CA Aix-en-Provence, ch. 3 et 1, 1 juillet 2020, n° 19/14632
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Maranatha (SAS), AJA (Selarl), SCP BTSG², Colsun Histo France (SAS), Les Mandataires (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Calloch
Conseillers :
M. Fohlen, Mme Berquet
FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur Renaud C. est associé commanditaire de la Société en Commandite par Action (SCA) HOTELIERE V ASTER ayant pour associé commandité unique et gérant la société MARANATHA SA.
Suivant jugement en date du 27 septembre 2017, le tribunal de commerce de MARSEILLE a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société MARANATHA. Il a ensuite ouvert des procédures de redressement judiciaire ou de sauvegarde à l'égard de 130 sociétés en commandite par action constituant le groupe MARANATHA SA, dont la SCA HOTELIERE V ASTER, désignant maître M. et G. en qualité de co-administrateurs et maître L. et S. en qualité de mandataires judiciaires.
Par ordonnance en date du 23 octobre 2017, le président du tribunal de commerce de MARSEILLE a nommé maître DE C. en qualité de liquidateur de la société HOTELIERE V ASTER en application de l'article L 222-11 du code de commerce du fait de l'ouverture de la procédure de redressement de la société MARANATHA.
Par acte en date du 18 juin 2019, monsieur C. a fait assigner devant le juge des référés du tribunal de commerce de MARSEILLE la société MARANATHA, la société HOTELIERE V ASTER, maître DE C., la SELARL AJA & ASSOCIES en qualité de co commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société HOTELIERE V ASTER, la société civile professionnelle G. ET ASSOCIES en qualité de co commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société HOTELIERE V ASTER, la société civile professionnelle L. & L. en qualité de co mandataire judiciaire de la société HOTELIERE V ASTER et co liquidateur de la société MARNATHA SA et la société BTSG2 en qualité de co mandataire judiciaire de la société HOTELIERE V ASTER et de co liquidateur de la société MARANATHA afin d'obtenir la rétractation de l'ordonnance en date du 23 octobre 2017.
La société COLSUN HISTO et monsieur B. sont intervenus volontairement à la cause.
Suivant ordonnance en date du 11 juillet 2019, le juge des référés a déclaré recevables les interventions volontaires, irrecevable monsieur C. en sa demande de rétraction et a confirmé l'ordonnance du 23 octobre 2017 dans l'intégralité de ses dispositions. Il a condamné monsieur C. à verser à chacun des défendeurs la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur C. a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration enregistrée au greffe le 17 septembre 2019.
Par ordonnance en date du 24 février 2020, le président de la chambre a clôturé l'instruction et a renvoyé le dossier à l'audience du 23 mars 2020. Cette audience a été renvoyée au 11 juin 2020 en raison de l'état d'urgence sanitaire.
A l'appui de son appel, par conclusions déposées au greffe le 14 février 2020, monsieur C. soutient que sa demande en rétractation est fondée sur les dispositions générales de l'article 496 du code de procédure civile, et non sur les dispositions de l'article R 237-12 du Code de commerce, inapplicables à l'espèce dès lors que les statuts de la société en commandite par action prévoient les modalités de désignation du liquidateur, à savoir la nomination par l'assemblée générale. Monsieur C. affirme que l'ordonnance désignant maître DE C. n'a pas fait l'objet d'une publication au BODACC et dans un journal d'annonces légales dans les formes prévues par l'article R 237-2 du Code de commerce, ce qui interdirait la voie de l'opposition pour contester cette décision. Il affirme enfin que le quitus éventuellement donné lors des assemblées générales ne la priverait pas de contester la décision de nomination du liquidateur elle-même. Monsieur C. conclut en conséquence à l'infirmation de la décision ayant jugé irrecevable sa demande en rétractation.
Sur le fond, il rappelle que les dispositions statutaires prévoient la désignation du liquidateur par la seule assemblée générale et en déduit que la nomination par le président du tribunal de commerce ne peut intervenir que dans l'hypothèse d'une carence de cette assemblée. Il rappelle aussi que ces mêmes dispositions statutaires prévoient expressément que le redressement judiciaire d'un associé commandité n'entraîne pas la dissolution automatique de la société et soutient qu'en conséquence la juridiction ne pouvait se substituer au seul organe compétent, l'assemblée générale. Monsieur C. demande en conséquence à la cour d'infirmer l'ordonnance et de rétracter l'ordonnance en date du 23 octobre 2017 désignant maître DE C. en qualité de liquidateur, les intimés étant condamnés à lui verser la somme de 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société HOTELIERE V ASTER, la société LES MANDATAIRES en qualité de liquidateur amiable, la SELARL AJA & ASSOCIES et la société G. & ASSOCIES en qualité de co-commissaires à l'exécution du plan de redressement, par conclusions déposées le 15 janvier 2020, invoquent les dispositions de l'article R 237-12 alinéa 2 du Code de commerce et de l'article 1844-8 du Code civil pour affirmer que seul le tribunal de commerce, et non le président statuant en référé, est compétent pour connaître d'une contestation d'une ordonnance désignant un liquidateur amiable par la voie d'une opposition. Elles soulèvent en outre la forclusion de la demande en application de l'article R 237-12 du Code de commerce prévoyant un délai de 15 jours à dater de la publication de la décision pour former opposition. Enfin, la demande serait irrecevable pour défaut de qualité à agir, la partie appelante ayant approuvé en assemblée générale l'ensemble des opérations de liquidation et ayant donné quitus au liquidateur.
Sur le fond, elles rappellent les dispositions de l'article L 222-11 du Code de commerce prévoyant la dissolution de la société en cas de redressement ou liquidation d'un des associés commandités et que la société MARANATHA était l'unique associée commanditée. Elles soutiennent que la nomination d'un liquidateur judiciaire était la seule voie possible en raison du placement judiciaire du seul associé commandité et gérant d'une part, et de la carence des autres organes désignés par les statuts comme ayant cette possibilité. Elles concluent en conséquence à la confirmation de l'ordonnance et reconventionnellement demandent à la cour de condamner la partie appelante à verser une somme de 10 000 € de dommages intérêts pour procédure abusive, outre 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société civile professionnelle L. & L. et la société BSGT, ès qualité de co-mandataires de la société HOTELIERE V ASTER, par conclusions déposées le 15 janvier 2020, concluent à l'incompétence du juge des référés au profit du tribunal de commerce en application de l'article R 213-12 du Code de commerce, affirmant que la publication de la décision est conforme et que la réunion d'une assemblée générale était impossible, et en toute hypothèse à la forclusion de la demande. Elles concluent à l'absence d'intérêt à agir de la partie appelante, celle ci ayant donné quitus au liquidateur, et plus subsidiairement, au fond, soutiennent que la dissolution de la société était automatique dès lors que la société n'avait qu'un seul associé commandité. Elles concluent en conséquence à la confirmation de la décision et demandent à la cour de condamner la partie appelante à verser une somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société COLSUN HISTO FRANCE, par conclusions déposées au greffe le 21 février 2020, demande à la cour de confirmer la décision ayant jugé que seule la voie de l'opposition était ouverte à l'encontre de la décision et que la demande était en toute hypothèse frappée de forclusion. Elle soulève le défaut de qualité à agir de la partie appelante, celle ci ayant voté le quitus au profit du liquidateur. Au fond, elle affirme que la société MARANATHA étant associé commandité unique, son placement en redressement judiciaire entraînait automatiquement la dissolution de la société HOTELIERE V ASTER et donc la nomination par voie judiciaire d'un liquidateur. Elle conclut en conséquence à la confirmation de la décision et à la condamnation de la partie appelante à verser une somme de 10 000 € en application de l'article 32-1 du code de procédure civile, outre 15 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'ordonnance datée du 23 octobre 2017 dont la rétractation a été demandée au juge des référés par monsieur C. a été expressément rendue au visa des articles L 237-2 et L 222-11 du Code de commerce ; il en résulte que cette décision a été prise dans le cadre des règles régissant les sociétés placées en liquidation, et plus précisément en l'espèce dans le cadre des règles régissant une société en commandite par action placée en liquidation du fait du redressement de son unique associé commandité.
L'article R 237-12 du Code de commerce dispose que dans le cas prévu par l'article L 237-19 du Code de commerce, soit lorsque les associés n'ont pu nommer un liquidateur, le liquidateur est désigné par ordonnance du président du tribunal de commerce, statuant sur requête ; en son deuxième alinéa, cet article indique que tout intéressé peut former opposition à cette ordonnance dans le délai de quinze jours à dater de sa publication dans les conditions prévues à l'article R 237-2 ; il précise expressément que cette opposition est portée devant le tribunal de commerce qui peut désigner un autre liquidateur.
En l'espèce, monsieur C. a contesté l'ordonnance du 23 octobre 2017 non devant le tribunal de commerce par la voie d'une opposition, mais par la voie d'un référé rétractation saisissant le juge des référés de cette juridiction ; c'est à bon droit que ce juge des référés a constaté que la demanderesse n'utilisait pas la forme du recours spécifique prévue par l'article R 237-12.
Monsieur C. soutient, pour écarter l'irrecevabilité tirée de l'article R 237-12 du Code de commerce, que son recours devait emprunter les voies prévues en matière d'opposition à une ordonnance de requête, dès lors qu'en réalité la société ne pouvait être considérée comme dissoute du fait du redressement judiciaire de la société MARANATHA, associé commandité unique.
L'article L 222-11 du Code de commerce applicable aux sociétés en commandite simple et sociétés en commandite par actions dispose qu'en cas de redressement ou de liquidation judiciaire d'un des associés commandités, la société est dissoute, à moins que, s'il existe un ou plusieurs autres associés commandités, la continuation de la société ne soit prévue par les statuts, ou que les associés ne la décident à l'unanimité.
Cet article prévoit ainsi expressément le principe de la dissolution de la société en commandite en cas de redressement judiciaire d'un commandité, sauf en cas de pluralité d'associés commandités si dans ce cas les statuts prévoient la prolongation de la société, ou que celle ci est votée à l'unanimité des associés.
En l'espèce, il n'est pas contesté que la société en commandite par actions avait pour unique associé commandité la société MARANATHA SA ; il n'est pas plus contesté que cet associé commandité a été placé en redressement judiciaire suivant jugement en date du 27 septembre 2017.
L'article 19 des statuts de la société en commandite par action prévoit certes que ' le décès, l'interdiction, la faillite personnelle, le redressement ou la liquidation judiciaire d'un associé commandité ou d'un actionnaire n'entraînent pas la dissolution de la société' ; cette possibilité, d'une continuation de la société malgré le redressement judiciaire d'un associé commandité, expressément prévue au demeurant par l'article L 222-11, ne peut cependant trouver application à la lecture du texte réglementaire qu'en présence de plusieurs associés commandités, et non comme en l'espèce lorsque cet associé commandité est unique ; il sera au demeurant observé que le même article 19 des statuts prévoit l'hypothèse d'un seul associé commandité, et d'une continuité dans ce cas de la société, mais dans le cas de la perte de qualité d'associé commandité d'une personne physique, et non dans le cas du redressement judiciaire d'un associé commandité unique personne morale ; c'est dès lors en faisant une exacte application de l'article L 222-11 expressément visé, mais aussi des statuts de la société, que le président du tribunal de commerce de MARSEILLE, par ordonnance en date du 23 octobre 2017, après avoir constaté la dissolution de plein droit de la société, et donc son état de société en liquidation, a nommé un liquidateur amiable sur le fondement de l'article L 237-19 du Code de commerce.
C'est dès lors, de même, à bon droit que le juge des référés a constaté que cette ordonnance était soumise aux dispositions de l'article R 237-2 du Code de commerce et aurait en conséquence du être être contestée devant le tribunal de commerce, et qu'en conséquence la demande formée devant lui était irrecevable ; il convient en conséquence de confirmer cette décision, sans même à avoir a examiner de manière surabondante la recevabilité au regard du délai de quinze jours imposé par le même article.
L'intention de nuire de l'appelant n'étant pas établie, il ne sera pas fait droit aux demandes en dommages intérêts présentées de ce chef.
Au vu des circonstances de la cause et de la situation de la partie appelante, il y a lieu de confirmer la décision de première instance relative aux frais irrépétibles, sans faire à nouveau application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS, LA COUR
- CONFIRME l'ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce de MARSEILLE en date du 11 juillet 2019 dans l'intégralité de ses dispositions,
Ajoutant à la décision déférée,
- DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.
- MET l'intégralité des dépens à la charge de la partie appelante, dont distraction au profit des avocats à la cause en ayant fait la demande.