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Décisions

Cass. soc., 4 novembre 1988, n° 85-43.720

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Goudet

Rapporteur :

M. Saintoyant

Avocat général :

M. Franck

Avocat :

SCP Masse-Dessen et Georges

Paris, du 2 mai 1985

2 mai 1985

Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 mai 1985), que par jugement en date du 6 mars 1984, le conseil de prud'hommes de Paris s'était déclaré incompétent pour statuer sur les demandes formées par M. Y..., Mme Z... et M. X... contre l'Institut supérieur de gestion en estimant qu'ils étaient des travailleurs indépendants et que les parties n'étaient pas liées par un contrat de travail ; qu'il n'avait pas désigné la juridiction qu'il estimait compétente ;

Attendu que les demandeurs au pourvoi font grief à l'arrêt d'avoir déclaré l'appel interjeté par eux irrecevable, alors, selon le moyen, que l'article 80 du nouveau Code de procédure civile n'impose de recourir au contredit qu'à la condition que l'objet de la décision rendue en première instance ait été l'incompétence de la juridiction qui l'a rendue, et non une irrecevabilité de la demande ; qu'il n'y a déclaration d'incompétence que dans le cas où la compétence d'une autre juridiction s'impose ; qu'il en est autrement lorsque l'incompétence résulte de l'absence de droit, de sorte qu'aucune juridiction ne peut plus être saisie, la demande étant vouée à un échec définitif faute de droit ; qu'il en est ainsi lorsqu'il résulte de l'absence constatée de contrat de travail, l'absence de droit des demandeurs comme l'incompétence de la juridiction prud'homale ; que la cour d'appel, qui, tout en énonçant que les premiers juges se sont déclarés incompétents après avoir estimé que les demandeurs avaient exercé leur activité pour l'ISG non pas en qualité de salariés mais comme travailleurs indépendants, ce dont il résultait qu'ils devaient être déboutés de leur demande faute de droit, n'en a cependant pas déduit que la véritable portée du jugement n'était pas l'incompétence de la juridiction au profit d'une autre, apte à statuer sur la demande, mais l'irrecevabilité de la demande pour défaut de droit d'agir, a violé les articles 32, 78, 80, 96, alinéa 2, 122, 480 et 544 du nouveau Code de procédure civile, alors, en outre, qu'aux termes de l'article 75 du nouveau Code de procédure civile, la partie qui soulève une exception d'incompétence doit, à peine d'irrecevabilité, la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l'affaire soit portée ; que lorsque les parties ont, dans leurs conclusions, porté le débat sur le fond, les juges ne peuvent disqualifier un moyen de défense au fond en exception d'incompétence au seul motif que cette défense impliquerait une dénégation virtuelle de la compétence ; que la cour d'appel, qui, pour déclarer l'appel des salariés irrecevable, a considéré que peu importait que le conseil de prud'hommes ait ou non disqualifié à tort en exception d'incompétence une défense au fond soulevée par l'Institut, a violé les articles 32, 75, 80, 96, alinéa 2, 122, 480 et 544 du nouveau Code de procédure civile, alors, au surplus, que l'article R. 516-2 du Code du travail n'autorise les juridictions prud'homales à statuer sur une demande reconventionnelle qu'à la condition que celle-ci entre, par sa nature, dans leur compétence ; que la cour d'appel, qui s'est bornée à constater que peu importait que le conseil de prud'hommes ait ou non disqualifié à tort en exception d'incompétence une défense soulevée au fond, sans rechercher si le conseil de prud'hommes, en statuant sur une demande reconventionnelle, n'avait pas, en réalité, rendu une décision au

fond, a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 516-2 susvisé et alors, surtout, que, dans leurs conclusions, les salariés soutenaient, d'une part, que le jugement dont ils avaient interjeté appel était un jugement au fond, fondé sur une fin de non-recevoir tiré d'un défaut de droit qui, d'ailleurs, tranchait définitivement sur leur demande, aucune autre juridiction ne pouvant connaître des dispositions invoquées liées à l'existence d'un contrat de travail et, d'autre part, que le conseil de prud'hommes, en statuant sur une demande reconventionnelle, avait rendu une décision au fond ; que la cour d'appel, qui n'a pas répondu à ces conclusions, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que, d'une part, après avoir justement relevé que le conseil de prud'hommes ne s'était pas prononcé sur le fond de la demande principale et avait uniquement statué sur sa compétence et la question dont celle-ci dépendait, ainsi que sur une demande reconventionnelle tendant uniquement au remboursement de frais irrépétibles et au paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées, a dit, par une exacte application des dispositions de l'article 80 du nouveau Code de procédure civile, que le jugement ne pouvait être attaqué que par la voie du contredit ; que, d'autre part, n'ayant pas été régulièrement saisie, elle ne pouvait se prononcer sur le mérite du jugement ;

Qu'il s'ensuit que les moyens ne sont pas fondés ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.