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Décisions

CA Reims, ch. civ. sect. 1, 2 juin 2015, n° 12/1312

REIMS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Bletanol (Sté), Société Coopérative Agricole Acolyance (Sté), Société Coopérative Agricole d'Eure et Loir (Sté)

Défendeur :

Vivescia (SAS), Union Cristanol (Sté), Société Coopérative Agricole Agropithiviers (Sté), Société Coopérative Agricole De Conservation, Transformation Et De Vente De La Région De Juniville (Sté), Société Coopérative Agricole d'Esternay (Sté), Société Coopérative Agricole Des Producteurs Du Gatinais - La Meunière (Sté), Société Coopérative Agricole EMC2 (Sté), Société Coopérative Agricole Efigrain-Sezanne (Sté), Société Coopérative Agricole Lorraine Céréales Approvisionnement- Lorca (Sté), Société Coopérative Agricole Noriap (Sté), Société Coopérative Agricole De La Region d'Arcis Sur Aube - Scara (Sté), Société Coopérative Agricole De La Champagne (Sté), Société Coopérative Agricole Ile De France Sud (Sté), Société Coopérative Agricole Terres Bocage Gatinais (Sté), Société Coopérative Agricole De Boisseaux (Sté), Société Coopérative Agricole De La Région De Puiseaux (Sté), Société Union Coopérative De L'arrondissement De Clermont (Sté), Société Coopérative Agricole 110 Bourgogne (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Maillard

Conseillers :

M. Soin, Mme Simon-Rossenthal

Avocat :

SCP Genet

TGI Reims, du 7 juin 2011

7 juin 2011

Au cours des années 2005/2006, plusieurs coopératives productrices de blé ont décidé, en partenariat avec la société Cristal Union, union coopérative regroupant des producteurs de betteraves, de lancer un projet, appelé Cristanol, consistant à construire en commun, à Bazancourt dans la Marne, une usine de production de bioéthanol composée de deux lignes, l'une pour les betteraves (ligne I) et l'autre pour le blé (ligne II). Ce projet a été lancé dans le contexte d'une volonté politique, européenne et nationale, de diminuer les émissions de gaz à effet de serre, de sécuriser les approvisionnements énergétiques et de promouvoir les énergies renouvelables, laquelle se traduisait notamment par des mesures incitatives sur le plan fiscal. A l'époque, le cours du blé était stable depuis de nombreuses années (105 euros/tonne) et le marché saturé. Ainsi, le développement des biocarburants constituait une opportunité de commercialisation des récoltes de blé dans un contexte économique difficile.

 

Pour mettre en place ce projet, les coopératives productrices de blé, Champagne Céréales (devenue Vivescia), Nouricia et Emc2, se sont, au cours du mois de juin 2006, regroupées pour former une union de coopératives, l'Union Blétanol, à laquelle ont adhéré vingt et une autres coopératives céréalières, dont la société Cohésis (devenue Acolyance) et la société Scael. Ces coopératives ont, conformément aux statuts, fait un apport en capital à l'Union Blétanol et se sont engagées à lui livrer une certaine quantité annuelle de blé.

 

L'Union Blétanol et Cristal Union se sont associées pour former l'Union Cristanol, qui a pour objet de transformer en éthanol le blé et les betteraves livrés par ses associés. L'Union Blétanol a pris l'engagement de collecter du blé auprès des coopératives céréalières associées aux fins de le livrer à l'Union Cristanol, la société Cristal Union se chargeant, de son côté, de collecter et de livrer les betteraves.

 

La société Cristanol, créée à l'origine sous la forme d'une société par actions simplifiée immatriculée le 13 décembre 2005, a, dans le cadre du projet représentant un investissement de 272 millions d'euros, pris la forme plus adaptée d'une union de coopératives agricoles, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Reims le 3 mai 2006 et agréée en qualité d'union de coopératives agricoles le 24 juillet 2006.

 

La société Blétanol, également constituée sous la forme d'une union de coopératives agricoles, le 22 juin 2006, a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Reims le 26 juin 2006 et a reçu l'agrément ministériel le 20 octobre 2006. Elle a pour objet 'd'effectuer ou de faciliter, quels que soient les moyens techniques mis en œuvre par elle, pour le compte de ses associés coopérateurs, les opérations ci-dessous énumérées concernant la production, la transformation, l'écoulement et la vente à l'exportation ou sur le marché intérieur des catégories de produits précisés (..) Blé, coproduits et sous-produits des blés destinés à la production d'alcool et autres carburants ou combustibles'.

 

Le projet Blétanol/Cristanol a, dès le 3 janvier 2006, été soumis aux coopératives céréalières intéressées qui ont été conviées à une réunion d'information le 12 mai 2006, au cours de laquelle les lignes directrices du projet Cristanol leur ont été exposées et des documents d'information expliquant le montage juridique et financier envisagé, présentés, sous forme d'images projetées 'slides', et distribués aux futurs associés, dont les sociétés Acolyance et Scael.

 

Ces informations concernaient notamment, la constitution des sociétés Cristanol et Blétanol sous forme de coopératives agricoles, le budget de la ligne blé estimé à 115 millions d'euros, les agréments obtenus en vue de la production de 145 000 tonnes d'éthanol, les éléments d'une convention d'actionnaires à conclure entre l'Union Blétanol et Cristal Union présentant le schéma industriel envisagé, les modalités de prise des principales décisions (à l'unanimité, dont celles concernant le prix d'apport des matières premières), la mise en place de deux lignes distinctes pour la betterave et pour le blé avec une gestion analytique rigoureuse, l'estimation du prix du blé rendu campagne à 110/120 euros /tonne. Il était précisé que le prix de la matière première constituait la variable d'ajustement du résultat net de Cristanol, et que le paiement des apports de blé se ferait sur la base d'acomptes pouvant bénéficier d'un complément de prix ou de la mise en place d'un contrat direct entre les coopérateurs et Cristanol selon un contrat à prime à partir du Matif.

 

Au vu des aléas de l'opération et des fluctuations pouvant atteindre le prix de l'éthanol et celui du blé, les fondateurs de la société Blétanol ont, à plusieurs reprises, conseillé aux coopérateurs de n'engager que 10% de leur récolte et de continuer à commercialiser le reste de leur collecte sur le marché du blé alimentaire.

 

La société Acolyance, anciennement dénommée Cohésis, société coopérative céréalière implantée dans la Marne depuis 1991, comptant plus de 3 500 agriculteurs adhérents, a signé un bulletin d'adhésion à l'Union Blétanol le 29 juin 2006, en s'engageant à livrer annuellement 60 000 tonnes de blé pendant dix ans et en souscrivant, pour 60 000 parts au prix de 50 euros, un investissement total de 3 millions d'euros.

 

La société Scael, coopérative d'Eure et Loir, implantée dans le bassin parisien, regroupant 1 600 adhérents, occupant 400 salariés et ayant pour objet le stockage, la conservation, la transformation, le conditionnement, l'écoulement et la vente de céréales, a, de même, confirmé son adhésion à l'Union Blétanol le 27 juin 2006, en s'engageant à livrer annuellement 50 000 tonnes de blé pendant dix ans et en souscrivant, pour 50 000 parts au prix de 50 euros la part, un investissement de 2,5 millions d'euros.

 

Pendant la période de constitution de la société Blétanol et dans l'attente de son agrément par le ministère de l'agriculture et de la pêche, la société Champagne Céréales (devenue Vivescia), membre fondateur de l'Union Blétanol, a, afin de ne pas retarder le projet Cristanol, pris divers engagements à l'égard des sociétés Cristal Union et Cristanol, en se portant fort de leur reprise par la société Blétanol. Elle a ainsi, adhéré à l'Union Cristanol en qualité d'associé coopérateur fondateur, s'est engagée à ce que soient livrées à Cristanol, conformément aux statuts, 190 000 tonnes de blé (ainsi que 9 000 tonnes de glucose contenu dans les substrats céréaliers) et à souscrire 25 parts sociales de Cristanol d'une valeur de 1 000 euros chacune. Elle a, le 29 septembre 2006, souscrit 4 175 nouvelles parts sociales de Cristanol d'une valeur identique et a, le 4 juillet 2006, signé avec la société Cristal Union, au profit de la société Cristanol, une convention d'avances financières d'un montant de 5,2 millions d'euros.

 

Le même jour, la société Siclaé, société en commandite par actions, filiale de Champagne Céréales, agissant pour les intervenants du secteur céréalier devant être regroupés dans le cadre de l'Union Blétanol, a signé avec la société Cristal Union représentant le pôle des betteraviers, une convention d'investissement et d'exploitation, constituant le pacte d'associés fixant les règles de leur collaboration en vue de la réalisation du projet Cristanol. Cette convention précisait notamment, que, lorsque les lignes I et II seraient en production, les recettes et les charges de fonctionnement de la société Cristanol seraient ventilées analytiquement sur chacune de ces deux lignes, qu'au vu des résultats analytiques de chaque ligne l'assemblée générale de Cristanol fixerait pour chaque exercice le prix définitif des dites matières premières, que le coût variable serait le coût d'approvisionnement des substrats betteraviers ou glucosés ou du blé, que ces matières seraient valorisées en conséquence et que leur prix serait ajusté de manière à respecter les équilibres économiques de Cristanol, lorsque les unités fonctionneraient à un rythme proche de leur nominal.

 

Le 8 novembre 2006, le conseil d'administration de la société Blétanol a, à l'unanimité, voté l'adhésion de la société Blétanol à la société Cristanol et sa substitution intégrale aux droits et obligations souscrits jusqu'à ce jour par la société Champagne Céréales.

 

Le montant des investissements initialement envisagés pour le projet Cristanol a été revu à la hausse au cours de l'année 2006, cette évolution ayant été discutée notamment lors du conseil d'administration du 8 novembre 2006 au cours duquel il a été annoncé que le budget de la ligne Cristanol II, après rectification, devrait se situer entre 165 et 170 millions d'euros, le budget final de la ligne blé se trouvant fixé à 153 millions d'euros.

 

Le 28 décembre 2006, l'assemblée générale de la société Cristanol a voté la décision d'investir dans la ligne blé.

 

A partir de l'année 2007, le cours du blé alimentaire a brutalement et durablement augmenté, de sorte que certains associés se sont interrogés sur l'opportunité de poursuivre le projet de construction de la ligne blé.

 

Par lettre adressée au président de la société Blétanol le 8 janvier 2008, la société Acolyance, engagée dans différents autres projets, a exprimé sa volonté de réduire le volume de blé qu'elle s'était engagée à livrer. Souhaitant retarder la mise en route de la filière blé, elle a, par courrier du 30 janvier 2009, informé la société Blétanol de son refus de procéder à la livraison de blé.

 

Par lettre du 28 mai 2009, la société Scael estimait à son tour, qu'il convenait de s'interroger sérieusement sur le devenir de la ligne blé, avant de cesser de respecter son engagement de livrer du blé.

 

Par acte du 31 août 2009, les sociétés Acolyance et Scael ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Reims d'une demande d'expertise des difficultés rencontrées par la société Blétanol dans sa participation au projet Cristanol. Les parties ayant convenu de recourir à un audit externe, confié à la société CM International (CMI) le 5 octobre 2009, la société Scael s'est désistée de sa demande, tandis que la société Acolyance a sollicité la communication de divers documents.

 

Par ordonnance du 11 janvier 2010 , le juge des référés a rejeté la demande d'expertise, mais a ordonné sous astreinte la communication par la société Blétanol, notamment, du « business plan » 2006 visé dans un procès-verbal du conseil d'administration de la société Blétanol du 3 octobre 2008 et dans la lettre du 22 octobre 2007 , de la convention d'investissement du 4 juillet 2006 et de son avenant du 15 mars 2007, de la convention cadre la liant à la société Cristanol régissant les conditions d'apport de blé.

 

Soutenant que la société Blétanol, alors représentée par son associé fondateur et administrateur, la société Champagne Céréales (devenue Vivescia), s'était rendue coupable de dol en cachant intentionnellement et de mauvaise foi les perspectives de rentabilité du projet Cristanol, que le conseil d'administration de la société Blétanol n'avait pas autorisé le montage juridique et financier convenu entre les sociétés Blétanol et Cristanol, que la société Blétanol avait manqué à son obligation de loyauté en imposant des prix abusivement bas et en alourdissant les obligations de ses adhérents, la société Acolyance (anciennement Cohesis) a, par acte du 1er mars 2010, fait assigner les sociétés Blétanol, Vivescia (anciennement Champagne Céréales) et Cristal Union devant le tribunal de grande instance de Reims, aux fins de faire prononcer, à titre principal, l'annulation de son engagement coopératif au sein de la société Blétanol, subsidiairement, la résolution de son engagement coopératif, la dissolution judiciaire de la société Blétanol et la désignation d'un mandataire et, à titre infiniment subsidiaire, l'annulation de plusieurs résolutions du conseil d'administration de la société Blétanol.

 

La Société Scael est intervenue volontairement à la procédure et a, de même, sollicité l'annulation de son engagement envers la société Blétanol, en exposant que son consentement avait été vicié et que la réticence dolosive de la société Blétanol avait été déterminante dans ses décisions d'adhésion et d'engagement d'apport.

 

Régulièrement autorisée, la société Blétanol a, par acte du 27 mai 2010, fait assigner, à jour fixe, les sociétés Acolyance et Scael devant le tribunal de grande instance de Reims, en paiement de factures, établies sur décision de son conseil d'administration et représentant le manque à gagner subi en raison de l'approvisionnement qui avait dû être fait auprès d'autres associés coopérateurs suite à la carence des sociétés Acolyance et Scael.

 

Ces deux procédures ont été jointes.

 

La société Blétanol a conclu au rejet des demandes des sociétés Acolyance (anciennement Cohésis) et Scael. Elle a soutenu que les engagements coopératifs souscrits étaient valides et a fait valoir qu'elle était légitime à solliciter l'exécution forcée des livraisons de blés.

 

Les sociétés Vivescia (anciennement Champagne Céréales), Cristanol et Cristal Union ont conclu à leur mise hors de cause.

 

Par jugement du 7 juin 2011, le tribunal a, après avoir mis hors de cause les sociétés Cristanol, Cristal Union et Champagne Céréales,

 

- rejeté les demandes en paiement de dommages et intérêts et en application de l'article 700 du code de procédure civile formées par la société Vivescia à l'encontre de la société Acolyance et par les sociétés Cristanol et Cristal Union contre les sociétés Acolyance et Scael ;

 

- prononcé la résolution judiciaire des contrats de coopération conclus, d'une part, entre la société Acolyance et la société Blétanol et, d'autre part, entre la société Scael et la société Blétanol, aux torts exclusifs de cette dernière ;

 

- ordonné la réouverture des débats en enjoignant aux sociétés Acolyance et Scael de produire les décomptes des investissements et paiements effectués, à la société Blétanol de faire ses observations sur ces décomptes et a réservé les dépens.

 

Le tribunal a relevé, dans ses motifs sur les demandes de nullité des contrats, que le dol ne pouvait être retenu, les sociétés demanderesses ne démontrant pas ne pas avoir eu connaissance des informations déterminantes pour leur consentement, que la cause du contrat était licite et que le caractère indéterminé ou indéterminable du prix n'entraînait pas la nullité de l'engagement en matière de coopératives agricoles.

 

Concernant la résolution du contrat, le tribunal a relevé que la société Blétanol avait pris des décisions favorables à un tiers au détriment de l'intérêt de ses associés, que les sociétés Cohésis (devenue Acolyance) et Scael étaient dépendantes de la situation financière de l'acquéreur final, qu'elles n'ont pas eu une connaissance loyale des montages bancaires et des conventions relatives aux apports de blé et que la société Blétanol avait manqué à son obligation de tout mettre en œuvre pour valoriser au mieux les livraisons de blé.

 

La société Blétanol a interjeté appel.

 

Par conclusions du 8 janvier 2015, auxquelles la cour se réfère par application de l'article 455 du code de procédure civile, la société Blétanol demande à la cour :

 

- in limine litis, de constater que le président de l'Union Blétanol disposait des pouvoirs pour agir en exécution forcée contre Acolyance, de dire irrecevable la demande d'Acolyance tendant à faire annuler partiellement ses conclusions pour défaut de pouvoir de son président et de constater que la demande de nullité partielle de la déclaration d'appel de la société Acolyance est sans objet dès lors que son président disposait bien des pouvoirs pour agir en exécution forcée ;

 

- de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes d'annulation des engagements coopératifs des sociétés Acolyance et Scael au sein de l'union Blétanol fondées sur le dol et la réticence dolosive, l'absence de cause et le caractère indéterminé ou indéterminable du prix ;

 

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résolution des engagements coopératifs des sociétés Acolyance et Scael aux torts exclusifs de la société Blétanol, de juger qu'il n'y a pas lieu à annulation de contrat, de dire qu'il n'y a pas lieu à résolution des contrats;

 

- de débouter Alcolyance en sa demande de retrait ;

 

- de débouter les sociétés Acolyance et Scael de leur demande de nullité de l'Union Blétanol pour fraude pour cause illicite et violation de la loi du 1er septembre 1947 ;

 

- de débouter les sociétés Acolyance et Scael de leur demande de dissolution de l'Union Blétanol et de juger valables les délibérations du conseil d'administration de l'Union Blétanol ;

 

- de débouter la société Acolyance de sa demande tendant à l'annulation de la délibération du conseil d'administration de la société Blétanol du 30 juin 2009 et des résolutions et délibérations des conseils d'administration de l'Union Blétanol des 8 novembre 2006, 27 juin 2007, 1er septembre 2009 et 5 octobre 2009 ;

 

- au surplus, de constater que les sociétés Acolyance (anciennement Cohésis) et Scael n'ont pas livré le tonnage de blé dû pour les six exercices clos (278 100 tonnes pour Acolyance et 223 405 tonnes pour Scael) ;

 

- de leur enjoindre, sous astreinte de 4 000 euros par jour de retard, à compter du jour où chacune des livraisons prévues par le calendrier fixé par la cour aurait dû intervenir ;

 

. d'avoir à livrer à la société Blétanol 50% du tonnage appelé au cours du premier exercice suivant la signification de l'arrêt à intervenir et 50% au cours du deuxième exercice suivant cette signification, conformément au calendrier fixé par la cour, et dire que les livraisons seront payées par la société Blétanol, pour chaque exercice clos, en application de la formule suivante :

 

'prix de marché rendu Pomacle' au moment de la livraison effective dont on soustraira 'l'écart de la campagne' constaté lors de l'exercice au cours duquel cette livraison aurait dû être effectuée, ledit 'écart de campagne' étant assorti de l'intérêt légal calculé à compter de la fin de l'exercice concerné et jusqu'à la signification de l'arrêt à intervenir et, en tant que de besoin, de désigner tout courtier en marchandises assermenté près de la cour d'appel de Reims ou de Paris pour déterminer 'le prix du marché rendu Pomacle' et 'l'écart de la campagne' exercice par exercice ;

 

. d'avoir à livrer l'ensemble des tonnages appelés en cours d'exercice 2014/2015 et de dire que le prix sera celui appliqué par la société Blétanol au cours de cet exercice ;

 

- subsidiairement, de condamner les sociétés Acolyance et Scael à payer à la société Blétanol une indemnisation équivalente au montant des factures dues, s'élevant pour la société Acolyance à la somme de 13 598 197,97 euros et pour la société Scael à la somme de 10 712 845,99 euros avec les intérêts au taux légal, en ordonnant la capitalisation des intérêts.

 

La société Blétanol réclame paiement par chacune des intimées de la somme de 80 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation des sociétés Acolyance et Scael aux entiers dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

 

La société Blétanol est soutenue dans son appel par seize sociétés coopératives, membres de l'Union Blétanol, qui sont volontairement intervenues aux débats sur le fondement de l'article 330 du code de procédure civile. Par conclusions du 12 janvier 2015, auxquelles la cour se réfère par application de l'article 455 du code de procédure civile, elles demandent à la cour de leur donner acte du fait que les coopératives ont été éclairées de manière suffisante, antérieurement à leur adhésion et notamment lors de la réunion du 12 mai 2006, sur la portée des engagements qu'elles allaient prendre, de faire droit aux demandes de la société Blétanol, de confirmer le jugement sur la nullité des engagements des sociétés Acolyance et Scael, de l'infirmer en ce qu'il a prononcé la résolution de leurs engagements coopératifs et rejeté les demandes reconventionnelles présentées par la société Blétanol, de débouter les sociétés Acolyance et Scael de toutes leurs demandes en les condamnant in solidum aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile et au paiement à chaque intervenant d'une indemnité de procédure de 4 000 euros.

 

L'Union Cristanol est de même intervenue aux débats aux fins d'appuyer et soutenir l'Union Blétanol, en exposant qu'elle a un intérêt personnel à soutenir la position de Blétanol, car elle pourrait subir les conséquences de cette procédure.

 

Par conclusions du 30 décembre 2014, auxquelles la cour se réfère par application de l'article 455 du code de procédure civile, elle prie la cour de déclarer son intervention recevable ; de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes d'annulation formées par les sociétés Acolyance et Scael de leurs engagements coopératifs à l'égard de l'Union Blétanol ; d'infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résolution des engagements coopératifs des sociétés Acolyance et Scael et a rejeté les demandes reconventionnelles présentées par l'Union Blétanol; de rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions des sociétés Acolyance et Scael ; de rejeter la demande de condamnation à 50 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens formée par la seule société Acolyance contre la société Cristanol et, de manière générale, toute demande contre la société Cristanol.

 

Les sociétés Acolyance et Scael ont formé un appel provoqué contre la société Vivescia, anciennement Champagne Céréales (procédure numéro 12/1312). Cet appel a été déclaré recevable par ordonnance du conseiller de la mise en état du 13 novembre 2012, confirmée par arrêt de la cour en date du 12 mars 2013.

 

Cette procédure a été jointe à la procédure d'appel introduite par la société Blétanol (numéro 11/1570) par ordonnance du conseiller de la mise en état du 13 novembre 2012.

 

Par conclusions du 12 janvier 2015, auxquelles la cour se réfère expressément par application de l'article 455 du code de procédure civile, la Société Acolyance (anciennement Cohésis), demande à la cour de :

 

- prononcer la nullité partielle, pour irrégularité de fond, des conclusions reconventionnelles de première instance de la société Blétanol, pour leur partie relative à la demande d'exécution forcée contre la société Acolyance et, par voie de conséquence, déclarer irrecevable la demande en exécution forcée contre la société Acolyance ;

 

- prononcer la nullité partielle, pour irrégularité de fond, de la déclaration d'appel de la société Blétanol, pour sa partie relative à la demande d'exécution forcée contre la société Acolyance ;

 

- déclarer irrecevable la demande en exécution forcée de la société Blétanol contre la société Acolyance ;

 

- constater l'irrecevabilité de l'intervention volontaire de Cristanol ;

 

- constater l'irrecevabilité de l'intervention volontaire des seize coopératives agricoles intervenantes.

 

La société Acolyance prie la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de son action en nullité de son engagement de coopération et de :

 

- prononcer la nullité (la caducité pour absence de cause) de l'engagement de coopération de la société Acolyance, résultant de son adhésion à l'Union Blétanol du 29 juin 2006 et, en toute hypothèse, des appels de livraison matérialisés par les confirmations d'achat ;

 

- condamner la société Blétanol au remboursement de son apport en capital, soit la somme de 3millions d'euros avec les intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts à compter du 1er mars 2010, date de signification de l'assignation.

 

A titre subsidiaire, elle conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat de coopération la liant à l'Union Blétanol aux torts de l'Union Blétanol et à la condamnation de l'Union Blétanol au paiement à la société Acolyance, en remboursement de son apport en capital, de la somme de 3 millions d'euros avec les intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts à compter du 1er mars 2010, date de signification de l'assignation.

 

Plus subsidiairement, elle prie la cour d'autoriser le retrait de la société Acolyance de l'Union Blétanol avec condamnation de la société Blétanol à lui payer la somme de 3 millions d'euros avec les intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts à compter du 1er février 2011, date de signification de ses conclusions, en remboursement de son apport en capital.

 

Plus subsidiairement encore, de :

 

- prononcer la nullité de l'Union Blétanol pour fraude et désigner un mandataire avec mission de liquider la société, et condamner l'Union Blétanol et Champagne Céréales (devenue Vivescia), en tant qu'auteur et complice de la fraude, à payer in solidum à la société Acolyance la somme de 3 millions d'euros avec les intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts à compter du 1er février 2011, date de signification de ses conclusions, en remboursement de son apport en capital,

 

- prononcer la dissolution de l'Union Blétanol et désigner tout mandataire capable de liquider la société en condamnant la société Blétanol à lui payer la somme de 3 millions d'euros avec les intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts à compter du 1er février 2011, date de signification de ses conclusions, en remboursement de son apport en capital ;

 

- d'ordonner une mesure d'expertise sur le niveau de rentabilité de la ligne blé de l'union et sa capacité à dégager un résultat permettant de rembourser les emprunts bancaires contractés pour financer la construction et l'exploitation de la ligne blé en payant le blé livré au prix du marché.

