Cass. com., 13 février 1996, n° 93-19.654
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Canivet
Avocat général :
Mme Piniot
Avocats :
SCP Boré et Xavier, Me Copper-Royer, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le capital de la société Compagnie de participation en capital risque Paris et Ile-de-France (la société) était détenu par un groupe d'établissements et de sociétés opérant dans les secteurs bancaires, financiers, d'assurance et de retraite dont, conformément aux principes généraux d'action et d'organisation stipulés en tête des statuts, aucun ne contrôlait plus de 10 % des droits de vote ; que certains actionnaires souhaitant quitter la société, le président du directoire a demandé à M. X..., membre du conseil de surveillance, de procéder au reclassement des titres cédés ; que pour permettre cette opération qui devait s'effectuer par l'intermédiaire de la société Sofical, une assemblée générale extraordinaire réunie le 20 décembre 1989 a modifié le paragraphe 4 des principes généraux des statuts pour en supprimer l'interdiction d'une participation supérieure à 10 % des droits de vote ; qu'à la faveur du reclassement, la société Sofical, qui, à la suite des transferts effectués à son profit, détenait 51,7 % du capital de la société, a transmis, soit directement, soit indirectement par l'intermédiaire de la société Actéon l'ensemble de ses titres à l'Institut de développement industriel (IDI) qui a ainsi porté sa participation à 52,09 % du capital de la société ; qu'un groupe d'actionnaires minoritaires a assigné l'IDI, M. X... et la société SCAC Delmas-Vieljeux (société SDV), venant aux droits de la société Sofical, notamment pour faire annuler la délibération de l'assemblée générale extraordinaire du 20 décembre 1989 et les cessions d'actions faites au profit de l'IDI, dire qu'en application des principes généraux d'action compris dans les statuts, aucun actionnaire ne pouvait détenir plus de 10 % du capital social et des droits de vote, enjoindre à l'IDI de se conformer à cette règle et condamner M. X..., l'IDI et la société SDV en paiement de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses deux branches : (sans intérêt) ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi principal pris en ses cinq branches : (sans intérêt) ;
Sur le premier moyen du pourvoi incident pris en ses deux branches :
Attendu que M. X... et la société SDV reprochent à l'arrêt de les avoir condamnés à payer à chacun des demandeurs une somme de 2 francs par action détenue par eux au titre de leur préjudice moral, alors selon le pourvoi, d'une part, que la cour d'appel, qui constate que M. X... ne peut se voir reprocher que la méconnaissance d'engagements moraux, ne pouvait, sans violer l'article 1382 du Code civil, considérer que ce comportement engageait leur responsabilité civile et alors, d'autre part, que la cour d'appel, qui constate que les actionnaires ont fait preuve d'imprudence et d'une vigilance insuffisante, ne pouvait condamner M. X... et la société SDV à réparer l'intégralité du préjudice moral des actionnaires, sans rechercher si ceux-ci n'avaient pas contribué par leur faute à leur perte de crédibilité ; qu'en cet état, elle a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant retenu que M. X... avait dispensé aux membres du conseil de surveillance, pendant le premier semestre de 1990, des informations tronquées et mensongères sur l'évolution de l'opération de reclassement et volontairement mis les membres de ce conseil dans l'impossibilité de réagir utilement, la cour d'appel a, par ce seul motif, pu estimer que M. X... avait commis une faute ;
Attendu, d'autre part, que M. X... et la société SDV n'ont pas prétendu devant le juge du fond que les actionnaires de la société avaient, par leur faute, contribué à la réalisation de leur propre préjudice ; que la cour d'appel n'était pas tenue de faire une recherche qui ne lui était pas demandée ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le quatrième moyen du pourvoi principal, pris en ses trois branches : (sans intérêt) ;
Mais sur le troisième moyen du pourvoi principal, pris en ses quatre branches :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que, pour limiter le montant des condamnations prononcées contre M. X... et la société SVD à la seule réparation du préjudice moral subi par les demandeurs, l'arrêt énonce que le préjudice économique invoqué par ces derniers n'est pas démontré, qu'il n'est pas exact que ceux-ci n'ont pas pu céder les actions de la société Coparis au prix d'acquisition de l'IDI, puisque, même après prise de contrôle par cette dernière, des offres de reprise ou d'échange ont été effectuées et qu'il n'est pas non plus établi que la prise de contrôle a eu pour conséquence une baisse de la valeur des actions de la société Coparis ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si, s'agissant d'une société constituée par des établissements financiers, des caisses de retraite et des chambres de commerce aux fins de favoriser, par des prises de participations, l'expansion d'entreprises de la région parisienne, selon une politique indépendante d'intérêt privé dominant et de tutelle, la perte d'un équilibre entre les différents actionnaires au profit d'un contrôle exclusivement exercé par l'IDI n'était pas en elle-même, pour les actionnaires ayant décidé de rester dans la société, génératrice d'un préjudice distinct de la valeur des actions et résultant de la perte d'influence dans la gestion et la politique de la société, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le second moyen du pourvoi incident :
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que l'arrêt condamne M. X... et la société SDV à payer à la société Finatis, venant aux droits de la société Actéon, une somme de 10 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que M. X... et la société SDV n'avaient pas relevé appel du jugement à l'égard de la société Finatis contre qui ils ne formaient aucune demande, concluant, comme elle, à la confirmation du jugement en ce qu'il avait rejeté les demandes en annulation des délibérations de l'assemblée générale extraordinaire de la société réunie le 20 décembre 1989 et des cessions d'actions intervenues au préjudice de l'IDI, formées par les actionnaires minoritaires, cette partie ne pouvant dès lors être considérée comme adverse à leur égard, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a limité l'indemnisation des demandeurs à la seule réparation de leur préjudice moral et condamné M. X... et la société SCAC Delmas-Vieljeux à payer à la société Finatis une somme de 10 000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt rendu le 8 juillet 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.