Livv
Décisions

Cass. crim., 18 octobre 2011, n° 11-81.404

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Louvel

Rapporteur :

M. Arnould

Avocat :

SCP Célice, Blancpain et Soltner

ch. instr. Paris, du 16 nov. 2010

16 novembre 2010

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Olivier X..., partie civile,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 5e section, en date du 16 novembre 2010, qui, dans l'information suivie, sur sa plainte, contre personne non dénommée du chef de contrefaçon, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 111-1 et L. 112-1 du code de la propriété intellectuelle, de l'article 6, § 1er, de la Convention européenne des droits de l'homme et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a dit mal fondé l'appel de la partie civile et confirmé l'ordonnance de non-lieu en ce qui concerne l'infraction de contrefaçon ;

" aux motifs que la partie civile mentionne dans son mémoire les éléments qui, selon elle, relève d'une originalité structurelle ; qu'il serait ainsi du choix d'aborder la notion " d'application de la loi pénale dans l'espace " avant la notion " d'application de la loi pénale dans le temps ", alors que d'autres ouvrages l'envisagent dans l'ordre inverse ; qu'il apparaît cependant à la cour qu'en l'espèce, un tel choix consistant à exposer le domaine spatial de la loi pénale avant d'en délimiter le domaine temporel est une simple option qui ne présente aucun apport particulier pour l'enseignement de la matière et ne constitue pas une originalité susceptible d'être protégée, même si cette option ne traduit pas exactement l'agencement du code pénal français ; que, par ailleurs, il apparaît à la cour que le fait d'aborder la notion de " complicité " au sein de l'élément matériel de l'infraction, alors que les ouvrages l'envisagent en général dans la " détermination de la personne responsable " relève d'une des logiques naturelles possibles pour développer ce thème qui trouve sa traduction matérielle dans l'acte de complicité, et que tout enseignant ou étudiant pénaliste pourrait opter pour une telle démarche dans son exposé ou son raisonnement, sans que cela puisse être considéré comme original ; qu'il en est de même pour le traitement de la notion de " causalité " au sein de l'étude des " fautes non intentionnelles ", les développements et les exemples sur le lien de causalité étant plus diversifiés pour les infractions par imprudence que dans d'autres domaines, une telle façon de traiter le sujet étant sans doute pédagogique mais parfaitement banale dans le cadre des études de droit, qu'il s'agisse ou non de la préparation d'un examen ou d'un concours et ne constitue pas une originalité susceptible d'être protégée ; que, par ailleurs, le fait de traiter des infractions par imprudence avant les infractions intentionnelles ne reprend pas le schéma du code pénal mais constitue un choix inverse des plus courants pour un enseignant, résultant de la seule logique consistant à traiter en premier lieu des infractions les moins graves pour ensuite aborder les plus graves ou, du moins, celles où le caractère intentionnel est le plus marqué, que cette démarche ne constitue en aucun cas la marque d'une oeuvre nouvelle ou originale ; considérant en réalité, sans pour autant que les mérites de son enseignement en soient diminués, que la cour constate qu'aucun élément ne permet de retenir que le cours de M. X... présente une structure marquant un effort créatif portant l'empreinte de la personnalité de leur auteur mais que, bien au contraire, il adopte un plan classique qui correspond à sa mission de préparer au mieux les étudiants à l'examen d'entrée au CRFPA ; que, de plus, que les erreurs typographiques, le rappel d'articles de lois et leur libellé et les références jurisprudentielles ne présentent pas un caractère d'originalité propre à assurer la protection du cours ; que, ainsi que le cours oral de droit pénal de M. X..., qui s'est inspiré d'ouvrages antérieurs de droit pénal, qui reprend des textes de loi et des références de jurisprudence et reprend un cheminement classique ainsi que des expressions couramment utilisées pour permettre aux étudiants d'intégrer les notions de droit pénal nécessaires dans le cadre de leur préparation aux examens et concours, ne constitue pas en l'espèce une oeuvre originale ; qu'en conséquence, le délit de contrefaçon ne peut être constitué en l'espèce à l'égard de M. Y..., ou de quiconque, la partie civile ne pouvant se prévaloir de similitudes entre son cours et les deux ouvrages de M. Y... qui ont été publiées et ce, alors même que le cours dont se prévaut la partie civile a été créé antérieurement à la publication de l'ouvrage de M. Y..., ce qui n'est pas contesté ; qu'il y a lieu en conséquence de confirmer l'ordonnance de non-lieu en ce qui concerne l'infraction de contrefaçon ;

" 1°) alors que la protection légale du droit d'auteur est accordée à toute création originale, quels que soient son mérite ou sa destination de sorte que la cour d'appel qui s'est fondée sur la destination pédagogique et sur l'absence de nouveauté et d'inventivité du cours de M. X... pour lui refuser la qualité d'« oeuvre de l'esprit » a violé l'article L. 112-1 du code de la propriété intellectuelle et privé de base légale sa décision ;

" 2°) alors que l'originalité d'une création lui confère automatiquement la protection légale du droit d'auteur de sorte que la cour d'appel qui a constaté que la structure du plan du cours de droit pénal de M. X... résultait d'options qui se démarquaient d'autres ouvrages relatifs à la matière et du code pénal ne pouvait, sans se contredire, lui dénier la qualité d'« oeuvre de l'esprit » ;

" 3°) alors que l'originalité d'une création lui confère automatiquement la protection de la loi de sorte que la cour d'appel qui a fondé son refus de conférer la protection légale au cours de M. X... en considérant que sa démarche, qui ne se retrouve pas dans les autres ouvrages relatifs à la matière, « pourrait être » adoptée par d'autres enseignants et étudiants a usé d'un motif purement hypothétique et privé de base légale sa décision ;

" 4°) alors que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision de sorte que la cour d'appel qui, pour refuser au cours de droit pénal de M. X... la qualité d'« oeuvre de l'esprit », a affirmé que « les références jurisprudentielles ne présentent pas un caractère d'originalité propre à assurer la protection du cours » sans indiquer en quoi cette sélection de jurisprudence ne pouvait être qualifiée d'originale, a méconnu son obligation de motivation ;

" 5°) alors que la protection légale du droit d'auteur résulte de la seule originalité de l'oeuvre de sorte que la cour d'appel qui, pour refuser cette protection légale au cours de M. X..., a affirmé que celui-ci ne constitue pas « une oeuvre nouvelle ou originale » a usé de motifs insuffisants et privé de base légale sa décision " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et de pièces de la procédure que M. X..., enseignant et chercheur au sein de l'Université de Paris-1, chargé de travaux dirigés de droit pénal général et de procédure pénale, a porté plainte avec constitution de partie civile contre M. Y..., pour contrefaçon de ses droits d'auteurs relativement à un cours oral de droit pénal destiné aux étudiants de l'établissement privé Capavocat qui assurait la préparation à l'examen d'entrée aux centres régionaux de formation professionnelle des avocats ; que, selon le plaignant, M. Y... avait repris le plan, de larges extraits, des idées et des concepts originaux dans la rédaction d'un ouvrage intitulé " CRFPA/ ENM, l'épreuve de droit pénal " et sétait attribué la paternité de l'oeuvre illicitement reproduite ; que, M. Y... ayant été entendu en qualité de témoin assisté, l'information a été clôturée par une ordonnance de non-lieu dont il a été interjeté appel par la partie civile ;

Attendu que, pour confirmer cette décision et dire que le délit de contrefaçon n'est pas constitué, l'arrêt attaqué retient que le cours oral de M. X..., qui s'est inspiré d'ouvrages antérieurs de droit pénal et qui reprend, outre des textes de loi et des références de jurisprudence, un cheminement classique ainsi que des expressions couramment utilisées pour permettre aux étudiants d'intégrer des notions de droit pénal nécessaires dans le cadre de leurs préparation aux examens et concours, ne constitue pas, en l'espèce, une oeuvre originale ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance comme de contradiction et relevant de son pouvoir souverain d'apprécier le caractère d'originalité d'une oeuvre de l'esprit, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article 314-1 du code pénal et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a dit mal fondé l'appel de la partie civile et confirmé l'ordonnance de non-lieu en ce qui concerne l'infraction d'abus de confiance ;

" aux motifs qu'en l'espèce, le support de ce cours oral a été remis sur un support CD ROM à titre gracieux par M. X... à M. Y..., en dehors de toute relation contractuelle entre les intéressés, et sans que la preuve ait été rapportée qu'un usage déterminé et sans même qu'une restitution à son propriétaire avaient été convenue ; qu'il apparaît en effet que l'intention de M. X... était de faciliter le fait pour M. Y... de dispenser ses cours oraux durant la session estivale de Capavocat de 2003, compte tenu des relations amicales que ceux-ci entretenaient à l'époque ; qu'il n'y a dès lors pas de charges contre M. Y..., ni contre quiconque d'avoir commis les infractions dénoncés par la partie civile et qu'il y a lieu de confirmer l'ordonnance rendue le 3 novembre 2008 par le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Paris disant n'y avoir lieu à suivre dans la procédure susvisée ;

" 1) alors que la contradiction de motifs équivaut à leur absence, de sorte que la cour d'appel qui, pour écarter la qualification d'abus de confiance, a affirmé qu'il n'a pas été établi que la remise du cours de droit pénal de M. X... ait eu lieu pour satisfaire un usage déterminé, tout en relevant que l'intention de la partie civile était « de faciliter le fait pour M. Y... de dispenser ses cours oraux » en 2003, a méconnu son obligation de motivation ;

" 2) alors que la condition préalable de l'abus de confiance est constituée par la seule remise d'un « bien quelconque » à charge de le rendre ou « d'en faire un usage déterminé » de sorte que la cour d'appel qui, pour écarter l'existence de ce délit, a retenu que la remise de son cours de droit pénal par M. X... à M. Y... a eu lieu à titre gracieux, en dehors de toute relation contractuelle entre les intéressés et sans qu'ait été établie une obligation de restitution, a ajouté à la loi des conditions ignorées par elle et violé l'article 314-1 du code pénal " ;

Attendu que, pour écarter la qualification d'abus de confiance, l'arrêt attaqué retient que le support matériel du cours de M. X... a été remis par celui-ci à M. Y... en dehors de toute relation contractuelle entre les intéressés et sans que la preuve ait été rapportée qu'un usage déterminé ou une restitution à son propriétaire ait été convenus ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.