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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 8 juin 2011, n° 09/22718

PARIS

Arrêt

Paris, du 27 oct. 2009

27 octobre 2009

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTION DES PARTIES :

 

Par deux avenants sous seing privé du 21 juillet 1995, complétés par deux avenants du 4 septembre 1996, la société SOFEP, aux droits de laquelle se trouve la SCI AUSTRUY FAUBOURG, a donné à bail à la société Marcel BUR, aux droits de laquelle se trouve la SAS LISTE ROUGE :

- un local commercial au rez-de-chaussée, situé à [...] à destination de commerce de tailleur, vente de tissus d'habillement et parfums Marcel BUR moyennant un loyer de 21 412,40€ annuel,

- un appartement dépendant du même immeuble au premier étage au-dessus de l'entresol moyennant un loyer de 12 847,44 €.

Par jugement du 9 mai 2008, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Paris, après expertise de Mme MAIGNE'GABORIT, a fixé à la somme de :

- 39 200 € en principal par an à compter du 1er avril 2004, le loyer renouvelé portant sur la boutique du rez-de-chaussée et

- 35 000 € en principal par an le loyer du bail renouvelé pour l’appartement.

La SAS LISTE ROUGE a interjeté appel de cette décision, puis par acte extrajudiciaire du 11 juillet 2008, a , conformément aux dispositions de l'article L. 147 ' 57,2° du code de commerce notifié à son bailleur qu'elle entendait exercer son droit d'option et renonçait au renouvellement du bail portant sur l'appartement.

C'est ainsi que la SCI AUSTRUY FAUBOURG, bailleur, a assigné la SAS LISTE ROUGE afin de la voir condamner à lui payer une indemnité d'occupation jusqu'à la restitution de l'appartement.

Après avoir relevé que les locaux se situent dans un immeuble en pierre de taille au [...], en plein cœur du [...], à [...], à une adresse qualifiée de prestigieuse par la société LISTE ROUGE elle-même, dans un immeuble qui de surcroît a fait l'objet d'une rénovation lors de son acquisition par le bailleur actuel lequel a engagé d'importants travaux ; que l'appartement, d'une surface pondérée de 101 m², comporte une entrée, trois salons en façade sur la rue du faubourg Saint-Honoré, un grand atelier sur cour, un débarras, une cuisine et un WC et bénéficie d'une distribution fonctionnelle et d'un très bon éclairage, les premiers juges ont retenu un prix unitaire au m² de 320 € et fixé l'indemnité d'occupation mensuelle à compter du 1er avril 2004 et jusqu'au départ effectif à la somme annuelle de 32 320 €.

Dans un jugement du 27 octobre 2009 le juge des loyers a statué en ces termes :

- Fixe à 32 320 € en principal par an, le montant de l'indemnité d'occupation due par la société LISTE ROUGE pour l'appartement commercial sus désigné à compter du 1er avril 2004 et jusqu'au jour de la libération des lieux par la remise des clés à la SCI AUSTRUY FAUBOURG,

- Dit en conséquence que la société LISTE ROUGE devra payer le différentiel entre les sommes payées et celles qu'elle reste devoir au titre de cette indemnité d'occupation, ainsi que des intérêts au taux légal sur les compléments de loyer à compter de chaque échéance, outre capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du Code civil,

- Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision,

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la société LISTE ROUGE aux dépens,

La SAS LISTE ROUGE a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions déposées et signifiées le 7 février 2011, la SAS LISTE ROUGE demande à la Cour de :

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 23 septembre 2009,

- Infirmer le jugement déféré relativement au montant de l'indemnité d'occupation par la société LISTE ROUGE,

Et statuant à nouveau,

- Fixer à 22 475,02 € en principal par an le montant de l'indemnité d'occupation due par la société LISTE ROUGE pour l'appartement commercial à compter du 1er avril 2004 et jusqu'au jour de la libération des lieux par la remise des clés à la SCI AUSTRUY FAUBOURG, sous déduction des sommes déjà réglées par la société LISTE ROUGE,

- Condamner la SCI AUSTRUY FAUBOURG à la somme de 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la S. C. P.GUIZARD, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Dans ses dernières conclusions déposées et signifiées le 21 février 2011, la SCI AUSTRUY FAUBOURG demande à la Cour de :

Vu la renonciation par la société LISTE ROUGE à l'offre de renouvellement du bail,

- Débouter la société LISTE ROUGE de son appel principal et de toutes ses demandes, fins et prétentions,

- Déclarer recevable et bien fondé l'appel incident formé par la SCI AUSTRUY FAUBOURG

- Dire que l'indemnité d'occupation ne saurait être fixée ni par application de la règle du plafonnement au visa de l'article L. 145 ' 34 du code de commerce, ni à la valeur locative déterminée par application de l'article L. 145 ' 33 du code de commerce,

- Dire que l'indemnité d'occupation qui sera fixée est une indemnité de droit commun réparant le préjudice subi par la SCI AUSTRUY FAUBOURG, privée de la location de l'appartement à une valeur de marché,

