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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 6 janvier 2011, n° 09/01686

GRENOBLE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Le Bobinnec (Epoux)

Défendeur :

Scapar (SCA), Verger, Houssemand, Marcel, Barrier du Dore, G7 (SARL), Scotes (Sté), Patsy (Sté), Safin (ès qual.), Roumezi (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Muller

Conseillers :

M. Bernaud, M. Vignal

Avoués :

SCP Franck et Alexis Grimaud, Selarl Dauphin & Mihajlovic, SCP Jean & Charles Galas

Avocats :

Me Gimeno, Me Cambianica, Me Durrafourd, Me de Gaudemaris

T. com. Grenoble, du 2 mars 2009, n° 200…

2 mars 2009

Le 10 juin 2002 a été constituée entre les sociétés SCOTES et G7 d'une part (commanditées) et les sociétés SCORINVEST, SCAPAR, SYPRA CONSEILS et M. Michel B... d'autre part (commanditaires) la société en commandite par actions à capital variable dénommée PATSY SCA, dont l'objet social était la construction et l'exploitation à BERNIN (parc technologique Des fontaines) d'un complexe hôtelier sous l'enseigne « HOLLIDAY INN».

La société a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 23 juillet 2002.

Les sociétés SCOTES et G7 ont été désignées par les statuts en qualité de cogérants, tandis que les sociétés SCAPAR et SYPRA CONSEILS ainsi que M. Michel B... ont été nommés en qualité de premiers membres du conseil de surveillance.

L'hôtel a été édifié par la société PATSY sur un terrain appartenant à la société SCORINVEST, qui lui a consenti le 4 juillet 2003 un bail à construction d'une durée de 18 années.

Le financement de la construction a été réalisé au moyen de prêts bancaires et de fonds apportés par des investisseurs privés sous la forme d'apports en capital ou en comptes courants d'associés.

C'est notamment la société SYPRA CONSEILS, qui exerce une activité de gestion de patrimoine, qui a été chargée de rechercher ces investisseurs privés, auxquels il a été promis une rémunération avantageuse.

Dès le premier exercice 2004- 2005 l'exploitation de l'hôtel s'est révélée déficitaire, et des pertes importantes ont été réalisées au cours des deux exercices suivants.

La société PATSY n'a alors pas pu rembourser les comptes courants d'associés à l'échéance.

Certains actionnaires commanditaires ont demandé en justice le remboursement de leurs avances.

C'est ainsi que par jugement du 13 septembre 2006 le tribunal de commerce de Paris a condamné la société PATSY à rembourser aux consorts Nathalie, Henri, et Françoise Y... une partie des fonds avancés en compte courant.

Dans ce contexte, le 12 mars 2007, l'assemblée générale extraordinaire de la société a voté le principe d'une opération de lease-back ou à défaut de cession définitive de l'immeuble avec mise en place d'un bail commercial.

À la demande des cogérants le tribunal de commerce de Grenoble, par jugement du 22 mai 2007, a toutefois ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société PATSY et a désigné Me SAPIN en qualité d'administrateur judiciaire.

Par nouvelle décision de l'assemblée générale du 5 juillet 2007 les actionnaires ont décidé de céder les murs de l'hôtel pour un prix de 6 millions d'euros avec mise en place d'un bail commercial moyennant un loyer annuel de 500 000 € hors-taxes.

Cette résolution n'a cependant pas été mise en oeuvre.

Le 11 septembre 2007 un certain nombre d'actionnaires commanditaires ainsi que le conseil de surveillance de la société PATSY, reprochant aux gérants commandités divers manquements préjudiciables à l'intérêt social, ont fait assigner en référé les sociétés SCOTES, G7 et PATSY, cette dernière assistée de maître SAPIN, à l'effet d'obtenir leur révocation et la désignation d'un administrateur provisoire.

Les consorts Y... sont intervenus volontairement à l'instance.

Par ordonnance du 6 novembre 2007 le président du tribunal de commerce de Grenoble a renvoyé l'affaire devant le tribunal statuant au fond.

Le 27 octobre 2008 le tribunal de commerce a adopté un plan de sauvegarde au profit de la société PATSY, prévoyant l'apurement total du passif en neuf annuités progressives.

Par jugement du 2 mars 2009, sur l'action en révocation, le tribunal de commerce de Grenoble a annulé l'acte introductif d'instance relativement au seul conseil de surveillance ne disposant pas de la capacité à agir en justice, a rejeté la demande de révocation des cogérants, a rejeté la demande reconventionnelle tendant à la condamnation solidaire des commanditaires au paiement des dettes sociales en leur qualité de gérants de fait, a rejeté la demande en annulation de la troisième résolution votée par l'assemblée générale le 5 juillet 2007, a laissé à la charge de chacune des parties ses frais irrépétibles et a condamné les demandeurs aux entiers dépens.

