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Décisions

CA Angers, ch. a com., 18 juin 2013, n° 12/00988

ANGERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Labomaine (Selas)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Rauline

Conseillers :

Mme Van Gampelaere, Mme Monge

Avocats :

Me Grelier, SCP Lacroix - Jousse, Me Cruchaudet

TGI Le Mans, du 3 avr. 2012, n° 10/04723

3 avril 2012

FAITS ET PROCEDURE :

Atteint, en octobre 2007, par la limite d'âge de soixante cinq ans prévue aux statuts pour exercer les fonctions de gérant de la société d'exercice libéral en commandite par actions Laboratoires Biomans (la SELCA), M. B. aurait dû cesser ses fonctions le 30 juin 2008.

Réunis en assemblée générale ordinaire, le 13 juin 2007, les actionnaires de la SELCA ont, à la majorité des voix, rejeté la résolution qui proposait d'accorder à M. B. une prorogation de ses fonctions de gérant jusqu'au 30 octobre 2009.

En conformité avec la promesse synallagmatique de vente portant sur les actions de M. B., conclue, le 24 octobre 2008, entre ce dernier et les autres associés, l'assemblée générale ordinaire annuelle des associés commanditaires et celle des associés commandités ont accepté de nommer M. B. en qualité de gérant pour une durée déterminée, ledit mandat devant arriver à son terme le 31 décembre 2008".

Se plaignant de ne pas avoir reçu la rémunération qui, selon lui, lui était due au titre du troisième trimestre 2008, M. B. a, le 7 septembre 2010, assigné la SELCA en paiement d'une somme principale de 56 250 euros, outre des dommages et intérêts.

Par jugement du 3 avril 2012, le tribunal de grande instance du Mans a déclaré recevable l'intervention volontaire à la procédure de la société d'exercice libéral par actions simplifiée Labomaine (la S.) venant aux droits de la SELCA, débouté M. B. de toutes ses demandes et condamné celui-ci au paiement d'une indemnité de procédure, outre les dépens.

Selon déclaration enregistrée le 11 mai 2012, M. B. a interjeté appel de cette décision.

Les parties ont toutes deux conclu.

Une ordonnance rendue le 2 mai 2013 a clôturé la procédure.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Les dernières conclusions, respectivement déposées les 29 mars 2013 pour M. B. et 8 octobre 2012 pour la S., auxquelles il conviendra de se référer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, peuvent se résumer ainsi qu'il suit.

M. B. demande à la cour de le déclarer recevable et fondé en son appel, de dire la S. mal fondée en son appel incident, de condamner cette dernière à lui verser la somme de 56 250 euros au titre de la rémunération due pour les mois de juillet, août et septembre 2008 et celle de 5 625 euros en réparation de son préjudice financier outre une indemnité de procédure et les entiers dépens.

Il expose que postérieurement au 30 juin 2008, dans l'attente de la cession de ses parts, l'assemblée générale ordinaire annuelle des associés du 30 juin 2007 lui ayant refusé la prorogation du mandat de gérant qu'il sollicitait, il a continué la direction du laboratoire impliquant, selon lui, la poursuite du mandat de gérant. Il soutient que les assemblées générales ordinaires des actionnaires commanditaires et des actionnaires commandités qui l'ont re désigné en qualité de gérant, ont régularisé la situation avec effet rétroactif au 30 juin précédent. Il précise qu'à l'instar de ses associés, il a bénéficié d'une période de repos estival à compte du 1er juillet 2008 et qu'à son terme, au mois d'août, il a repris ses fonctions. Il estime en rapporter la preuve par des attestations et des documents à son nom et signés par lui durant cette période. Il explique que privé de code d'accès au logiciel Clarilab, il a contourné la difficulté grâce à des associés qui désapprouvaient les conditions de son éviction. Il considère que le protocole du 24 octobre 2008 n'a pas réglé la question de sa rémunération pour le troisième trimestre de l'année.

La S. demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. B. de l'ensemble de ses demandes, de l'infirmer en ce qu'il n'a pas accueilli ses demandes reconventionnelles, de condamner M. B. au paiement de la somme de 50 000 euros sur le fondement de l'article 1382 du code civil en réparation des préjudices subis et de le condamner au paiement d'une indemnité de procédure, outre les dépens.

