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Décisions

Cass. 1re civ., 3 juillet 1990, n° 89-11.246

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

Cass. 1re civ. n° 89-11.246

2 juillet 1990

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en 1947 la société de " Diffusion artistique et commerciale " chargea le RP Z... et M. Philippe X... d'établir, d'après une nouvelle de Gertrud Von B..., le scénario d'un film, dont cette société demanda à Georges Y... de rédiger les dialogues ; que Y... termina son travail peu avant sa mort, survenue en juillet 1948, mais que la société DAC renonça à l'utiliser, et que l'exécuteur testamentaire de l'écrivain le publia aux Editions du Seuil sous le titre " Dialogue des Carmélites ", titre qu'il conserva lorsqu'il fut, en 1951, adapté pour la scène ; que le différend qui opposa alors le RP Z... aux héritiers de Y... se termina par une transaction en date du 22 mars 1952, par laquelle les parties décidèrent que les droits d'exploitation cinématographique de l'oeuvre appartiendraient au RP Z..., tandis que ceux concernant le livre, la radio et le théâtre reviendraient aux héritiers Y... ; que de son côté, M. X... avait, par lettre séparée du 22 mars 1952, déclaré " se désister de toute action envers les héritiers Y... pour la publication, l'adaptation à la scène, radio, télévision, du Dialogue des Carmélites, à la condition formelle suivante " : que soit mentionnée, tant sur les exemplaires de librairie que sur les affiches de théâtre, que l'oeuvre de Y... avait été écrite d'après la nouvelle de Mme Von B... " et le scénario du RP Z..., dominicain, et Philippe X... ", cette lettre devant être " purement et simplement annulée, sous réserve de tous les droits " de l'intéressé, au cas où la condition ainsi stipulée ne serait pas respectée ; qu'en 1982 la société Antenne 2, qui avait conclu un contrat d'adaptation avec les Editions du Seuil, fit réaliser par M. P. A..., un " téléfilm " dont le RP Z... soutint qu'il portait atteinte aux droits que lui réservait la transaction du 22 mars 1952, à quoi la société Antenne 2 répliqua qu'elle n'avait fait qu'enregistrer la pièce même de Y..., tout en faisant appel à des moyens conformes aux exigences de la télévision ; qu'appelé à l'instance introduite par le RP Z... contre Antenne 2, les héritiers Y... et leur éditeur, M. X... a soutenu que la condition à laquelle était subordonnée sa renonciation du 22 mars 1952 n'ayant pas été respectée, il s'en trouvait dégagé et fondé à réclamer 25 % de toutes les redevances provenant de l'exploitation de l'ouvrage de Y... au cours des trente dernières années ; que la cour d'appel a jugé, d'une part, que le " téléfilm " litigieux ne constituait pas une oeuvre cinématographique portant atteinte aux droits du RP Z..., et, d'autre part, que M. X... ne pouvait se prétendre coauteur ni du scénario à partir duquel Y... avait écrit son ouvrage ni de cet ouvrage lui-même ; qu'elle lui a néanmoins alloué des dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant pour lui des violations de l'engagement pris en 1952 de faire figurer son nom sur les éditions et les affiches du " Dialogue des Carmélites " ;.

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, du pourvoi incident des héritiers Y..., qui est préalable : (sans intérêt) ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal de M. X..., pris en ses deux premières branches :

Vu les articles 8 et 9, alinéa 1er, de la loi du 11 mars 1957 ;

Attendu que, selon le premier de ces textes, la qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée, et que le second définit l'oeuvre de collaboration comme celle à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques ;

Attendu que pour dénier à M. X... la qualité de coauteur du scénario tiré de la nouvelle de Gertrud Von B..., et, partant, les droits dont il pourrait être éventuellement titulaire sur l'oeuvre composite dérivée dont Y... est l'auteur, la cour d'appel énonce qu'il lui incombe d'établir qu'il a apporté à l'élaboration de ce scénario une participation lui donnant effectivement la qualité de coauteur, et qu'il ne produit sur ce point aucun élément de preuve pertinent et convaincant ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressort des constatations des juges du fond que le scénario litigieux a été divulgué sous les noms du RP Z... et de M. X..., et alors que l'arrêt attaqué ne précise pas en quoi le concours apporté selon lui par M. X... au RP Z... ne pouvait caractériser la collaboration d'un coauteur, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le second moyen du pourvoi incident : (sans intérêt) ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions relatives aux demandes de M. X..., l'arrêt rendu le 31 mai 1988, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles