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Décisions

CA Riom, 3e ch. civ. et com. réunies, 29 septembre 2021, n° 19/02063

RIOM

Arrêt

TGI Puy-en-Velay, du 1 oct. 2019

1 octobre 2019

EXPOSE DU LITIGE

M. Gérard B. est propriétaire d'un ensemble immobilier situé sur la commune de [...], comprenant treize bâtiments à usage de gîtes, un bâtiment principal à usage de restaurant, cuisine, accueil, salles de réunions, de télévision, laverie, une piscine avec grand et petit bassins, des locaux techniques et le terrain alentour.

Aux termes d'un acte authentique reçu par Me Claude G., notaire à Saint-Amant-Tallende (63) le 1er septembre 2010, M. B. a consenti à la SARL Domaine de Monadière un bail commercial soumis aux dispositions des articles L.145-1 et suivants du code de commerce, pour une durée de neuf ans à compter du 1er septembre 2010, moyennant un loyer annuel de 5 000 euros HT, payable d'avance.

Par acte authentique reçu par Me Claude G., notaire à Saint-Amant-Tallende (63) le 16 décembre 2014, la SARL Bleu Blanc Vert venant aux droits de la SARL Domaine de Monadière, a cédé à Mme Lesly G. épouse C., agissant pour le compte d'une société en formation, le fonds de commerce du village de gîtes, location de salles de réception, complexe touristique, location de résidences de vacances et restaurant qu'elle exploitait dans les locaux objet du bail commercial sus-visé, moyennant le prix de 160 000 euros.

Ce fonds de commerce a été apporté par Mme C. à une nouvelle société à responsabilité limitée et associé unique, également dénommée Domaine de Monadière, immatriculée le 28 janvier 2015.

Invoquant divers dysfonctionnements et désordres affectant les biens données à bail et entraînant des difficultés d'exploitation, la SARL Domaine de Monadière a saisi le juge des référés en vue de la nomination d'un expert.

Par ordonnance du 2 mai 2016, une expertise a été ordonnée, M. M., expert architecte a été désigné.

Il a déposé son rapport le 20 janvier 2017.

Puis, par acte d'huissier du 16 février 2017, M. B. a fait assigner la SARL Domaine de Monadière devant le tribunal de grande instance du Puy-en-Velay, sur le fondement des articles 1224 et suivants du code civil, aux fins de :

- prononcer la résolution au 18 février 2014 du bail commercial qui les lie ;

- ordonner l'expulsion de ladite société, sous astreinte ;

- condamner la SARL Domaine de Monadière à lui payer la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts.

La SARL Domaine de Monadière a formé des demandes reconventionnelles, à savoir la condamnation de M. B. à lui payer la somme de 120 600 euros outre TVA au titre des travaux à exécuter, et la somme de 10 000 euros au titre de son engagement du 12 novembre 2014.

Par jugement du 1er octobre 2019, le tribunal a :

- rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la SARL Domaine de Monadière ;

- déclaré recevable l'action introduite par M. B. dans le cadre de l'instance ;

- rejeté la demande de M. B. en résolution du bail commercial liant les parties et rejeté ses demandes accessoires aux fins d'expulsion et de dommages et intérêts ;

- condamné M. B. au paiement à la SARL Domaine de Monadière des sommes respectives de 11 550 euros TTC et de 640,14 euros TTC au titre des travaux entrepris ou à entreprendre sur les lieux objet du bail commercial liant les parties ;

- dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- laissé à la charge de M. B. les dépens de l'instance, en ceux compris les frais de l'instance en référé et les frais d'expertise judiciaire ;

- rejeté toute autre ou plus ample demande.

Le tribunal a énoncé :

sur la demande en résolution du bail, que :

- l'inobservation de la clause portant sur la destination des lieux, que M. B. avait toujours acceptée des précédents locataires, compte tenu par ailleurs des nécessités d'exploitation du bail, ne pouvait être retenue comme une violation des dispositions contractuelles justifiant la résiliation du bail ;

- s'agissant des menuiseries extérieures, ou des équipements de cuisine et de piscine, il n'était pas démontré par le bailleur, un défaut d'entretien qui par le fait du preneur, de son défaut d'exécution des réparations locatives ou de dégradations résultant de son fait ou de celui de son personnel ou de sa clientèle, mettrait en péril la pérennité des locaux d'exploitation et affecterait l'ensemble immobilier d'un vieillissement général important ;

sur les demandes reconventionnelles en réparation des désordres, que :

- les désordres étaient le fait d'un vieillissement général, ancien auquel il appartenait au bailleur de remédier pour maintenir la chose en état de remplir l'usage de restaurant, cuisine, accueil de public avec salles y compris piscine avec grand et petit bassins ; que ces travaux devaient être à la charge de M. B. ;

- quant à l'évaluation des désordres, en se tenant aux devis produits par la SARL Domaine de Monadière, les sommes réclamées correspondaient à une remise à neuf des lieux, au-delà des exigences pesant sur le bailleur et de l'économie générale du contrat de bail ; la somme chiffrée par l'expert serait retenue, celle-ci permettant à la chose louée de servir à son usage.

Suivant déclaration électronique reçue au greffe de la cour en date du 23 octobre 2019, M. Gérard B. a interjeté appel du jugement.

Aux termes de ses conclusions reçues au greffe en date du 30 mars 2021, M. Gérard B. demande à la cour au visa de l'article 1224 du code civil, d'infirmer le jugement, et statuant à nouveau de :

- prononcer la résolution du bail commercial liant les parties ;

- ordonner l'expulsion de la SARL Domaine de Monadière, ainsi que celle de tous occupants de son chef, des locaux et dépendances pris à bail sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 15ème jour qui suivra la signification du jugement à intervenir et au besoin avec le concours de la force publique ;

- condamner la SARL Domaine de Monadière à payer à M. B. la somme provisionnelle de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- la débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- la condamner au paiement d'une indemnité de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens qui comprendront les frais d'expertise.

Il soutient en premier lieu que le bail énonce que les locaux doivent être exclusivement consacrés par le preneur à l'exploitation de son commerce de gîtes, village-vacances, à l'exclusion de tout autre même temporairement. Or, la société preneuse prête ou loue l'un des gîtes pris à bail à sa gérante et sa famille. Il conteste la nécessité de la présence constante de l'exploitant sur les lieux outre que cela ne remet pas en cause les clauses du bail. Par ailleurs, rien ne justifie la présence de l'ensemble de la famille de la gérante, sachant qu'un autre gîte sert désormais d'habitation à la fille de la gérante.

Il fait valoir ensuite que selon les dispositions du bail, il incombe au seul preneur d'entretenir les menuiseries extérieures des locaux d'exploitation, comme l'ensemble des lieux et équipements dont il a la jouissance. Le preneur est défaillant dans son obligation générale d'entretien, ce qui met en péril la pérennité des locaux.

Il invoque également un manquement à l'obligation de jouissance paisible des lieux : le conjoint de la gérante n'a de cesse d'insulter, de provoquer et d'agresser physiquement M. B.. Or, les faits commis par des proches du preneur peuvent justifier la résiliation du bail.

Il soutient enfin que les travaux d'entretien incombant au preneur n'ont pas été effectués et n'ont pas été pris en compte par l'expert, comme par exemple la mise en peinture des menuiseries extérieures.

Aux termes de ses écritures reçues au greffe du 7 avril 2021, la SARL Domaine de Monadière demande à la cour au visa de l'article 1184 ancien du code civil, de :

- déclarer mal fondées les demandes de M. B. en résolution du bail commercial, indemnisations et expulsion ;

- faire application des dispositions du bail, du rapport d'expertise M., des pièces produites par la SARL Domaine de Monadière et des articles 1101 et 1134 anciens du code civil ;

- condamner M. B. au paiement de la somme de 85 922 euros HT au titre des travaux à réaliser ;

- le condamner au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'engagement du 12 novembre 2014 ;

- le condamner au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens comprenant les frais de la procédure en référé, de première instance et d'expertise.

Elle expose que parallèlement à la procédure, M. B. lui a fait délivrer un congé avec offre de paiement d'une indemnité d'éviction, et que le 31 janvier 2021 le conseil de M. B. a notifié l'exercice du droit de repentir de son client avec renouvellement du bail. Les formalités de l'article L.145-12 du code de commerce n'ont pas été respectées, mais elle a reconnu que le courrier avait été reçu le 1er mars 2021. Le bail a donc été renouvelé par la volonté du bailleur au 1er mars 2021 et les demandes de M. B. en résolution du bail et expulsion sont devenues irrecevables et sans objet.

Sur la demande en résolution du bail, elle fait valoir que la juridiction doit apprécier la gravité des manquements invoqués. Elle estime que l'exploitation des lieux nécessite une présence permanente de l'exploitant. La gérante et son époux ont toujours résidé sur place tout comme le précédent exploitant. Cette occupation ne génère aucun préjudice. A titre subsidiaire, elle sollicite un délai de six mois pour trouver un logement pour sa gérante et sa famille.

Elle rappelle qu'elle a pris l'initiative de la procédure pour obtenir une expertise ayant fait l'avance des frais. Elle soutient que les désordres ne sont pas imputables au locataire, mais à une mauvaise réalisation de certains ouvrages, à un défaut d'entretien ancien ou tout simplement, à un vieillissement naturel. Il existe également des irrégularités relatives à la disposition des lieux telles que l'inaccessibilité de l'alarme ou du compteur électrique situés sur la propriété privative de M. B..

Sur les demandes reconventionnelles, elle considère qu'à la lecture du rapport d'expertise, il apparaît que l'ensemble de l'installation est affecté de désordres importants rendant l'immeuble impropre à sa destination commerciale, que ces désordres affectent le gros oeuvre et ou résultent d'un vieillissement non imputable à la société. Elle estime que les évaluations des désordres faites par l'expert sont largement inférieures à la réalité et communique des devis.

Elle ajoute que lors de la prise de possession le 12 novembre 2014, un état des lieux a été établi entre l'ancien locataire, M. B. et les époux C. : il a été convenu de la remise de 10 000 euros par le précédent locataire à M. B., à charge pour celui-ci de les remettre à M. et Mme C. sur présentation des factures des travaux engagés à effectuer. Les travaux ont été exécutés et les factures communiquées pour 10 656,08 euros.

Il sera renvoyé pour l'exposé complet des demandes et moyens des parties, à leurs dernières conclusions.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 avril 2021.

MOTIFS

Il sera au préalable rappelé que les parties n'ont pas fait appel des dispositions du jugement ayant statué sur les fins de non-recevoir tirées de la prescription et de l'existence d'une clause compromissoire.

- sur la recevabilité des demandes en résiliation du bail commercial et en expulsion formées par M. B.

La SARL Domaine de Monadière soutient qu'en raison du renouvellement du bail par la volonté du bailleur à compter du 1er mars 2021, les demandes en résolution (résiliation) et expulsion sont devenues irrecevables et sans objet.

Selon l'article L.145-12 alinéa 4 du code de commerce, lorsque le bailleur a notifié, soit par un congé, soit par un refus de renouvellement, son intention de ne pas renouveler le bail, et si par la suite, il décide de le renouveler, le nouveau bail prend effet à partir du jour où cette acceptation a été notifiée au locataire par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec accusé de réception.

En vertu de l'article L.145-58 dudit code, le bailleur qui donne congé au preneur sans lui proposer de renouveler son contrat de location dispose du droit de repentir si le locataire est encore dans les lieux et n'a pas déjà loué ou acheté un autre immeuble destiné à sa réinstallation. L'exercice par le propriétaire de son droit de repentir entraîne le renouvellement du bail dont il demandait la résiliation. La notification du repentir constitue, à compter de sa date, un renouvellement de bail.

Le 20 février 2019, M. B. a fait signifier à la SARL Domaine de Monadière un congé sans offre de renouvellement du bail commercial, avec offre d'indemnité d'éviction, conformément à l'article L.145-14 du code de commerce.

L'intimée verse aux débats un courrier daté du 31 janvier 2021 par lequel le conseil de M. B. indique que celui-ci exerce son droit de repentir, renonce à se prévaloir du congé délivré à la SARL Domaine de Monadière et consent à cette dernière le renouvellement du bail.

Le conseil de la SARL Domaine de Monadière reconnaît que ce courrier a été reçu le 1er mars 2021.

Ainsi, si le bail de la SARL Domaine de Monadière a été renouvelé, M. B. n'a pas pour autant renoncé à se prévaloir de sa demande en résiliation du contrat pour manquements du preneur à ses obligations, les motifs invoqués restant d'actualité au moment du renouvellement du bail, que ce soit le manquement relatif à la clause de destination des lieux, ou encore celui relatif aux obligations du preneur quant à l'entretien du bien. La délivrance du congé et l'exercice du droit de repentir n'ont été réalisés qu'à titre conservatoire par le bailleur.

Le moyen tendant à déclarer les demandes du bailleur irrecevables sera rejeté.

- sur la résiliation du bail

La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera pas à ses obligations contractuelles, principe énoncé à l'article 1184 ancien du code civil et repris au sein des articles 1224 et suivants du code civil.

> En l'espèce, le bail commercial dressé par acte authentique le 1er septembre 2010, dont les conditions restent inchangées dans le cadre du renouvellement, énonce en page 4 dans une partie intitulée 'Destination des lieux loués' :

'Les locaux faisant l'objet du présent bail devront exclusivement être consacrés par le preneur à l'exploitation de son commerce de gîtes, village-vacances et plus particulièrement 

exploitation d'un complexe touristique, village-vacances, location de résidences de vacances : 13 gîtes, organisation de réceptions, stages, spectacles, manifestations culturelles et sportives, gîtes équestres, bars-restaurants, plats à emporter, à l'exclusion de tout autre, même temporairement.'

Il est en outre précisé en page 8 qu'aucun fait de tolérance de la part du bailleur, quelle qu'en soit la durée, ne pourra créer un droit en faveur du preneur, ni entraîner aucune dérogation aux obligations qui incombent au preneur en vertu du bail, de la loi ou des usages, à moins du consentement exprès et par écrit du bailleur.

M. B. reproche tout d'abord à la SARL Domaine de Monadière de prêter (ou louer) l'un des gîtes pris à bail à sa gérante et à la famille de celle-ci, ce qu'il estime contraire au caractère exclusif de l'usage des lieux pour l'exploitation de l'activité commerciale.

La SARL Domaine de Monadière ne conteste pas cette occupation, mais soutient que l'exploitation du site nécessite une présence permanente de l'exploitant sur les lieux pour accueillir les clients, leur fournir diverses prestations et assurer le fonctionnement général de l'établissement ; que les époux C. ont toujours résidé sur les lieux depuis l'achat du fonds de commerce le 16 décembre 2014, tout comme le précédent exploitant ; qu'étant mariés, ils sont tenus à une communauté de vie ; qu'en outre si M. C. exerce une activité individuelle non commerciale de 'nettoyage courant des bâtiments', il n'a pas de fonds de commerce, sa domiciliation ne génère aucun droit au bail et donc aucune obligation pour M. B..

Le tribunal a considéré que cette inobservation invoquée par M. B., qu'il avait toujours acceptée des précédents locataires, compte-tenu par ailleurs des nécessités de l'exploitation du bail, ne pouvait être retenue comme une violation des dispositions contractuelles justifiant la résiliation du bail litigieux.

Toutefois, en premier lieu, le contrat de bail rappelle qu'aucun fait de tolérance de la part du bailleur ne peut créer un droit en faveur du preneur ou entraîner une dérogation aux obligations du preneur.