Dès le 16 juin 2009, sur déclaration de cessation des paiements, le tribunal de commerce de Grenoble a toutefois ouvert le redressement judiciaire de la société PATSY.

Cette procédure est toujours en cours.

Les consorts Nathalie, Henri et Françoise Y... ont relevé appel du jugement rendu le 2 mars 2009 selon déclaration reçue le 17 avril 2009.

Appel de ce jugement a également été interjeté selon déclaration reçue le 6 mai 2009 par la société SCAPAR SCA et par Messieurs Michel B..., Jacques E..., Gilles C... et François D....

Par acte d'huissier du 22 octobre 2009 maître C. ROUMEZI, ès-qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société PATSY, a été assigné en intervention forcée devant la cour. Il n'a pas constitué avoué.

Les procédures d'appel ont été jointes les 24 juin 2009 et 9 décembre 2009.

Vu les dernières conclusions signifiées et déposées le 3 novembre 2010 par les consorts Y... qui demandent à la cour d'ordonner la production par la société PATSY du registre des mouvements de titres et de la convention de compte courant conclue avec la société SCORINVEST le 30 septembre 2004, d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement du 2 mars 2009, d'ordonner la révocation des cogérants de la société PATSY, et de condamner tout succombant à leur payer la somme de 5 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile aux motifs :

- qu'aucune preuve n'est apportée de l'obtention par un procédé déloyal de leurs pièces 10 et 11,

- qu'en application de l'article L. 226 ' 2 du code de commerce tout associé peut demander en justice la révocation du gérant de la société en commandite par actions pour cause légitime sans qu'il soit nécessaire d'appeler à l'instance l'ensemble des associés,

- que la cause légitime, souverainement appréciée par les juges du fond, est notamment caractérisée lorsque par exemple le gérant s'est abstenu de tenir une comptabilité régulière,a laissé se créer un passif important, n'a pas respecté la procédure des conventions réglementées et a perdu la confiance des associés en se montrant incapable de conduire le redressement de l'entreprise,

- que la révocation des gérants est justifiée en raison de leur incurie, de leur incapacité à rendre compte de leur gestion dans des conditions objectives et plus généralement de leur comportement de nature à porter atteinte à l'intérêt social, alors qu'en violation de la clause d'inaliénabilité statutaire les sociétés SCOTES et G7 ont fautivement autorisé la sortie de divers actionnaires, qui ont été remboursés ou qui ont obtenu le rachat de leurs actions, contribuant ainsi à fragiliser la société, qu'une convention de compte courant, constituant une convention réglementée au sens du code de commerce, a été conclue avec la société SCORINVEST sans l'accord préalable du conseil de surveillance et enfin que l'incapacité des dirigeants a assurer le redressement de la société, dont les pertes cumulées atteignent près de 4 millions d'euros, est à l'origine d'une grave perte de confiance.

Vu les dernières conclusions signifiées et déposées le 22 octobre 2010 par la société SCAPAR SCA et par Messieurs Michel B..., Jacques E..., Gilles C... et François D... qui demandent à la cour de déclarer irrecevable et subsidiairement mal fondée la demande reconventionnelle tendant à leur condamnation solidaire au paiement des dettes sociales en leur qualité prétendue de gérants de fait, d'ordonner, par voie de réformation, la révocation des sociétés SCOTES et G7 de leurs fonctions de gérantes de la société PATSY et de condamner in solidum les sociétés SCOTES et G7 au paiement d'une indemnité de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile aux motifs :

- que les gérants se sont révélés incapables d'assurer une gestion bénéficiaire de la société PATSY alors que les pertes cumulées atteignent 3 900 000 €, que la cession de l'immeuble décidée par l'assemblée générale n'a pas été mise en œuvre au profit d'un plan de sauvegarde non viable octroyé sur la base de chiffres prévisionnels manifestement erronés, que les difficultés inhérentes au démarrage d'un complexe hôtelier ne peuvent expliquer les pertes subies durant sept années et que le coût du financement initial ne peut justifier les difficultés de l'entreprise, dont le résultat d'exploitation, hors charges financières, a toujours été négatif,

- que les sociétés gérantes ont systématiquement violé les statuts en privant le conseil de surveillance des documents nécessaires à sa mission de contrôle, en soumettant avec retard à l'assemblée des associés les comptes annuels dans le but de dissimuler des informations financières aux actionnaires, en laissant se constituer un compte courant débiteur au profit de la société SCOTES et en s'abstenant de faire tenir l'assemblée générale des gérants associés commandités,

- que n'étant pas créancières de la société PATSY et n'ayant subi aucun préjudice du fait des prétendus actes d'immixtion, les sociétés gérantes n'ont aucune qualité pour demander leur condamnation solidaire au paiement du passif social, étant observé que la société est aujourd'hui placée en redressement judiciaire et que ses créanciers sont représentés par un mandataire judiciaire,

- qu'en toute hypothèse la demande reconventionnelle est particulièrement mal fondée alors que Monsieur E... n'a commis aucun acte d'immixtion préjudiciable à la société.