 

A titre infiniment subsidiaire, elle demande à la cour de prononcer la nullité des résolutions du conseil d'administration de Blétanol et d'actes subséquents ;

 

- de prononcer la nullité de la résolution n 1 du conseil d'administration de l'Union Blétanol du 8 novembre 2006, des décisions a/, d/, g/, h/, et i/ contenues dans la résolution n 2 du conseil d'administration du 27 juin 2007 et de la résolution 2-a/ du conseil d'administration du 30 juin 2010 ;

 

en conséquence,

 

- prononcer la nullité de la convention entre l'Union Blétanol et Champagne Céréales-Siclaé emportant reprise par l'Union Blétanol des obligations de Champagne Céréales-Siclaé découlant de la convention d'investissement et d'exploitation du 4 juillet 2006 et de ses avenants et de sa convention d'apport de blé du 19 mars 2009 ;

 

- constater les conséquences dommageables de ces actes pour Blétanol ;

 

en conséquence,

 

- condamner Champagne Céréales à indemniser l'Union Blétanol de la perte de 2 566 972 euros au 30 juin 2010, sauf à parfaire au titre des pertes constatées sur les exercices postérieurs et jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir, qui résulte, selon l'Union Blétanol de l'écart entre le prix de marché du blé et le prix auquel elle doit livrer le blé à Cristanol en application des deux conventions précitées ;

 

- de prononcer la nullité des délibérations adoptées lors des conseils d'administration de l'Union Blétanol des 1er septembre et 5 octobre 2009 à l'exception de celles relatives à la mission confiée à CM International ;

 

- donner acte à la société Acolyance qu'elle se réserve de demander que soit prononcée la nullité des délibérations adoptées lors des conseils d'administration de l'Union Blétanol des 1er septembre et 5 octobre 2009 et se rapportant à la mission d'audit confiée à CM International ;

 

- prononcer la nullité des délibérations n 1 et n 2 adoptées par l'assemblée générale extraordinaire de l'Union Blétanol du 5 août 2011.

 

A titre subsidiaire, elle demande à la cour de :

 

- débouter la société Blétanol de sa demande de livraison forcée en exécution forcée ;

 

- de déclarer l'Union Blétanol irrecevable en ses demandes en paiement de ses factures n 112 et 113 pour défaut de droit d'agir ;

 

- débouter l'Union Blétanol de l'ensemble de ses demandes en paiement et de sa demande d'exécution provisoire ;

 

- de condamner l'Union Blétanol solidairement avec Vivescia à payer la somme de 200 000 euros à la société Acolyance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

 

- de condamner la société Cristanol à lui payer la somme de 50 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

 

- de condamner l'Union Blétanol et Cristanol aux entiers dépens, avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

 

Par conclusions du 12 janvier, 2015 auxquelles la cour se réfère par application de l'article 455 du code de procédure civile, la société Scael demande à la cour in limine litis :

 

- de déclarer irrecevable l'intervention volontaire de la société Cristanol dans la procédure d'appel ;

 

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Scael de sa demande d'annulation de son engagement coopératif ;

 

- de constater que son engagement coopératif est nul en raison de son consentement vicié par le dol de Blétanol, de l'absence de cause du contrat et de l'absence de détermination du prix ;

 

- de confirmer la résolution de son engagement coopératif ;

 

- d'annuler la société Blétanol en raison de la violation des dispositions de la loi du 10 septembre 1947 et de l'absence de cause licite de celle-ci ;

 

- de débouter la société Blétanol et la société Vivescia et l'ensemble des intervenants volontaires de leurs demandes, fins et conclusions ;

 

- de condamner la société Blétanol au paiement de la somme de 120 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

 

Elle expose que son consentement a été vicié par une erreur et un dol, que l'élément important de son consentement était la mutualisation des risques dans la fixation des prix du blé, ce que la société Blétanol avait affirmé mais pas appliqué, qu'elle s'est trompée sur les perspectives de rentabilité du projet Cristanol, que les fondateurs du projet Cristanol ont commis intentionnellement des actes dolosifs, notamment en dissimulant la convention d'investissement et d'exploitation, en dissimulant les risques, ce qui a été déterminant de son consentement, que son engagement coopératif était nul pour absence de cause, car le projet n'était pas viable et ne présentait pas d'intérêt économique et que le prix du blé n'était pas déterminé ou déterminable.

 

Subsidiairement, elle fait valoir qu'au cours de l'exécution du contrat, la société Blétanol a manqué à son obligation de valoriser au mieux les apports des coopératives, notamment en fixant des prix abusivement bas par rapport au marché, en démarrant un projet peu viable et en poursuivant les intérêts propres de ses fondateurs.

 

Elle explique, enfin, que la demande en exécution forcée des livraisons de blé doit être rejetée car la société Blétanol a déjà facturé, à titre de réparation, le paiement d'une somme venant palier à l'absence de livraison, qu'elle a donc, de ce fait, déjà été sanctionnée et que, de plus, la société Blétanol a manqué à son obligation de valorisation optimale des apports de blé.

 

Par conclusions du 8 janvier 2015, la société Vivescia, intimée sur appel provoqué de la société Acolyance et la société Scael, demande à la cour de :

 

- confirmer le jugement entrepris ;

 

- donner acte à Scael de ce qu'elle ne forme aucune prétention à l'égard de Vivescia ;

 

- dire et juger que le consentement d'Acolyance et de Scael au vote de la première délibération du conseil d'administration de Blétanol du 8 novembre 2006 n'a pas été vicié ;

 

- dire et juger Acolyance et Scael prescrites à demander l'annulation de la première délibération du conseil d'administration de Blétanol du 8 novembre 2006 sur le fondement de l'article L.225-38 du code de commerce ;

 

- dire et juger que la première délibération du conseil d'administration de Blétanol du 8 novembre 2006 est parfaitement valable et que son exécution n'a pas été préjudiciable à Blétanol ;

 

- débouter Acolyance et Scael de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

 

- condamner in solidum Acolyance et Scael à payer à Vivescia la somme de 50 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

 

Sur ce, la cour :

 

Sur l'exception de nullité et les fins de non-recevoir :

 

La société Acolyance demande à la cour de prononcer la nullité partielle pour irrégularité au fond des conclusions reconventionnelles de première instance de la société Blétanol tendant à la faire condamner à exécuter le contrat et à livrer sous astreinte 10 747 tonnes de blé avant le 30 juin 2011 et 96 723 tonnes avant le 31 décembre 2011.

 

Elle rappelle qu'elle avait déjà soulevé devant les premiers juges, avant toute défense au fond, l'irrecevabilité de la demande reconventionnelle de la société Blétanol, que le jugement du 7 juin 2011 a prononcé la résolution judiciaire du contrat la liant à la société Blétanol aux torts exclusifs de celle-ci et a déclaré sans objet sa demande reconventionnelle sans se prononcer clairement sur l'exception de nullité soulevée. Elle ajoute que par arrêt du 15 mai 2012, prononçant la mainlevée de saisies revendications de stocks de blé pratiquées dans les silos de la société Acolyance par la société Blétanol, confirmé par arrêt de la cour de cassation, la cour d'appel de Reims a considéré que la résolution du contrat prononcée par le tribunal le 7 juin 2011 emportait anéantissement du contrat et que le jugement avait implicitement, mais de façon certaine, rejeté les prétentions de la société Blétanol et ses revendications de blé.

 

Elle soutient que le président de l'Union Blétanol avait qualité pour ester en justice, mais qu'il n'avait pouvoir d'exercer une action en justice en demande, et par suite d'interjeter appel d'un jugement qui l'a déboutée de sa demande de livraison forcée, qu'après avoir été préalablement mandaté à cet effet par le conseil d'administration et qu'il ne justifie pas d'une telle habilitation.

 

Par application de l'article 117 et suivants du code de procédure civile, le défaut de pouvoir d'une personne figurant au procès comme représentant une personne morale constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte, sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief. Les exceptions de nullité fondées sur l'inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure peuvent être proposées en tout état de cause.

 

La société Blétanol est une union de sociétés coopératives agricoles à capital variable. Elle est régie par les dispositions de l'article L. 521-1 et suivants, R. 521-1 et suivants du code rural et subsidiairement par la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération. Elle est, conformément aux dispositions de l'article L. 524-1 du code rural, administrée par un conseil d'administration qui a désigné un président. En vertu de l'article R. 524-5 dernier alinéa, le président du conseil d'administration représente la société en justice. Il peut déléguer avec l'accord du conseil d'administration ce pouvoir de représentation à un ou plusieurs administrateurs ou directeurs.

 

L'article 21.2 des statuts de la société Blétanol précise que 'le président du conseil d'administration représente l'union en justice tant en demandant qu'en défendant. C'est à sa requête ou contre lui que doivent être intentées toutes les actions judiciaires'; l'article 24.20 des statuts ajoute que 'le conseil d'administration autorise le président à exercer toutes actions judiciaires tant en demandant qu'en défendant'.

 

La société Blétanol, qui doit justifier des pouvoirs du président de son conseil d'administration pour agir en justice, verse aux débats la décision prise par son conseil d'administration le 22 juin 2006, qui a accordé au président du conseil d'administration le pouvoir d'agir dans les termes suivants : 'Après en avoir délibéré, le conseil d'administration décide de déléguer à son président les pouvoirs suivants : .... Exercer toutes actions judiciaires au nom de l'Union tant en demandant qu'en défendant conformément aux dispositions de l'article 24§20 des statuts'.

 

Il est donc établi que le président de la société Blétanol a pouvoir et qualité pour agir au nom et pour le compte de la société coopérative tant en demande qu'en défense et qu'il n'avait nullement besoin d'une résolution supplémentaire du conseil d'administration l'habilitant à introduire une action en justice, pour exercer en justice l'action en exécution forcée diligentée à l'encontre de la société Acolyance ou pour interjeter appel du jugement du tribunal de grande instance de Reims du 7 juin 2011 de ce chef.

 

La société Acolyance soutient, toutefois, que le président de l'Union Blétanol a renoncé au pouvoir d'exercer une action en justice, qui lui a été conféré par la décision de son conseil d'administration du 22 juin 2006, en sollicitant postérieurement, du conseil d'administration, l'autorisation d'exercer en justice une action en exécution forcée contre la société Acolyance, ce qui lui été a refusé, le conseil d'administration préférant par décision du 30 juin 2009 'maintenir le statu quo' contre la société Acolyance qui ne la livrait pas.

 

L'examen du procès-verbal de la réunion du conseil d'administration de la société Blétanol du 30 juin 2009 révèle que cette décision est ainsi libellée :

 

'5 - Décision relative à l'engagement de livraison Cohesis - Conséquences.

 

Monsieur F. H. indique que Cohesis a maintenu sa position et son argumentation initiale et fait le constat du refus de livraison par cet associé.

 

Il indique que d'autres associés ont dû livrer en lieu et place de Cohesis afin de permettre à Blétanol d'honorer ses engagements contractuels vis à vis de Cristanol.

 

Il fait le constat d'un manque à gagner pour ces associés et propose en conséquence la solution suivante :

 

- détermination d'une valeur pour le prix de marché devant servir de référence;

 

- la facturation par les associés à Blétanol du 'trop livré' au prix du marché convenu ;

 

- la facturation par Blétanol à Cohésis de la différence entre le prix du blé éthanol et le prix du marché du blé.

 

Il demande également au conseil de lui indiquer la marche à suivre pour la gestion des livraisons au cours du prochain exercice 2009/2010 : augmenter les engagements des associés autres que Cohesis, acheter les volumes non livrés par Cohésis auprès de tiers ou imposer à Cohesis d'honorer ses engagements de livraison '

 

Le président dresse également ce constat et demande aux associés de se prononcer sur ces sujets.

 

Monsieur D. puis Monsieur C. confirment que Cohesis assumera ses obligations de livraison pour autant que les études demandées auront été initiées. Cependant Cohesis propose d'assumer sa responsabilité vis-à-vis des associés ayant livré ses quotas de livraison à Blétanol en direct : Cohesis paierait donc les associés coopérateurs directement. Monsieur C. précise à ce sujet que cette approche est dictée à Cohésis par son intérêt à préserver sa position dans le dossier juridique préparé contre Blétanol.

 

Monsieur P. R. ajoute par ailleurs :

 

- qu'il est logique, dans le respect du fonctionnement normal de Blétanol de procéder à un règlement de Cohésis entre les mains de Blétanol ;

 

- qu'au 30 juin 2009, le conseil d'administration de Blétanol, dont la responsabilité est d'assumer la gestion de la société, clôt les comptes de son exercice 2008/2009. Les administrateurs sont solidairement responsables devant la loi de la pertinence et de la justification de ces comptes vis-à-vis de l'ensemble des associés. Blétanol ne peut prendre le risque de voir ses associés ayant livré au-delà de leur quota, lui facturer au prix de marché, ce qui pourrait mener à une perte pour Blétanol consécutive à la non livraison de Cohésis.

 

Le président propose alors de soumettre au vote des administrateurs la proposition du directeur ci-avant, en donnant mandat au bureau pour définir la référence du prix du marché :

 

Contre : 1 Abstention : 2 Pour : 8

 

Par ailleurs, en ce qui concerne le nouvel exercice 2009/2010, les administrateurs souhaitent maintenir le statu quo, Cohésis affirmant par ailleurs qu'elle est satisfaite de la qualité des informations transmises au cours de la présente réunion et de l'évolution du dossier dans un sens qui lui convient désormais'.

 

Il résulte de ce document, que le directeur de la société Blétanol a, au vu de l'attitude de la société Cohésis (devenue Acolyance) qui maintenait son refus de livrer la société Blétanol, proposé au conseil d'administration de déterminer une valeur pour le prix du marché devant servir de référence pour mettre en œuvre sa proposition de faire facturer par les associés le trop livré à Blétanol et de faire facturer, par la société Blétanol à la société Cohésis, la différence entre le prix du blé éthanol et le prix du marché. Cette proposition ne concernait que l'année 2008/2009. Elle a été adoptée par le conseil d'administration, qui n'a nullement envisagé, même implicitement, de retirer à son président le pouvoir d'introduire une action en justice à l'encontre de la société Acolyance. Une telle question n'a pas été évoquée au cours de la réunion de ce conseil d'administration et la recherche d'une solution au défaut de livraison de la société Acolyance jusqu'au 30 juin 2009 ne peut constituer l'expression d'une renonciation à une action en justice ou d'une renonciation du président du conseil d'administration de la société Blétanol au pouvoir d'introduire une instance judiciaire, qu'il détient en vertu d'une habilitation expresse qui lui a été consentie par le conseil d'administration de la société Blétanol le 22 juin 2006.

 

La décision prise par le conseil d'administration de la société Blétanol le 30 juin 2009 dans les termes relatés ci-dessus ne concerne en tout état de cause que l'exercice 2008/2009.

 

En ce qui concerne le nouvel exercice 2009/2010, les administrateurs se sont simplement contentés d'exprimer le souhait de maintenir le statu quo, après avoir entendu les déclarations de Messieurs D. et C., respectivement président et directeur général d'Acolyance/Cohésis, qui ont confirmé qu'ils assumeraient l'obligation de livrer, pour autant que les études demandées aient été initiées, et qui se sont dits satisfaits de la qualité des informations qui leur avaient été transmises et de l'évolution du dossier dans un sens qui leur convenait (le conseil d'administration ayant le même jour voté le principe de l'organisation d'une étude par un cabinet extérieur dont le périmètre serait défini par le bureau lors de sa prochaine réunion). Cette déclaration du conseil d'administration n'a d'ailleurs été suivie d'aucun vote et ne constitue pas une délibération. Elle ne peut être interprétée comme un retrait de l'habilitation, donnée au président du conseil d'administration de la société Blétanol, d'agir en justice au nom de la société notamment à l'encontre de la société Acolyance, qui refusait de livrer le blé qu'elle s'était engagée à fournir, ni comme une renonciation du président du conseil d'administration à son pouvoir d'introduire une demande en justice contre cette société.

 

En tout état de cause, la renonciation à un droit ou à une action ne peut se présumer et doit, pour pouvoir être opposée utilement par celui qui s'en prévaut, être certaine, expresse et non équivoque. Tel n'est pas le cas de la décision du président du conseil d'administration de la société Blétanol, qui a consulté le conseil d'administration sur la référence au prix du marché pour l'exercice 2008/2009 et sollicité un avis sur l'attitude à adopter pour le nouvel exercice 2009/2010 et ce au vu notamment des déclarations des dirigeants de la société Acolyance membres du conseil d'administration de la société Blétanol.

 

Il n'est donc pas démontré, tel que le soutient la société Acolyance, que le président du conseil d'administration de la société Blétanol a, au cours de la réunion du conseil d'administration du 30 juin 2009, sollicité l'autorisation d'exercer en justice une action en exécution forcée contre la société Acolyance et que les administrateurs ne l'ont pas suivi, préférant maintenir le statu quo. L'existence d'un tel débat ne résulte pas de la teneur du procès-verbal de la réunion du conseil d'administration de la société Blétanol du 30 juin 2009.

 

Il n'est pas établi que le président du conseil d'administration de la société Blétanol a renoncé à son droit et à son pouvoir d'engager une action en justice contre la société Acolyance ou que le conseil d'administration lui a retiré le pouvoir qu'il détenait de l'habilitation générale d'agir en justice en demande, qui lui avait été donnée le 22 juin 2006.

 

En conséquence, la cour constate que le président du conseil d'administration de la société Blétanol avait la capacité de former contre la société Acolyance une demande reconventionnelle tendant à l'exécution forcée du contrat. Il n'y a pas lieu de prononcer la nullité de la demande reconventionnelle formée devant les premiers juges sur ce point. La demande de la société Blétanol, qui a, en première instance, sollicité la condamnation de la société Acolyance à livrer sous astreinte le blé qu'elle s'était engagée à fournir, sera déclarée recevable.

 

Cette demande, rejetée par le tribunal comme étant devenue sans objet a d'ailleurs été implicitement déclarée recevable.

 

La société Acolyance soulève, de même et pour les mêmes raisons, la nullité de la déclaration d'appel de la société Blétanol en tant qu'elle porte sur le rejet de sa demande en exécution du contrat. Elle a, par conclusions du 27 mai 2014, soit près de quatre ans après la déclaration d'appel, saisi le conseiller de la mise en état de l'exception de nullité partielle de la déclaration d'appel.

 

Par ordonnance du 24 juin 2014, le conseiller de la mise en état, constatant que cette question, dépendait de manière indivisible de la réponse qui devait être apportée par la cour à la demande de nullité de la demande reconventionnelle formée par le société Blétanol devant le tribunal, dans la mesure où la société Acolyance a soulevé les mêmes moyens et les mêmes arguments, a joint l'exception de nullité partielle de la déclaration d'appel, au fond.

 

La cour ayant constaté que le président du conseil d'administration de la société Blétanol avait pouvoir d'introduire une action en justice contre la société Acolyance, il convient de constater qu'il avait également le pouvoir d'interjeter appel contre le jugement du 7 juin 2011 en tant qu'il a rejeté sa demande reconventionnelle.

 

Les exceptions de nullités soulevées par la société Acolyance seront donc rejetées.

 

Sur la recevabilité des interventions de la société Cristanol et des seize coopératives adhérentes de Blétanol :

 

La société Cristanol est intervenue à la cause volontairement et à titre accessoire, par conclusions signifiées le 18 mars 2013, pour soutenir les demandes de l'Union Blétanol.

 

La société Acolyance et la société Scael soutiennent qu'elle n'est pas un tiers au sens de l'article 554 du code de procédure civile et qu'elle ne justifie pas d'un intérêt légitime à intervenir volontairement à titre accessoire en cause d'appel.

 

Par application de l'article 554 du code de procédure civile, peuvent intervenir en cause d'appel, dès lors qu'elles y ont intérêt, les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.

 

La société Cristanol a été assignée en première instance par la société Acolyance, qui n'a finalement formé aucune demande à son encontre ; elle a sollicité sa mise hors de cause en formant des demandes reconventionnelles contre les sociétés Acolyance et Scael.

 

L'article 554 ne peut s'appliquer qu'aux tiers qui n'ont pas été parties ni représentés en première instance, ou qui y ont figuré sous une autre qualité. Tel n'est pas le cas de la société Cristanol, qui était partie en première instance, n'a pas interjeté appel et intervient à la cause à hauteur d'appel dans la même qualité. Le seul intérêt à agir et à intervenir à titre accessoire dans la procédure, invoqué par la société Cristanol, n'est pas suffisant pour permettre à cette partie, mise hors de cause en première instance, qui n'est pas un tiers et qui n'invoque d'ailleurs aucun droit propre distinct, d'intervenir volontairement à hauteur d'appel aux côtés de la société Blétanol.

 

Cette intervention volontaire sera déclarée irrecevable.

 

En ce qui concerne l'intervention volontaire des seize coopératives adhérentes de la société Blétanol, la société Acolyance fait observer que toutes les sociétés adhérentes ne sont pas intervenues, que tel est le cas des sociétés Dijon-Céréales et Compagri. Elle en déduit que les sociétés intervenantes volontaires n'ont pas d'intérêt à intervenir.

 

L'article 330 du code de procédure civile dispose que l'intervention est accessoire lorsqu'elle appuie les prétentions d'une partie. Elle est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie.

 

Les intervenantes volontaires regroupent la grande majorité des associées de l'Union Blétanol, qui ont adhéré à cette union dans les mêmes conditions et qui ont, comme les sociétés Acolyance et Scael, souscrit des obligations de livrer du blé. Elles ont, de fait, alors qu'elles sont engagées dans le projet Cristanol, subi les conséquences de l'attitude de la société Acolyance, qui n'a jamais livré le blé qu'elle s'était engagée à fournir, et du comportement de la société Scael, qui a cessé d'honorer ses engagements, et ont un intérêt certain à intervenir dans la procédure dans laquelle deux adhérentes de l'union coopérative, dont elles sont majoritairement membres, souhaitent faire prononcer la nullité de leur adhésion, la résolution de leur engagement, obtenir leur retrait voire même, subsidiairement, la dissolution de l'union. La solution du présent litige risque d'avoir des conséquences certaines sur le fonctionnement de l'Union Blétanol, dont elles sont membres, et sur l'équilibre et la stabilité, voire la pérennité, du projet Cristanol, auquel elles ont adhéré.

 

Les intervenantes volontaires ont un intérêt personnel, légitime et évident à soutenir la société Union Blétanol dans une procédure dans laquelle deux sociétés adhérentes mettent en cause le maintien de leur engagement coopératif et n'ont pas exécuté leur obligation de livrer le blé convenu, contraignant l'union à trouver d'autres solutions et à assumer cette carence pour exécuter les engagements qu'elle a elle-même pris à l'égard de l'Union Cristanol.

 

L'intervention volontaire des seize coopératives adhérentes à l'Union Blétanol sera donc déclarée recevable.

 

Sur le fond :

 

Sur les demandes de nullité des engagements coopératifs de la société Acolyance et de la société Scael :

 

- Sur le dol et l'erreur :

 

Selon la définition donnée par le Bureau international du travail, une coopérative est ' une association de personnes qui se sont volontairement groupées pour atteindre un but commun par la constitution d'une entreprise dirigée démocratiquement, en fournissant une quote-part du capital nécessaire et en acceptant une juste participation aux risques et aux fruits de cette entreprise au fonctionnement de laquelle les membres participent activement'.

 

Les adhérents à une coopérative se lient entre eux, à la fois, par un engagement de sociétaire et par un engagement d'activité, en vue de bénéficier des résultats de l'action commune proportionnellement à leur engagement d'activité.

 

Par application de l'article 1er de la Loi n 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, « les coopératives sont des sociétés dont les objets essentiels sont :

 

1) de réduire, au bénéfice de leurs membres et par l'effort commun de ceux-ci, le prix de revient et le cas échéant, le prix de vente de certains produits ou de certains services, en assumant les fonctions des entrepreneurs ou intermédiaires dont la rémunération grèverait ce prix de revient,

 

2) d'améliorer la qualité marchande des produits fournis à leurs membres ou de ceux produits par ces derniers et livrés aux consommateurs ;

 

3) et plus généralement de contribuer à la satisfaction des besoins et à la promotion des activités économiques et sociales de leurs membres ainsi qu'à leur formation.

 

Les coopératives exercent leur action dans toutes les branches de l'activité humaine' »

 

L'article L. 521-1 du code rural et de la pêche maritime dispose que, 'les sociétés coopératives agricoles ont pour objet l'utilisation en commun par des agriculteurs de tous moyens propres à faciliter ou à développer leur activité économique, à améliorer ou à accroître les résultats de cette activité.

 

Les sociétés coopératives et leurs unions forment une catégorie spéciale de sociétés distinctes des sociétés civiles et des sociétés commerciales. Elles ont la personnalité morale et la pleine capacité.

 

Les sociétés coopératives agricoles peuvent se grouper en unions de coopératives agricoles. Sauf stipulations expresses contraires, ces unions sont soumises aux mêmes dispositions que les sociétés coopératives agricoles'.

 

La société Acolyance et la société Scael, qui sont elles-mêmes des coopératives agricoles et des professionnelles de haut niveau, soutiennent qu'elles ont été trompées lors de leur adhésion à l'union Blétanol ou se sont méprises sur l'ampleur des risques que représentait le projet Cristanol et sur les perspectives de rentabilité de ce projet.

 

L'article 3 des statuts de l'Union Blétanol stipule à son premier paragraphe, que 'l'union a pour objet d'effectuer ou de faciliter, quels que soient les moyens et techniques mis en oeuvre par elle, pour le compte des associés coopérateurs, les opérations ci-dessous énumérées concernant la production, la transformation, l'écoulement et la vente à l'exportation ou sur le marché intérieur des catégories de produits également ci-dessous précisées : nature des produits : blés, coproduits et sous-produits des blés destinés à la production d'alcool et autres carburants et/ou combustibles ; nature des opérations, collecte, vente'.

 

L'article 7 des statuts précise, que l'adhésion à l'union entraîne pour l'associé coopérateur l'engagement de livrer, sauf accord de l'union, une quantité déterminée de blé, coproduits et sous-produits des blés destinés à la production d'alcool et autres carburants et/ou combustibles.

 

Cet engagement entraîne pour les associés coopérateurs l'obligation de souscrire ou d'acquérir par voie de cession, et dans ce dernier cas, avec l'accord de l'union, le nombre de parts sociales correspondant aux engagements pris.

 

Par application de l'article 1109 du code civil, il n'y a pas de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur, ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol.

 

La validité du consentement doit être appréciée au moment de la formation du contrat. Il peut être tenu compte pour cette appréciation d'éléments postérieurs.

 

L'article 1116 du même code dispose que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé. Le dol peut être constitué par la réticence de son auteur, lorsqu'un contractant par son silence volontaire manque à la bonne foi que son cocontractant est en droit d'attendre. Il n'est une cause de nullité que s'il émane de la partie envers laquelle l'obligation est contractée ou de son représentant et s'il a eu un caractère déterminant.

 

L'erreur n'est un vice du consentement que si elle porte sur la substance même de la chose qui en est l'objet. L'erreur sur la substance s'entend de celle qui porte sur la matière même dont la chose est composée, mais aussi de celle qui a trait aux qualités substantielles en considération desquelles les parties ont contracté. Elle n'est une cause de nullité que dans la mesure où elle est excusable.

 

Les premiers juges ont longuement décrit le contexte économique dans lequel les coopératives céréalières et les sociétés Acolyance et Scael se sont engagées au sein de l'Union Blétanol, à une période où le cours du blé était stable, où le marché était saturé et l'offre supérieure à la demande. Le marché du bioéthanol représentait alors une nouvelle opportunité de commercialiser des récoltes dans un contexte économique difficile pour le marché du blé.

 

Les éléments du dossier permettent d'établir, que la société Acolyance était depuis l'année 2004 impliquée dans les projets de production de bioéthanol, qu'elle a dès l'origine participé au projet BENP Lillebonne, qu'elle était dès le mois de janvier 2006 intéressée par le projet Cristanol. La société Scael a de même très tôt manifesté son intérêt pour le bioéthanol tel que le précise le procès-verbal de son conseil d'administration du 19 mai 2006.

 

Une première présentation du projet Cristanol I, concernant la ligne betteraves et son fonctionnement, a été faite au cours du mois de janvier 2006 (pièce n 3 de la société Acolyance). Il prévoyait le début de la production au cours du mois d'octobre 2007, le prix de l'éthanol rendu (55,71 euros/hl), le prix d'achat de la betterave (18,76 euros/tonne à 17,85 euros/tonne), un investissement de 96 millions d'euros financé à hauteur de 58 millions d'euros par un emprunt bancaire et à hauteur de 38 millions d'euros à l'aide de capitaux propres dont la répartition était projetée à hauteur de 34% à charge des céréaliers (Blétanol).

 

Par lettre du 20 janvier 2006, la société Blétanol, en cours de constitution, a informé ses futurs adhérents, qui avaient à diverses occasions manifesté leur intérêt pour participer au programme français de développement d'outils industriels pour la fabrication d'éthanol, de l'évolution du projet Cristanol et des propositions de participation pouvant être faites aux céréaliers. Elle précisait que les intérêts céréaliers étaient regroupés dans une société holding dénommée Blétanol, dont la structure juridique et financière est définie en annexe (société anonyme de droit commun avec conseil d'administration et un capital de 10 millions d'euros). Elle indiquait que le principe de participation au projet Cristanol était de lier l'investissement financier à la fourniture de matière première et proposait, pour ce qui est du blé, un engagement de livraison de chaque actionnaire céréalier à hauteur de 10% de la collecte de blé de la campagne 2004, représentant un total de 500 000 tonnes environ. Elle a joint en annexe la liste des actionnaires pressentis, sur laquelle figuraient déjà les sociétés Acolyance (Cohesis) et Scael.

 

Dès le 5 avril 2006, suite à une réunion du 14 février 2006, Mme G., directeur financier de la société Scael, a posé un certain nombre de questions à M. R. (membre de la société Champagne Céréales à l'origine du projet) sur le prix d'achat des matières premières, sur les frais financiers, sur le résultat net (avec modalités de péréquation entre betteraves et blé), sur le seuil de rentabilité de l'opération.

 

Lors d'une réunion d'information, tenue le 12 mai 2006, les lignes directrices du projet Cristanol-Blétanol ont été présentées aux associés potentiels, parmi lesquels se trouvaient les sociétés Acolyance et Scael. Différentes informations ont été données sur les conditions juridiques et financières de l'opération et spécialement sur la ligne Cristanol II. Les documents projetés, « slides », et les pièces distribuées (pièce n 5 de Acolyance) donnaient les indications suivantes :

 

- I Contexte général :

 

A) Les agréments :

 

obtention d'agréments pour produire 145 000 tonnes d'éthanol par an, les objectifs totaux étant de 280 000 tonnes

 

B) Cristanol I

 

. montant total : 96 M euros

 

. mise en service avril-juin 2007

 

capacité 1 800 hl

 

. CA 60/76M euros

 

Avancement du chantier

 

C) Cristanol II :

 

. montant estimé à 115 millions d'euros

 

. décision d'investissement automne 2008

 

. mise en service : 2008/2009

 

. clause de sortie de Blétanol en 2009 si Cristanol II ne se réalise pas.

 

- II Convention d'actionnaires Blétanol/Cristal Union :

 

A) Schéma industriel

 

. 2 lignes distinctes

 

. des substrats différents : betteraves/blé, glucor

 

. des investissements communs

 

. accord bancaire bloquant toute rémunération du capital

 

---> gestion analytique rigoureuse

 

'> le prix d'apport des substrats sera le vecteur de la performance économique.

 

Rôle de Cristal Union :

 

. responsable industriel

 

. synergie avec la sucrerie de Bazancourt

 

. courbe d'expérience acquise à Arcy sur Aube

 

. volonté de garder la majorité

 

B) Rappel du contexte économique Cristanol I

 

. prix éthanol rendu 55 euros/hl

 

. prix de la betterave à 16% 18 euros /t

 

. MBA = investissement 2015/2016

 

Estimations Cristanol II

 

. mise au point industrielle '

 

. impact du prix des drèches '

 

. évolution prix éthanol '

 

. prix du blé rendu campagne 110/120/t

 

C) Schéma juridico-financier

 

. l'enjeu du prix des matières premières

 

. l'intérêt de l'union de coopératives

 

. conséquences financières

 

rappel des besoins globaux, projet Cristanol I, 96M euros financement dette bancaire 60% soit 58 M euros et capitaux propres 38 M euros, dont 22,8 Cristal Union soit 60% et 18,2 Blétanol soit 40%,

 

estimation Cristanol I et Cristanol II

 

. gouvernance :

 

union de coop Cristanol : AG+ comité de direction

 

AG : 60% CU 40% Blétanol

 

comité de direction : A. Commissaire, JF Javoy, P Credoz, I Jubert, P R..

 

Les clauses spécifiques : principales décisions requièrent l'unanimité du comité de direction, notamment le prix d'apport des matières premières

 

III Conséquences pour Blétanol :

 

A) Statut d'union de coopératives agricoles

 

union de collecte et vente

 

option TNA

 

pondération des voix en AG

 

administration par CA

 

durée d'engagement 10 ans puis 5 ans

 

Proposition de constitution d'un comité technique :

 

. proposition de prix acompte

 

. cahier des charges de livraison

 

. organisation de la logistique

 

.....

 

Proposition de composition du CA :

 

. Champagne Céréales

 

. Nouricia

 

. Emc2

 

. Scael

 

. ....

 

IV Approvisionnement en Blé :

 

A) Engagement de livraison des partenaires

 

Droit/Devoir de livrer au prorata de sa participation financière dans Blétanol au sein du collège des céréaliers.

 

B) Filière contractuelle

 

Agriculteurs --------- contrat de production à destination de Cristanol-------->OS (Jachère ou ACE)

 

OS----------- contrat commercial de partenariat rendu Usine ------------>Blétanol

 

C) Contrat de partenariat :

 

1) prix de la matière première variable d'ajustement du résultat net de Cristanol

 

2) donner les moyens à Cristanol d'une part, aux livreurs d'autre part de 'pricer' quand ils veulent

 

3) faire en sorte que les tonnages destinés à Cristanol ne soient pas retirés de l'activité globale du marché

 

4) contracter entre l'OS et Cristanol par contrat à prime à partir du Matip

 

5) démarrer la campagne par un 'prix d'acompte' pouvant ensuite bénéficier de 'complément de prix' suivant les résultats de Cristanol

 

D) Livraison avec échange (OS local).

 

Par lettre du 16 mai 2006, le président de la société Champagne Céréales (devenue Vivescia) a invité la société Cohésis (devenue Acolyance), à confirmer sa participation au projet Cristanol à travers l'Union des coopératives Blétanol en rappelant que ce projet couvrait les deux phases Cristanol I (betteraves) et Cristanol II (blé), que l'engagement en parts sociales était pour Cristanol I de 20 euros par tonne de blé engagée, qui seraient appelés dans les semaines à venir, et pour Cristanol II de 30 euros par tonne de blé engagée, qui seraient appelés dans les 12 mois à venir. Il a précisé que les premières tonnes seraient à livrer sur la moisson 2008, en recommandant de ne pas engager plus de 10% de sa collecte totale de blé.

 

Le 29 juin 2006, la société Acolyance a, sur la base des éléments décrits ci-dessus, signé un bulletin d'adhésion à l'Union de coopératives agricoles Blétanol, en reconnaissant avoir pris connaissance des statuts de cette société, et s'est engagée à livrer à l'Union Blétanol chaque année pendant dix ans, 60 000 tonnes de blé destiné à la production d'alcool, et à souscrire le capital social correspondant à ses engagements de livraison, soit 1 200 000 euros à l'adhésion et 1 800 000 euros avant le 1er juillet 2008, étant précisé que cet engagement serait renouvelable par tacite reconduction, par période de cinq ans à compter de la période définie ci-dessus, sauf dénonciation par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au président du conseil d'administration de l'Union Blétanol, trois mois au moins avant la date d'expiration de chaque période d'engagement.

 

L'examen du procès-verbal de réunion du conseil d'administration de la société Scael du 19 mai 2006 révèle que M. V., alors administrateur de cette société, a sensibilisé le conseil d'administration sur l'aspect politique de ce dossier en soulignant qu'il ne fallait pas le traiter dans l'objectif d'en tirer une rentabilité immédiate et qu'il fallait décider de l'intérêt de la Scael à s'investir dans le bio carburant, sachant que beaucoup d'éléments pouvaient évoluer. Il ajoutait, de plus, que 'le dossier a été présenté dans la plus grande transparence et qu'il n'y a, à priori aucune source d'inquiétude quant à sa réalisation et son avenir'.

 

La société Scael a signé un bulletin d'adhésion le 27 juin 2006.

 

Les pièces versées aux débats démontrent, de plus (annexe n 9 de la pièce n 71 de Scael), que la société Blétanol a, lors de son assemblée générale du 6 octobre 2006, à laquelle les sociétés Acolyance et Scael ont assisté, à nouveau présenté l'état d'avancement du projet Cristanol à l'ensemble de ses adhérents à l'aide de documents projetés, « slides », en indiquant très clairement dans la partie 'organisation des approvisionnements', présentée par M. Michel C., reprenant d'ailleurs sur ce point la documentation remise aux futurs associés de la société Blétanol le 12 mai 2006 exposant le contrat de partenariat, 'que le prix de la matière première, était la variable d'ajustement du résultat net de Cristanol, sachant que le prix éthanol blé est mutualisé avec le prix éthanol betteraves, qu'il y a deux possibilités de contractualisation', à savoir :

 

'1) prix d'acompte de début de campagne et complément de prix suivant les résultats analytiques de la filière blé,

 

2) contrat à prime Matif avec acompte de prime au début de la campagne et complément de prime suivant les résultats analytiques de la filière blé'.

 

Elle proposait de commencer les deux premières années par la formule 1 et d'utiliser progressivement la formule 2 à l'option de Cristanol et des coopératives.

 

Les conditions de rémunération du blé ont, de même, été évoquées au cours de la réunion du conseil d'administration de l'Union Blétanol du 8 novembre 2006, à laquelle assistaient les dirigeants des sociétés Acolyance et Scael en leur qualité d'administrateurs de la société. Le compte-rendu de cette réunion mentionne (pièce n 33 de la société Blétanol) page 3, sous le titre 'Modalités des apports de blé' et le paragraphe 'rémunération', 'qu'elle peut être soit au- dessous ou au-dessus du prix du marché, le prix sera la variable d'ajustement permettant à Cristanol 2 d'équilibrer son compte de résultat'.

 

Au cours de cette réunion, le président du conseil d'administration de la société Blétanol a rappelé que la société Blétanol avait été constituée pour participer au projet d'une usine de production d'alcool et d'éthanol à Bazancourt, qu'elle n'était au début du mois de juillet 2006 pas en mesure juridiquement d'adhérer à l'Union Cristanol de sorte que c'est la coopérative Champagne Céréales qui l'avait relayée dans ses engagements à l'égard de Cristanol et qu'elle était à présent agréée par le ministère de l'agriculture. Le conseil d'administration de la société Blétanol a décidé de réitérer sa délibération sur les engagements d'apports en compte courant et de souscription, pris à l'égard de Cristanol en date du 3 juillet 2006, et de se substituer intégralement aux droits et obligations souscrits jusqu'à ce jour par la société Champagne Céréales.

 

L'adoption de cette résolution, par laquelle la société Blétanol s'est substituée à la société Champagne Céréales et a repris à son compte tous les engagements qu'avaient pris cette dernière, par l'intermédiaire de la société Siclaé, à l'égard des sociétés Cristal Union et Cristanol, n'a donné lieu à aucune observation de la part des représentants de la société Acolyance et de la société Scael présents à cette réunion.

 

Il résulte de ces éléments, tel que l'indiquent les sociétés coopératives parties intervenantes volontaires dans leurs écrits, que toutes les informations relatives à la construction du projet Cristanol ont été exposées, notamment au cours de la réunion du 12 mai 2006, que des documents décrivant le projet ont été remis et expliqués, afin que toutes les sociétés intéressées par l'adhésion au projet puissent être renseignées et prendre leur décision en connaissance de cause.

 

Les sociétés Scael et Acolyance demandent à la cour de prononcer la nullité de leur engagement en soutenant, qu'elles ont adhéré au projet dans la mesure où il consacrait le principe d'une mutualisation des activités betteravières et céréalières, que selon les indications données au cours de la réunion du 12 mai 2006, le prix de la matière première qui devait être le vecteur de la performance économique selon une gestion rigoureuse entre les deux lignes, constituer la variable d'ajustement du résultat net de Cristanol, être payé selon un acompte versé en début de campagne et un complément selon les résultats obtenus par Cristanol ou selon un contrat à prime à partir du Matif conclu directement avec Cristanol, devait permettre aux associés de vendre le blé à un prix en phase avec le prix du marché.

 

Elles font observer, que selon la présentation du contrat de partenariat, les décisions relatives à la fixation du prix du blé devaient être prises à l'unanimité du comité de direction de Cristanol constitué de cinq membres, que le projet insistait sur la forme de coopérative et le recours à une union coopérative pour structurer le projet par le biais d'une mise en commun des moyens, qu'elles ont été trompées et n'ont découvert que le 10 avril 2009 l'existence d'une convention d'investissement et d'exploitation, conclue le 4 juillet 2006 entre les sociétés Cristal Union et Siclaé (filiale de Champagne Céréales), qui ne leur a jamais été révélée et à laquelle la société Blétanol s'est substituée lors d'un conseil d'administration en date du 8 novembre 2006. Elles soutiennent que cette convention prévoit, contrairement aux informations qui leur avaient été transmises, que la rémunération des apports de matière première n'est pas calculée en fonction du résultat de Cristanol, mais sur la base de chaque ligne prise isolément et qu'elle est, de plus, sans lien avec le prix du marché.

 

Dans leurs attestations les sociétés Coopérative de Sézanne, Coopérative Scara, Coopérative Agricole Lorraine, la Marnaise, qui n'ont pas de liens particuliers avec la société Vivescia, qui ont adhéré à l'Union Blétanol en même temps que les sociétés Acolyance et Scael, qui ont participé à la réunion d'information du 12 mai 2006 et qui ont reçu les mêmes documents, ont déclaré qu'elles avaient été parfaitement et régulièrement informées dès l'origine du projet d'investissement dans l'Union Blétanol et dans l'Union Cristanol, que la nature et les raisons du montage financier avaient été clairement exposées, que le prix du blé devait être la variable d'ajustement nécessaire à l'atteinte des objectifs de remboursement de l'investissement collectif et qu'elles avaient été invitées à limiter leurs engagements dans Blétanol à 10% de leur capacité de collecte en raison du risque toujours envisageable d'un effet ciseau blé/éthanol. La Coopérative de Sézanne précise que les coopératives Cohesis (Acolyance) et Scael étaient parmi les partisans les plus ambitieux du projet, que l'attitude de Cohésis n'a changé qu'en 2008/2009 au moment de l'inversion du cours du blé et de l'éthanol et que ces dernières ont fait valoir l'effet ciseau des prix du blé et de l'éthanol pour appuyer leurs demandes de désengagement de Blétanol, alors que ce risque était connu de l'ensemble des associés dès l'origine.

 

Il n'est pas discuté qu'aucune copie de la convention d'investissement et d'exploitation, signée le 4 juillet 2006 par Cristal Union et la société Siclaé agissant tant en son nom que pour les différents intervenants du secteur céréalier qu'elle représentait et devant être regroupés dans le cadre d'une union de coopératives agricoles en cours de constitution et provisoirement dénommée Blétanol, n'a, en son temps, été remise entre les mains des sociétés Scael et Acolyance et des autres coopératives associées de l'Union Blétanol. L'absence de communication de cette convention, laquelle comporte une clause de confidentialité, aux associés de la société Blétanol et les circonstances, longuement décrites par les parties, dans lesquelles elle a pu finalement être portée à la connaissance des sociétés Scael et Acolyance, ne permettent pas à elles seules de considérer, tel que l'ont fait les premiers juges, qu'il s'agissait d'un accord caché bouleversant le projet, alourdissant, à leur insu, les charges et les contraintes des sociétés coopératives céréalières participant au projet Cristanol par leur adhésion à l'Union Blétanol.

 

L'examen de cette convention révèle qu'elle régit les relations établies entre la société Cristal Union et l'union des céréaliers en cours de constitution, décrit les conditions dans lesquelles le pôle betteravier et le pôle céréalier avaient l'intention de s'associer ainsi que les règles de mise en place et de fonctionnement de la société Cristanol créée. Elle réitère la volonté des associés de réaliser ensemble le projet Cristanol dans le cadre d'une société coopérative créée sous forme d'union par Cristal Union et Champagne Céréales, en reprenant le schéma et l'architecture du projet tel qu'exposés aux coopératives adhérentes à Blétanol, lors de la réunion d'information du 12 mai 2006, sous l'intitulé 'Convention d'actionnaires', dans les documents distribués, « slides », dont le contenu a été rappelé ci-dessus.

 

Il a ainsi, notamment, été convenu du niveau des investissements, des statuts et de la gouvernance de Cristanol, des contributions financières de chaque associé, des engagements d'approvisionnement et des modalités économiques et techniques de fonctionnement.

 

Concernant la gouvernance, cette convention indique que l'assemblée générale de Cristanol sera composée de dix délégués représentant les deux associés à raison de 6 délégués pour le pôle betteravier et de 4 délégués pour le pôle céréalier, ce qui est conforme aux principes qui étaient annoncés prévoyant que Cristal Union, détentrice de 60% des parts, souhaitait conserver la majorité. Elle prévoit cependant, contrairement à ce qui était annoncé, que les principales décisions se prendront à la majorité des 2/3, notamment celles concernant la fixation du prix définitif des approvisionnements. Elle précise que le comité de direction comportera 5 membres (3 pour le pôle betteravier et 2 pour le pôle céréalier) et met en place un comité de suivi de gestion et procède aux augmentations de capital prévues.

 

Les sociétés Scael et Acolyance reprochent à la société Blétanol et à son représentant de l'époque, la société Champagne Céréales, de leur avoir caché la teneur de l'article 5 de la convention d'exploitation et d'investissement du 4 juillet 2006 définissant les modalités économiques du fonctionnement de la société Cristanol en stipulant que « pour les lignes 1 et 2, l'élément principal du coût de revient de l'éthanol est constitué du coût d'approvisionnement des matières premières rendues Cristanol, à savoir : substrats betteraves ou glucosiers et blé.

 

Dès lors que les lignes 1 et 2 seront en production, les recettes et les charges de fonctionnement de la société seront ventilées analytiquement sur chacune de ces deux lignes selon les règles arrêtées par le comité de suivi de gestion. Le résultat de chaque ligne sera calculé ainsi qu'il suit :

 

. Recettes - prix de vente moyen de l'éthanol départ Cristanol

 

- co-produits propres à chaque ligne

 

- prestations propres à chaque ligne

 

- recettes diverses : affectation au prorata des volumes produits

 

. Charges - frais variables et frais fixes de Cristanol

 

- charges financières

 

Les associés conviennent que seront mutualisées entre les deux lignes, les conséquences financières des aléas industriels imprévisibles tels que bris de machine, coulage, perte accidentelle de produit consécutivement à un problème de qualité, incendie, pollution ...

 

Au vu des résultats analytiques de chaque ligne l'assemblée générale de Cristanol, statuant aux conditions de majorité définies à l'article 3.2 de la présente convention, fixera pour chaque exercice le prix définitif des dites matières premières.

 

En outre les associés considérant que le principal coût variable est le coût d'approvisionnement des substrats betteraviers ou glucosés ou du blé, décident que ces matières seront valorisées en conséquence et que leur prix sera ajusté de manière à respecter les équilibres économiques de Cristanol lorsque les unités fonctionneront à un rythme proche de leur nominal ».

 

Les sociétés Scael et Acolyance affirment, contrairement aux seize coopératives intervenantes volontaires, qu'elle se sont engagées au sein de l'Union Blétanol dans l'idée qu'il n'y aurait qu'un seul compte de résultat commun pour les lignes blé et betteraves, ce qui réduisait les risques de la ligne blé.

 

La cour observe toutefois qu'une telle interprétation ne peut résulter de la présentation du projet qui a été faite le 12 mai 2006 et des explications qui ont été données à l'ensemble des coopératives intéressées par le projet, qui distinguent nettement la ligne Cristanol I de la ligne Cristanol II. Le document projeté, 'slide', relatif à la convention d'actionnaires Blétanol/Cristal Union et au schéma industriel de Cristanol II faisait clairement état de deux lignes distinctes concernant des substrats différents (betteraves/blé, glucor), des investissements communs, avec une gestion analytique rigoureuse, en précisant que le prix d'apport des substrats serait le vecteur de la performance économique.

 

Aucune mutualisation entre les lignes blé et betteraves n'a été prévue ou suggérée et seul le prix de l'éthanol (blé ou betterave), et partant le résultat net de Cristanol, devait faire l'objet d'une mutualisation. Le projet de Cristanol, tel qu'il a été conçu et présenté à l'ensemble des participants, fixait un objectif de résultat net provenant de la vente d'éthanol, chaque ligne de production contribuant à la réalisation de l'objectif en fonction de sa capacité de production. Il prévoyait que chaque ligne de production ferait l'objet d'une comptabilité spécifique, tenant compte de ses charges propres (gestion analytique rigoureuse), et que le prix des matières premières serait déterminé à posteriori, de manière à équilibrer le compte de résultat respectif de chaque ligne de production Cristanol I et II, (le prix d'apport des substrats devant être le vecteur de la performance économique et une variable d'ajustement du résultat de Cristanol).

 

Aucun élément de la présentation ne prévoyait, tel que le soutiennent les intimées, une répartition des risques et des pertes éventuelles entre les deux lignes de production et une telle mutualisation ne pouvait pas résulter du seul choix de la forme coopérative de droit rural, alors que l'objet spécifique du projet avait été clairement exposé, que les deux lignes étaient distinctes, appliquaient des processus industriels distincts et qu'il ne pouvait, en toute bonne foi, être compris qu'il existerait une solidarité entre la gestion de l'activité céréalière et betteravière et que les pertes de l'une seraient compensées par les résultats de l'autre.

 

Concernant la rémunération du prix du blé, le système de rémunération a été exposé dans le cadre du projet communiqué au cours du mois de mai 2006, bien qu'aucun « business plan », n'ait encore été élaboré, à l'époque, pour la ligne Cristanol II.

 

La nouvelle présentation faite au cours de l'assemblée générale de l'Union Blétanol du 6 octobre 2006 a clairement confirmé que le prix du blé serait fixé en fonction des résultats analytiques de la filière blé. Les articles de presse, parus à la fin du mois d'octobre 2006 (pièce n 64 des parties intervenantes volontaires), comparant la rémunération des producteurs de matière première dans la filière du bioéthanol, ont d'ailleurs exposé le système de rémunération des producteurs fournissant Cristanol en expliquant 'qu'elle interviendra sur un prix d'acompte indexé sur le prix de l'éthanol auquel s'ajoute un complément calculé selon les résultats de l'usine de Bazancourt ; une comptabilité analytique entre blé et betteraves devrait être tenue au niveau de l'outil industriel pour que chaque filière soit rémunérée au plus juste'. Il est donc démontré que les modalités de fixation de la rémunération du blé étaient, lors de l'adhésion des sociétés Scael et Acolyance à l'Union Blétanol, parfaitement connues des associés et des producteurs.

 

Contrairement à ce qu'affirment les intimées, la présentation du projet ne fait aucune référence au paiement du blé au prix du marché. Une telle référence ne peut résulter de la proposition de procéder au paiement d'un acompte et d'un éventuel complément ou de la conclusion de contrats de partenariat directement avec Cristanol aux termes d'un contrat à prime à partir du Matif. Le recours à de tels contrats ne constituait qu'une option, susceptible d'être mise en place dans un deuxième temps, et il était clairement prévu, dès le départ, que le prix du blé serait une variable d'ajustement du résultat de Cristanol. Le compte-rendu de la réunion du conseil d'administration de Blétanol du 8 novembre 2006 rappelle d'ailleurs clairement ce principe, sur lequel repose la construction du projet, en précisant, sous le titre 'rémunération', que cette dernière peut être soit au-dessous ou au-dessus du prix du marché et que le prix sera la variable d'ajustement permettant à Cristanol II d'équilibrer son compte de résultat. Dans sa présentation du projet au conseil d'administration de Scael, la directrice administrative et financière de cette société mentionne d'ailleurs ' prix d'acompte/cplt en fonction du résultat' (annexe n 5 du rapport Finexsi).

 

La cour observe que ces questions, qui ont également été évoquées lors de réunions postérieures à l'adhésion des intimées, n'ont jamais donné lieu à débats, que les montants dus au titre de la participation de Scael et Acolyance ont été réglés au cours du deuxième semestre 2007 et que ce n'est que lorsque le prix du marché du blé s'est envolé de manière imprévisible, que les sociétés Scael et Acolyance ont soutenu qu'elles n'avaient pas saisi le mécanisme de la rémunération des apports et qu'elles avaient commis une erreur sur la rentabilité du projet.

 

Il résulte de ces éléments, et contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges lors de leur appréciation de la résolution du contrat de coopération, que les sociétés Acolyance et Scael ont, à plusieurs reprises, comme les autres adhérents, reçu des informations sur les modalités de rémunération de leurs apports, que ces dernières, nullement sommaires, étaient conformes aux dispositions de la convention d'investissement, qui a été signée le 4 juillet 2006 par la société Siclaé pour le compte des adhérents à la société Blétanol, et éclairaient parfaitement les futurs adhérents, qui étaient des professionnels spécialisés dans la collecte du blé, sur le montage juridique et financier envisagé en vue de la construction en commun d'une usine permettant de produire du bioétanol devant leur offrir de nouveaux débouchés. Il leur était, de plus, possible au cours des réunions d'information de poser toutes les questions et de se renseigner sur les points leur paraissant obscurs.

 

La convention d'investissement et d'exploitation qui a été signée le 4 juillet 2006 entre la société Cristal Union et la société Siclaé pour le compte de l'Union Blétanol qui a expressément repris ses engagements, n'a nullement modifié les modalités de rémunération du blé annoncées aux futurs adhérents. S'il apparaît que certaines informations, figurant dans les documents remis, ont pu être ultérieurement complétées, voire modifiées, telle que, notamment, la prise des décisions relatives au prix du blé par le comité de direction de la société Cristanol à la majorité des 2/3 et non à l'unanimité tel qu'indiqué initialement, il n'est pas démontré, comme le soutient la société Acolyance, que ces décisions avaient été arrêtées avant l'adhésion des sociétés intimées, lors d'une réunion du 20 avril 2014 regroupant les fondateurs de l'Union Blétanol, que ces points étaient déterminants de l'engagement des sociétés Acolyance et Scael et leur ont été intentionnellement cachés pour les pousser à adhérer.

 

Les sociétés Acolyance et Scael, qui sont des professionnelles averties, avaient parfaitement conscience de l'absence de toute garantie de rémunération au prix du marché du blé alimentaire et ne pouvaient ignorer que le prix du blé permettrait d'équilibrer les résultats analytiques de la ligne blé. Elles avaient été informées du fait que l'outil industriel serait principalement financé au moyen d'emprunts bancaires devant être remboursés par la société Cristanol et que le prix du blé serait la variable d'ajustement permettant d'équilibrer le compte de résultats de Cristanol et donc de rembourser les prêts. Le président de la société Scael expliquait d'ailleurs à son conseil d'administration, le 25 mai 2009, que ' le montage juridique dans lequel nous sommes associés à travers Blétanol est très clair : la valorisation du blé est faite sous forme d'une variable d'ajustement permettant à Cristanol d'honorer son business plan par rapport aux partenaires financiers qui ont participé au financement des immobilisations de l'usine Cristanol qui sont d'environ 270 000 000 euros' (annexe 12, rapport Finexsi).

 

La société Acolyance soutient, de plus, que certaines clauses de la convention de crédit pour le financement de la ligne betteraves Cristanol I, forcément négociées et connues avant sa signature le 4 juillet 2006, viennent contredire divers points importants de la présentation du 12 mai 2006 et lui ont été volontairement dissimulées avant son adhésion. Ainsi, le projet présenté prévoyait la participation des coopératives céréalières au financement de la construction de la ligne betterave (15,2 millions d'euros) et la possibilité de sortir de Cristanol si la décision d'investissement dans la construction de la ligne blé n'était pas prise, alors que les articles 10.1.3 et 11.1.17 de la convention de crédit interdisent à Blétanol tout droit de sortie de Cristanol.

 

L'article 10.1.3 de la convention de crédit est ainsi libellé : « Objectifs de l'emprunteur. Faire en sorte qu'aucun des associés ne conclue d'accord et/ou n'exerce de droit ou d'action qui aurait pour objet ou pour effet de contrarier les objectifs de l'emprunteur relativement à l'exploitation de l'outil industriel et aux débouchés envisagés pour le production ».

 

Ces dispositions habituelles en matière de prêts affectés à un objectif particulier ne sont pas exorbitantes et n'imposent à la société Blétanol ni obligation de résultat, ni obligation de s'assurer de l'effectivité de la construction de la ligne blé. Elles traduisaient le souci du prêteur, de se prémunir contre une éventuelle fuite des coopérateurs associés, susceptibles de participer au remboursement du prêt. Elles ne s'opposaient nullement à la possibilité réservée à la société Blétanol de sortir de Cristanol au cours de l'année 2009, si la décision de construire la ligne blé n'était en définitive pas adoptée.

 

Il n'est donc pas démontré, que la société Blétanol a, à l'insu des coopérateurs associés, pris à l'égard des banques des engagements ne permettant pas de respecter le projet exposé.

 

Les sociétés Scael et Acolyance font valoir que la présentation des coûts de construction de la ligne blé Cristanol II était exagérément optimiste et reprochent à la société Blétanol d'avoir gardé le silence sur les fortes pressions s'exerçant sur le budget de la construction de la ligne Cristanol I.

 

Elles expliquent que le financement de la ligne Cristanol I devait s'élever à la somme de 96 millions d'euros, être assuré à hauteur de 60% par emprunts bancaires, représentant une somme de 58 millions d'euros, et de 40% à l'aide de fonds propres, que le coût de la construction de cette ligne s'est en réalité élevé à la somme de 101 millions d'euros, auquel est venu s'ajouter un investissement supplémentaire de 14,5 millions d'euros. La société Acolyance affirme que les facteurs d'augmentation de ce budget étaient connus avant son adhésion, le compte-rendu du comité de direction de la société Cristanol du 4 juillet 2006 mentionnant que les budgets étaient sous forte pression, et qu'ils lui ont été sciemment cachés dans le but de la pousser à s'engager au sein de l'Union Blétanol.

 

Les pièces versées aux débats et les éléments du dossier révèlent, à cet égard, que le « business plan », établi au premier semestre de l'année 2006, ne portait que sur la ligne betteraves. Le budget de la ligne Cristanol I a, par la suite, évolué en raison de l'augmentation du prix des matières premières nécessaires à la construction et des exigences de la DRIRE engendrant un surcoût de 5 millions d'euros pour des constructions antisismiques.

 

Lors de la présentation du projet aux futurs associés, le 12 mai 2006, le budget de la ligne blé Cristanol II était estimé à 115 millions d'euros et son financement n'était pas arrêté. Ce projet initial a ultérieurement été modifié, afin de permettre la fabrication d'alcool de bouche, et en conséquence d'améliorer la rentabilité des infrastructures, et a généré un coût additionnel de 14,5 millions d'euros. Ces choix, évoqués par le comité de direction de Cristanol le 7 novembre 2006, ont été portés à la connaissance des associés de l'Union Blétanol lors de la réunion du conseil d'administration du 8 novembre 2006, à laquelle ont assisté les représentants des sociétés Acolyance et Scael. La décision de procéder à la construction et au lancement de la ligne blé a été débattue et approuvée par l'ensemble des adhérents de l'Union Blétanol.

 

Le compte-rendu du conseil d'administration de l'Union Blétanol du 8 novembre 2006 précise que le budget de la ligne Cristanol II, avec la rectification, devrait se situer entre 165 et 170 millions d'euros. Aucune pièce du dossier ne permet d'établir que cette modification, qui n'était pas connue au départ, ait été dissimulée aux intimées afin de les tromper et de les pousser à adhérer à l'Union Blétanol.

 

Les sociétés intervenantes volontaires font justement observer que le budget global est en rapport avec les informations fournies avant l'adhésion de la société Acolyance, qui faisaient état d'un engagement financier de 30 euros par tonne de blé engagé pour la ligne blé (lettre du 16 mai 2006), et que le montant de la participation au capital social des associés de l'Union Blétanol n'a pas augmenté.

 

La nécessité de souscrire de nouveaux prêts, au cours du mois de juillet 2007, ne pouvait en toute bonne foi être ignorée par les sociétés Scael et Acolyance, alors que le prêt de 58 millions d'euros annoncé le 12 mai 2006 ne concernait que la ligne betterave (Cristanol I), que le projet total portait au départ sur un montant de 211 millions d'euros (96 millions d'euros pour la ligne I et 115 millions d'euros pour la ligne II) et que le financement du projet devait être assuré par des prêts à hauteur de 60%.

 

L'emprunt initial de 58 millions d'euros a été remboursé en 2007 et deux nouveaux crédits ont été signés au cours du mois de juillet 2007, soit un crédit prioritaire de 152 millions d'euros et un prêt subordonné de 40 millions d'euros, pour une durée de six ans, correspondant à la durée de validité des agréments accordés à la société Cristanol par le ministère de l'agriculture et compatible avec la durée de l'engagement des associés coopérateurs.

 

La société Acolyance reproche également à la société Blétanol d'avoir commis des erreurs sur la rentabilité du projet Cristanol II. Les sociétés intervenantes volontaires font, quant à elles, observer que les prévisions chiffrées, qui ont été faites lors de l'élaboration du projet, ne constituaient que des estimations. Les pièces versées aux débats ne permettent pas d'établir que les dirigeants de l'Union Blétanol avaient pris des engagements sur le prix du blé éthanol. Les attestations produites, qui ont été citées ci-dessus, émanant notamment des présidents respectifs des sociétés Dijon Céréales, Scara, La Marnaise, qui n'ont aucun lien avec les membres fondateurs de l'Union Blétanol et dont la force probante ne peut être mise en doute, confirment que les futurs adhérents à l'Union Blétanol étaient, comme tous les associés, informés du fait que les prix du blé et de l'éthanol pouvaient varier dans le temps, que cela constituait un risque pour les coopératives associées et que les projections présentées n'avaient qu'un caractère prévisionnel.

 

La présentation communiquée aux futurs adhérents, avant leur adhésion, évaluait le prix d'achat du blé à un montant compris entre 110 euros/t et 120 euros/t. Cette estimation ne pouvait être que prévisionnelle, puisque le « business plan » de la ligne blé n'a été établi qu'au cours de l'année 2007, étant précisé qu'à l'époque où le projet a été élaboré (année 2006) le prix du blé était stable depuis de longues années et que la forte et durable augmentation des prix, qui est intervenue au cours de l'année 2007, n'était pas prévisible et ne pouvait pas être anticipée.

 

Le rapport Sorgem, versé aux débats par la société Blétanol, constate que les investissements figurant sur le « business plan », préparé au cours des mois de mai/juin 2007, étaient cohérents avec les informations transmises aux intimées le 12 mai 2006, que les agréments disponibles étaient conformes aux prévisions de production et suffisants pour couvrir la production d'éthanol, que la production réelle de la société Cristanol s'est avérée cohérente avec les prévisions (13,4 millions d'hectolitres produits en six ans pour 14,3 millions d'hectolitres prévus dans le « business plan », étant précisé que l'écart existant s'explique principalement par le retard avec lequel a démarré la ligne blé). Il indique que les prévisions faites par Cristanol n'étaient ni fantaisistes ni exagérément optimistes.

 

Concernant le prix de l'éthanol, le rapport Sorgem relève qu'au cours des six premières années d'exploitation de l'usine, le prix de vente moyen de l'éthanol déshydraté s'est élevé à 53,94 euros/hl contre une prévision de 54,43 euros/hl. Il observe que le prix d'achat du blé, était, durant les deux premières années d'exploitation de l'usine, inférieur aux prévisions du « business plan » de référence, notamment en raison du démarrage plus lent que prévu de la ligne blé, mais qu'il a ultérieurement été supérieur aux prévisions (soit 160 euros/t contre 131 euros/t prévus) et qu'il s'est en moyenne élevé à 139,1 euros/t au cours des quatre premières années contre 129,7 euros/t prévus.

 

Il résulte de ces éléments que les critiques formulées par la société Acolyance, au vu des résultats obtenus au cours des deux premières années d'exploitation alors qu'un retard avait été accusé lors du démarrage du projet industriel, ne sont pas justifiées et relèvent d'une analyse partielle, alors qu'il s'avère que les prévisions de Cristanol au moment du lancement du projet étaient conformes au marché et à la réalité.

 

Il n'est donc pas démontré que les sociétés Scael et Acolyance, qui sont elles-mêmes des professionnelles de haut niveau, ont, au moment de leur engagement, été trompées sur la nature, l'ampleur, le coût, la rentabilité et les risques inhérents au projet.

 

En tout état de cause, tant les écrits de la société Blétanol (lettre du 20 janvier 2006 , lettre du 16 mai 2006) que les attestations des sociétés intervenantes volontaires établissent que les présentateurs du projet ont invité les futurs associés à limiter leurs apports à 10% de la collecte du blé en raison des risques encourus. Il n'est donc pas prouvé que les fondateurs de la société Blétanol, et notamment le président de la société Champagne Céréales, ont intentionnellement induit les sociétés Scael et Alcolyance en erreur sur la rentabilité du projet pour obtenir leur adhésion.

 

Les pièces versées en annexe révèlent, de plus, que les sociétés Acolyance et Scael n'ont, à aucun moment, contesté la validité de leurs engagements, qu'elles ont au cours du deuxième semestre 2007, libéré la part complémentaire du capital social et ont, le 17 avril 2008, signé avec Cristanol une convention de délégation pour la collecte de cultures énergétiques leur permettant de bénéficier de subventions pour les blés cultivés destinés à être livrés pour la production d'éthanol.

 

Par courrier recommandé du 8 janvier 2008 (pièce n 15 de Blétanol), la société Cohesis (devenue Acolyance) a sollicité de l'Union Blétanol la révision de ses engagements d'apport et d'ordre financier sur la base d'un apport de 15 000 tonnes en exposant qu'elle était engagée sur trois projets de production de bioéthanol, à savoir, le projet BENP Lillebonne qui existait, le projet Blétanol (Cristanol II) qui était en cours de construction et le projet Soufflet. Elle faisait état de sa volonté de limiter à 10% de sa collecte le volume de blé destiné à la production d'éthanol soit à 55 000 tonnes par an, de son impossibilité de remettre en cause son engagement à hauteur de 40 000 tonnes dans le projet BENP, de sorte qu'il ne lui restait qu'un disponible de 15 000 tonnes par an pour le projet Blétanol dont l'usine n'était pas construite.

 

Elle expliquait cette demande par le changement du contexte dans lequel elle s'était engagée dans ces différents projets : suppression de la jachère obligatoire, présentation d'un nouveau projet sur le secteur (Soufflet), évolution significative du coût d'investissement des usines (notamment Cristanol, en dehors des cadres budgétaires qui avaient été approuvés par le conseil d'administration de l'Union Blétanol), forte variation des marchés (blé moisson passant de 100 à 235 euros et 200 euros pour la récolte 2008), changement de comportement de ses agriculteurs du point de vue de leurs engagements à la vente de céréales (engagement fort dans les contrats à prix du jour, au préjudice des contrats à prix moyen) et dans leurs apports, plafonnement des rendements alors que les engagements avaient été pris en regard de la moisson la plus importante (2004).

 

Par lettre du 30 janvier 2009, la société Cohésis (Acolyance) a fait connaître à la société Blétanol son refus de procéder aux livraisons de blé, en rappelant qu'elle manifestait depuis dix-huit mois son inquiétude sur la rentabilité du projet, qu'elle s'estimait trop engagée dans la filière des biocarburants, qu'elle avait proposé des pistes de réflexions, telles que retarder la mise en route de la ligne blé ou la substitution d'une partie du blé par de la betterave, sans obtenir de réponse à ces demandes. Elle estimait que le projet, qui avait pour objectif de valoriser les blés entre 150 et 175 euros rendus usine, ne s'avérait pas conforme aux objectifs et se situait maintenant dans un contexte très différent par rapport à celui du projet initial en 2007 (prix, environnement, concurrence alimentaire, défiscalisation). Elle faisait état du manque à gagner généré par cette situation critique, non viable à moyen terme, en déplorant que l'Union Blétanol ait néanmoins commencé à livrer Cristanol, alors que l'analyse qui aurait dû être faite préalablement aurait probablement démontré que, dans l'intérêt de l'union et de l'ensemble de ses associés coopérateurs, il coûterait moins cher de ne pas mettre en route la ligne blé, plutôt que de la faire fonctionner. Elle relevait que les conditions de paiement du blé n'avaient pas été évoquées par le conseil d'administration.

 

Ce courrier a été suivi d'une lettre recommandée, datée du 4 mars 2009 (pièce n 19 de la société Blétanol) adressée au président de l'Union Blétanol, dans laquelle la société Cohésis (Acolyance) subordonnait son acceptation de faire partie du bureau de l'Union Blétanol à l'obtention de l'autorisation de réduire son engagement d'apport de 60 000 tonnes de blés à 15 000 tonnes de blé en proposant de substituer aux 45 000 tonnes de blé de la betterave apportée par Cristal Union.

 

Par lettre du 28 mai 2009 (pièce n 20 de la société Blétanol), la société Scael a fait part, au président de la société Blétanol, de ses interrogations sur le devenir du projet commun et sa viabilité économique. Elle l'a informé du fait qu'elle partageait la position de Cohésis sur le fonctionnement du conseil d'administration, en regrettant qu'il soit si difficile d'obtenir après chaque conseil, un exemplaire du procès-verbal de la réunion, lequel la plupart du temps ne reflétait pas les débats qui s'y étaient tenus et constatait que le contexte avait fortement évolué de sorte que toutes les considérations pour lesquelles les coopératives s'étaient investies dans ces projets de biocarburants avaient quasiment disparu.

 

Elle exposait, qu'outre la dégradation des conditions déterminantes de l'engagement initial des coopératives dans ces projets, la structure même de l'Union Blétanol suscitait de nombreuses interrogations et reprochait à la société Blétanol de ne pas avoir respecté le « business-plan » initialement présenté, de ne pas prendre en compte la dégradation significative du prix de l'éthanol en deux ans, de faire supporter aux coopératives engagées des pertes importantes au vu d'un delta de l'ordre de 20 à 40 euros entre le prix du blé alimentaire et celui payé par la transformation en éthanol. Elle estimait qu'il était temps de mener une réflexion approfondie sur le devenir du projet Blétanol et proposait divers « scénarii » à savoir : la réduction d'au moins 50% du volume de la ligne blé (remplacement par de la betterave si cela s'avérait encore possible compte tenu du prix actuel de l'éthanol), l'arrêt total de la ligne blé ou la vente de la ligne blé.

 

Le compte-rendu de la séance du 30 juin 2009 du conseil d'administration de la société Blétanol révèle, que ce dernier a, à la demande des administrateurs, débattu sur la convention d'apport de blé par Blétanol à Cristanol.

 

Le directeur général de la société Blétanol a rappelé la teneur des conventions signées entre Blétanol et Cristanol, à savoir la convention d'investissement et d'exploitation signée le 4 juillet 2006 régissant notamment les conditions d'apport de blé et le contrat du 19 mars 2009 conclu dans le cadre de cette convention d'investissement et d'exploitation.

 

Les représentants de la société Scael ont interrogé le président de la société Blétanol pour savoir si au moment de l'adhésion des coopératives à Blétanol ces dernières avaient été clairement et pleinement informées de la teneur de la convention d'investissement et d'exploitation, du 4 juillet 2006, liant Blétanol et Cristanol, en déclarant n'avoir à ce jour retrouvé aucune trace à ce sujet dans les archives de la Scael. Ils ont ajouté que, si ces conventions étaient connues, la situation économique avait considérablement changé (prix actuel du blé, effondrement du prix de l'éthanol, revirement de l'opinion publique vis-à-vis des agriculteurs participant aux projets biocarburants) et ont souhaité une évolution du projet Blétanol pour s'adapter à ces nouveaux facteurs, tout en reconnaissant que personne ne pouvait prévoir ni n'était responsable de la situation à laquelle les associés avaient à faire face lors de la constitution de la société Blétanol.

 

Les représentants de la société Cohésis (devenue Acolyance) ont estimé qu'un débat libre et le cas échéant conflictuel, auquel elle souhaitait prendre part, était nécessaire avec les betteraviers, ont mis en cause la validité des conventions objets du débat, en en demandant la validation par le conseil, exposé que quelle que soit leur validité, elles avaient pour effet de faire du blé la variable d'ajustement de l'équilibre du compte de résultat de Cristanol de sorte que Blétanol devait les dénoncer à Cristanol et remettre en cause la convention d'investissement et d'approvisionnement en vigueur depuis trois ans.

 

A l'issue des débats, acte a été pris que certains administrateurs souhaitaient vérifier que leurs sociétés avaient bien eu connaissance de la convention d'investissement et d'approvisionnement à leur entrée dans Blétanol et étaient favorables à la renégociation de la convention d'apport de blé par Blétanol à Cristanol. Un débat s'est instauré sur l'opportunité de faire conduire une étude par un cabinet extérieur et sur le périmètre de cette étude.

 

Il résulte de ces éléments que ce n'est qu'au cours de l'année 2009, postérieurement à leur adhésion, qu'au vu de la profonde évolution du contexte dans lequel les coopératives associées avaient adhéré au projet, laquelle était imprévisible lors de l'élaboration du projet (évolution du prix du blé, effondrement du prix de l'éthanol, revirement de l'opinion publique vis-à-vis des agriculteurs participant aux projets biocarburants),et des difficultés auxquelles elles devaient faire face, que les sociétés Cohésis et Scael ont souhaité une évolution du projet Blétanol, à savoir la renégociation de la convention d'apport du blé avec la société Cristanol avec remplacement du blé par de la betterave permettant leur désengagement ou même l'arrêt de la ligne blé.

 

Il n'est donc pas démontré que les sociétés Scael et Acolyance, qui sont des professionnelles à même de mesurer les risques de leurs engagements, n'avaient pas, au moment de leur adhésion à l'Union Blétanol, connaissance de la teneur du projet, qu'elles n'avaient pas obtenu des fondateurs de la société Blétanol, et notamment de la société Champagne Céréales (devenue Vivescia), les informations auxquelles elles pouvaient normalement s'attendre, notamment sur la fixation du prix du blé et la teneur des accords d'investissement et d'exploitation liant la société Blétanol à la société Cristanol et leur permettant de s'engager en connaissance de cause au sein de l'union Blétanol. L'existence d'une réticence, d'un dol ou d'une erreur excusable n'étant pas démontrée, les demandes en nullité de leur engagement formées par les sociétés Scael et Acolyance ont, à juste titre, été rejetées par les premiers juges dont le jugement sera confirmé sur ce point.

 

- Sur l'absence de cause :

 

Les sociétés Acolyance et Scael soutiennent que leur engagement au sein de Blétanol était dépourvu de cause dans la mesure où le prix payé par Blétanol était insuffisant car inférieur au prix du blé alimentaire, et que l'exécution du contrat selon l'économie voulue par les parties était dépourvue de contrepartie réelle.

 

Par application de l'article 1131 du code civil« l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet ».

 

La cause du contrat est la contrepartie objective des obligations auxquelles on s'engage. L'existence de la cause d'une obligation doit s'apprécier au moment de la conclusion du contrat.

 

Les statuts de l'Union Blétanol prévoient que 'l'union a pour objet d'effectuer ou de faciliter, quels que soient les moyens et techniques mis en oeuvre par elle, pour le compte des associés coopérateurs, les opérations ci-dessous énumérées concernant la production, la transformation, l'écoulement et la vente à l'exportation ou sur le marché intérieur, des catégories de produits également ci-dessous précisés :

 

- nature des produits : blé, coproduits et sous-produits des blés destinés à la production d'alcool et autres carburants et/ou combustibles

 

- nature des opérations : collecte, vente'.

 

Les engagements contractés par les sociétés Scael et Acolyance avaient donc pour contrepartie objective les prestations que la société Blétanol s'engageait à accomplir.

 

Toutes les parties s'accordent, de plus, pour admettre que, lors de la conclusion du contrat, le prix du blé était stable et ne dépassait pas 105 euros/t depuis de nombreuses années, que la production de bioéthanol bénéficiait d'une fiscalité incitative et que les pouvoirs publics avaient mis en place des dispositifs favorisant le développement des biocarburants et la réduction de la dépendance au pétrole. Selon l'économie voulue par les parties, l'exécution du contrat avait, lors de l'adhésion des sociétés Acolyance et Scael à l'Union Blétanol, une contrepartie certaine, à savoir l'adhésion au projet Cristanol avec la création d'un nouveau débouché permettant d'utiliser durablement les stocks de blé sur le marché de l'éthanol et donc de faciliter, pour le compte des associés coopérateurs, la collecte, l'écoulement et la vente de blés destinés à la fabrication de l'éthanol. L'engagement des intimées avait donc une contrepartie et un réel intérêt économique.

 

Les premiers juges ont justement relevé que, lors de l'adhésion des sociétés intimées, l'évolution du prix éthanol et du blé alimentaire n'était pas connue, que l'Union Bléthanol, qui n'a d'ailleurs aucune obligation de résultat quant à la rémunération des apports, n'avait pas garanti que le prix du blé serait supérieur au prix du blé alimentaire. Seule la conjoncture économique était à l'origine du manque à gagner par rapport au prix du blé alimentaire, dont l'évolution ne pouvait être déterminée et envisagée lors de la conclusion du contrat. En tout état de cause, la diminution de l'intérêt économique des sociétés Scael et Acolyance au cours de l'exécution du contrat ne peut justifier l'annulation de leurs engagements et l'Union Blétanol n'avait nullement l'obligation de garantir à ses adhérents la réalisation de profits.

 

Il n'y a pas lieu, en conséquence, de prononcer la nullité ou la caducité des engagements coopératifs des sociétés Scael et Acolyance à l'égard de l'Union Blétanol pour absence de cause. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

 

- Sur l'indétermination du prix :

 

Les sociétés Scael et Acolyance demandent à la cour d'annuler leurs engagements coopératifs au motif qu'ils ne contenaient aucun prix déterminé ou déterminable pour rémunérer les apports. La société Scael soutient que son engagement doit être qualifié de contrat de vente et invoque les règles prescrites par l'article 1591 du code civil.

 

L'Union Blétanol est une coopérative de collecte et de vente, dont les associés se sont engagés à livrer du blé. Dans le fonctionnement d'une telle coopérative, la collecte des marchandises des adhérents est réalisée par la société moyennant le versement d'un prix ferme ou provisoire, réajusté ultérieurement par les ristournes coopératives. Les statuts de la société Blétanol ne contiennent aucune clause relative à la détermination du prix du blé et il n'existe aucun règlement intérieur.

 

La cour relève, que les sociétés Scael et Acolyance ont souscrit à l'égard de l'Union Blétanol un engagement coopératif, qui est un engagement spécifique dans le cadre duquel elles se sont engagées à fournir, pendant une durée convenue, une certaine quantité annuelle de blé, destiné à être transformé en éthanol, devant être rémunérée. Les modalités de rémunération du prix du blé, considéré comme une variable d'ajustement permettant d'équilibrer le compte de résultat de Cristanol II, ont été définies et exposées avant l'adhésion des intimées, notamment au cours d'une réunion d'information en date du 12 mai 2006 et dans les documents qui ont été remis et expliqués lors de l'assemblée générale de Blétanol du 6 octobre 2006 de même que dans le cadre des réunions du conseil d'administration. Elles sont fonction de facteurs extérieurs et ne dépendent pas de la seule volonté de la société Blétanol.

 

Il a été proposé pour la rémunération du blé deux possibilités de contractualisation : 1) prix acompte de début de campagne et complément de prix suivant les résultats analytiques de la filière blé et 2) contrat à prime Matif, avec acompte de prime au début de campagne et complément de prime suivant les résultats analytiques de la filière blé.

 

Le mode de détermination du prix d'acompte a été présenté aux associés coopérateurs lors de la présentation de la convention d'apport de blé entre Cristanol et Blétanol, au cours du conseil d'administration de Blétanol du 10 avril 2009, qui précisait :

 

« Un prix d'acompte sera fixé au début d'exercice social sur la base du budget annuel de Cristanol ventilé par lignes de production. Ce prix d'acompte pourra le cas échéant, être modifié par décision du conseil d'administration de Cristanol au cours de l'exercice social.

 

A l'occasion de l'élaboration de son budget annuel, Cristanol établira un tableau à doubles entrées permettant d'évaluer, à titre indicatif, le prix du blé transformé, en fonction de plages de variation du prix de l'éthanol et des drèches tout au long de l'exercice (pièce Blétanol n° 60).

 

Les engagements coopératifs souscrits par les intimées ne constituant pas une vente, l'exigence du prix déterminé ou déterminable au moment de la conclusion du contrat n'est pas applicable.

 

En tout état de cause, l'engagement coopératif des sociétés Scael et Acolyance s'inscrit dans un cadre contractuel constituant un contrat cadre, suivi de contrats d'application passés avec les associées en début de chaque exercice, précisant les quantités appelées et le montant de l'acompte (pièces n° 100 et 101 de Blétanol). Il ne peut pas dès lors, être analysé comme une vente soumise aux dispositions de l'article 1591 du code civil, imposant que le prix de la vente soit déterminé ou déterminable au moment où les parties souscrivent leur engagement.

 

La mise en route de la ligne blé n'est intervenue qu'au début de l'année 2009, de sorte qu'il n'y a pas eu auparavant d'appel de blé et d'information sur la ligne acompte. Les prix du blé payés étaient les suivants :

 

pour l'exercice 2008/2009, qui n'a duré que quatre mois : 88,30 euros/t ; pour 2009/2010 :100,29 euros/t ; pour 2010/2011 : 141,43 euros/t ; pour 2011/2012:160,39 euros /t ; pour 2012/2013 : 188,29 euros/t ; pour 2013/2014:161,52 euros/t. Il en résulte qu'ils n'étaient nullement dérisoires, qu'ils étaient conformes à la fourchette de prix de 110 à 120 euros/t annoncée et, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, supérieurs aux prix payés dans le cadre d'un projet concurrent (BENP Lillebonne).

 

Les demandes en annulation des engagements coopératifs des sociétés Scael et Acolyance pour indétermination du prix seront donc rejetées et le jugement déféré confirmé sur ce point.

 

Sur la demande de résolution des engagements coopératifs des sociétés Scael et Acolyance :

 

Les sociétés Scael et Acolyance sollicitent la résolution de leurs engagements coopératifs en reprochant à l'Union Blétanol d'avoir manqué à ses obligations, au cours de l'exécution du contrat, en détournant les objectifs de la coopération et en ne valorisant pas au mieux les apports de ses associés coopérateurs.

 

Par application de l'article R. 522-4 du code rural, sauf en cas de force majeure, nul associé coopérateur ne peut se retirer de la coopérative envers laquelle il s'est engagé, avant l'expiration de sa période d'engagement.

 

La résolution de l'engagement coopératif ne peut être prononcée que dans l'hypothèse d'une violation grave des obligations conventionnelles de la coopérative. Elle ne peut pas intervenir en cas de difficultés de fonctionnement ou de faute de gestion de la coopérative et seuls les manquements contractuels au sens strict relèvent des dispositions de l'article 1184 du code civil. Enfin, la situation d'un associé qui estime que son engagement au sein de la coopérative ne constitue plus pour lui une solution économique favorable, ne peut lui permettre, alors qu'il est lié par les statuts, d'invoquer les dispositions de l'article 1184 du code civil.

 

Les engagements de l'Union Blétanol résultent tant des dispositions de l'article L. 521-1 du code rural disposant que 'les sociétés coopératives ont pour objet l'utilisation en commun par les agriculteurs de tous moyens propres à faciliter ou à développer leur activité économique, à améliorer ou à accroître les résultats de cette activité', que des statuts de l'Union Blétanol stipulant que 'l'Union a pour objet d'effectuer ou de faciliter, quels que soient les moyens et techniques mis en oeuvre par elle, pour le compte des associés coopérateurs, les opérations ci-dessous énumérées concernant la production, l'écoulement et la vente à l'exportation ou sur le marché intérieur des catégories de produits également ci-dessous précisées : Nature des produits : blés, coproduits et sous-produits des blés destinés à la production d'alcool et autres carburants et/ou combustibles. Nature des opérations : collecte, vente'.

 

L'Union Blétanol est tenue d'une obligation de moyens. La coopérative ou l'union de coopératives agricoles ne poursuit pas un but spéculatif pour elle-même et l'associé coopérateur d'une telle structure ne perçoit en principe aucune rémunération sur le capital apporté et n'a droit, lorsqu'il se retire, qu'à la valeur nominale de ses parts.

 

La société Acolyance soutient que l'Union Blétanol a manqué à son obligation de loyauté et a agi au détriment de ses associés, au profit de l'Union Cristanol et de ses banquiers, notamment en reprenant, à l'insu des coopératives adhérentes, une convention d'investissement et d'exploitation signée par Siclaé le 4 juillet 2006 et une caution solidaire contractée par la société Champagne Céréales (devenue Vivescia).

 

Il résulte des énonciations faites ci-dessus, que les futurs associés coopérateurs, qui sont tous des professionnels, ont été longuement informés sur le schéma du montage juridique et financier du projet Blétanol/Cristanol, tant lors d'une réunion d'information tenue le 12 mai 2006, au cours de laquelle des documents décrivant le montage du projet ont été distribués, qu'au cours de l'assemblée générale des associés de la société Blétanol du 6 octobre 2006. A cette occasion les modalités de rémunération des apports ont été exposées et expliquées, de sorte que les coopératives intéressées par l'adhésion à l'Union Blétanol ne pouvaient ignorer que le blé serait la variable d'ajustement et son prix fixé en fonction du résultat de Cristanol.

 

Contrairement à l'appréciation portée par les premiers juges, la cour constate que les informations données aux coopérateurs le 12 mai 2006, qui ont été décrites ci-dessus, n'étaient nullement sommaires et insuffisantes pour éclairer les sociétés Scael et Acolyance. Les autres sociétés associées, et notamment les seize coopératives intervenantes volontaires, ont, au contraire, exposé, que l'idée d'un 'ajustement du prix des apports, variable d'ajustement du résultat net de Cristanol' figurant dans les documents projetés, 'slides', distribués au cours de la réunion du 12 mai 2006, était, dès le lancement du projet, parfaitement connue et comprise de tous, bien que les statuts de la société Blétanol ne comportent aucune mention relative à la rémunération du blé et ne fassent référence à aucun règlement intérieur.

 

L'examen de la convention d'investissement et d'exploitation, signée le 4 juillet 2006 entre Cristal Union et Siclaé pour le compte des céréaliers, régissant notamment les apports de blé, fait apparaître qu'elle met en œuvre le schéma industriel qui a été exposé aux sociétés adhérentes avant leur adhésion ainsi que la « convention d'actionnaires Blétanol Cristal Union » annoncée et décrite notamment dans les documents remis aux intimées préalablement à leur adhésion.

 

Dans son analyse faite ci-dessus, dans le cadre de l'appréciation de la demande de nullité des engagements des sociétés Scael et Acolyance pour dol, la cour a déjà longuement exposé que la convention d'investissement et d'exploitation, signée par la société Siclaé pour le compte des céréaliers et la société Cristal Union le 4 juillet 2006, ne constituait pas, tel que l'ont admis les premiers juges, un bouleversement alourdissant considérablement les engagements des sociétés Scael et Acolyance. Contrairement à ce que soutiennent les intimées, aucune mutualisation des activités betteravières et céréalières n'était prévue par le projet initial, aucun engagement sur la rémunération des apports au prix du marché n'avait été pris par l'Union Blétanol à l'égard de ses associés et le projet prévoyait la mise en place de deux lignes distinctes concernant des substrats différents betteraves/blé et d'une gestion analytique rigoureuse, le prix d'apport des substrats étant le vecteur de la performance économique.

 

La convention d'investissement et d'exploitation du 4 juillet 2006 met en oeuvre le pacte des associés de l'Union Cristanol selon le schéma exposé aux futurs associés de l'Union Blétanol. Elle ne comporte pas d'engagements nouveaux méconnus des associés de l'Union Blétanol ou contraires à leurs intérêts et ce quand bien même elle n'a pas, en son temps, été remise à tous les administrateurs, notamment en raison de l'existence d'une clause de confidentialité prévoyant l'accord de la société Cristal Union avant toute communication de cette convention aux tiers.

 

Contrairement à ce qu'ont admis les premiers juges, cette convention d'investissement et les modalités de rémunération des apports qui y étaient fixées, fondées sur le principe d'un ajustement du résultat net de Cristanol, ne sont pas, tel que le soutiennent les intimées, contraires aux intérêts des associés de la société Blétanol. En effet, le sort des sociétés Blétanol et Cristanol était, selon la conception même du projet, lié de manière indissociable. L'Union Blétanol n'a été créée qu'en vue de collecter le blé devant être fourni à l'Union Cristanol pour être transformé en éthanol dans une usine dont la construction était envisagée, de sorte que l'existence même de l'Union Blétanol, et son activité, supposaient que la société Cristanol, qui constituait son unique débouché, soit en mesure de financer la construction de l'outil de production nécessaire à la production d'éthanol. Dès l'origine, la rémunération des apports devait permettre d'assurer l'équilibre financier de la ligne Cristanol II, qui constituait un investissement à long terme destiné à assurer aux producteurs de céréales un nouveau débouché stable et un moyen de commercialiser le blé, alors que le marché était saturé. Cet élément était lors de leur adhésion, parfaitement connu et accepté par les sociétés Acolyance et Scael, et n'a pas été modifié ultérieurement à leur détriment. Ces dernières n'ont d'ailleurs changé d'attitude, qu'en raison de l'évolution du contexte économique et du prix du blé sur le marché, (courriers de la société Acolyance des 8 janvier 2008, 30 janvier 2009 et 4 mars 2009 et lettre du 28 mai 2009 de la société Scael).

 

Le projet Cristanol prévoyait, dès le départ, qu'il serait, pour sa plus grande partie (60%), financé à l'aide d'emprunts devant être remboursés pendant la durée de validité des agréments accordés pour la production d'éthanol (six ans) et non par des fonds propres. Il ne peut donc être soutenu, dans ces conditions, que la convention d'investissement et d'exploitation du 4 juillet 2006 avait pour objet de privilégier les intérêts d'une société tierce et des banquiers au détriment des producteurs de blé, totalement dépendants de la situation financière de l'acquéreur final de la production, et que l'objet de l'Union Blétanol, qui était de faciliter la collecte de blés destinés à être transformés en éthanol par la société Cristanol, a été détourné.

 

Il n'est pas démontré que la société Blétanol et ses fondateurs ont agi de manière déloyale et détourné les objectifs de la coopération au profit de tiers et au détriment des associés de l'union.

 

Aucun élément du dossier ne permet, de même d'établir, comme le prétendent les sociétés Scael et Acolyance et comme le tribunal l'a retenu, que la société Blétanol a repris un engagement de caution, antérieur à sa constitution, contracté par Champagne Céréales (devenue Vivescia) au cours du mois de juillet 2006. La convention de crédit du 4 juillet 2006 (pièce Blétanol n 132) ne fait pas état d'une telle garantie et les attestations versées aux débats, émanant tant de la Caisse de Crédit Agricole de Centre Loire que du commissaire aux comptes de la société Cristanol (pièces Blétanol n 133 et 134), établissent que la société Vivescia n'a pas consenti d'engagement de caution au cours de l'exercice 2006 et que le commissaire aux comptes admet qu'une erreur s'est produite dans la rédaction des 'engagements hors bilan' annexés aux comptes publiés par Cristanol le 30 septembre 2006 (pièce Acolyance n 24), faisant ainsi apparaître une caution solidaire de Champagne Céréales d'un montant de 26,1 millions d'euros qui n'a pas existé. Enfin, ni les comptes au titre de l'exercice clos le 30 juin 2007 de la société Vivescia, ni ceux de l'Union Blétanol ne font apparaître un engagement hors bilan à hauteur de 26,1 millions d'euros (pièces des intervenantes volontaires n 117 et 118).

 

Il n'est donc pas démontré que la société Blétanol a manqué de loyauté dans l'information des sociétés Scael et Acolyance et n' a pas agi dans l'intérêt de ses associés, notamment à l'occasion de la signature de la convention d'investissement et d'exploitation du 4 juillet 2006 la liant à la société Cristal Union.

 

En ce qui concerne l'accroissement des budgets et l'alourdissement des engagements des sociétés Acolyance et Scael sans leur accord, les développements faits ci-dessus dans le cadre des demandes de nullité des engagements des sociétés intimées exposent que l'augmentation du montant des investissements, au départ fixé à 96 millions d'euros pour la ligne Cristanol I et estimé à 115 millions d'euros pour la ligne Cristanol II, résulte pour la ligne betteraves de l'augmentation des matières premières et des exigences imposées par la DRIRE et pour la ligne blé du choix de procéder à un investissement supplémentaire et à des améliorations du projet d'origine. Cette question a été abordée au cours de la réunion du conseil d'administration du 8 novembre 2006 approuvé le 20 février 2007. L'évolution du montant des investissements ne résulte pas d'une dissimulation de la part de la société Blétanol, qui a informé les associés de l'augmentation du budget initial, laquelle n'a d'ailleurs pas donné lieu à un financement complémentaire par les associés.

 

Le montant des investissements annoncé lors de l'adhésion des intimées à l'Union Blétanol a été augmenté et porté pour la ligne blé de 115 à 153 millions d'euros. La cour rappelle que le « business plan » de la ligne blé n'était pas arrêté lors de l'adhésion des sociétés intimées, que l'augmentation du budget initial a été portée à la connaissance des coopératives lors du conseil d'administration de Blétanol du 8 novembre 2006, dont le procès-verbal a été adopté à l'unanimité lors du conseil d'administration suivant du 20 février 2007, de sorte que l'évolution du budget a été acceptée. Cette évolution n'a donné lieu à aucune augmentation du volume de blé à livrer, ni à allongement de la durée de l'engagement des associés de la société Blétanol. Les engagements financiers pris par les coopératives n'ont, de même, pas été modifiés. Il ne peut donc être soutenu, alors qu'aucune garantie n'avait été donnée sur le montant de la rémunération des apports, que des engagements supplémentaires ont été mis à la charge des coopératives sans leur accord.

 

Enfin, le fait que la société Blétanol se soit engagée au sein de l'Union Cristanol pour une durée de quinze ans n'empêche nullement les sociétés Acolyance et Scael de ne pas renouveler leur engagement à l'issue de la période de dix ans pour laquelle elles se sont engagées.

 

Le jugement déféré a donc à tort constaté que la société Blétanol s'est montrée déloyale en alourdissant considérablement les engagements souscrits par les parties sans leur accord.

 

Les sociétés Scael et Acolyance reprochent à l'Union Blétanol de ne pas avoir tout mis en oeuvre pour valoriser au mieux les apports de blé de ses associés et d'avoir fixé le prix du blé à un niveau abusivement bas par rapport au prix du marché.

 

Les éléments du dossier font apparaître que la construction de la ligne blé a été décidée à la fin de l'année 2006, lors de l'assemblée générale ordinaire de la société Cristanol du 28 décembre 2006, soit à une époque où personne ne contestait la pertinence de cette décision au vu du contexte économique et des incitations fiscales existantes. Il s'ensuit, qu'au cours de l'année 2007, la société Blétanol ne pouvait à elle seule, alors que la décision de construire la ligne blé avait été votée, décider de ne pas poursuivre le projet. Contrairement à ce qu'affirment les sociétés Scael et Acolyance, la société Blétanol ne disposait d'aucun droit de veto dont elle aurait pu faire bénéficier ses associés. Les dispositions de l'article 7 de la convention d'investissement du 4 juillet 2006 ne prévoient la possibilité de retrait de la société Blétanol, à compter du 31 décembre 2009, que dans l'hypothèse où la décision de lancer la ligne blé ne serait pas votée. Les intimées ne sont donc pas fondées à reprocher à la société Union Blétanol de ne pas avoir fait usage de son droit de veto et à affirmer que M. Pascal P., président de la société Blétanol, a décidé seul de mettre la ligne Cristanol II en service au cours du mois de décembre 2006, alors que des interrogations sur la rentabilité du projet étaient formulées au sein du comité de direction de la société Blétanol, notamment au vu de l'accroissement du budget.