M. B. produit par ailleurs des attestations de deux personnes :

- Mme Florence S. ayant pu constater que l'ancien gérant des gîtes M. Arnaud B. qu'elle connaissait bien, ne vivait pas de manière permanente dans un gîte, le site ne prévoyant pas de logement de fonction ;

- M. Sylvain C. s'étant rendu sur les lieux objets du bail lors de mariages, et ayant constaté que M. B. était logé dans une toile de tente sur le terrain jouxtant la salle.

Par ailleurs, la présence indispensable continue de la gérante sur les lieux est remise en cause par plusieurs attestations de personnes ayant constaté que Mme C. travaillait en tant que caissière au magasin Super U d'Arlanc, ces attestations concernant pour certaines l'année 2021.

Ensuite, le bail est exclusivement de nature commerciale, et non mixte. Il stipule une clause expresse quant à la destination des lieux qui doivent exclusivement être 'consacrés par le preneur à l'exploitation de son commerce de gîtes, village-vacances'. Ces stipulations doivent en outre être mises en parallèle avec le prix du bail qui est de 5 000 euros par an, ce qui est un montant de loyer faible.

Vivent sur les lieux, le mari de Mme C. et ses enfants. M. C. y a domicilié son activité de nettoyage des bâtiments.

Il s'agit là d'une première violation des clauses du bail commercial.

> M. B. reproche ensuite un défaut d'entretien des lieux par la SARL Domaine de Monadière.

Le bail prévoit en page 4 :

'Etat des lieux :

Le preneur prendra les lieux loués dans leur état actuel, sans pouvoir exiger aucune réparation.

Entretien - Réparations :

Le preneur entretiendra les lieux loués en bon état de réparations locatives ou de menu entretien, pendant la durée du bail, et les rendra à sa sortie en bon état de réparations locatives, le bailleur n'ayant à sa charge que les grosses réparations prévues à l'article 606 du code civil.

Il supportera toutes réparations qui deviendraient nécessaires par suite soit de défaut d'exécution des réparations locatives, soit de dégradations résultant de son fait ou de celui de son personnel ou de sa clientèle.

Il aura entièrement à sa charge, sans aucun recours contre le bailleur l'entretien complet de la devanture et des fermetures des locaux d'exploitation ; le tout devra être maintenu constamment en parfait état de propreté et les peintures extérieures devront être refaites au moins tous les trois ans, étant précisé que toutes les réparations, grosses et menues, et même les réfections et remplacements qui deviendraient nécessaires au cours du bail aux devantures, vitrines, glaces et vitres, volets ou rideaux de fermeture des locaux d'exploitation seront à sa charge exclusive.

Il a été expressément convenu entre les parties que le preneur ne réclamera aucune réparation lors de l'entrée en jouissance.'

Dans le cadre du litige opposant les parties, une expertise judiciaire est intervenue, mais la mission donnée à l'expert a été limitée notamment à décrire les désordres concernant la fuite d'eau du restaurant, le liner de la piscine, la fuite sur le petit bassin piscine, la conformité aux normes du tableau électrique de piscine, l'accès au bloc alarme incendie et au compteur électrique se trouvant chez M. B., la mise aux normes demandée par la commission de sécurité, les huisseries non jointives, la séparation des installations électriques, et à évaluer les travaux à réaliser pour réparer les désordres.

L'expert a dans un premier temps listé les désordres constatés, et il indique que ce qui lui apparaît être le plus gros problème est celui des menuiseries extérieures qui sont anciennes et ne sont plus adaptées aux normes actuelles. Il mentionne que la plupart des menuiseries des gîtes présentent des problèmes d'étanchéité à l'eau mais surtout à l'air : porte déformée, problème de poignée d'ouverture et fenêtre sans joint pour le gîte n°1, petite cassure sur porte d'entrée gîte 2, fenêtre salle de bain à régler, fenêtres de l'étage laissant passer l'air sur le dessus ; constatations identiques dans les gîtes 3 à 6 ; problèmes récurrents de menuiseries pour les gîtes 7 à 12. Le vitrage d'une fenêtre a été changé, mais le joint mis en place présente de grosses coulures. Les terrasses extérieures à l'entrée de ces gîtes en lames de bois sur solives sont complètement pourries et rendues inutilisables et dangereuses.

Dans la partie relative à l'évaluation des travaux pour réparer les désordres, l'expert conclut :

'Les menuiseries les plus détériorées doivent être réparées soit : mise en oeuvre de joints métalliques, reprise de quincailleries, ajouts de couvre-joints, rabotage et fixations diverses (2 100,00') ; mise en oeuvre de fermetures spécifiques pour portes de sortie (360,00 ') ; plus spécifiquement : nettoyage et changement des joints Tremco pour le vitrage d'une fenêtre dans gîte (250,00 '), remplacement de lambris par un panneau isolant dans cagibis (80,00 ') et mise en oeuvre de seuils (lingerie, accueil) (150,00 euros) : total 2 940,00 euros TTC.

Pour la zinguerie, il faudra couper en biais les tuiles de la noue du bâtiment principal, et souder les différents trous et soudures défaillantes des gouttières, soit 700,00 ' TTC.

Pour la chaufferie, il faudra remplacer tout d'abord la porte extérieure (620,00 ') et ensuite monter une cloison CF munie d'une porte CF entre la cuve fuel et le silo, pour un coût de 820,00 ', soit 1 440,00 ' TTC ; par ailleurs chacune des parties disposera d'une clef pour pouvoir se rendre dans le local.

Le système d'arrêt et ré-enclenchement de l'alarme sera prolongé vers un boîtier étanche qui sera placé à 1,30 mètre du sol dans le passage qui sépare ce bâtiment du bâtiment restaurant ; cette intervention est estimée à 350,00 ' TTC.

Une coupure 'coup de poing' sera placée à l'extérieur du bâtiment 'accueil', car c'est le seul qui est réputé recevoir du public, les autres n'étant que des logements ; cette intervention est estimée à 550,00 '.

L'étanchéité du béton de l'escalier en pignon du bâtiment, comprenant nettoyage et produit étanche, nécessaire pour éviter les infiltrations de la pièce du dessous, est estimée à 340,00 ' TTC.

Les travaux nécessaires pour éviter les pénétrations d'humidité dans les gîtes sont les suivants : terrassements en tranchée le long des murs, piquage et application d'enduit hydrofuge, compris dans les angles, mise en place de plastiques drainant et remplissage des tranchées en gravier, ainsi que la mise en place de tuyaux PVC destinés à éloigner des murs les embouts de descentes EP ; leur coût est estimé à 1 760,00 ' TTC, car ils ne concernent que deux endroits spécifiques.

Le rebouchage du trou du dallage sous la baignoire du gîte 10 ainsi que la peinture des cloisons dégradées par l'humidité sont estimés à 220,00 '.

Le remplacement des terrasses bois détériorées (solivage + planches) est estimée à 2 760,00 ' TTC.

Le liner du grand bassin pourra être réparé provisoirement, pour un montant que l'on peut estimer à 1 200 ' TTC.

La fissure du petit bassin sera rebouchée au béton hydrofuge avec écartement préalable de ses lèvres, puis une peinture étanche sera appliquée ; cette intervention est estimée à 750,00 ' TTC.

Le bac à douche/pédiluve de l'entrée sera remplacé, compris scellement, pour un coût de 360,00 '.'

La SARL Domaine de Monadière demande de constater que le défaut d'entretien invoqué par M. B. ne lui est pas imputable.

Le tribunal a estimé que ce n'était pas tant le défaut d'entretien des menuiseries extérieures par le preneur qui était en cause, que leur conception et leur inadaptation aux normes actuelles ; que les mesures de réfection qui s'imposaient n'étaient aucunement démontrées nécessaires par suite soit du défaut d'exécution des réparations locatives par le preneur, soit de dégradations résultant de son fait ou de celui de son personnel ou de sa clientèle. Il a retenu le même raisonnement concernant les équipements de cuisine ou de piscine.

Toutefois, le bail définit expressément les obligations d'entretien du preneur, ceci pour tenir compte du montant du loyer fixé par les parties à 5 000 euros par an, ce qui constitue l'économie générale du contrat. Le bailleur est seulement tenu aux grosses réparations de l'article 606 du code civil, avec la précision que toutes les réparations, grosses et menues, et même les réfections et remplacements qui deviendraient nécessaires au cours du bail aux devantures, vitrines, glaces et vitres, volets ou rideaux de fermeture des locaux d'exploitation seront à la charge exclusive du preneur.

Si l'expert a pu indiquer dans son rapport en pages 15 et 16 que les désordres constatés trouvaient principalement leur origine dans un manque d'entretien de la part des locataires en général, et notamment par les locataires antérieures à l'arrivée de la SARL Domaine de Monadière dirigée par Mme C., il n'en demeure pas moins, au vu des conclusions de l'expert sur la réparation des désordres, que le preneur actuel s'est montré particulièrement négligent dans l'exécution de son obligation d'entretien : en effet, l'expert propose notamment des petites réparations permettant de conserver encore quelques années les menuiseries extérieures.

Il existe ici encore un manquement du preneur à ses obligation, à savoir l'obligation d'entretien des lieux loués.

> Enfin, M. B. reproche à son preneur un manque de paisibilité dans la jouissance des lieux.

L'article 1728 du code civil met à la charge du preneur une obligation d'user de la chose louée 'raisonnablement'.

Le bail mentionne en page 6 dans un paragraphe intitulé 'Jouissances des lieux' :

'Le preneur devra jouir des lieux en bon père de famille, se conformer au règlement de l'immeuble et ne rien faire qui puisse en troubler la tranquillité ni apporter un trouble de jouissance quelconque ou des nuisances aux autres occupants'.

Il sera observé que l'expert judiciaire a terminé son rapport en indiquant qu'en raison des tensions existant entre les parties, il convenait qu'elles trouvent des moyens de communication plus raisonnables.

Il ressort de plusieurs pièces versées par M. B. que le mari de Mme C. qui est, selon les déclarations de la gérante de la SARL Domaine de Monadière employé dans le cadre d'un contrat de travail en qualité d'agent technique (tel que cela est mentionné dans le rapport d'expertise), fait preuve d'agressivité et dénigre de manière grossière M. B. qui a son domicile à côté des lieux loués.

De son côté, la SARL Domaine de Monadière n'a fourni aucune explication sur ce grief, et ne verse aucune pièce permettant de remettre en cause les attestations ou photographies versées aux débats par M. B..

Il s'agit là encore d'un manquement à une obligation du preneur, à savoir celle d'user paisiblement des lieux loués.

Aussi, si le défaut d'entretien du preneur ne peut à lui seul suffire à prononcer la résiliation du bail en raison d'une certaine vétusté des lieux qui aurait pu conduire à considérer le manquement insuffisamment grave, la multiplication des manquements tels qu'énoncés ci-dessus permet de caractériser la gravité nécessaire aux griefs pour aboutir au prononcé de la résiliation du bail, et ce, dans un contexte de grandes tensions entre les parties.

Il sera néanmoins accordé un délai de six mois au preneur pour quitter les lieux, délai à l'issue duquel son expulsion sera ordonnée à défaut d'avoir quitté les lieux volontairement.

- sur la demande de provision de M. B.

M. B. sollicite une somme de 25 000 euros en raison des travaux d'entretien incombant à la SARL Domaine de Monadière, et notamment l'absence de mise en peinture des menuiseries extérieures.

Outre le fait que cette somme dépasse largement l'évaluation de l'ensemble des désordres faite par l'expert judiciaire (au total 13 370 euros TTC) et que de surcroît, une partie des désordres est imputable au propriétaire en raison de certaines malfaçons (comme c'est le cas de la découpe des tuiles au niveau de la noue entraînant des problèmes de fuite et d'accumulation de mousse et de feuilles) et de la vétusté des lieux, cette demande de provision sera rejetée à défaut de caractériser précisément le préjudice dont il sollicite réparation.

- sur les demandes reconventionnelles de la SARL Domaine de Monadière

Le bail étant résilié, les demandes en condamnation pécuniaire aux fins de réaliser divers travaux deviennent sans objet.

Toutefois, il y a lieu de statuer sur la demande au titre du règlement des travaux exécutés par la SARL Domaine de Monadière en exécution de l'état des lieux.

Il est versé en pièce n°3, l'état des lieux en date du 12 novembre 2014 établi lors de la prise de possession des lieux loués par la SARL Domaine de Monadière dirigée par Mme C.. Un accord avait été pris le même jour entre l'ancien preneur, le bailleur M. B. et le nouveau preneur :

'Suite à l'état des lieux, il est convenu entre M. B. et M. B. de verser la somme forfaitaire de 10 000 ' (dix mille euros) pour mise à niveau de l'ensemble. Cette somme de 10 000 ' sera reversée au nouveau locataire Mr et Mme C. sur présentation des factures des travaux qu'ils s'engagent à effectuer.'

La SARL Domaine de Monadière estime que les travaux ont été exécutés et les factures communiquées pour 10 656,08 euros.

Dans un courrier de son conseil en date du 20 novembre 2015, la SARL Domaine de Monadière faisait valoir au conseil de M. B. qu'une difficulté se manifestait relativement à la liste des travaux à leur charge et leur importance, estimant que certains étaient 'imputables' au propriétaire. En réponse, M. B. répondait le 3 décembre 2015, n'avoir jamais demandé d'effectuer les travaux, hormis les travaux d'entretien et de remise en état incombant au preneur en vertu des clauses du bail.

Or, ainsi que l'a énoncé le tribunal sur ce point, si l'accord pris entre les parties le 12 novembre 2014 n'imposait rien d'autre que la présentation des factures, il reste que les seules factures versées aux débats, sous réserve des factures de 203,28 euros et de 436,86 euros, ne permettent effectivement pas de vérifier que ces fournitures de matériels divers et ces livraisons ont précisément été affectées aux travaux objet de l'accord sus-visé.

Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a condamné M. B. au paiement de la somme de 640,14 euros correspondant à deux factures en date des 22 juin 2015 et 9 mars 2015 au titre des dépenses engagées par la SARL Domaine de Monadière en exécution de l'accord du 12 novembre 2014, et en ce qu'il a rejeté le surplus.

- sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Succombant principalement à l'instance, la SARL Domaine de Monadière sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel qui incluront les frais d'expertise judiciaire et de référé.

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;

Infirme, dans les limites de sa saisine, le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné M. Gérard B. à payer à la SARL Domaine de Monadière la somme de 640,14 euros TTC au titre des travaux entrepris sur les lieux objets du bail commercial et a rejeté les autres demandes à ce titre ;

Statuant à nouveau :

Rejette le moyen soulevé par la SARL Domaine de Monadière tendant à déclarer les demandes du bailleur irrecevables ;

Prononce la résiliation du bail commercial existant entre M. Gérard B. et la SARL Domaine de Monadière aux torts du preneur ;

Ordonne l'expulsion de la SARL Domaine de Monadière, ainsi que celle de tous occupants de son chefs, des locaux et dépendances pris à bail à compter d'un délai de six mois suivant la signification de l'arrêt, et au besoin avec le concours de la force publique ;

Déboute en conséquence la SARL Domaine de Monadière de ses demandes en condamnation au titre de travaux à réaliser dans les lieux loués ;

Déboute M. Gérard B. de sa demande provisionnelle de dommages et intérêts;

Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SARL Domaine de Monadière aux dépens de première instance et d'appel qui incluront les frais d'expertise judiciaire et de référé.