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Décisions

Cass. soc., 1 juin 2004, n° 01-47.165

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bailly

Montpellier, ch. soc., du 10 oct. 2001

10 octobre 2001

Vu leur connexité, joint les pourvois n° N 01-47.165 et X 02-40.002 :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 22 juin 1992 en qualité de démonstratrice par la société Concord Le Dauphin et affectée à un stand d'un magasin exploité par la société Grands Magasins Galeries Lafayette, a été licenciée pour motif économique le 9 février 1998 ;

Sur l'exception de déchéance du pourvoi n° X 02-40.002 soulevée par la défense :

Attendu que la société Grands Magasins Galeries Lafayette soutient que Mme X... doit être déchue de son pourvoi dès lors qu'il a été formé par une déclaration qui ne contenait l'énoncé d'aucun moyen de cassation et qu'aucun mémoire en demande contenant cet énoncé n'a été remis dans le délai de l'article 989 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article 39 du décret du 19 décembre 1991 que lorsqu'une demande d'aide juridictionnelle en vue de se pourvoir devant la Cour de Cassation est adressée au bureau établi près cette juridiction avant l'expiration du délai imparti pour le dépôt du pourvoi ou des mémoires, ce délai est interrompu et un nouveau délai court à compter du jour de la réception par l'intéressé de la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, de la date à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné, à compter de la date de sa désignation ;

Attendu qu'après s'être pourvue en cassation par une déclaration faite le 27 décembre 2001, Mme X... a formé le 22 janvier 2002 une demande d'aide juridictionnelle qui a fait l'objet d'une décision d'admission totale notifiée le 4 février 2003 ; qu'elle a fait parvenir au greffe de la Cour de Cassation un mémoire en demande le 28 janvier 2003 ; que l'exception de déchéance doit, dès lors, être rejetée ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal n° N 01-47.165 de la société Grands magasins galeries Lafayette :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir dit que la société Grands Magasins Galeries Lafayette était co-employeur de Mme X..., alors, selon le moyen :

1 / que viole l'article 455 du nouveau Code de procédure civile l'arrêt attaqué qui déduit l'existence d'un soi-disant lien de subordination entre Mme X... et la société Grands Magasins Galeries Lafayette de "pièces" versées aux débats par la salariée, sans préciser la nature de ces pièces ni les analyser ;

2 / que viole l'article 455 du nouveau Code de procédure civile l'arrêt attaqué qui fonde sa solution sur les documents produits aux débats par Mme X... sans s'expliquer sur le moyen des conclusions de la société Grands Magasins Galeries Lafayette faisant valoir qu'il s'agissait pour la plupart de documents rédigés par l'intéressée elle-même et auxquels il ne pouvait être accordé aucun crédit ;

3 / que ne justifie pas légalement sa solution au regard des articles L. 120-1 et suivants du Code du travail l'arrêt attaqué qui, pour admettre l'existence de rapports salariés entre Mme X... et la société Grands Magasins Galeries Lafayette, retient que les bulletins de salaire de l'intéressée mentionnaient notamment un complément de salaire garanti par les Galeries Lafayette conformément à son contrat de travail, sans tenir compte du fait que Mme X... avait conclu un contrat de travail exclusivement avec la société Concord Le Dauphin (contrat de travail du 18 juin 1992), que le paiement de ses salaires lui avaient été payés exclusivement par la société Concord Le Dauphin et que les bulletins de salaires qui lui avaient été remis par cette dernière société, avec la mention de la convention collective de la métallurgie et non de celle des grands magasins applicable au sein de la société Grands Magasins Galeries Lafayette ;

4 / que viole l'article 455 du nouveau Code de procédure civile l'arrêt attaqué qui fonde sa solution sur la simple affirmation, que rien ne vient étayer que la société Concord Le Dauphin aurait établi les bulletins de salaire de Mme X... non seulement pour son propre compte mais également pour celui de la société Grands Magasins Galeries Lafayette ;

5 / que ne justifie pas légalement sa solution au regard des articles L. 120-1 et suivants du Code du travail l'arrêt attaqué qui, tout en constatant que la société Grands Magasins Galeries Lafayette ne disposaient d'aucun pouvoir de sanction à l'égard de Mme X..., retient que ladite société se serait immiscée dans la décision à prendre à l'encontre de l'intéressée en écrivant à son employeur qu'elle souhaitait "qu'une sanction exemplaire soit prise à l'encontre de Mme X...", cette intervention auprès de l'employeur de la salariée démontrant au contraire que la société Grands Magasins Galeries Lafayette s'étaient bien gardées d'exercer un quelconque pouvoir disciplinaire à l'égard de l'intéressée ;

Mais attendu que la cour d'appel a constaté que Mme X... fournissait une prestation de travail non seulement au profit de la société Concord Le Dauphin qui l'avait recrutée mais aussi de la société Grands Magasins Galeries Lafayette dont elle tenait un stand, que sa rémunération comportait un minimum garanti par la société Grands Magasins Galeries Lafayette et que cette société fixait ses horaires de travail ainsi que ses congés, lui donnait des directives et avait proposé de la sanctionner, ce dont il résulte qu'elle exerçait une autorité effective sur la salariée ; qu'en l'état de ses constatations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties, a pu décider, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que cette société avait la qualité de co-employeur de la salariée ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique et commun du pourvoi principal n° X 02-40-002 et du pourvoi incident de Mme X... :

Vu les articles L. 120-1 et L. 321-1 du Code du travail,

Attendu que pour débouter Mme X... de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que Mme X..., qui a été licenciée par la société Concord Le Dauphin, ne remet pas en cause ce licenciement et qu'elle ne soutient pas que la société Grands Magasins Galeries Lafayette, qui n'a pas procédé au licenciement, lui aurait interdit l'accès à son stand ;

Qu'en statuant ainsi, alors d'abord, que, lorsqu'un salarié est lié à des co-employeurs par un contrat de travail unique, le licenciement prononcé par l'un d'eux, qui met fin au contrat de travail, est réputé prononcé par tous, ensuite, qu'il appartient au juge saisi d'une demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de rechercher si l'employeur a satisfait à son obligation de reclassement, la cour d'appel a violé le premier des textes susvisés et, faute d'avoir recherché si les co-employeurs de la salariée justifiaient de tentatives de reclassement au sein de la société Grands Magasins Galeries Lafayette, privé sa décision de base légale au regard du second ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté Mme X... de sa demande de condamnation de la société Grands Magasins Galeries Lafayette à lui verser une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 10 octobre 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.