Vu les troisièmes conclusions récapitulatives signifiées et déposées le 9 novembre 2010 par les sociétés G7, SCOTES et PATSY et par maître SAPIN ès-qualités d'administrateur au redressement judiciaire de cette dernière qui demandent le rejet des pièces 10 et 11 produites aux débats par les consorts Y..., qui sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a annulé l'assignation introductive d'instance à l'égard du conseil de surveillance qui est dépourvu de la personnalité morale et débouté les associés commanditaires de leur demande de révocation judiciaire des cogérants commandités, et qui, par voie d'appel incident, demandent à la cour de condamner solidairement les appelants au paiement des dettes sociales de la société PATSY telles qu'elles existaient au moment de l'adoption du plan de sauvegarde, outre une indemnité de 3000€ pour frais irrépétibles au profit de chacun d'entre eux aux motifs :

- que le conseil de surveillance de la société PATSY, qui n'a pas de personnalité juridique et qui n'est pas doté par la loi d'un organe habile a exprimer sa volonté, a été irrégulièrement appelé à la procédure et ne peut donc être partie à l'instance d'appel,

- que les consorts Y..., actionnaires commanditaires, dont le droit d'information et de communication est strictement encadré par la loi, se sont irrégulièrement fait remettre par la société SYPRA CONSEILS, qui les détenait pour un autre usage, le registre des mouvements de titres pour la période 2002-2006 et la convention de compte courant conclue avec la société SCORINVEST,

- que ces deux pièces obtenues de façon déloyale doivent donc être écartées des débats, tandis que la société PATSY ne peut être condamnée à les produire puisque les commanditaires n'y ont pas légalement accès,

- qu'à défaut d'avoir appelé dans la cause tous les associés commanditaires les demandeurs sont irrecevables en leur demande de révocation judiciaire fondée sur l'article L.226' 2 du code de commerce,

- que la cause légitime au sens du texte susvisé n'est caractérisée qu'en cas de comportement particulièrement grave ayant un impact direct sur le fonctionnement normal de la société ou étant de nature à paralyser la vie sociale,

- que les griefs tirés de la violation des statuts ne sont nullement de nature à justifier une révocation judiciaire des cogérants pour cause légitime alors que la convention de compte courant conclue avec la société SCORINVEST, qui constituait une opération courante, a été soumise à l'approbation du conseil de surveillance et n'a causé aucun préjudice à la société PATSY, qui a au contraire tiré profit de cette convention en ne mobilisant pas sa trésorerie, que la clause statutaire d'inaliénabilité n'a pas été violée, puisque dans les trois cas litigieux il s'agissait d'une démission de l'actionnaire et non pas d'une négociation d'actions, étant observé d'une part que la décision de remboursement a été prise par la société SYPRA CONSEILS ayant reçu mandat de gérer la comptabilité des actions et d'autre part qu'aucun préjudice n'a été subi dès lors que les actionnaires sortants étaient remplacés, que les livres comptables et les différents outils de gestion ont toujours été à la disposition des membres du conseil de surveillance et enfin que pour chaque exercice social concerné la société a obtenu en temps utile une ordonnance du président du tribunal de commerce l'autorisant à différer la convocation de l'assemblée générale annuelle en vue de l'approbation des comptes,

- que la mauvaise gestion n'est en rien démontrée puisqu'après une période de démarrage, nécessairement difficile dans ce type d'activité, le taux d'occupation de l'hôtel et le résultat d'exploitation sont aujourd'hui dans la norme et que les difficultés ont pour origine la conception financière du projet ayant conduit à des amortissements annuels trop élevés sur une période trop courte de 18 années, que le dépôt de bilan effectué avant la date d'exigibilité du premier dividende du plan de sauvegarde a été provoqué par la crise financière de 2008, à l'origine d'une tension de trésorerie au début de l'année 2009, que la cession de l'immeuble avec paiement d'un loyer commercial annuel de 500 000 € n'était pas compatible avec les capacités financières de la société,