Elle fait valoir que M. B. avait perdu sa qualité de gérant à la date du 30 octobre 2007 et, simultanément, celle d'associé commandité et que la cessation de ses fonctions est devenue effective après l'assemblée générale annuelle de juin 2008. Elle ajoute que faisant une lecture personnelle des statuts, M. B. a effectué de brefs passages sur son ex lieu de travail pour tenter d'infléchir les associés qui, le 13 juin 2007, lui avaient refusé la prorogation de son mandat de gérant, et de reprendre une activité à son insu. Elle explique que par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 6 août 2008, doublée ultérieurement d'une lettre simple, elle a rappelé à M. B. que la possibilité de se maintenir au delà de ses 65 ans n'était qu'une option à laquelle l'assemblée générale ordinaire des associés n'était pas tenue de souscrire et qu'il devait respecter la décision prise. Elle soutient que sa re désignation en qualité de gérant, le 24 octobre 2008 jusqu'au 31 décembre 2008, avec la précision que le mois pendant lequel l'assemblée s'était tenue comptait comme un mois entier, n'avait pas d'effet rétroactif. Elle affirme que M. B. n'a exercé aucune activité et aucune fonction dans la société entre le 1er juillet et le 31 octobre 2008. Elle rappelle qu'il a perçu sa rémunération pour le dernier trimestre 2008 et que ce n'est que plus d'une année plus tard qu'il a réclamé une rémunération au titre des trois mois précédents. Elle conteste la validité du témoignage anonyme du personnel soignant en faveur de M. B.. Elle observe que M. B. lui-même a invoqué dans une lettre du 24 juillet 2008, le fait qu'il avait été écarté de ses activités professionnelles depuis quelques semaines et avait l'intention de les reprendre le 28 juillet 2008. Elle considère que si M. B. est venu opérer des prélèvements au laboratoire, c'est en fraude de la décision prise par ses associés et en prenant le risque d'incidents voire d'accidents. Elle précise qu'elle a désactivé le code de M. B. dès le 10 juillet 2008 et l'a réactivé le 14 octobre 2008. Elle estime sans valeur probante les témoignages, qu'elle qualifie de pure complaisance, qu'a obtenus M. B. en sa faveur ainsi que les documents qu'il est parvenu à se procurer pour y apposer son paraphe. Elle affirme que M. B. a gravement perturbé son fonctionnement lui causant un préjudice moral et financier dont elle sollicite réparation.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur les demandes de M. B.

Attendu que les parties font une lecture différente de l'article 18 des statuts de la société libellé comme suit : La limite d’âge pour l’exercice des fonctions du gérant est fixée à soixante cinq ans révolus. Toutefois, le gérant susceptible d'atteindre cet âge limite pourra, six mois au moins avant de l'avoir atteint, demander à la collectivité des associés une prorogation de deux ans, éventuellement renouvelable, sans pouvoir cependant dépasser l'âge de soixante dix ans.

Toute nomination faite en violation de l'alinéa qui précède est nulle.

Le gérant atteint par la limite d'âge reste en fonctions jusqu'à l'issue de la prochaine assemblée générale ordinaire annuelle des associés commanditaires et de celle des associés commandités.', M. B. y voyant la reconnaissance d'un droit à la prorogation de son mandat au profit du gérant qui en fait la demande, la S. soutenant que la prorogation du mandat de gérant implique nécessairement l'accord préalable de l'assemblée générale des associés ;

Attendu que ladite clause ne souffre qu'une interprétation ;

Qu'elle prévoit, d'une part, que l'initiative d'une prorogation de mandat appartient au gérant atteignant l'âge de soixante cinq ans qui a, donc, seul, la faculté d'en effectuer la demande sans en avoir aucunement l'obligation, d'autre part, que cette demande de prorogation est soumise à la collectivité des associés, qui a, par conséquent, la liberté d'y répondre favorablement ou non ;

Qu'il importe peu que les modalités pour formaliser cette demande, en dehors du respect d'un délai de six mois, non plus que celles pour se prononcer sur son accueil ou son rejet ne soient définies par les statuts ;

Qu'en l'occurrence, le choix fait par la collectivité des associés de se prononcer par la voie d'un vote à la majorité des actionnaires, à l'occasion de l'assemblée générale ordinaire annuelle, n'apparaît contraire à aucune disposition des articles L. 226-1 et suivants du code de commerce dûment invoqués par M. B. dans ses écritures ni aucune disposition statutaire ;

