Cass. ass. plén., 8 avril 2016, n° 14-18.821
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Louvel
Rapporteur :
Mme Farthouat-Danon
Avocat général :
M. Petitprez
Avocats :
SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Lyon-Caen et Thiriez
Statuant sur le pourvoi formé par M. Philippe X..., domicilié ..., 78240 Chambourcy,
contre l'arrêt rendu le 9 avril 2014 par la cour d'appel de Versailles (17e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société MP Financial Services France, dont le siège est 159 avenue Achille Peretti, 92200 Neuilly sur Seine,
défenderesse à la cassation ;
La chambre sociale a, par arrêt du 15 novembre 2015, décidé le renvoi de l'affaire devant l'assemblée plénière ;
Le demandeur au pourvoi invoque, devant l'assemblée plénière, les moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Ces moyens ont été formulés dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Lyon-Caen et Thiriez ;
Un mémoire en défense a été déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat de la société MP Financial Services France ;
Le rapport écrit de Mme Farthouat-Danon, conseiller, et l'avis écrit de M. Petitprez, avocat général, ont été mis à la disposition des parties ;
Sur quoi, LA COUR, siégeant en assemblée plénière, en l'audience publique du 25 mars 2016, où étaient présents : M. Louvel, premier président, Mme Flise, M. Guérin, Mme Batut, M. Frouin, Mme Mouillard, M. Chauvin, présidents, Mme Farthouat-Danon, conseiller rapporteur, Mme Riffault-Silk, M. Chollet, Mme Bignon, MM. Prétot, Pers, Mme Fossaert, MM. Finidori, Liénard, Mme Dagneaux, MM. Marcus et Vigneau, conseillers, M. Petitprez, avocat général, Mme Morin, directeur de greffe adjoint ;
Sur le rapport de Mme Farthouat-Danon, conseiller, assisté de Mme Françoise Catton, auditeur au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, de la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, l'avis de M. Petitprez, avocat général, auquel les parties, invitées à le faire, n'ont pas souhaité répliquer, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., salarié de la société MP Financial Services France, a démissionné le 24 avril 2008, pour être engagé par une société de droit suisse du même groupe afin d'exercer les fonctions de directeur exécutif à Genève ; qu'après la rupture de son contrat de travail avec cette société, M. X... a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes dirigées contre la société MP Financial Services France ; que, par jugement d'incompétence du 11 mai 2012, dont la date de prononcé a été portée à la connaissance des parties par leur émargement sur les notes d'audience, le conseil de prud'hommes a dit que les demandes de l'intéressé n'étaient pas recevables devant lui et renvoyé les parties à mieux se pourvoir ; que le greffe a notifié ce jugement à M. X... le 15 mai 2012, par une lettre mentionnant qu'il était susceptible d'appel, puis lui a adressé une " notification rectificative " reçue le 22 mai 2012, indiquant que la voie de recours ouverte était le contredit ; que M. X..., qui avait interjeté appel le 22 mai 2012, a formé le 29 mai 2012 un contredit reçu au greffe le 31 mai 2012 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de dire irrecevable son appel, alors, selon le moyen, que la décision du juge qui se prononce sur la compétence et tranche pour partie le fond ne peut être attaquée que par la voie de l'appel ; qu'en jugeant néanmoins que l'appel était irrecevable contre le jugement déféré, bien que le dispositif de celui-ci ne se soit pas borné à statuer sur la compétence mais tranchait également une partie du fond, la cour d'appel a violé l'article 80 du code de procédure civile ;
Mais attendu que le conseil de prud'hommes, qui, saisi d'une exception d'incompétence au profit d'une juridiction étrangère, a, au visa de l'article 96 du code de procédure civile, dit que les demandes n'étaient pas " recevables par le présent conseil " et renvoyé les parties à mieux se pourvoir, a, en dépit de termes inappropriés, statué uniquement sur sa compétence, en sorte que la cour d'appel a exactement décidé que seule la voie du contredit était ouverte ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 82 du code de procédure civile ;
Attendu que le délai de contredit prévu par ce texte ne court pas contre la partie qui a reçu, avant son expiration, une notification du jugement, non prévue par ces dispositions, mentionnant une voie de recours erronée ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable comme tardif le contredit, l'arrêt retient que, lorsque les parties ont eu connaissance, comme en l'espèce, de la date à laquelle le jugement serait rendu, le délai pour former contredit court à compter du prononcé du jugement, l'erreur sur les modalités de notification étant inopérante ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le greffe du conseil de prud'hommes avait d'abord notifié le jugement à M. X... en mentionnant l'appel comme voie de recours, de sorte que le délai de quinze jours pour former contredit n'avait couru qu'à compter de la notification rectificative, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du même code ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare le contredit irrecevable, l'arrêt rendu le 9 avril 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi sur la recevabilité du contredit ;
DÉCLARE le contredit recevable ;
Renvoie la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris.