Cass. com., 24 janvier 1995, n° 93-13.272
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Poullain
Avocat général :
M. de Gouttes
Avocats :
SCP Waquet, Farge et Hazan, Me Choucroy
Attendu, selon l'ordonnance attaquée (premier président de la cour d'appel d'Amiens, 30 octobre 1992), que M. Y... est un associé minoritaire de la société Champagnes Giesler (la société Giesler) qui détenait la majorité des actions de la société Marne et Champagne (la société Marne) ; que cette société a décidé, par délibération de l'assemblée générale extraordinaire du 5 juillet 1986, de faire apport de ses actions de la société Marne à la société Champagnes Burtin (la société Burtin), constituée à cette date ; que M. Y... a assigné la société Giesler, plusieurs de ses actionnaires et la société Burtin devant le tribunal de commerce de Paris pour faire prononcer l'annulation de la délibération du 5 juillet 1986 et l'annulation de la société Burtin ; que l'affaire a été renvoyée devant le tribunal de commerce d'Epernay, déclaré compétent par arrêt de la cour d'appel de Paris ; que, par jugement du 18 décembre 1990, le tribunal de commerce d'Epernay a rejeté les demandes de M. Y... qui a fait appel devant la cour d'appel de Reims ; que M. Y... avait assigné la Société mobilière de gestion (la société SMG) en annulation devant le tribunal de commerce de Paris lequel, constatant la connexité de cette affaire avec la précédente, s'est dessaisi au profit du tribunal de commerce d'Epernay par jugement du 4 décembre 1990 ; que M. Y... a formé contre ce jugement un contredit qui a été rejeté par arrêt de la cour d'appel de Paris le 12 juin 1991 ; que, le 18 mars 1991, M. Y... avait assigné la société SMG en intervention forcée devant la cour d'appel de Reims pour qu'il soit statué sur les deux affaires par un seul arrêt ;
qu'il a ensuite saisi le tribunal de commerce d'Epernay de ses demandes contre la société SMG, et lui a demandé, à raison de la connexité, de renvoyer l'affaire devant la cour d'appel de Reims, saisie du premier litige au fonds ; que par jugement du 29 septembre 1992, le Tribunal a sursis à statuer ; que M. Y... a saisi le premier président de la cour d'appel pour être autorisé à former un appel immédiat de cette décision et que cette demande a été rejetée ;
Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la défense :
Attendu, selon la société SMG, qu'il résulte de l'article 380-1 du nouveau Code de procédure civile qu'un pourvoi en cassation n'est pas recevable contre une ordonnance statuant sur une demande d'autorisation de relever appel d'un jugement de sursis à statuer ;
Mais attendu que l'ordonnance du premier président d'une cour d'appel qui se prononce, en la forme des référés, en vertu des pouvoirs propres que lui confère l'article 380 du nouveau Code de procédure civile, sur une telle demande met fin à l'instance autonome introduite devant ce magistrat et peut, en vertu de l'article 607 du nouveau Code de procédure civile, faire l'objet d'un pourvoi en cassation indépendamment de la décision sur le fond ;
D'où il suit que le pourvoi est recevable ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. Y... demande la cassation de l'ordonnance du 30 octobre 1992 par voie de conséquence de la cassation de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Reims le 1er février 1993 qui fait l'objet du pourvoi n Y 93-13.273 ;
Mais attendu que l'ordonnance attaquée n'est pas la suite, l'application ou l'exécution de l'arrêt du 1er février 1993 ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen pris en ses quatre branches :
Attendu que M. Y... reproche à l'ordonnance attaquée d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, que les affaires connexes doivent nécessairement être instruites et jugées ensemble ; qu'en cas de connexité la juridiction de degré inférieur doit se dessaisir au profit de la juridiction supérieure ; qu'après avoir reconnu la connexité entre les deux actions engagées par lui, l'une étant pendante devant la cour d'appel de Reims et l'autre devant le tribunal de commerce d'Epernay, le premier président de la cour d'appel ne pouvait approuver cette juridiction d'avoir sursis à statuer sans violer les articles 101 et 102 du nouveau code de procédure civile ; alors, d'autre part, que le lien de connexité ayant définitivement été établi par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 12 juin 1991 ayant autorité de chose jugée, en statuant comme il l'a fait, le premier président a violé l'article 1351 du Code civil ;
alors, de plus, qu'en cas de connexité, c'est à la juridiction désignée à laquelle le dossier est renvoyé, d'inviter les parties à reprendre l'instance devant elle et de faire en sorte que les deux instances soient jugées ensemble ; qu'en lui faisant grief de n'avoir pas pallié la négligence du tribunal de renvoi à connaître ensemble des affaires connexes dont il était saisi, le premier président a violé l'article 97 du nouveau Code de procédure civile ;
alors, enfin, que la litispendance produit les mêmes effets que la connexité, la juridiction de degré inférieur devant, dans les deux cas, se dessaisir au profit de la juridiction de degré supérieur ; qu'en l'espèce le président de la cour d'appel a reconnu qu'il y avait litispendance après l'assignation en intervention forcée de la société SMG devant le cour de Reims, entre le litige pendant devant cette juridiction et celui pendant devant le tribunal de commerce de Paris ; qu'en décidant néanmoins que cette dernière juridiction n'avait pas à se dessaisir au profit de la cour de Reims et pouvait décider de surseoir à statuer il a violé les articles 100 et 102 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'article 97 du nouveau Code de procédure civile n'est applicable qu'à l'expiration du délai de contredit ou, s'il en est formé un, à l'expiration de l'instance en contredit ; que M. Y... ayant formé un contredit qui a été rejeté par arrêt du 12 juin 1991, il n'appartenait pas aux juridictions, jusqu'à cette date, de réunir les dossiers devant le Tribunal qui serait déclaré compétent à raison de leur connexité ; qu'ayant relevé que M. Y... n'avait accompli aucune diligence auprès du tribunal de commerce d'Epernay pour faire réunir les deux procédures et considéré, sans méconnaître l'article susmentionné, que cette négligence avait empêché le traitement conjoint des actions connexes par le Tribunal qui avait été désigné à cette fin, le premier président, au vu de cette circonstance et abstraction faite des considérations surabondantes critiquées aux autres branches du moyen, a usé de son pouvoir souverain d'appréciation pour décider qu'il n'y avait pas de motif grave et légitime d'autoriser l'appel sollicité ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.