Cass. 3e civ., 29 mars 2000, n° 98-11.518
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Beauvois
Rapporteur :
Mme Fossaert-Sabatier
Avocat général :
M. Baechlin
Avocats :
Me Foussard, SCP Boré, Xavier et Boré, Me Cossa, SCP Peignot et Garreau
Met hors de cause le Cabinet Estienne ;
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 4 décembre 1997), que Mme A..., propriétaire indivise, avec ses trois enfants, les consorts Z..., d'un immeuble à usage commercial, a consenti à la société Central Garage, par acte du 1er août 1980, un renouvellement de son bail ; que celle-ci a cédé le droit au bail à la société Erteco ; qu'après délivrance d'une mise en demeure, un congé portant refus de renouvellement sans indemnité d'éviction a été signifié à la locataire ; que les consorts B... ont ensuite assigné la société Erteco en nullité du bail consenti le 1er août 1980 par Mme A..., seule ;
Attendu que les consorts B... font grief à l'arrêt de les débouter de cette demande, alors, selon le moyen, "1 ) que faute d'avoir recherché si les consorts Z... savaient que les loyers étaient acquittés en vertu de l'acte conclu par Mme A... le 1er août 1980, les juges du fond, qui ont déduit l'existence d'une ratification de la perception de loyers, ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 815-3 du Code civil et des règles régissant la ratification ; 2 ) que, dans leurs conclusions signifiées le 18 mars 1997, les consorts Z... faisaient valoir que tant dans la mise en demeure du 16 juin 1988 que dans le congé avec refus de renouvellement du 21 septembre 1988, ils avaient expressément réservé la possibilité d'invoquer la nullité du bail ; qu'en omettant de rechercher si cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce qu'une ratification soit déduite de la mise en demeure et du congé, les juges du fond ont de nouveau privé leur décision de base légale au regard de l'article 815-3 du Code civil et des règles régissant la ratification ; 3 ) qu'aucune ratification ne pouvait être déduite de ce que les consorts Z... faisaient cause commune avec Mme A..., dès lors que Mme A... demandant la validation du congé du 22 septembre 1988, les consorts Z... formulaient, au moins subsidiairement à leur demande principale en nullité, des demandes identiques à celles formulées par Mme A... ;
qu'en se fondant sur ie fait qu'ils aient fait cause commune avec Mme A... et que cette circonstance était de nature à caractériser une ratification, les juges du fond ont de nouveau privé leur décision de base légale au regard de l'article 815-3 du Code civil et des règles régissant la ratification ; 4 ) que, en tout cas, loin de révéler une ratification, la circonstance qu'il n'ait pas été offert au preneur une indemnité d'éviction, lorsque le bail est venu à expiration en 1988, milite, au contraire, en faveur d'une absence de ratification ; qu'à cet égard, les juges du fond ont violé l'article 815-3 du Code civil ainsi que les règles régissant la ratification" ;
Mais attendu qu'ayant constaté, par motifs propres et adoptés de l'arrêt avant dire droit du 23 mai 1995, que, par acte du 29 septembre 1979, Mme A... et ses trois enfants tous majeurs avaient délivré congé avec offre de renouvellement à la société Central garage et que ces derniers n'ignoraient pas que le bail avait été renouvelé, puisqu'ils continuaient à percevoir des loyers avant comme après 1980 et avaient reçu ces loyers pendant huit ans sans émettre la moindre protestation ou réserve, la cour d'appel, sans être tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, a pu en déduire que les consorts Z... avaient entendu ratifier le bail passé par leur mère ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant constaté, sans dénaturation, que l'article 4 du bail n'excluait pas de façon évidente la possibilité pour le locataire d'effectuer des travaux d'extension sans autorisation du bailleur, que Mme A... avait donné son accord pour ces travaux par lettre du 17 juillet 1979 et que ceux-ci avaient été réalisés en 1982 au vu et au su des bailleurs et de leur mandataire sans réaction de leur part jusqu'en 1988, la cour d'appel, qui a souverainement apprécié que le manquement reproché à la locataire ne constituait pas un motif grave et légitime au sens de l'article 9 du décret du 30 septembre 1953, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu l'article 20 du décret du 30 septembre 1953 ;
Attendu qu'aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d'éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l'avoir reçue ; que jusqu'au payement de cette indemnité il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du bail expiré ; que, toutefois, l'indemnité d'occupation sera déterminée en application du titre V, compte tenu de tous éléments d'appréciation ;
Attendu que, que pour fixer le montant de l'indemnité d'occupation, l'arrêt énonce que l'occupant devra verser une indemnité annuelle égale au montant du loyer prévu par le bail, sans majoration, à défaut que soit apportée la preuve de la mauvaise foi de cet occupant ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Erteco à verser aux bailleurs une indemnité annuelle d'occupation égale au montant du loyer du bail expiré, sans majoration, l'arrêt rendu le 4 décembre 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.