 

L'examen des documents remis aux sociétés associées, lors de la réunion d'information du 12 mai 2006, et des pièces versées aux débats révèle que la société Blétanol ne s'est jamais engagée à rémunérer les apports de blé au prix du marché ou en fonction de l'évolution du cours du prix alimentaire. Les coopératives céréalières étaient informées du montage mis en place, du fait que le prix des substrats (blé et betteraves) constituait la variable d'ajustement permettant le remboursement des emprunts et que le projet de construction de l'usine de Bazancourt était principalement financé par des emprunts, devant être remboursés, et non par des fonds propres. Le recours aux emprunts n'est nullement fautif et leur remboursement ne peut constituer un manquement grave de la société Blétanol justifiant la résolution du contrat.

 

La société Blétanol présente, en annexe, les procès-verbaux des réunions des comités de direction de Cristanol prouvant que les dirigeants de Blétanol ont défendu les intérêts des céréaliers et cherché à obtenir de meilleures valorisations du blé en obtenant qu'elles soient progressivement alignées sur le prix du marché, tel que le prévoit la convention d'adaptation qui a été signée le 19 juin 2013.

 

Le tribunal a considéré que la société Blétanol avait manqué à son obligation de tout mettre en oeuvre pour valoriser au mieux les livraisons de blé de ses associés en prenant en considération les deux premiers exercices de fonctionnement de l'Union Blétanol, soit quatre mois d'exploitation en 2009 et 12 mois pour 2009/2010, pour constater que les prix du blé payés par la société Blétanol à ses associés était insuffisants et inférieurs aux prix payés dans le cadre du projet BENP à Lillebonne, également en phase de démarrage.

 

La cour relève à cet égard, qu'il n'existe à la charge de la société Blétanol aucune obligation de résultat quant à la rémunération versée à ses associés. La fixation du prix du blé payé par la société Blétanol à ses associés est un acte de gestion relevant de la compétence du conseil d'administration de cette société et sa contestation ne peut avoir pour effet la résolution du contrat de coopération. Les modalités de rémunération des apports de blé ont été fixées de telle sorte que l'équilibre financier de la ligne Cristanol II soit assuré. L'importante variation des prix du blé alimentaire et le ralentissement de la demande d'éthanol, totalement imprévisibles au cours de l'année 2006, ont fondamentalement modifié le contexte économique dans lequel le projet Blétanol Cristanol a été élaboré, ils ont, contrairement à ce qu'ont admis les premiers juges, forcément influé sur l'économie de l'opération et ne peuvent être imputés à la déloyauté, à des manquements ou à la légèreté de la société Blétanol.

 

Les relevés des prix du blé versés aux adhérents de la société Blétanol et leur comparaison avec les prix du blé payés dans le cadre de l'opération BENP Lillebonne révèlent, qu'à l'exception des deux premières années d'exploitation de la ligne blé, les prix du blé payés par Cristanol sont supérieurs aux prix payés par BENP Lillebonne (rapport Sorgem). En tout état de cause, le niveau du prix du blé réglé par la société Blétanol à ses adhérents au cours des deux premiers exercices, soit lors du démarrage du projet, ne constitue pas un manquement suffisant pour justifier la résolution de l'engagement coopératif des sociétés Scael et Acolyance.

 

La société Acolyance soutient que la société Blétanol a manqué à ses obligations en matière de prix des livraisons de blé appelées sur l'exercice 2008/2009 dans la mesure où le prix du blé n'était pas déterminé ni déterminable et que toutes les sociétés coopératives n'ont pas perçu le même prix d'acompte.

 

La cour a rejeté ci-dessus la demande en nullité de l'engagement des sociétés Scael et Acolyance pour indétermination du prix des apports. La résolution du contrat d'adhésion à l'Union Blétanol ne peut être prononcée que pour un manquement contractuel grave aux obligations résultant des statuts. L'indétermination du prix alléguée constitue une contestation d'un acte de gestion relevant de la compétence du conseil d'administration, qui ne peut être sanctionnée par la résolution du contrat d'adhésion à l'Union Blétanol.

 

La société Acolyance fait valoir que les appels de livraisons qui lui ont été adressés comportent la mention d'un prix discriminatoire, dans la mesure où le prix y figurant n'est pas conforme à celui figurant sur la présentation du 11 décembre 2008 du président de l'Union Blétanol à ses associés coopérateurs et sur la présentation faite au conseil d'administration de l'Union Blétanol le 10 avril 2009 et que certains associés se voient facturer le prix du passage par le silo de Pomacle, alors que d'autres ne supportent pas ce coût. Les pièces versées aux débats ne permettent nullement d'établir que la société Blétanol n'a pas proposé le même prix d'acompte à tous les associés. La discrimination alléguée n'est donc pas établie. Il en est de même de la facturation des services de manutention et de stockage, qui ne peut constituer une faute justifiant la résolution du contrat.

 

Les sociétés intimées reprochent enfin à la société Blétanol d'avoir manqué à son obligation de collecte et d'avoir accru leurs engagements sans leur consentement. La société Blétanol a, au cours du premier exercice, soit entre mars et juin 2009, décidé de ne pas appeler l'intégralité des tonnages que les associés s'étaient engagés à livrer. Cette décision a, selon la lettre adressée aux associés coopérateurs par le président de l'Union Blétanol le 22 octobre 2007, été prise dans le but de limiter les risques de marges négatives lors de la mise en route de la ligne Cristanol II au premier trimestre 2009 et donc dans l'intérêt des associés coopérateurs. Le non respect strict des statuts, au cours de l'année 2009, ne constitue pas un manquement suffisamment grave pour justifier la résolution des engagements coopératifs des sociétés Acolyance et Scael.

 

Les manquements graves à ses obligations, que les sociétés Acolyance et Scael reprochent à la société Bléthanol, ne sont pas caractérisés. La résolution des engagements coopératifs des sociétés Scael et Blétanol aux torts de la société Blétanol n'est pas justifiée et ne peut donc être prononcée. Le jugement déféré sera infirmé en tant qu'il a fait droit à ces demandes.

 

Sur la demande de retrait de la société Acolyance :

 

Par lettre recommandée du 12 novembre 2010, la société Acolyance a adressé au président de l'Union Blétanol une demande de retrait en faisant état, successivement, du manque de loyauté dont la société Blétanol a fait preuve à son égard, du détournement de l'objet de Blétanol, union de coopératives agricoles, du préjudice économique que cause le fonctionnement de l'Union Blétanol et des tensions extrêmes existant entre Cohésis (devenue Acolyance) et les dirigeants de l'Union Blétanol, lesquelles rendent impossibles des rapports professionnels normaux.

 

L'Union Blétanol n'a pas répondu à cette lettre et cette absence de réponse équivaut, par application des dispositions de l'article R. 522-4 du code rural, à un refus. Lors du conseil d'administration du 5 décembre 2010 il a été sursis à statuer sur la demande de retrait de la société Acolyance de sorte que cette dernière demande à la cour d'autoriser son retrait.

 

Les statuts de l'Union Blétanol prévoient dans leur article 8 que 'sauf cas de force majeure dûment justifié et soumis à l'appréciation du conseil d'administration, dans les conditions prévues au paragraphe 2 ci-dessous, nul associé coopérateur ne peut se retirer de l'union avant expiration de la période d'engagement en cours résultant de l'application en ce qui le concerne des dispositions du paragraphe 3 de l'article 7 ci-dessus'.

 

En cas de motif valable, le conseil d'administration peut, à titre exceptionnel, accepter la démission d'un associé coopérateur en cours de période d'engagement, si le départ de celui-ci ne porte pas préjudice au bon fonctionnement de l'union et n'a pas pour effet de réduire le capital social souscrit au dessous des trois quarts. La décision du conseil peut faire l'objet d'un recours devant la plus prochaine assemblée générale sans préjudice d'une action éventuelle devant le tribunal compétent.

 

La société Acolyance reprend à l'appui des motifs de retrait qu'elle énonce, les griefs de manque de loyauté et de détournement de l'objet de Blétanol développés dans son assignation et dans ses conclusions et qui ont été rejetés ci-dessus dans la mesure où ils ne sont pas établis (absence de révélation des termes de la convention d'investissement et d'exploitation, signée le 4 juillet 2006, déterminant, très largement les obligations des associés de Blétanol et, notamment, de son article 7 prévoyant que l'équilibre de Cristanol n'était pas envisagé avant 10 ans, contrariant l'information donnée avant son adhésion selon laquelle ses apports de blé seraient rémunérés suivant contrat à prime à partir du Matif, ce prix servant d'acompte pouvant bénéficier de complément de prix). Elle fait état de son préjudice économique, alors que Blétanol est dans l'incapacité de valoriser au cours du marché les blés qu'elle lui apporterait et l'oblige à prendre en charge une partie des pertes de Cristanol. Elle fait état, enfin, des tensions extrêmes qui existent entre elle et les dirigeants de Blétanol, dans un contexte de concurrence entre Champagne Céréales et Cohésis sur le marché de collecte de blé dans le département de la Marne.

 

La demande de retrait d'un associé avant le terme de son engagement constitue une rupture unilatérale du contrat de coopération.

 

La cour ayant, en rejetant la demande de résolution de l'engagement coopératif de la société Acolyance, constaté que l'Union Blétanol n'a pas fait preuve de déloyauté dans l'exécution du contrat et n'a pas manqué à ses obligations, la demande de retrait fondée sur ces motifs ne peut être accueillie. Il ne résulte pas des éléments du dossier que la durée et le contenu des obligations souscrites par la société Acolyance ont subi une modification substantielle, pouvant justifier son départ anticipé.

 

La société Acolyance qui n'a jamais exécuté ses obligations et qui a, dès le mois de janvier 2008, exprimé sa volonté de se désengager pour maintenir ses autres engagements, fait état du préjudice économique que lui cause l'Union Blétanol, dans la mesure où elle est incapable de valoriser au cours du marché les blés qu'elle lui apporterait, la contraignant à supporter les pertes de la société Cristanol. Le défaut de paiement des apports de blé au prix du marché ne constitue pas, au vu des engagements pris, un motif pouvant valablement justifier la démission de la société Acolyance. Il en est de même des tensions pouvant exister entre cette société et les dirigeants de l'Union Blétanol suite au défaut de livraison du blé convenu.

 

La demande de retrait non fondée sur un motif valable sera rejetée.

 

Sur la demande en nullité de la société Blétanol :

 

La société Scael demande à la cour de prononcer la nullité de l'Union Blétanol pour non-respect des dispositions de la loi du 10 septembre 1947 et pour cause illicite. Elle soutient que, par application de l'article 1833 du code civil, toute société doit, à peine de nullité, avoir un objet licite et être constituée dans l'intérêt commun de ses associés.

 

Par application de l'article 1833 du code civil toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l'intérêt commun des associés. L'article 1844-10 du même code dispose que la nullité de la société peut résulter de la violation des dispositions de l'article 1833. Par objet licite il faut entendre le but que les dirigeants de la société se sont fixés ou l'entreprise pour laquelle la société se constitue. Seul le but réel de la société doit être pris en considération pour apprécier sa licéité.

 

Il n'est pas discuté que la société Blétanol est une société coopérative et que la loi du 10 septembre 1947 dispose dans son article 1er que 'les coopératives sont des sociétés dont les objets essentiels sont :

 

1) de réduire, au bénéfice de leurs membres et par l'effort commun de ceux-ci, le prix de revient et, le cas échéant, le prix de vente de certains produits ou de certains services, en assumant les fonctions des entrepreneurs ou intermédiaires dont la rémunération grèverait ce prix de revient ;

 

2) d'améliorer la qualité marchande des produits fournis à leurs membres ou de ceux produits par ces derniers et livrés aux consommateurs ;

 

3) et plus généralement de contribuer à la satisfaction des besoins et à la promotion des activités économiques et sociales de leurs membres ainsi qu'à leur formation.

 

Les coopératives exercent leur action dans toutes les branches de l'activité humaine'.

 

Les statuts de la société Blétanol définissent son objet statutaire de la manière suivante : elle a pour objet 'd'effectuer ou de faciliter, quels que soient les moyens techniques mis en oeuvre par elle, pour le compte de ses associés coopérateurs, les opérations ci-dessous énumérées concernant la production, la transformation, l'écoulement et la vente à l'exportation ou sur le marché intérieur des catégories de produits précisés (..) Blé, coproduits et sous-produits des blés destinés à la production d'alcool et autres carburants ou combustibles'.

 

La société Scael fait toutefois valoir que l'objet réel de la société Blétanol contrevient à ces dispositions dans la mesure où les mécanismes mis en place, à l'insu des coopératives céréalières, reposant sur une dissociation entre la ligne betterave et la ligne blé, mettent à la charge exclusive des associés les risques liés à l'exploitation et dans la mesure où elle a décidé de lancer l'exploitation de la ligne blé en fixant le prix des apports de blé à un niveau nettement inférieur à celui du marché, afin de permettre à Cristanol de faire face à ses engagements à l'égard des banques au mépris des pertes subies par les coopératives céréalières, et qu'elle n'a donc pas contribué à l'amélioration de l'activité de ses associés.

 

En vertu de l'article 1844-14 du code civil, les actions en nullité de la société se prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue. S'agissant toutefois d'une action dénonçant l'illicéité de l'objet social et l'activité poursuivie ayant un caractère continu, la cour constate que cette prescription n'a pas pu courir et que la demande est recevable.

 

La cour relève, toutefois, que l'Union Blétanol assure et organise la collecte du blé qu'elle livre à l'Union Cristanol qui le transforme en éthanol, qu'elle permet ainsi à ses associés d'écouler des stocks de blé, d'investir dans un outil industriel leur procurant à long terme un débouché stable pour une partie de leur production. Elle contribue ainsi à la satisfaction des besoins et à la promotion des activités de ses associés, facilite l'écoulement et la vente des blés destinés à la production d'alcool, en assurant progressivement à ses adhérents une rémunération du blé proche du prix du marché (convention d'adaptation du 19 juin 2013) dans le cadre d'une nouvelle activité. Son objet est licite, conforme à ses statuts et aux règles applicables aux sociétés coopératives.

 

La société Scael sollicite de plus la nullité de la société Blétanol au motif que cette dernière aurait une cause illicite en faisant valoir qu'elle a été constituée pour un motif distinct de l'amélioration de la condition juridique de ses adhérents et n'a eu pour but que de leur imputer des pertes.

 

La cour relève toutefois, tel qu'elle l'a déjà énoncé, que l'Union Blétanol a été constituée en vue d'adhérer, avec la société Cristal Union, à l'Union Cristanol devant créer une ligne de fabrication d'éthanol à base de blé et de nouveaux débouchés permettant d'écouler des stocks de blé et permettre à ses associés d'investir dans un outil industriel leur procurant à long terme un débouché stable pour une partie de leur production. Il n'est donc nullement démontré, tel que le soutient la société Scael, que la société Blétanol a été constituée dans l'intérêt de ses fondateurs, qui lui ont transféré leurs engagements, et dans le but de faire supporter aux coopérateurs céréaliers tous les risques de l'opération et que sa cause était illicite. La demande de la société Scael n'est pas fondée sur ce point.

 

La société Acolyance sollicite, quant à elle, la nullité de la société Blétanol pour fraude en faisant valoir que ses membres fondateurs, la société Champagne Céréales (devenue Vivescia), sa filiale Siclaé et certains de ses associés, tels Emc2 et Nourricia également administrateurs de Blétanol, ont cherché à contourner l'ordre public des coopératives et des unions de coopératives, qui est d'écouler la collecte des coopératives dans les meilleures conditions, pour servir les intérêts d'un tiers acheteur final, contourné l'obligation d'obtenir l'autorisation du conseil d'administration de chaque coopérative agricole de se porter caution et contourné les règles relatives au plafond des responsabilités financières des associés coopérateurs.

 

Elle estime que cette fraude est caractérisée par la proximité de la constitution de l'Union Blétanol et la signature de la convention d'investissement et d'exploitation, la reconnaissance par Blétanol qu'elle a été constituée pour supporter les pertes de la ligne blé et les mettre à la charge de ses associés coopérateurs par ajustement de prix pour garantir le remboursement des emprunts bancaires de Cristanol, par l'incapacité de la société Blétanol de régler par ses seules ressources les engagements financiers de la société Cristanol se rapportant à la ligne blé, l'existence de documents révélant l'intention de Champagne Céréales et de ses associés au sein de Siclaé de maintenir l'équilibre financier de Cristanol indépendamment du montant de ses pertes, le recours à la société Siclaé pour conclure une convention déterminant très largement la portée des engagements des associés de Blétanol, la dissimulation de la convention d'investissement et d'exploitation signée le 4 juillet 2006 et la libération des sociétés Cristal Union et Champagne Céréales de leur engagement de caution.

 

La société Acolyance reprend à l'appui de cette demande l'ensemble des éléments qu'elle a déjà présentés à l'appui de ses demandes en nullité de son engagement pour dol, erreur, absence de cause et en résolution de son engagement pour déloyauté de la société Blétanol et détournement de ses objectifs. La cour a, en rejetant toutes ces demandes, largement relevé que les éléments constitutifs de la fraude alléguée par la société Acolyance ne sont pas caractérisés dans la mesure où la convention d'investissement et d'exploitation conclue le 4 juillet 2006 pour le compte des céréaliers, alors que la société Blétanol ne disposait pas encore de son agrément et ne pouvait contracter, constitue la mise en œuvre du projet, exposé aux associés de la société Blétanol qui a été largement exposé et expliqué et accepté par les coopérateurs au moment de leur adhésion, que cette convention, comportant une clause de confidentialité, n'a nullement été dissimulée et que ses termes, concernant notamment les modalités de fixation du prix du blé en fonction des résultats de la ligne Cristanol II, étaient connus dès le mois de mai 2006, rappelés au cours de l'assemblée générale du 6 octobre 2006 et du conseil d'administration du 8 novembre 2006 au cours duquel la société Blétanol s'est substituée à la société Champagne Céréales, qu'aucune caution n'a été signée par la société Champagne Céréales ni par la société Blétanol et qu'il n'est nullement démontré que les membres fondateurs de la société Blétanol ont agi dans leur intérêt, au détriment de ses associés, qui, de plus, sont des coopératives importantes et des professionnels avertis. La cour peut donc rejeter la demande en nullité de la société Blétanol formée par la société Acolyance, la fraude alléguée n'étant ni démontrée ni caractérisée.

 

Sur la dissolution de la société Blétanol :

 

La société Acolyance sollicite, sur le fondement de l'article 1844-7 5 du code civil, la dissolution de la société Blétanol pour justes motifs et fait état notamment des pertes que cause l'Union Blétanol à ses associés.

 

L'article 1844-7 5 du code civil dispose que 'la société prend fin par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d'un associé pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un des associés, ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société'.

 

Le motif avancé par la société Acolyance n'est pas démontré et la présentation de l'évolution de la production d'éthanol et du prix des matières premières établissent que la situation s'est améliorée depuis la première année d'exploitation et ce bien que les sociétés Acolyance et Scael n'aient pas respecté leurs obligations de livraison de blé. Aucune pièce ne démontre l'étendue des pertes subies par les associés de la société Blétanol, qui ne livrent à cette Union que 10% de leur collecte et écoulent sur le marché alimentaire, très favorable actuellement, 90% de leur collecte. Enfin, il ne résulte pas des éléments du dossier que le fonctionnement de l'Union Blétanol est paralysé. En conséquence, les conditions d'application de l'article 1844-7 5 ne sont pas réunies et la demande de la société Acolyance sera rejetée.

 

Sur la nullité de certaines résolutions du conseil d'administration :

 

Sur la nullité de certaines résolutions du conseil d'administration de la société Blétanol :

 

- Sur la résolution numéro 1 du conseil d'administration de la société Blétanol du 8 novembre 2006 :

 

La société Acolyance demande à la cour de prononcer la nullité de la résolution numéro 1 du conseil d'administration du 8 novembre 2006, emportant décision du conseil de se substituer intégralement aux droits et obligations souscrits par la coopérative Champagne Céréales dans le cadre du projet Cristanol, pour réticence dolosive.

 

Les coopératives agricoles sont soumises aux dispositions spécifiques prévues dans le livre V du code rural et de la pêche maritime, aux articles L 521-1 et suivants, mais restent soumises aux dispositions du chapitre I du titre IX du livre III du code civil, applicable à toutes les sociétés.

 

L'article 1844-10 du code civil dispose que la nullité des actes et délibérations des organes de la société ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du présent titre ou d'une des causes de nullité des contrats en général.

 

La résolution numéro 1 du conseil d'administration de la société Blétanol du 8 novembre 2006 est libellée comme suit :

 

'1- Adhésion à l'Union de Coopératives Agricoles Cristanol

 

Le président rappelle que la société Blétanol a été constituée pour participer au projet d'investissement d'une usine de production d'alcool et d'éthanol à Bazancourt. La forme juridique retenue pour accueillir cet investissement important de plus de 200 millions d'euros est l'Union de coopératives agricoles, sa dénomination est Cristanol.

 

Afin de pouvoir participer à son capital, la société Blétanol a donc été elle aussi constituée sous forme d'Union de coopératives agricoles. Pour officialiser ce statut, un agrément auprès du ministère de l'agriculture a été sollicité. Il vient d'être obtenu à l'issue de la réunion de la commission ad hoc qui s'est réunie le 20 octobre dernier.

 

Depuis début juillet 2006, Blétanol n'a pas pu juridiquement adhérer à l'Union Cristanol, c'est donc la coopérative Champagne Céréales qui a relayé Blétanol dans ses engagements auprès de Cristanol durant ce laps de temps.

 

Le président rappelle à cet effet la délibération du conseil de Blétanol du 3 juillet 2006 sur les engagements d'apport en compte courant et de souscription de capital auprès de Cristanol.

 

Compte tenu de l'obtention de l'agrément, désormais rien ne s'oppose à ce que l'Union de coopératives agricoles Blétanol sollicite son adhésion à l'Union Cristanol.

 

En conséquence sur proposition du président, le conseil décide :

 

. de réitérer sa décision du 3 juillet 2006,

 

. de se substituer intégralement aux droits et obligations qui ont été souscrits jusqu'à ce jour par la coopérative Champagne Céréales.

 

Pour cela tous les pouvoirs sont conférés au président et à Paul R., avec faculté pour chacun d'eux d'agir séparément, à l'effet de signer tout bulletin de souscription, verser les fonds correspondant à la souscription de capital et au compte courant résultat de la reprise de ces engagements'.

 

Il n'est pas discuté que l'engagement de se substituer aux droits et obligations souscrits, jusqu'alors, par la société Champagne Céréales vise également la convention d'investissement et d'exploitation signée, le 4 juillet 2006, par la société Cristal Union et la société Siclaé, filiale de la société Champagne Céréales, agissant tant pour elle-même que pour les différents intervenants du secteur céréalier.

 

La société Acolyance soutient que cette convention d'investissement et d'exploitation n'a pas été discutée lors du conseil d'administration du 8 novembre 2006 et que les administrateurs, dont elle faisait partie et qui ont à l'unanimité voté cette résolution, ne se sont pas décidés en connaissance de cause sur la substitution de Blétanol dans tous les droits et obligations souscrits par Champagne Céréales et Siclaé au titre du projet Cristanol, puisqu'ils n'étaient pas informés des termes de la convention d'investissement. Elle affirme que les administrateurs n'auraient pas accepté que Blétanol devienne partie à cette convention s'ils avaient eu connaissance des termes et des conséquences de celle-ci, et notamment de son article 5 faisant dépendre le prix du blé du résultat analytique de la ligne blé intégrant les charges financières liées au remboursement des emprunts contractés pour financer la construction de la ligne blé et de le faire varier de manière à respecter les équilibres économiques de Cristanol, ainsi que de son article 7, qui envisage que Cristanol est susceptible de n'atteindre la plénitude de son équilibre qu'à l'issue d'une durée minimum de dix ans.

 

.

 

La cour observe que le libellé de la résolution litigieuse ne permet pas d'établir, comme l'affirme la société Acolyance, qu'elle n'a pas été soumise à discussion et que le pouvoir donné, par le conseil d'administration, à M. P. ou à M. R., visant la reprise des engagements, se limitait à la signature d'un bulletin de souscription et au versement des fonds liés à la souscription de capital auprès de Cristanol.

 

Il résulte des débats que, dès l'origine du projet, la société Champagne Céréales était investie dans l'élaboration du projet Blétanol/Cristanol, qu'elle a joué le rôle de coordinateur du pôle céréalier et a, en sa qualité de chef de file de ce pôle, pris, dans l'attente de la constitution et de l'agrément de l'Union Blétanol, des engagements devant être repris par cette dernière.

 

Ainsi, le 3 juillet 2006, le conseil d'administration de l'Union Blétanol (créée le 22 juin 2006), dont la société Acolyance ne faisait pas encore partie, a décidé de souscrire à l'augmentation de capital de la société Cristanol à hauteur de 10 millions d'euros avant le 31 décembre 2006 et à lui consentir une avance en compte courant de 5,2 millions d'euros, sous condition que Blétanol soit agréée comme union de coopératives. Cet engagement de Blétanol de devenir associé de la société Cristanol, comportait l'engagement de lui apporter les volumes de blé nécessaires à la réalisation du projet. Le conseil d'administration de la société Blétanol réuni le 8 novembre 2006, auquel la société Cohésis (devenue Acolyance) a participé, a réitéré cette décision, de sorte qu'il est établi que les nouveaux membres du conseil d'administration ont été informés des décisions prises avant leur nomination et les ont acceptées et donc ratifiées.

 

En ce qui concerne la convention d'investissement et d'exploitation du 4 juillet 2006, elle a été signée par la société Cristal Union, pour le compte du 'pôle betteravier' qu'elle se réservait de regrouper dans le cadre d'une structure intermédiaire, et par la société Siclaé, 'agissant tant pour elle-même que les différents intervenants du secteur céréalier qu'elle représente, dénommé 'pôle céréalier', devant être regroupés dans le cadre d'une Union de coopératives agricoles en cours de constitution et provisoirement dénommée 'Blétanol'.

 

La cour a déjà analysé la teneur de cette convention et a développé, dans sa motivation relative aux demandes de nullité des engagements coopératifs souscrits par les sociétés Acolyance et Scael et dans sa motivation relative aux demandes de résolution de ces engagements formées par ces sociétés, que cette convention mettait en œuvre la convention d'actionnaires Blétanol/Cristal Union, annoncée et décrite aux futurs adhérents à l'Union Blétanol lors de la réunion d'information du 12 mai 2006 et dans les documents d'information qui leurs ont été remis à cette occasion et qui ont été décrits ci-dessus.

 

La société Acolyance était, comme l'ensemble des futurs adhérents à l'Union Blétanol, informée de la nature, de l'ampleur et du fonctionnement du projet. La convention d'investissement litigieuse ne déroge pas aux principes de fonctionnement, qui avaient été présentés avant leur adhésion, aux coopératives intéressées et décrits aux associés lors de l'assemblée générale de l'Union Blétanol du 6 octobre 2006, au cours de laquelle les documents exposant les modalités de rémunération des apports de blé avaient clairement précisé que le prix du blé dépendrait du résultat analytique de la ligne blé et serait la variable d'ajustement du résultat net de Cristanol, sachant que le prix éthanol blé serait mutualisé avec le prix betteraves. Le recours aux emprunts et l'obligation de les rembourser avait, de plus, été largement expliqué lors de la présentation du projet et aucun engagement n'avait été pris sur le paiement du blé au prix du marché.

 

Il est donc établi, que la société Acolyance avait, au moment du vote de la résolution litigieuse, une parfaite connaissance du montage juridique et financier du projet, des obligations souscrites pour le compte de l'Union Blétanol, et notamment de celle de rembourser les emprunts, des modalités de rémunération des apports de blé, décrites à l'article 5 de la convention d'investissement et d'exploitation du 4 juillet 2006, de l'absence de rentabilité immédiate du projet et des risques que comportaient le projet, au vu de l'évolution possible des prix du blé et de l'éthanol.

 

Elle a donc été en mesure de voter, en connaissance de cause, sur la substitution de l'Union Blétanol aux droits et obligations souscrits, jusqu'à ce jour, par la société Champagne Céréales et sa filiale Siclaé dans le cadre de la convention d'investissement et d'exploitation du 4 juillet 2006, quand bien même cette convention, qui comportait une clause de confidentialité, ne lui avait pas été communiquée, la réticence intentionnelle de M. P. et de la société Champagne Céréales n'étant pas démontrée.

 

La cour observe, au surplus, que la résolution du conseil d'administration du 8 novembre 2006, qui ne requérait pas l'unanimité, a été votée par un nombre de voix tel que la majorité aurait été atteinte sans compter celle de la société Acolyance, qui se dit victime d'un dol, et n'encourt donc pas la nullité.

 

La société Acolyance soutient que la résolution du conseil d'administration du 8 novembre 2006, en ce qu'elle porte décision de substitution de Blétanol aux droits et obligations de Champagne Céréales découlant de la convention d'investissement et d'exploitation du 4 juillet 2006, est une convention réglementée et que les règles régissant de telles conventions n'ont pas été respectées.

 

L'article L. 529 alinéa 2 du code rural et de la pêche maritime renvoie aux articles L. 225-38 à L. 225-43 du code de commerce, prévoyant que toute convention intervenant directement, ou par personne interposée, entre la société et son directeur général, l'un de ses directeurs généraux délégués, l'un de ses administrateurs, doit être soumise à l'autorisation préalable du conseil d'administration avec interdiction au dirigeant ou à l'associé concerné de prendre part au vote. La convention doit, en outre, être soumise pour avis au commissaire aux comptes et approuvée ensuite par l'assemblée générale. Ces dispositions sont reprises par les articles 20.4 à 20.7 des statuts de l'Union Blétanol qui soumettent toutes conventions entre l'union et l'un de ses administrateurs, ou l'un des mandataires de ces derniers au sein du conseil d'administration de l'union, à l'autorisation préalable du conseil d'administration de l'union. Avis en est donné aux commissaires aux comptes qui sont tenus, conformément aux dispositions des articles 28 et 42 §3 des statuts, de présenter à l'assemblée générale annuelle, chargée d'examiner les comptes, un rapport spécial sur les conventions autorisées par le conseil.

 

L'article L. 225-39 alinéa 1 du code de commerce dispose que 'les dispositions de l'article L 225-38 du code de commerce ne sont pas applicables aux conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales'.

 

L'article L. 225-42 alinéa 1 dispose que 'sans préjudice de la responsabilité de l'intéressé, les conventions visées à l'article L. 225-3 et conclues sans autorisation préalable du conseil d'administration peuvent être annulées si elles ont eu des conséquences dommageables pour la société'.

 

La société Acolyance fait valoir que le conseil d'administration a décidé la substitution de Blétanol dans les droits et obligations de Champagne Céréales et de Siclaé découlant de la convention d'investissement et d'exploitation du 4 juillet 2006, notamment en ce qu'elle emportait engagement et apport de Champagne Céréales/Siclaé à Cristanol à des conditions de prix sans rapport avec le prix du marché, sans que le contenu de la convention ait été révélé, sans débat ni vote exprès, alors que Champagne Céréales a participé au vote et que son dirigeant est le dirigeant de Siclaé et aussi de Blétanol.

 

En vertu des dispositions des articles 1844-14 du code civil et L. 225-42 du code de commerce, l'action en nullité se prescrit par trois ans à compter de la date de la convention ; toutefois, si la convention a été dissimulée le point de départ du délai de prescription est reporté au jour où elle a été révélée.

 

La cour relève toutefois que la substitution aux droits et obligations de Champagne Céréales, décidée par le conseil d'administration de l'Union Blétanol, se réfère à la déclaration du président qui a rappelé, que du fait de sa constitution sous forme d'union de sociétés coopératives agricoles, 'l'Union Blétanol n'a pas pu dans l'attente de son agrément par le ministère de l'agriculture, juridiquement adhérer à l'Union Cristanol et que c'est donc Champagne Céréales qui a relayé Blétanol dans ses engagements auprès de Cristanol durant ce laps de temps'.

 

Les pièces versées aux débats établissent que les engagements que la société Champagne Cérales a pris, en attendant que l'Union Blétanol soit en mesure de les prendre, sont notamment ceux qui ont été décidés par le conseil d'administration le 3 juillet 2006, à savoir la souscription au capital de Cristanol à hauteur de 10 millions d'euros et une avance en compte courant.

 

Le 4 juillet 2006, Champagne Céréales a conclu avec Cristanol, tant pour elle-même que pour le compte de Blétanol, une convention d'avances financières d'un montant de 5,2 millions d'euros en précisant qu'elle agissait « en qualité de porte fort de Blétanol, qui se substituera à elle dans tous ses droits et obligations au titre de la présente convention à compter de sa reprise par elle de la participation de Champagne Céréales dans le capital de Cristanol » (convention d'avances financières du 4 juillet 2006 pièces n 11 de Vivescia).

 

La convention d'investissement et d'exploitation a été signée, le même jour, par la société Siclaé 'agissant tant pour elle même que pour les différents intervenants du secteur céréalier qu'elle représente, dénommé 'pôle céréalier', l'ensemble de ces intervenants devant être regroupés dans le cadre d'une Union de coopératives agricoles en cours de constitution, provisoirement dénommée 'Blétanol'. Les engagements souscrits ont été pris pour le compte du pôle céréalier (article 1) et pour la société Siclaé.

 

Cette convention précise, article 3 3, 'que le pôle céréalier s'engage à souscrire un montant de 10 millions d'euros (augmentation de capital de la ligne 1) et que pour faciliter la mise en place de l'Union Cristanol, dans un premier temps la société Champagne Céréales sera l'un des deux associés de l'Union aux côtés de Cristal Union et que dès lors que le pôle céréalier aura constitué l'Union de coopératives agricoles Blétanol, il est expressément convenu que cette dernière se substituera en totalité à la société Champagne Céréales tant en capital qu'en comptes courants'.

 

Il en résulte que la société Siclaé s'est engagée à ce que l'Union Blétanol, devant être constituée par les céréaliers, souscrive au capital de Cristanol à hauteur de 10 millions d'euros et fasse un apport en compte courant, étant précisé que, dans un premier temps, cette souscription serait réalisée par la société Champagne Céréales qui n'était pas partie à la convention.

 

Cette convention destinée à mettre en oeuvre les engagements du pôle betteravier et du pôle céréalier, conformément au projet Cristanol, constitue un protocole d'investissement conclu entre deux sociétés qui se sont portées fort pour les futurs associés de Cristanol, et notamment pour la société Blétanol en cours d'agrément. Elle prévoit expressément, article 3.3, que la société Champagne Céréales, voire sa filiale Siclaé, s'engagerait à l'égard de Cristal Union, aux lieu et place de Blétanol.

 

La cour constate, en conséquence, que la société Champagne Céréales n'est intervenue dans le projet Cristanol qu'en qualité de porte fort de la société Blétanol et que la société Siclaé n'est intervenue à la convention d'investissement qu'en qualité de représentant du pôle céréalier, en attendant que l'Union Blétanol puisse le faire. Une fois agréée, la société Blétanol a, par décision de son conseil d'administration, ratifié la promesse de porte fort de la société Champagne Céréales, qui s'était temporairement engagée à sa place en attendant qu'elle puisse le faire elle-même. En conséquence, aucune convention particulière n'a été conclue entre l'Union Blétanol et les sociétés Champagne Céréales et Siclaé et il n'y a eu aucun transfert d'engagement de la société Champagne Céréales ou de la société Siclaé vers l'Union Blétanol qui n'a, à aucun moment, autorisé la conclusion d'une convention entre Blétanol et Champagne Céréales. La ratification par le conseil d'administration du 8 novembre 2006 des décisions prises lors de son conseil d'administration du 3 juillet 2006 et des engagements temporairement pris par Champagne Céréales et Siclaé le 4 juillet 2006, notamment dans le cadre de la convention d'investissement et d'exploitation, pour les mettre en application, n'avait donc pas à être autorisée préalablement dans les conditions de l'article L. 225-38 du code de commerce.

 

Les pièces versées aux débats démontrent d'ailleurs que la société Blétanol a, le 30 novembre 2008, signé, avec Cristal Union et la société Cristanol, une convention d'avances financières d'un montant de 5,2 millions d'euros (pièce n 12), identique à celle qui avait été conclue entre Champagne Céréales et Cristanol le 4 juillet 2006, et à laquelle elle a mis fin en mentionnant 'que par convention du 4 juillet 2006 les sociétés Cristal Union et Champagne Céréales ont décidé ensemble de conforter les fonds propres de Cristanol en vue de mener à bien leur projet commun de construction d'une distillerie sur le site de Bazancourt. Champagne Céréales était partie à cette convention dans l'attente de l'agrément devant être délivré à l'Union Blétanol qui regroupe 25 coopératives. Cet agrément ministériel ayant été délivré, le conseil d'administration a décidé de substituer l'Union aux droits et obligations de la société Champagnes Céréales. En conséquence de quoi il est mis fin à la convention du 4 juillet 2006 sus rappelée'.

 

La société Blétanol a, de même, le 1er décembre 2006, souscrit au capital de la société Cristanol en signant un bulletin d'adhésion, le nombre de parts sociales souscrites était le même que celui souscrit jusqu'à présent par Champagne Céréales, soit 4 200 parts d'une valeur de 1000 euros chacune (pièce n 13 de Vivescia).

 

Par courrier du 30 novembre 2006, la société Cristanol a précisé le schéma financier de ce dispositif (pièce n 14 de Vivescia), duquel il résulte que Champagne Céréales a été remboursée par Cristanol de l'ensemble des avances temporaires qu'elle avait faites et que la société Blétanol a réglé à la société Cristanol la somme de 14 425 000 euros au titre de la reprise des engagements financiers de Champagne Céréales à l'égard de Cristanol. L'extrait de compte produit (pièce n 15) prouve qu'il n'y a eu aucun mouvement financier entre l'Union Blétanol et Champagne Céréales qui n'a bénéficié d'aucun avantage particulier.

 

La substitution qui a été autorisée par le conseil d'administration de la société Blétanol, le 8 novembre 2006, ne constitue donc pas une convention nouvelle entre Champagne Céréales et Blétanol devant être autorisée et la demande en annulation de la résolution n 1 du conseil d'administration de l'Union Blétanol du 8 novembre et des actes subséquents (avenants numéro 1 et numéro 2 des 15 octobre 2007 et 10 juin 2010 et convention d'apport de blé du 19 mars 2009) formée par la société Acolyance sera rejetée.

 

La société Acolyance n'est, en l'absence de tout comportement fautif de la société Champagne Céréales et de son dirigeant, qui est aussi celui de la société Blétanol, et en l'absence de tout agissement contraire aux intérêts de la société Blétanol, pas fondée à se prévaloir du caractère préjudiciable pour la société de la reprise par la société Blétanol de la convention d'investissement et d'exploitation signée par la société Siclaé le 4 juillet 2006, pour solliciter l'annulation de cette ratification et des actes subséquents.

 

Elle n'est, de même, pas fondée à engager à l'encontre de la société Champagne Céréales, devenue Vivescia, une action en réparation de la perte subie par la société Blétanol au 30 juin 2010. Son appel provoqué dirigé contre la société Vivescia sera rejeté.

 

- Sur la résolution numéro 2 du conseil d'administration du 27 juin 2007 :

 

La société Acolyance soutient, que lors du conseil d'administration du 27 juin 2007, l'Union Blétanol s'est rendue coupable de réticence dolosive en obtenant l'accord des administrateurs sur les décisions 2-d, 2-g, 2-h, sans leur avoir donné l'ensemble des informations nécessaires pour prendre position.

 

La résolution numéro 2 du conseil d'administration de Blétanol du 27 juin 2007 est ainsi libellée « 2- Dossier Cristanol II

 

Présentation est faite aux membres du conseil des principales hypothèses ayant conduit à la réalisation du business plan de Cristanol I + Cristanol II.

 

A partir de ces éléments un débat important est ouvert entre les membres du conseil duquel il ressort :

 

1/ l'impact du prix du marché actuel du blé dans la réflexion du projet, celui-ci prévoyant que le prix de la matière première soit le vecteur de sa performance.

 

2/ le souhait de connaître :

 

l'impact de la variation du prix des drèches ; la possibilité de moduler le rythme des investissements afin de retarder la mise en service de la ligne blé ; les modalités de construction des offres d'achat du blé vis à vis des adhérents ; le positionnement de Blétanol vis à vis du projet SMBE de Pont sur Seine si les adhérents ne seraient pas candidats pour souscrire des engagements de production de blé éthanol,

 

3/ les positions suivantes :

 

être engagés dans le projet Cristanol, pour des quantités exprimées en valeur absolues et non en % de la collecte ; être engagés vis à vis de Blétanol par rapport aux données financières d'origine avec la possibilité de revoir cet engagement si les données changent ; l'intérêt des OS de la zone sud-ouest pour le projet SMBE ; la volonté de ne pas structurer le prix moyen en se servant de ce dernier comme seul amortisseur de l'impact du prix du blé Cristanol ».

 

'A l'issue de l'ensemble de ces débats, le conseil confirme les points suivants:

 

a/ L'impact du prix du blé Cristanol qui sera payé en fonction de la performance de la ligne blé pourra être amorti par le compte de résultat de chacun des OS de Blétanol au moins pendant le premier exercice.

 

...

 

d/ l'enjeu du report de l'investissement étude Cristanol 2 n'est pas de la seule responsabilité de Blétanol, une étude avec nos partenaires doit être réalisée rapidement.

 

g/ que Blétanol doit souscrire l'engagement financier d'apporter au total 36 M euros à Cristanol afin d'en détenir 45% à savoir 22,5 M euros en capital et 13,5 M euros en compte courant, le remboursement des dits comptes courants étant subordonné au remboursement du prêt bancaire dont doit bénéficier Cristanol.

 

En conséquence, l'appel au versement complémentaire du capital doit être effectué dès le mois de juillet.

 

h/ que Blétanol doit réitérer son engagement d'apporter pour une durée de 15 ans 500 000 t de blé, le remboursement des prêts bancaires sollicités par Cristanol plus l'équivalent de 70 000 t de blé sous forme de Glucor.

 

i/ que Blétanol s'engage à rétrocéder le blé apporté à Cristanol dans des conditions de prix telles que la marge brute de Cristanol puisse rester à un niveau suffisant pour assurer le remboursement des prêts bancaires sollicités par Cristanol.

 

A l'unanimité les membres du conseil confirment ces différents points'.

 

La société Acolyance soutient que les décisions 2/d, 2g, 2h font suite aux conseils d'administration du 8 novembre 2006 et du 20 février 2007 au cours desquels le président a indiqué que le prix de vente du blé pourrait être inférieur au prix du marché et s'inscrit dans le contexte d'une hausse très importante du cours du blé, que certains administrateurs, dont Acolyance, ont alors exprimé le souhait de repousser la construction de la ligne Cristanol II, que le président de l'Union Blétanol a répondu que l'investissement de Cristanol II ne relevait pas de la seule décision de Blétanol et que Blétanol était déjà engagée, alors que la convention d'investissement donnait à chacun des associés de Cristanol la possibilité de décider de ne pas lancer la ligne.

 

Les coopératives intervenantes volontaires exposent quant à elles, qu'à l'exception d'Acolyance et de Scael, toutes les sociétés coopératives associées étaient confiantes en l'avenir de l'usine de Bazancourt et ont, en toute connaissance de cause, décidé de maintenir le projet.

 

La cour observe, tel qu'elle l'a déjà exposé ci-dessus, que la décision de construire la ligne blé a été prise par l'assemblée générale de Cristanol du 28 décembre 2006, que la société Blétanol ne disposait d'aucune minorité de blocage et que la convention d'investissement ne prévoyait aucun droit de veto de la société Blétanol, la possibilité de retrait envisagée n'étant possible, avant le 31 décembre 2009, que dans le cas où la ligne 2 ne serait pas décidée. Il n'est donc pas démontré, alors que la décision de construire la ligne 2 a été prise à la fin du mois de décembre 2006, que le président de la société Blétanol a induit les administrateurs en erreur en leur indiquant, le 27 juin 2007, que Blétanol n'était pas seule pour décider du report du projet, qu'elle devait procéder aux apports et réitérer son engagement d'apporter le blé. Il n'est, de même, pas établi, alors que les administrateurs souhaitaient pour la plupart poursuivre le projet, que les décisions litigieuses n'ont été prises qu'en raison d'une réticence ou d'une dissimulation du président de la société Blétanol. Il n'y a donc pas lieu de prononcer la nullité pour dol des décisions 2/d et 2/g et 2/h du procès-verbal du conseil d'administration de l'Union Blétanol du 27 juin 2007.

 

Concernant l'adoption des résolutions 2-a et 2-i, la société Acolyance soutient encore qu'elles n'ont été prises qu'en raison de l'attitude du président de la société Blétanol, qui a caché aux administrateurs que le prix du blé constituait la variable d'ajustement garantissant la marge brute de Cristanol et permettant le remboursement des prêts bancaires sollicités pour la construction de la ligne 2. Il a toutefois été établi que tous les adhérents avaient été informés de ce fait, qui faisait partie du projet qui leur a été présenté, et qu'ils avaient parfaitement compris les modalités de financement de la construction de l'usine et du paiement du prix des apports. La demande en nullité pour dol des décisions 2/a et 2/i du procès-verbal du conseil d'administration de l'Union Blétanol du 27 juin 2007 sera donc rejetée.

 

- Sur la délibération 2/a du conseil d'administration du 30 juin 2009 :

 

La société Acolyance conteste la validité de la résolution par laquelle le conseil d'administration de l'Union Blétanol a autorisé la signature du contrat de réservation de capacité de stockage et de manutention conclu avec la société Vivescia, en soutenant qu'elle doit être soumise à autorisation préalable du conseil d'administration.

 

L'examen du procès-verbal de la réunion du conseil d'administration de l'Union Blétanol du 30 juin 2009, révèle que le point 2/a concerne la convention d'apport de Glucor FE par Champtor à Blétanol et que le conseil d'administration a, d'un commun accord, convenu de porter cette convention au vote lors d'une prochaine réunion.

 

La demande de la société Acolyance porte en réalité sur la délibération 2/b concernant la délibération sur la convention de réservation de stockage et de manipulation du silo de Pomacle.

 

Cette convention avait été présentée lors du précédent conseil d'administration et avait fait l'objet de commentaires de la part de Cohesis et de Scael et un débat s'était engagé sur les amendements proposés par ces sociétés. A l'issue de ce débat, les modifications présentées dans le dossier remis aux administrateurs ayant été adoptées, le conseil d'administration avait, à une très large majorité, approuvé la convention.

 

Cette dernière (pièce 142 de Acolyance) concerne les conditions de mise à disposition de l'Union Blétanol, par la société Champagne Céréales, de son silo de Pomacle, d'une capacité de stockage de 6 000 tonnes, pour une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction. Une telle convention conclue entre l'Union Blétanol et l'une de ses associées est, contrairement à ce qu'affirme la société Acolyance, au vu de l'activité de l'Union Blétanol, une convention courante conclue dans des conditions normales et qui n'a, au moment de son adoption, suscité aucune opposition de principe de sa part. La demande en annulation de cette délibération sera donc rejetée.

 

- Sur les résolutions des conseils d'administration de l'Union Blétanol des 1er septembre 2009 et 5 octobre 2009 :

 

La société Acolyance fait valoir qu'elle a été convoquée, en tant qu'administrateur, à participer à la réunion du conseil d'administration de l'Union Blétanol du 1er septembre 2009 dont l'ordre du jour était le suivant :

 

'Approbation du procès-verbal du précédent conseil d'administration du 30 juin 2009 ;

 

- Examen et arrêté des comptes de l'exercice clos le 30 juin 2009 ;

 

- Etablissement du rapport du conseil d'administration ;

 

- Préparation et convocation de l'assemblée générale ordinaire des associés ;

 

- Régularisation des livraisons exercice 2008/2009 ;

 

- Approbation du budget 2009/2010 ;

 

- Questions diverses.'

 

Seul le procès-verbal du conseil d'administration était joint à cette convocation et la société Acolyance estime, en sa qualité d'administrateur, avoir été insuffisamment informée, pour ne pas avoir reçu communication des documents visés dans la convocation et fait observer qu'aucune réponse n'avait été apportée à la télécopie qu'elle avait adressée à la société Blétanol le 31 août 2009 pour s'étonner de l'absence d'éléments de présentation de l'arrêté de compte et du budget.

 

Elle indique, de même, qu'aucun document d'information n'était joint à la convocation adressée pour le conseil d'administration du 5 octobre 2009 et, qu'à sa demande, seul le procès-verbal de la réunion du conseil d'administration du 1er septembre 2009 lui avait été envoyé, par lettre du 2 octobre 2009 reçue le 5 octobre 2009, la plaçant dans l'impossibilité de l'examiner sérieusement.

 

Il n'est pas discuté qu'en sa qualité d'administrateur de la société Blétanol, la société Acolyance avait droit à l'information nécessaire à l'exercice de sa mission, mais aucun formalisme n'est imposé pour les convocations au conseil d'administration. Il n'est pas démontré, de plus, que les convocations adressées à la société Acolyance lui ont été envoyées tardivement pour éviter sa présence aux réunions du conseil d'administration.

