYANT LE DROIT D'EXPLOITER SA VIE DURANT, LES Z... QU'IL A EXECUTEES SEUL OU EN COLLABORATION, LA COUR D'APPEL, TOUT EN ESTIMANT QUE GUINO AVAIT RENONCE A SES DROITS PATRIMONIAUX JUSQU'AU JOUR DE L'ASSIGNATION, A REJETE, A BON DROIT, L'EXCEPTION DE PRESCRIPTION OPPOSEE PAR LES CONSORTS B... ;
QU'AINSI LE MOYEN NE SAURAIT ETRE ACCUEILLI ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE L'ARRET RENDU LE 9 JUILLET 1971, PAR LA COUR D'APPEL DE PARIS.