Cass. 1re civ., 6 mai 1997, n° 95-11.284
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 7 décembre 1994), dans un premier moyen, de ne pas comporter l'exposé des moyens des parties et, dans un deuxième, d'avoir jugé que les personnages d'un ouvrage de bande dessinée dont il est, en qualité de scénariste, le coauteur avec M. Y..., dessinateur, étaient la propriété du seul dessinateur, qui pouvait les exploiter librement, alors que l'oeuvre commune résultait d'un cumul de compétences des deux auteurs, de sorte que leur solidarité était absolue ;
Mais attendu, d'abord, que l'arrêt attaqué, qui comporte l'appréciation des moyens proposés par les parties, échappe au grief du premier moyen ;
Et attendu que chacun des auteurs d'une oeuvre de collaboration peut, lorsque la participation des coauteurs relève de genres différents, exploiter séparément sa contribution personnelle, sans porter préjudice à l'oeuvre commune ; qu'à cet égard la cour d'appel, qui a souverainement retenu que les personnages étaient le produit de la seule création de M. Y..., en a justement déduit qu'il pouvait les exploiter seul, sous réserve de ne pas nuire à l'exploitation de l'oeuvre commune ; que la décision attaquée est donc légalement justifiée sur ce point ;
Et sur le troisième moyen du même pourvoi :
Attendu qu'il est encore reproché aux juges du fond d'avoir décidé que les planches originales de l'ouvrage étaient la propriété du seul dessinateur, sans répondre aux conclusions de l'auteur du scénario, qui faisait valoir qu'il avait contribué, avec le dessinateur, à la création d'une oeuvre de collaboration ;
Mais attendu que la propriété incorporelle dont jouissent indivisément les coauteurs d'une oeuvre de collaboration laisse subsister le droit exclusif de chaque auteur sur l'objet matériel qui est l'expression de sa création personnelle ; que la cour d'appel, après avoir relevé que M. Y... avait, seul, créé matériellement les planches dessinées originales avec les moyens de son art, en a justement déduit, répondant ainsi aux conclusions visées par le moyen, qu'il en avait seul la propriété ;
Que l'arrêt est, de ce chef encore, légalement justifié ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi incident de M. Y... :
Vu l'article L. 113-3 du Code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que, pour décider que les noms des personnages étaient la propriété commune des coauteurs de l'ouvrage, l'arrêt attaqué énonce que, si M. Y... a eu une part prépondérante dans le choix des noms, M. X... s'est trouvé, du fait de l'intégration de ces noms dans son texte, investi d'un pouvoir de contrôle sur leur choix, de sorte que ces noms doivent être réputés issus de la collaboration des auteurs ;
Attendu qu'en déduisant ainsi la qualité de coauteur de M. X... d'une présomption de collaboration, sans relever les éléments précis d'où il résultait qu'il avait eu un rôle de création dans la définition des noms des personnages, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a jugé que les noms des personnages de l'oeuvre ne pouvaient être exploités que d'un commun accord entre les auteurs, l'arrêt rendu le 7 décembre 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.