- que la société SCAPAR SCA et Messieurs Michel B..., Jacques E..., Gilles C... et François D..., en leur qualité d'associés commanditaires et de membres du conseil de surveillance, se sont immiscés dans la gestion externe de la société PATSY en négociant au nom de celle-ci le refinancement des constructions, en recevant l'offre d'achat de la société CONSTRUCTA et en obtenant qu'elle soit soumise à l'appréciation du tribunal appelé à arrêter le plan de sauvegarde,

- que ces actes positifs accomplis en toute indépendance en violation de l'article L. 222-6 du code de commerce justifient que leurs auteurs soient condamnés solidairement à répondre de l'ensemble des dettes sociales existant au jour de l'adoption du plan de sauvegarde, condamnation qu'ils sont recevables à solliciter en leur qualité de créanciers de la société PATSY.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la présence au procès du conseil de surveillance de la société PATSY

Le conseil de surveillance de la société en commandite par actions est, comme en matière de société anonyme, un organe chargé du contrôle permanent de la gestion de la société.

En tant que tel il n'est pas doté de la personnalité juridique et est donc dépourvu du pouvoir propre d'agir en justice.

L'assignation introductive d'instance, qui a été également délivrée en son nom, est donc affectée à son égard d'une irrégularité de fond au sens de l'article 117 du code de procédure civile pour défaut de capacité d'ester en justice.

Le jugement, qui a prononcé la nullité de l'assignation à l'égard du conseil de surveillance de la société PATSY, mérite par conséquent confirmation.

Pour les mêmes raisons il sera constaté que le conseil de surveillance a été irrégulièrement intimé en cause d'appel.

Sur la demande en révocation des gérants commandités

1) la recevabilité de l'action

Au termes de l'article L. 226 ' 2 du code de commerce « le gérant, associé ou non, est révoqué dans les conditions prévues par les statuts. En outre, le gérant est révocable par le tribunal de commerce pour cause légitime, à la demande de tout associé ou de la société. Toute clause contraire est réputée non écrite».

Selon l'article 4.3-3 des statuts de la société PATSY « un gérant ne peut être révoqué qu'à l'unanimité des associés commandités et à la majorité simple des actionnaires commanditaires».

En demandant la révocation des gérants commandités les actionnaires appelants n'agissent, certes, pas en réparation d'un préjudice individuel distinct de celui subi par la collectivité des associés, puisque l'action affecte le fonctionnement même de la société.

En ouvrant toutefois à « tout associé » l'action en révocation judiciaire pour cause légitime, l'article L. 226-2 susvisé, dont les dispositions sur ce point sont d'ordre public, autorise chaque actionnaire commanditaire à agir individuellement dans le but d'atténuer la prépondérance du pouvoir des commandités, qui au cours de la vie sociale décident seuls de la désignation du ou des gérants et dont l'irrévocabilité de fait peut être organisée par les statuts.

La présence aux débats de tous les actionnaires commanditaires n'est dès lors pas nécessaire dans la mesure où l'action est également dirigée contre la société.

Au demeurant, au cas d'espèce, les actionnaires disposent d'un droit de révocation statutaire à la majorité simple, de nature à corriger l'omnipotence des commandités, en sorte qu'ils ne sont pas privés de toute possibilité d'exprimer leur opinion sur la qualité de la gouvernance de la société.

La fin de non-recevoir soulevée par les intimés sera par conséquent rejetée.

2) le bien-fondé de l'action

a) la violation des statuts

Les consorts Y... produisent aux débats le registre des mouvements de titres de la société pour la période de 2002 à 2006( pièces 10), ainsi que la convention de compte courant signée le 30 septembre 2004 entre les sociétés PATSY et SCORINVEST (pièces 11).

La preuve n'est nullement rapportée de l'obtention frauduleuse de ces pièces, alors que si les consorts Y... n'y avaient pas directement accès, elles étaient régulièrement détenues par la société SYPRA CONSEILS en sa qualité de membre du conseil de surveillance.

Aucune disposition légale ou statutaire ne faisant interdiction à cette dernière de communiquer ces pièces à un actionnaire commanditaire, il est dès lors prétendu à tort qu'elles auraient été obtenues de manière déloyale, en sorte qu'elles ne sauraient être écartées des débats.

"La violation de la clause d'inaliénabilité statutaire

Le registre des mouvements de titres de la société PATSY fait apparaître qu'au cours de l'année 2004, notamment, une dizaine d'actionnaires ont obtenu le remboursement total de leurs souscriptions.

Il est soutenu par les premiers appelants que ces mouvements seraient intervenus en violation de la clause d'inaliénabilité instituée par l'article 3. 3 des statuts aux termes duquel « les actions sont inaliénables, c'est-à-dire ni négociables, ni cessibles, ni transmissibles par quelque procédé que ce soit ou pour quelque cause que ce soit, pendant une durée de sept années à compter de l'immatriculation de la société ou à compter de leur souscription en cas d'augmentation de capital sauf si elles sont transmises au profit de l'associé bénéficiaire du droit de préemption ».

Selon l'article susvisé l'interdiction temporaire de céder les actions vise « toutes les mutations à titre onéreux d'actions ou de droits d'usufruit et de nue-propriété ainsi que les cessions par voie d'adjudication publique ordonnée par décision judiciaire ainsi que l'attribution judiciaire à un créancier gagiste ».

Il n'est pas démontré toutefois que « le remboursement » réalisé au profit de ces actionnaires est intervenu à l'occasion d'une opération prohibée de cession ou de transmission des actions au sens de l'article 3.3 des statuts.

En l'absence de toute indication contraire il doit être présumé que le remboursement mentionné sur le registre des mouvements ne constitue pas le paiement d'un prix de cession, mais la contrepartie d'une démission volontaire, que les statuts de la société, en leur article 5, autorisent expressément en ces termes « sauf si son retrait devait avoir pour effet d'abaisser le capital souscrit au-dessous du minimum fixé par le capital social visé ci-dessus, tout actionnaire a le droit de se retirer de la société à tout moment en notifiant sa décision à la gérance au moins six mois avant. La société rembourse à l'associé qui se retire le montant libéré et non amorti de son apport ».

Dès lors qu'il n'est pas établi, ni même allégué, que les remboursements litigieux ont eu pour effet d'abaisser le capital social au-dessous du minimum statutaire, aucune faute ne saurait par conséquent être retenue à la charge des cogérants ; étant observé en toute hypothèse que le départ de ces quelques actionnaires n'a causé aucun préjudice à la société, qui affirme, sans être contredite sur ce point précis, que d'autres actionnaires se sont substitués aux sortants.

"La convention conclue avec la société SCORINVEST

Le 30 septembre 2004 une convention de compte courant a été conclue entre les sociétés PATSY et SCORINVEST, cette dernière ayant la qualité d'actionnaire commanditaire et de bailleresse à construction, aux termes de laquelle les remises réciproques des parties « se compenseront automatiquement dès leur entrée en compte ».

Il est soutenu que cette convention réglementée n'aurait pas été régulièrement conclue à défaut d'accord préalable du conseil de surveillance.

Selon l'article L. 226-10 du code de commerce « les dispositions des articles L. 225-38 à L. 225-43 sont applicables aux conventions intervenant directement ou par personne interposée entre la société et l'un de ses gérants, l'un des membres de son conseil de surveillance ou l'un de ses actionnaires disposant d'une fraction des droits de vote supérieur à 10 % ».

Force est toutefois de constater que la société SCORINVEST n'est pas membre du conseil de surveillance de la société PATSY ni ne dispose en sa qualité d'actionnaire commanditaire d'une fraction des droits de vote supérieure à 10 % (selon le rapport de l'administrateur judiciaire du 6 juillet 2008, confirmé en cela par le registre des mouvements de titres, la société SCORINVEST n'est propriétaire que de 2,08 % du capital, ce qui lui ouvre un droit de vote proportionnel à cette participation ainsi qu'en décide l'article 7. 3 des statuts).

La convention de compte courant litigieuse n'était donc pas soumise à autorisation préalable du conseil de surveillance, en sorte qu'aucune faute n'a été commise par la gérance, qui au demeurant n'a nullement été animée par une volonté de dissimulation, puisque dès le 6 septembre 2005 approbation expresse a été donnée à sa demande par le conseil.

"Les autres violations statutaires

Les appelants reprochent tout d'abord aux cogérants l'avance de 19 111 €, qui a été consentie à la société SCOTES le 31 mars 2007 et dont le commissaire aux comptes fait état dans son rapport du 27 septembre 2007.

Selon l'article L. 225-43 du code de commerce, rendu applicable aux sociétés en commandite par actions par l'article L. 226-10 du même code, la prohibition des emprunts ou des découverts en compte courant n'est pas applicable aux administrateurs personnes morales, ce dont il résulte que l'avance temporaire (le commissaire aux comptes mentionne que l'avance était remboursée à la date de son rapport) consentie à la SARL n'était pas contraire à la loi.

Aucune faute n'a donc été commise de ce chef par la gérance, étant observé au demeurant qu'en raison de sa modicité, eu égard au chiffre d'affaires de l'entreprise, et de sa limitation dans le temps le découvert litigieux n'a incontestablement eu aucune incidence significative sur la trésorerie de la société.

Le grief tiré de la non tenue des assemblées générales d'associés commandités n'est pas plus caractérisé, alors d'une part qu'il n'est pas établi que les associés commandités n'auraient pas été réunis au moins une fois dans l'année civile en vue de l'approbation des comptes annuels, et d'autre part qu'aux termes des statuts les autres décisions des associés commandités sont prises par voie de consultation écrite à l'initiative de la gérance, dont il n'est pas démontré, ni même soutenu, qu'elle n'aurait pas donné suite à une demande de tenue d'une assemblée émanant d'un associé.

C'est seulement à compter du mois d'août 2007 que le conseil de surveillance, notamment par son président, a sollicité la communication de divers documents comptables et de gestion nécessaires à l'exercice de sa mission de contrôle.

Il résulte toutefois des réponses apportées par la gérance que ces demandes répétées ont été en partie satisfaites et que pour le surplus la société PATSY a toujours indiqué que les documents réclamés étaient à la disposition des membres du conseil de surveillance dans ses locaux.

Ainsi, même si la société n'a pas toujours été en mesure, notamment pour des raisons matérielles, de procéder aux communications souhaitées, il résulte des nombreuses correspondances échangées qu'à aucun moment il n'a été délibérément fait obstacle au légitime droit à l'information du conseil de surveillance, dont il n'est nullement démontré qu'il aurait été empêché de se réunir ou de délibérer utilement (aucun procès-verbal de réunion ne stigmatise la prétendue obstruction dont se serait rendue coupable la gérance).

Le grief tiré de l'atteinte au droit de communication du conseil de surveillance n'est dès lors pas davantage caractérisé, étant observé qu'à la faveur de la procédure collective, ouverte dès le 22 mai 2007, tous documents utiles étaient à la disposition de l'administrateur judiciaire et par voie de conséquence des membres du conseil de surveillance, qui pouvaient librement en prendre connaissance au siège de la société.

Enfin, ainsi qu'il en est justifié, la société PATSY a obtenu à trois reprises du président du tribunal de commerce de Grenoble la prorogation du délai de réunion de l'assemblée générale ordinaire appelée à statuer sur les comptes des exercices clos les 31 mars 2007, 31 mars 2008, et 31 mars 2009, en sorte qu'il ne peut être sérieusement reproché à la gérance une approbation tardive des comptes annuels.

b) la mauvaise gestion

Le 6 juillet 2008 l'administrateur judiciaire a établi un bilan économique et social de l'entreprise et proposé au tribunal un plan de sauvegarde.

Analysant dans ce document la nature et l'origine des difficultés l'administrateur judiciaire s'est notamment exprimé en ces termes : « la procédure de sauvegarde a comme origine les problèmes de financement d'une opération de construction d'un hôtel de 80 chambres. Le projet n'ayant pas pu être financé en totalité par des emprunts bancaires (2 700 000 € ont été obtenus sur les 5 millions d'euros prévus), les deux initiateurs ont recherché une solution de financement complémentaire auprès de sociétés de gestion de patrimoine, qui dans le contexte de crise boursière de 2002 ont proposé à leurs clients une prise de participation dans le capital de la société sous forme de titres non cotés avec une fiscalité attractive. La construction ayant été commencée avant le bouclage complet du financement, un effort supplémentaire a été demandé aux actionnaires sous forme d'apports en comptes courants rémunérés à 12 % puis à 9 %. La SCA, qui n'a pas pu trouver de nouveaux associés ni de financement bancaire n'a pas pu faire face au remboursement des comptes courants rémunérés à l'échéance. En effet le démarrage d'une activité hôtelière prend du temps et ne permettait pas de dégager les ressources suffisantes de l'exploitation. C'est dans ce contexte, et après étude d'un possible refinancement des murs de l'hôtel par le biais d'un crédit-bail, que certains associés ont saisi le tribunal de commerce de Paris aux fins d'obtenir le remboursement de leurs comptes courants. Dans la mesure où la SCA PATSY était sous la menace d'une demande de remboursement à hauteur de 800 000€ les associés commandités ont sollicité l'ouverture d'un eprocédure de sauvegarde ».

Après avoir rappelé l'état de l'endettement, les perspectives d'activité et le litige opposant les associés commandités aux actionnaires commanditaires, l'administrateur judiciaire a expliqué que deux logiques continuaient de s'opposer : « celle d'une réalisation des actifs immobiliers, ce qui aurait comme avantage de dégager des moyens suffisants pour rembourser l'intégralité des dettes y compris les comptes courants d'associés, et celle du maintien du montage juridique existant qui privilégie la poursuite de l'exploitation avec un étalement sur 10 ans des dettes constituées pour l'essentiel des comptes courants d'associés ».

