Cass. 3e civ., 17 septembre 2020, n° 19-21.713
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvin
Rapporteur :
Mme Provost-Lopin
Avocats :
SCP Gaschignard, SCP Waquet, Farge et Hazan
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 avril 2019), le 31 juillet 2003, la société civile immobilière Vincennes Revert, aux droits de laquelle se trouve la société civile immobilière Gesbac, a consenti le renouvellement d'un bail commercial à M. et Mme S..., qui, le 3 novembre 2008, ont cédé leur fonds de commerce à la société B Home.
2. Le 16 mars 2011, la société civile immobilière Gesbac a donné congé à la société B Home avec offre de renouvellement au 30 septembre 2011, moyennant la fixation d'un loyer déplafonné.
3. Le 24 mars 2011, la société B Home a accepté le principe du renouvellement, mais s'est opposée à la fixation du loyer au-delà de l'évolution des indices INSEE du coût de la construction.
4. La société civile immobilière Gesbac a assigné la société B Home en fixation d'un loyer déplafonné.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. La société civile immobilière Gesbac fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de déplafonnement du loyer du bail renouvelé à compter du 1er octobre 2011, alors :
« 1°/ qu'en l'absence de clause d'accession, les travaux d'amélioration financés par le preneur deviennent, par l'effet de l'accession, la propriété du bailleur lors du premier renouvellement qui suit leur réalisation et se valorisent à l'occasion du second renouvellement suivant leur exécution, étant alors susceptibles, d'entraîner un déplafonnement du loyer ; qu'il résulte des termes clairs et précis du contrat de bail que la clause d'accession prévue au numéro 5°) ne concerne que les travaux effectués par le locataire sur les gros murs ; qu'en décidant toutefois que la clause d'accession s'appliquait à l'ensemble des travaux effectués par le preneur, la cour d'appel a méconnu la loi des parties et les dispositions de l'article 1103 du code civil ;
2°/ que le bail renouvelé est un nouveau bail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'une clause du bail permettait au bailleur, à la « fin du bail », l'accession des travaux effectués par le preneur, sauf pour le bailleur à préférer y renoncer pour être en mesure d'exiger, à l'issue des relations contractuelles, la remise des lieux dans leur état primitif ; qu'en refusant au bailleur d'exercer cette faculté et de pouvoir bénéficier lors d'un second renouvellement de la prise en considération des modifications intervenues dans les lieux loués pour la fixation du prix du loyer en renonçant en conséquence à demander en fin de jouissance la remise en état des lieux, au motif inexact qu'un tel choix ne pourrait se faire qu'à la fin de la relation contractuelle, la cour d'appel a méconnu les termes clairs et précis du contrat et a violé les dispositions de l'article 1103 du code civil. »
Réponse de la Cour
6. La cour d'appel a relevé que les travaux effectués au cours du bail expiré par le locataire, à l'exception de ceux relatifs à la mise en conformité des locaux et à la réfection d'un plancher vétuste relevant de l'obligation de délivrance du bailleur, avaient tout à la fois modifié notablement les caractéristiques des locaux et amélioré l'utilisation commerciale du fonds de commerce, de sorte que le régime des améliorations devait prévaloir sur celui des modifications.
7. Elle a constaté qu'aux termes du bail, le preneur avait obligation « de laisser, à la fin du bail, ces modifications ou améliorations au bailleur sans indemnité, à moins que celui-ci ne préfère le rétablissement des lieux loués dans leur état primitif ».
8. Elle a retenu, par une interprétation souveraine de la commune intention des parties, que la clause d'accession s'appliquait à l'ensemble des travaux effectués par le preneur et que, le renouvellement du bail étant incompatible avec la remise des lieux dans leur état primitif, la clause d'accession ne pouvait jouer qu'à la fin des relations contractuelles.
9. Elle a pu en déduire que la société bailleresse ne pouvait se prévaloir des travaux effectués par la société locataire au cours du bail expiré pour obtenir le déplafonnement du loyer du bail renouvelé.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
11. La société civile immobilière Gesbac fait le même grief à l'arrêt, alors « que le bailleur qui a participé aux travaux d'amélioration en les prenant en charge, au moins en partie, est en droit de réclamer le déplafonnement du loyer lors du premier renouvellement ; que constitue une telle participation les travaux effectués par le bailleur, qui incombaient, en vertu du contrat de bail, au preneur ; qu'en l'espèce, aux termes du numéro 1°) du contrat de bail, le preneur s'est engagé à « prendre les lieux loués dans l'état où il se trouvent actuellement, le preneur ne pouvant réclamer au bailleur aucune réparation, ni mise en état, de quelque nature qu'elle soit, pendant toute la durée du bail », seuls les travaux de « réfection des couvertures du bâtiment central » restant à la charge du bailleur, « tous les autres prévus par l'article 606 tant pour les murs, clôtures que pour les bâtiments annexés, y compris même la reconstruction de ces murs et locaux restant à la charge du preneur. » ; qu'il en résulte que les travaux de mise en conformité avec la législation en matière d'hygiène, de sécurité et d'incendie chambres froides, issues de secours, remise aux normes de l'électricité, désamiantage, flocage, ainsi que les travaux de réfection du plancher situé entre le rez-de-chaussée et le premier étage et les frais d'architecte, étaient à la charge exclusive du locataire ; qu'en décidant au contraire que ces travaux incombaient au bailleur, qui ne pouvait en conséquence pas demander, malgré sa participation aux travaux, un déplafonnement du loyer à l'occasion du premier renouvellement, la cour d'appel a méconnu la loi des parties et les dispositions de l'article 1103 du code civil. »
Réponse de la Cour
12. La cour d'appel a retenu qu'en l'absence de clause expresse, les travaux de mise aux normes de sécurité et ceux relatifs à la réfection d'un plancher vétuste relevaient de l'obligation de délivrance et étaient à la charge du bailleur.
13. Elle a pu en déduire qu'en dépit de la participation financière du bailleur, ces travaux ne pouvaient justifier le déplafonnement du loyer lors du premier renouvellement.
14. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.