Qu'au demeurant, M. B. ne soutient pas que la résolution prise par l'assemblée générale ordinaire du 13 juin 2007 de rejeter sa demande de prorogation aurait dû prendre une forme différente, étant fait observer que dans la lettre qu'il produit (pièce n° 2 de M. B.) faisant part de sa volonté de demander la prorogation de ses fonctions jusqu'en octobre 2009, il remerciait les gérants et membres du comité de surveillance de la société de faire inscrire cette demande de prorogation à l'ordre du jour de la prochaine assemblée générale' ;

Attendu que M. B. fait encore valoir que si en juillet 2008 il a pris ses vacances annuelles, en août et septembre 2008, il a, en revanche, poursuivi le travail de gérant biologiste qui était antérieurement le sien au sein du laboratoire ;

Qu'il verse des attestations démontrant sa présence dans les lieux à cette période et des documents portant sa signature ;

Mais attendu qu'en l'état de la délibération de l'assemblée générale du 30 juin 2007 rejetant sa demande de prorogation de fonctions, M. B., réputé démissionnaire d'office en application de l'article L. 226-3 du code de commerce, n'était plus autorisé, à supposer même qu'il ait effectué tout ou partie du travail dont il se prévaut, à exercer les fonctions de gérant et donc bien fondé à prétendre à la rémunération correspondante ;

Que le fait qu'il ait pu, grâce aux concours de collègues en désaccord avec ce qu'il désigne sous le terme d'éviction, accéder au laboratoire, notamment en se faisant remettre un code, sans lequel toute activité apparaît impossible, en remplacement du sien désactivé depuis le 10 juillet 2008, ne lui ouvrait aucun droit, dès lors que sa présence contredisait directement la décision prise à la majorité des associés, décision qui s'imposait ainsi à tous et qu'un courrier daté du 6 août 2008 (pièce n° 3 de la S.) que lui adressait M. B., en réponse à sa lettre de protestation datée du 24 juillet précédent (pièce n°2 de la S.), lui rappelait en termes clairs et précis ;

Attendu que M. B. soutient enfin qu'en le désignant en qualité de gérant jusqu'au 31 décembre 2008, conformément à la promesse synallagmatique signée le 24 octobre 2008 entre les associés et lui, les assemblées générales des associés commanditaires et des associés commandités du 31 octobre 2008 ont régularisé sa situation avec un effet nécessairement rétroactif au 30 juin 2008, renonçant, ainsi, à leur décision de ne pas proroger son mandat ;

Mais attendu qu'en l'absence d'indication contraire que ce soit à l'occasion de ces assemblées ou lors de la signature de la promesse qui les prévoyait, la nomination de M. B. en qualité de gérant ne pouvait prendre effet que pour l'avenir, à compter de la date de ces assemblées générales ;

Que, de surcroît, la précision donnée dans la promesse du 24 octobre 2008, acceptée par M. B., de faire bénéficier ce dernier d'une rémunération brute mensuelle fixée à hauteur de 18 750 euros le mois de la tenue de ces assemblée comptant comme un mois entier , montre assez que M. B. pouvait certes prétendre à une rémunération au titre de l'entier mois d'octobre 2008 quelle que fût la date exacte de sa reprise de fonctions, mais assurément pas pour une période antérieure qui n'était pas visée ;

Attendu, en définitive, que le jugement qui a débouté M. B. de toutes ses demandes sera confirmé sur ce point ;

Sur la demande reconventionnelle de la S.

Attendu que la S. sollicite l'allocation d'une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des perturbations causées par M. B. dans son fonctionnement ;

Mais attendu, ainsi que le relevaient déjà les premiers juges, qu'elle ne rapporte pas la preuve de ces perturbations ;

Que le jugement qui l'a déboutée de cette demande sera confirmé de ce chef ;

Sur les demandes accessoires

Attendu que M. B. succombant en son appel en supportera les dépens, sera condamné à verser à la S. la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et sera débouté de sa propre demande de ce chef ;

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE M. B. aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Le CONDAMNE à payer à la S. Labomaine la somme de deux mille euros ( 2 000 euros ) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les parties de leurs prétentions plus amples ou contraires.