 

La société Acolyance a assisté aux réunions du conseil d'administration du 1er septembre 2009 et du 5 octobre 2009 au cours desquelles les documents visés dans les convocations ont été présentés aux administrateurs et ont été discutés. Le procès-verbal du conseil d'administration du 1er septembre révèle, contrairement à ce qu'affirme la société Acolyance, qu'elle avait été en mesure d'exercer sa mission, qu'elle a exercé son droit de critique et a, seule, voté contre chacune des résolutions. En conséquence, les demandes en annulation des résolutions du conseil d'administration de l'Union Blétanol des 1er septembre 2009 et 5 octobre 2009 seront rejetées.

 

- Sur la nullité des délibérations de l'assemblée générale extraordinaire de l'Union Blétanol du 5 août 2011 :

 

Lors de l'adhésion de la société Acolyance à l'Union Blétanol, les statuts de cette dernière prévoyaient à son article 7, traitant des obligations des associés, que l'adhésion à l'union entraînait pour l'associé coopérateur l'engagement de livrer, sauf accord de l'union, une quantité déterminée de blé, coproduits et sous-produits des blés destinés à la production d'alcool et autres carburants et/ou combustibles, ainsi que l'obligation de souscrire ou d'acquérir par voie de cession et, dans ce cas avec l'accord de l'union, le nombre de parts sociales correspondant aux engagements pris.

 

La durée de l'engagement a été fixée à dix exercices consécutifs à compter de l'expiration de l'exercice en cours à la date à laquelle il a été pris.

 

L'article 7-5 de ces statuts stipule que, sauf en cas de force majeure dûment établi, le conseil d'administration pourra décider de mettre à la charge de l'associé coopérateur n'ayant pas respecté tout ou partie de ses engagements, une participation aux frais fixes restant à la charge de la collectivité des producteurs et correspondant à la quote-part, que représentent les quantités non livrées, pour la couverture, au cours de l'exercice de constatation du manquement, des charges qu'il énumère.

 

Les statuts de l'Union Blétanol ont été modifiés au début de l'année 2007, sans toutefois que ces dispositions ne soient modifiées.

 

Au cours de l'assemblée générale extraordinaire des associés coopérateurs de l'Union Blétanol du 5 août 2011, ont été votées deux résolutions modifiant les statuts de l'Union Blétanol et adoptant de nouveaux statuts, prévoyant, dans l'article 3-4 bis de la version du 5 août 2011, que l'union peut, en application de l'article L. 522-6 du code rural, traiter avec des tiers non associés toutes les opérations correspondant à son objet statutaire dans une proportion qui ne pourra pas excéder 20% de son chiffre d'affaires annuel hors taxes, et, dans son article 8-6, une nouvelle sanction, en sus de la participation aux frais fixes, sous la forme d'une pénalité pouvant être égale au plus à 100% de la valeur des tonnages de blé manquants plus frais logistiques et commerciaux.

 

La société Acolyance demande à la cour de prononcer la nullité des deux résolutions de l'assemblée générale extraordinaire de l'Union Blétanol en invoquant les dispositions de l'article 1836 du code civil disposant, dans son alinéa 2, qu'en aucun cas, les engagements d'un associé ne peuvent être augmentés sans le consentement de celui-ci. Cette demande, formée pour la première fois devant la cour, est recevable, par application de l'article 564 du code de procédure civile, dans la mesure où cette nouvelle prétention est soumise à la cour pour s'opposer à la demande de l'Union Blétanol qui a formé, à titre subsidiaire, une demande d'indemnisation financière et que la modification des statuts critiquée est intervenue postérieurement au prononcé du jugement dont appel.

 

La cour observe, toutefois, que la modification des statuts de l'Union Blétanol a été régulièrement votée après débats, que cette modification, qui prévoit la possibilité pour le conseil d'administration d'appliquer une nouvelle sanction en cas de non livraison des quantités de blé figurant sur le ou les bulletins de souscription, n'a pas pour effet d'augmenter les engagements pris par les associés de l'union. Ni les volumes de blé devant être livrés, ni la durée de l'engagement souscrit n'ont été modifiés et l'application de cette nouvelle sanction reste soumise à l'appréciation du conseil d'administration. Les délibérations de l'assemblée générale extraordinaire de l'Union Blétanol du 5 août 2011, ne sont pas contraires à l'article 1836 du code civil et ne peuvent être annulées sur le fondement de ces dispositions.

 

S'agissant de résolutions adoptées dans les conditions prévues par les statuts, auxquels les associés se sont soumis lors de leur adhésion à l'union, elles doivent trouver application et les modifications décidées s'appliquent à tous les associés de l'union, y compris à ceux qui ont voté contre leur adoption ou à ceux qui se sont abstenus. Il n'y a pas lieu de procéder à leur annulation sur le fondement de l'article 1108 du code civil.

 

Enfin, le libellé de l'article 8-6 se référant à la valeur du tonnage manquant et de même qualité, à la date de constatation du défaut ou à la date d'achat des tonnages manquants par l'union, permet de déterminer le montant de la pénalité pouvant, le cas échéant, être appliquée par le conseil d'administration, qui pourra fixer le montant de la sanction pouvant être infligée selon les principes définis dans les statuts. L'objet de la nouvelle clause étant déterminé, la sanction déterminable et limitée, il n'y a donc pas lieu de prononcer la nullité des deux résolutions adoptées par l'assemblée générale extraordinaire de l'Union Blétanol le 5 août 2011 et la demande de la société Acolyance sera rejetée.

 

Sur les demandes de l'Union Blétanol :

 

Il n'est pas discuté que la société Acolyance n'a jamais satisfait à son engagement de livraison et que la société Scael a cessé ses livraisons à compter du 1er juillet 2009. Elles ont, délibérément, pris le risque de ne pas exécuter leurs obligations, en faisant état de la nullité de leur engagement coopératif pour dol et de la déloyauté et des manquements de l'Union Blétanol dans l'exécution de ses obligations.

 

Par application de l'article 1184 du code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l'une des deux parties ne satisferait pas à son engagement. Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention, lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.

 

L'article 1228 du code civil dispose que le créancier au lieu de demander la peine stipulée contre le débiteur qui est en demeure, peut poursuivre l'exécution de l'obligation principale.

 

La société Blétanol n'a, à aucun moment, sollicité la résolution du contrat, mais elle en poursuit l'exécution.

 

Elle rappelle justement, que la société est constituée dans l'intérêt commun des associés, que s'agissant d'une société coopérative, elle a pour objet de procurer des services à ses membres, de contribuer à la satisfaction des besoins et à la promotion des activités économiques et sociales de ses membres et que la dimension d'intérêt collectif est déterminante et plus forte que dans les autres sociétés, parce qu'elle repose sur une conception solidaire de l'activité en commun.

 

Il a été jugé, ci-dessus, que les sociétés Scael et Acolyance n'étaient pas fondées à ne pas remplir leurs engagements à l'égard de l'Union Blétanol aux motifs que cette dernière avait manqué à ses obligations résultant des statuts.

 

La société Acolyance fait valoir que la société Blétanol, qui est une union de coopératives agricoles, ne peut revenir, par décision de son conseil d'administration et par recours au juge, sur les décisions déjà prises par ce dernier au titre d'exercices passés, que le conseil d'administration de l'Union Blétanol a refusé d'agir en exécution forcée au titre de l'exercice 2009/2010 préférant maintenir le statu quo (procès-verbal du conseil d'administration de Blétanol du 30 juin 2009), puis a décidé de lui facturer pour les quantités de blé non-livrées, l'écart entre le prix du marché et le prix Blétanol plutôt que de la contraindre à livrer.

 

La société Scael s'oppose à la demande de la société Blétanol en faisant valoir qu'elle est contraire à l'option et au principe de non cumul de la réparation et de l'exécution prévu aux article 1184 alinéa 2 et 1228 du code civil, alors que la société Blétanol a déjà facturé à titre de réparation le paiement d'une somme correspondant à la différence entre le prix de marché du blé auquel elle prétend avoir dû faire face pour palier son inexécution.

 

La cour observe que l'article 7.5 des statuts de l'Union Blétanol stipule que « sauf cas de force majeure dument établi, le conseil d'administration pourra décider de mettre à la charge de l'associé coopérateur, n'ayant pas respecté tout ou partie de ses engagements, une participation aux frais fixes restant à la charge de la collectivité des producteurs. Cette participation correspond à la quote-part que représentent les quantités non livrées pour la couverture, au cours de l'exercice de constatation du manquement, des charges suivantes : (suit une liste comptable de charges) ».

 

Il résulte de ces dispositions que le conseil d'administration a la possibilité de faire usage de la mesure prévue sans être tenu de l'appliquer et qu'elle ne constitue qu'une participation aux frais fixes occasionnés par le défaut de livraison. Cette mesure particulière ne constitue ni une exécution des engagements, ni une indemnisation du préjudice résultant de l'inexécution des engagements de l'associé défaillant et ne prive pas la société de la possibilité de réclamer réparation de son préjudice.

 

La facturation par la société Blétanol aux sociétés Scael et Acolyance, de la différence entre le prix de marché et le prix payé par elle aux coopératives qui l'ont livrées ne vaut pas renonciation à agir en exécution forcée. Les sociétés Scael et Acolyance, qui n'ont jamais réglé les factures qui leur ont été adressées, ne peuvent donc soutenir qu'elles seraient sanctionnées doublement. La société Blétanol ne poursuit d'ailleurs,dans la présente instance,que l'exécution du contrat et ne forme, qu'à titre subsidiaire, pour le cas où la cour ne ferait pas droit à sa demande d'injonction de livrer sous astreinte, une demande d'indemnisation équivalente au montant des factures de sorte qu'il n'y a pas de cumul de l'exécution et de l'indemnisation.

 

La société Blétanol réclame à la société Acolyance et à la société Scael, qui ont reçu à chaque exercice un appel de livraison, livraison des tonnages de blé qui ont été appelés lors des exercices 2008/2009, 2009/2010, 2010/2011, 2011/2012, 2012/2013 et 2013/2014, ainsi que ceux appelés au titre de l'exercice en cours (1er juillet 2014 au 30 juin 2015), soit pour la société Acolyance d'un total de 278 110 tonnes de blé et pour la société Scael d'un total de 223 405 tonnes de blé.

 

La société Acolyance qui n'a jamais fourni le blé qu'elle s'était engagée à livrer, oppose les termes de son engagement d'apport et fait valoir que la demande de la société Blétanol se heurte à la limitation de son engagement d'apport qui est de 60 000 tonnes par an. Elle n'est pas fondée, alors qu'elle n'a jamais respecté ses engagements et alors que l'Union Blétanol, contrainte de respecter ses propres engagements de livrer la société Cristanol, a été obligée de palier à sa défaillance, à opposer le respect du contrat qu'elle a elle-même ignoré.

 

Elle ne peut de même, alors qu'il lui appartient de réparer le préjudice causé par son inexécution qui a généré pour la société Blétanol un surcoût égal à la différence entre le prix payé aux coopératives et le prix du marché rendu Pomacle auquel elle a dû acquérir le volume de blé manquant, faire état d'une discrimination et d'une rupture d'égalité par les prix.

 

Enfin, aucun élément du dossier ne permet d'établir que l'exécution du contrat est impossible, alors que les sociétés Scael et Acolyance sont elles-mêmes d'importantes coopératives de blé et que les volumes devant être livrés à l'Union Blétanol ne représentaient que 10% de leur collecte.

 

La société Blétanol propose de rémunérer le blé dont elle demande la livraison au prix du marché rendu Pomacle pour les tonnages à livrer par les sociétés Acolyance et Scael déduction faite de « l'écart de campagne » représentant, pour chaque exercice, l'écart entre le prix du marché du blé alimentaire acheminé jusqu'à Pomacle, augmenté du prix du transport, et le prix effectivement payé aux coopérateurs, qu'elle a dû supporter pour acquérir les volumes de blé non livrés par les intimées.

 

Ce mode de fixation de la rémunération du blé devant être livré par les sociétés Acolyance et Scael répond au principe de l'équité devant être observé à l'égard des autres associés de l'Union Blétanol, qui ont respecté leur engagement de fournir du blé annuellement aux prix, et assure une juste indemnisation du préjudice subi par la société Blétanol, qui a, jusqu'au mois de juillet 2011, réglé à l'aide de ses fonds propres les volumes de blé devant être acquis au prix du marché en raison de la défaillance des sociétés Acolyance et Scael. A compter du mois de juillet 2011 ce sont les sociétés Cristanol et Cristal Union qui ont livré le blé aux lieu et place des sociétés Acolyance et Scael, mais un protocole d'accord, signé le 28 juin 2011, prévoit leur indemnisation dès que la société Blétanol aura obtenu condamnation de ces deux sociétés associées à effectuer leurs livraisons.

 

Les « écarts de campagne » ont été calculés, pour chaque exercice, en tenant compte du prix payé chaque année aux associés qui ont procédé aux livraisons et du prix du marché livré Pomacle, et fixés comme suit :

 

62,28 euros/tonne pour l'année 2008/2009 ;

 

20,00 euros/tonne pour l'année 2009/2010 ;

 

80,69 euros/tonne pour l'année 2010/2011 ;

 

34,35 euros/tonne pour l'année 2011/2012 ;

 

56,85 euros/tonne pour l'année 2012/2013 ;

 

22,95 euros/tonne pour l'année 2013/2014 ;

 

Ces montants devront être déduits du prix du marché livré Pomacle au moment de la livraison effective du blé par les sociétés Scael et Acolyance et seront assortis de l'intérêt au taux légal calculé à compter de la fin de l'exercice concerné jusqu'à la signification du présent arrêt

 

Les demandes de la société Blétanol sont fondées, il convient d'y faire droit et de condamner la société Acolyance à livrer à la société Blétanol les 278 110 tonnes de blé appelées au titre des exercices 2008/2009, 2009/2010, 2010/2011, 2011/2012, 2012/2013, 2013/2014 à raison de 50% au cours du premier exercice suivant la signification du présent arrêt et à raison de 50% au cours du deuxième exercice suivant la signification du présent arrêt sous astreinte de 4 000 euros par jour de retard et de dire que les livraisons seront payées par la société Blétanol à la société Acolyance pour chaque exercice clos selon la formule suivante :

 

'prix de marché rendu Pomacle' au moment de la livraison effective dont on soustraira 'l'écart de la campagne' constaté lors de l'exercice au cours duquel cette livraison aurait dû être effectuée, ledit 'écart de campagne' étant assorti de l'intérêt légal calculé à compter de la fin de l'exercice concerné et jusqu'à la signification de l'arrêt à intervenir.

 

La société Acolyance sera en outre condamnée à livrer à la société Blétanol l'ensemble des tonnages de blé appelés au cours de l'exercice 2014/2015, à raison de 50% au cours du premier exercice suivant la signification du présent arrêt et à raison de 50% au cours du deuxième exercice suivant la signification du présent arrêt sous astreinte de 4 000 euros par jour de retard et de dire que le prix sera celui appliqué par Blétanol au cours de l'exercice 2014/2015.

 

La société Scael sera de même condamnée à livrer à la société Blétanol les 223 405 tonnes de blé appelées au titre des exercices 2009/2010, 2010/2011, 2011/2012, 2012/2013, 2013/2014 à raison de 50% au cours du premier exercice suivant la signification du présent arrêt et à raison de 50% au cours du deuxième exercice suivant la signification du présent arrêt sous astreinte de 4 000 euros par jour de retard et de dire que les livraisons seront payées par la société Blétanol à la société Scael pour chaque exercice clos selon la formule suivante :

 

'prix de marché rendu Pomacle' au moment de la livraison effective dont on soustraira 'l'écart de la campagne' constaté lors de l'exercice au cours duquel cette livraison aurait dû être effectuée, ledit 'écart de campagne' étant assorti de l'intérêt légal calculé à compter de la fin de l'exercice concerné et jusqu'à la signification de l'arrêt à intervenir.

 

La société Scael sera en outre condamnée à livrer à la société Blétanol l'ensemble des tonnages de blé appelés au cours de l'exercice 2014/2015, à raison de 50% au cours du premier exercice suivant la signification du présent arrêt et à raison de 50% au cours du deuxième exercice suivant la signification du présent arrêt sous astreinte de 4 000 euros par jour de retard et de dire que le prix sera celui appliqué par Blétanol au cours de l'exercice 2014/2015.

 

Sur les dépens et les demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile :

 

Les sociétés Acolyance et Scael qui succombent supporteront solidairement les entiers dépens de première instance, à l'exception de ceux concernant les sociétés Cristal Union et de la société Cristanol, et de l'instance d'appel.

 

La société Acolyance paiera à la société Union Blétanol la somme de 60 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et paiera à chacune des coopératives intervenantes volontaires la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Les sociétés Acolyance et Scael seront condamnées in solidum à payer à la société Vivescia la somme de 25 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

La société Scael paiera à la société Union Blétanol la somme de 45 000 euros et paiera à chacune des coopératives intervenantes volontaires la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Elle sera déboutée de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile dirigée contre la société Union Blétanol.

 

La société Acolyance sera déboutée de ses demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile dirigées contre l'Union Blétanol, la société Vivescia et contre la société Cristanol.

 

La société Cristanol supportera les entiers dépens de son intervention volontaire.

 

Par ces motifs :

 

Statuant publiquement et contradictoirement ;

 

Déboute la société Acolyance de sa demande de nullité partielle pour irrégularité de fond des conclusions de première instance de la société Union Blétanol, pour leur partie relative à la demande en exécution forcée contre la société Acolyance;

 

Déboute la société Acolyance de sa demande de nullité partielle pour irrégularité de fond de la déclaration d'appel de la société Union Blétanol, pour leur partie relative à la demande en exécution forcée contre la société Acolyance ;

 

Déclare recevable la demande en exécution forcée de la société Union Blétanol dirigée contre la société Acolyance et la société Scael ;

 

Déclare irrecevable l'intervention volontaire de la société Cristanol ;

 

Déclare recevable l'intervention volontaire accessoire des seize coopératives agricoles adhérentes de l'Union Blétanol, à savoir SCA Agropithiviers, Juniville, d'Esternay, La Meunière, EMC2, Efigrain-Sézane, LORCA, NORIAP, SCARA, La Champagne, Ile de France Sud, Terres Bocages Gâtinais, de Boisseaux, de la région de Puiseaux, UCAC, 110 Bourgogne ;

 

Infirme le jugement rendu le 7 juin 2011 par le tribunal de grande instance de Reims en tant qu'il a prononcé la résolution judiciaire des contrats de coopération conclus entre les sociétés Acolyance et Scael et l'Union Blétanol aux torts de cette dernière, en tant qu'il a ordonné la réouverture des débats et enjoint aux sociétés Acolyance et Scael de produire les décomptes des investissements et paiements effectués, en tant qu'il a déclaré sans objet les demandes reconventionnelles de la société Union Blétanol et en tant qu'il a réservé les dépens ;

 

et statuant à nouveau ;

 

Déboute la société Acolyance et la société Scael de leurs demandes en résolution des contrats de coopération les liant à la société Union Blétanol ;

 

Déboute la société Acolyance de sa demande de retrait de la société Union Blétanol et des conséquences qui y sont liées ;

 

Déboute la société Acolyance et la société Scael de leurs demandes de nullité de la société Union Blétanol pour fraude, pour cause illicite et pour violation de la loi du 1er septembre 1947 ;

 

Déboute la société Acolyance de sa demande de dissolution de la société Union Blétanol pour justes motifs ;

 

Déboute la société Acolyance de sa demande en remboursement de son apport en capital et des intérêts au taux légal à compter du 22 mars 2011, dirigée contre la société Union Blétanol et contre la société Champagne Céréales devenue Vivescia ;

 

Déboute la société Acolyance de sa demande en annulation de la résolution n° 1 du conseil d'administration de la société Union Blétanol du 8 novembre 2006, des décisions a/, d/, g/, h/ et i contenues dans la résolution n° 2 du conseil d'administration du 27 juin 2007, de la résolution 2-b (qui constitue en réalité la résolution attaquée) du conseil d'administration du 30 juin 2009 et des actes subséquents ;

 

Déboute la société Acolyance de sa demande en indemnisation de la société Union Blétanol de la perte de 2 566 972 euros au 30 juin 2010, dirigée contre la société Champagne Céréales devenue Vivescia ;

 

Déboute la société Acolyance de sa demande en annulation des résolutions et délibérations du conseil d'administration de l'Union Blétanol des 1er septembre et 5 octobre 2009 ;

 

Déboute la société Acolyance de sa demande en annulation des délibérations n°1 et n° 2 adoptées par l'assemblée générale extraordinaire de la société Union Blétanol du 5 août 2011 ;

 

Condamne la société Acolyance à livrer à la société Blétanol 50% de 278 110 tonnes de blé au cours du premier exercice suivant la signification du présent arrêt et 50% au cours du deuxième exercice suivant cette signification ;

 

Dit que les livraisons seront payées par la société Blétanol à la société Acolyance, pour chaque exercice clos, en application de la formule suivante:'prix de marché rendu Pomacle' au moment de la livraison effective dont on soustraira 'l'écart de la campagne' constaté lors de l'exercice au cours duquel cette livraison aurait dû être effectuée, ledit 'écart de campagne' étant assorti de l'intérêt légal calculé à compter de la fin de l'exercice concerné et jusqu'à la signification du présent arrêt;

 

Condamne la société Acolyance à livrer à la société Union Blétanol, l'ensemble des tonnages appelés en cours d'exercice 2014/2015 et dit que le prix sera celui appliqué par la société Blétanol au cours de cet exercice ;

 

Dit qu'à défaut de livraison dans les délais fixés, la société Acolyance sera soumise au paiement d'une astreinte de 4 000 euros par jour de retard, à compter du premier jour suivant le dernier jour de l'exercice au cours duquel la livraison devait intervenir ;

 

Condamne la société Scael à livrer à la société Blétanol 50% de 223 405 tonnes de blé au cours du premier exercice suivant la signification du présent arrêt et 50% au cours du deuxième exercice suivant cette signification ;

 

Dit que les livraisons seront payées par la société Blétanol à la société Scael, pour chaque exercice clos, en application de la formule suivante :'prix de marché rendu Pomacle' au moment de la livraison effective dont on soustraira 'l'écart de la campagne' constaté lors de l'exercice au cours duquel cette livraison aurait dû être effectuée, ledit 'écart de campagne' étant assorti de l'intérêt légal calculé à compter de la fin de l'exercice concerné et jusqu'à la signification du présent l'arrêt;

 

Condamne la société Scael à livrer à la société Union Blétanol, l'ensemble des tonnages appelés en cours d'exercice 2014/2015 et dit que le prix sera celui appliqué par la société Blétanol au cours de cet exercice ;

 

Dit qu'à défaut de livraison dans les délais fixés, la société Scael sera soumise au paiement d'une astreinte de 4 000 euros par jour de retard, à compter du premier jour suivant le dernier jour de l'exercice au cours duquel la livraison devait intervenir ;

 

Confirme le jugement pour le surplus ;

 

et y ajoutant ;

 

Condamne la société Acolyance à payer à la société Union Blétanol, la somme de 60 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

 

Condamne la société Acolyance à payer à chacune des sociétés coopératives intervenantes, soit respectivement aux sociétés SCA Agropithiviers, Juniville, d'Esternay, La Meunière, EMC2, Efigrain-Sézane, LORCA, NORIAP, SCARA, La Champagne, Ile de France Sud, Terres Bocages Gâtinais, de Boisseaux, de la région de Puiseaux, UCAC, 110 Bourgogne la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

 

Condamne les sociétés Acolyance et Scael in solidum à payer à la société Vivescia la somme de 25 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

 

Condamne la société Scael à payer à la société Union Blétanol la somme de 45 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

 

Condamne la société Scael à payer à chacune des sociétés coopératives intervenantes, soit respectivement aux sociétés SCA Agropithiviers, Juniville, d'Esternay, La Meunière, EMC2, Efigrain-Sézane, LORCA, NORIAP, SCARA, La Champagne, Ile de France Sud, Terres Bocages Gâtinais, de Boisseaux, de la région de Puiseaux, UCAC, 110 Bourgogne la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

 

Déboute la société Scael de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile dirigée contre la société Union Blétanol ;

 

Déboute la société Acolyance de ses demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile dirigées contre la société Union Blétanol, la société Vivescia et la société Cristanol ;

 

Condamne solidairement les sociétés Acolyance et Scael aux entiers dépens de première instance, à l'exception de ceux concernant les sociétés Cristal Union et Cristanol, et aux dépens d'appel, avec pour ces derniers, possibilité de recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.