En conclusion il a estimé que seul un plan de sauvegarde provisoire permettait une issue à la procédure en l'état des contentieux judiciaires en cours, mais que, malgré l'apport en compte courant bloqué de l'un des associés commandités à hauteur de 150 000 €, l'entreprise rencontrerait des difficultés pour rembourser ses dettes à partir des années 2012 ou 2014 et peut-être avant si l'exploitation n'était pas conforme aux prévisions.

Dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire ouverte le 16 juin 2009 le même administrateur judiciaire a établi le 29 juillet 2009 un second rapport, dont il résulte en substance que depuis le 21 octobre 2008 l'exploitation de l'hôtel ne s'est pas déroulée comme prévu en raison de la baisse d'activité économique globale du second semestre de 2008, qui a provoqué un net ralentissement des dépenses d'hôtellerie des entreprises du bassin d'activité de BERNIN et de CROLLES et consécutivement de nouvelles tensions de trésorerie rendant impossible le règlement de l'ensemble des charges courantes. En conclusion il a estimé « qu'en dehors d'un refinancement extérieur bancaire ou bien de l'arrivée de nouveaux actionnaires il ne semble pas y avoir d'autre issue qu'une cession s'il n'y a pas une nette reprise de l'activité économique dès la rentrée de 2009 ».

Par la suite l'administrateur judiciaire a obtenu à trois reprises le maintien de la période d'observation sur la constatation que la reprise de l'activité économique avait contribué à l'augmentation de la fréquentation l'hôtel et que les dirigeants avaient préparé un plan de refinancement global de la société qui était en phase de finalisation (arrivée de nouveaux associés commanditaires à auteur de 2000 K€, augmentation de capital en quatre tranches de 500 000 €, fonds apportés par certains associés commanditaires destinés au rachat des créances en comptes courants à hauteur de 50 % de leur montant, étalement du passif bancaire sur 15 ans).

A la demande des intimés l'expert-comptable ANZALONE a rédigé le 2 novembre 2010 un rapport d'analyse des comptes annuels de la société PATSY dont il résulte en substance :

- que la marge brute globale de l'hôtel en 2010 est proche du ratio moyen pour ce type d'établissement,

- qu'au 30 septembre 2010 l'excédent brut d'exploitation s'est amélioré en raison de l'augmentation du taux d'occupation,

- que les dotations aux amortissements et provisions ainsi que les charges financières sont anormalement élevées,

- que les pertes importantes subies par la société sont pour l'essentiel la conséquence d'un coût de financement inadapté et de dotations aux amortissements et provisions excessives eu égard au chiffre d'affaires,

- que l'exploitation de l'hôtel est aujourd'hui proche d'une exploitation normale,

- que dans l'hypothèse d'une cession des murs conforme à la proposition CONSTRUCTA du 2 juillet 2007 l'activité de l'hôtel ne permettrait pas de faire face au paiement d'un loyer prohibitif de 500 000 € par an représentant 36,4 % du chiffre d'affaires.

Il résulte de ces analyses concordantes, qui ne sont pas sérieusement critiquées au plan technique, que l'exploitation du complexe hôtelier par la société PATSY a souffert principalement d'un financement initial inadapté, ayant généré des charges financières anormalement élevées eu égard aux ratios habituellement constatés pour ce type d'établissement, et secondairement, après les difficultés habituelles de démarrage propres à l'activité d'hôtellerie (il n'est prétendu par aucun des appelants que la société aurait dû réaliser des bénéfices dès les deux ou trois premières années d'exploitation), de difficultés économiques conjoncturelles à partir de l'année 2008 n'ayant pas permis d'atteindre avant l'année 2010 un taux d'occupation conforme au taux moyen constaté sur le marché.

Les sociétés SCOTES et G7, qui ne sont pas les initiatrices du projet, ne sont nullement responsables du vice de conception affectant le montage financier de l'opération, caractérisé notamment par une insuffisance de financement bancaire à long terme et par un taux de rémunération trop élevé au profit des commanditaires, mais aussi par un amortissement de l'immeuble sur une période trop courte de 18 années dans le cadre du bail à construction consenti par la société SCORINVEST.

Elles ont par ailleurs subi la crise économique, qui a débuté au cours du second semestre de l'année 2008 et qui a entraîné une baisse importante de la fréquentation de l'hôtel, dont la clientèle est essentiellement professionnelle, ce qui explique que le taux d'occupation proche de la moyenne atteint au cours du premier semestre de l'année 2008, n'ait pas pu être maintenu, ni a fortiori développé, jusqu'en juillet 2009.

Les pertes d'exploitation subies par la société PATSY au cours de ses six années d'activité ne peuvent donc être imputées à l'incurie des cogérants, qui ont au contraire fait preuve d'un dynamisme commercial normal ainsi qu'en atteste l'évolution du taux d'occupation de l'établissement.

Il ne peut pas plus être reproché aux dirigeants commandités d'avoir fait obstacle à la mise en oeuvre de la résolution de cession de l'immeuble votée en assemblée générale le 5 juillet 2007 au profit de la mise en place d'un plan de sauvegarde non viable dès l'origine.

La demande d'ouverture de la procédure de sauvegarde ne saurait en effet être considérée comme fautive en l'état des pertes successives subies par l'entreprise, et il n'est pas démontré que le plan arrêté par le tribunal de commerce l'a été sur la base de prévisions manifestement irréalistes ou d'une présentation sciemment trompeuse de la situation économique.

Au terme d'une analyse minutieuse l'administrateur judiciaire s'est en effet déclaré favorable à l'adoption d'un plan de sauvegarde, dont il a indiqué qu'il ne pouvait être que provisoire dans l'attente d'une solution de refinancement durable ou d'une cession de l'immeuble, ce qui a permis au tribunal de se prononcer en toute connaissance de cause.

Quant à l'offre d'achat CONSTRUCTA, dont rien ne permet d'affirmer qu'elle garantirait une exploitation bénéficiaire alors au contraire que l'expert-comptable ANZALONE affirme, sans être contredit sur ce point précis, qu'un loyer commercial annuel de 500 000 € constituerait une charge manifestement excessive, elle n'a pas davantage été fautivement écartée par la gérance, étant observé que l'offre prévoit le versement d'un dépôt de garantie de 500 000 € qui devrait nécessairement être prélevé sur le prix de cession au détriment du désendettement de la société.

Le tribunal a par conséquent justement refusé de prononcer la révocation des sociétés cogérantes, alors qu'au sens de l'article L. 226-2 du code de commerce la cause légitime de nature à justifier la révocation judiciaire s'entend d'un comportement gravement fautif nuisible aux intérêts de la société ou paralysant la vie sociale, qui ne saurait être caractérisé dans l'hypothèse, qui est celle de l'espèce, d'une simple divergence de vues relativement à la stratégie de redressement à mettre en oeuvre.

Sur la demande reconventionnelle en paiement des dettes sociales

Le 16 juin 2009 le tribunal de commerce de Grenoble a ouvert le redressement judiciaire de la société PATSY.

Aux termes de l'article L. 622 ' 20 du code de commerce, rendu applicable à la procédure de redressement judiciaire par l'article L. 631 ' 14 du même code, le mandataire judiciaire désigné par le tribunal a seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers.

N'agissant pas en réparation d'un préjudice individuel distinct de celui subi par la collectivité des créanciers du fait d'actes d'immixtion fautifs, ni les sociétés intimées, ni maître SAPIN ès-qualités d'administrateur au redressement judiciaire de la société PATSY, ne sont donc recevables à faire consacrer la responsabilité solidaire des seconds appelants à l'égard des tiers en méconnaissance du monopole d'action appartenant au représentant des créancier.

En toute hypothèse seuls les tiers ont qualité pour faire déclarer l'associé commanditaire, qui se serait immiscé dans la gestion externe de la société, solidairement responsable des engagements sociaux sur le fondement de l'article L 222-6 du code de commerce.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant par arrêt réputé contradictoire, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Admet aux débats les pièces communiquées par les consorts Y... sous les numéros 10 et 11,

Déclare les consorts Y..., la SCA SCAPAR et MM Michel B..., Jacques E..., Gilles C... et François D... recevables en leur action en révocation judiciaire des cogérants de la société PATSY,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a annulé l'acte d'assignation délivré à la requête du conseil de surveillance de la société PATSY, rejeté la demande de révocation judiciaire des cogérants de la société PATSY, rejeté la demande d'annulation de la troisième résolution votée par l'assemblée générale de la société PATSY le 5/07/2007 et laissé à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles,

Réforme le jugement déféré pour le surplus et statuant à nouveau :

Déclare les sociétés G7, PATSY, SCOTES et Me SAPIN, ès qualités d'administrateur au redressement judiciaire de la société PATSY, irrecevables en leur demande reconventionnelle en paiement des dettes sociales de la société PATSY,

Y ajoutant :

Dit n'y avoir lieu de part et d'autre à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamne in solidum les consorts Y..., la SCA SCAPAR et MM Michel B..., Jacques E..., Gilles C... et François D... aux entiers dépens.