- Dire au titre des éléments de comparaison que seuls peuvent être pris en compte les prix du marché constitutifs de première location de locaux libres,

- Fixer en conséquence le prix unitaire à 400 €, soit pour 101 m² une indemnité d'occupation par an hors charges et hors taxes de 40 400 € à compter du 1er avril 2004,

- Confirmer en ces autres dispositions le jugement déféré,

- Condamner en outre la société LISTE ROUGE à payer à la SCI AUSTRUY FAUBOURG la somme de 6000 € au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société LISTE ROUGE aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera directement poursuivi par la S. C. P. PETIT LESÉNÉCHAL, avoués à la Cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

DISCUSSION

Sur la fixation de l'indemnité d'occupation :

Le bailleur, la SCI AUSTRUY FAUBOURG a fait délivrer à son locataire un congé avec offre de renouvellement le 13 avril 2007. En l'absence d'accord entre les parties sur le montant du loyer en renouvellement, le juge des loyers commerciaux a, dans un jugement du 9 mai 2008, fixé le loyer du bail renouvelé à compter du 1er avril 2004 au prix unitaire de 350 € le mètre carré soit une valeur annuelle de 35 350 € arrondis à 35 000 €.

La SAS LISTE ROUGE, locataire, a relevé appel de cette décision puis, par exploit d'huissier en date du 11 juillet 2008, a fait connaître à son bailleur qu'elle entendait exercer son droit d'option conformément aux dispositions de l'article L. 145 ' 57 2° du code de commerce et renonçait au renouvellement du bail portant sur l'appartement.

Dès lors, le bailleur la SCI AUSTRUY FAUBOURG a attrait la SAS LISTE ROUGE, occupant sans droits ni titre rétroactivement depuis la date d'expiration du bail, soit le 1er avril 2004, afin de la voir condamner à lui payer une indemnité d'occupation jusqu'à la restitution des locaux et le jugement déféré a été rendu.

Les parties s'opposent sur la nature même de l'indemnité d'occupation due par la SAS LISTE ROUGE et le mode de calcul à retenir.

La SAS LISTE ROUGE soutient en effet que seule la somme fixée par la cour d'appel pour le loyer en renouvellement, soit 22 475,02 € doit être appliquée, les premiers juges ayant fait une mauvaise interprétation des textes et des éléments de la cause en fixant le prix du m² à la somme de 320€ cependant que le bailleur, reconventionnellement, sollicite la fixation de l'indemnité d'occupation au prix du marché, première location, à la somme de 40 400 € sur la base d'un prix unitaire de 400 € le m² après avoir rappelé que le chiffre moyen de référence retenu par l'expert était de 359 € le m² pour des fixations judiciaires de 314 €.

Or, l'indemnité d'occupation, suite à l'exercice par le locataire de son droit d'option, trouve son origine dans l'application de l'article L. 145 ' 57 du code de commerce, ce qui induit que l'indemnité d'occupation, par ailleurs soumise à la prescription biennale de l'article L. 145 ' 60 du code de commerce, est une indemnité du statut fixée conformément aux dispositions de l'article L 145-28 du code de commerce et non une indemnité de droit commun.

L'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 23 septembre 2009 statuant sur l'appel interjeté à l'encontre de la décision du 9 mai 2008 après avoir dit d'une part, que les travaux effectués en cours de bail dans l'appartement étaient constitutifs de simples rénovations sans incidence sur les caractéristiques du local et d'autre part, qu'il n'existait pas de modification notable des facteurs locaux de commercialité présentant un intérêt pour le commerce exercé tant pour la boutique que pour l'appartement, a fixé le prix du bail renouvelé en plafonnement pour le dit appartement à la somme de 22 475,02 €.

Or le montant de l'indemnité d'occupation doit être fixée à la valeur locative de l'appartement en tenant compte des différents éléments de l'article L 145-33 du code de commerce, sans référence au prix du loyer du bail renouvelé plafonné tel que fixé par l'arrêt précité. Le montant de l'indemnité ne doit davantage pas, comme le demande le bailleur, être fixée à la valeur locative de marché 'en première location' qui ne correspond pas à la situation du bien occupé par le locataire ;

En fixant le montant de l'indemnité à la somme de 320€ /m² soit une somme de 32 320 € au total à compter du 1° avril 2004, les premiers juges ont fait une juste appréciation de la valeur locative du bien et leur décision doit être approuvée.

Les parties ne formant aucune critique, fut ce à titre subsidiaire quant à l'application des intérêts et de la capitalisation des intérêts, il y a lieu de confirmer le jugement sur ces points.

Sur les autres demandes :

La SAS LISTE ROUGE qui a exercé son droit d'option et succombe à son recours supportera les dépens de première instance et d’appel.

Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamne la SAS LISTE ROUGE aux entiers dépens d'appel et en autorise le recouvrement conformément à l'article 699 du code de procédure civile.