CA Paris, Pôle 5 ch. 8, 19 novembre 2013, n° 11/21510
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Mureville (SARL)
Défendeur :
CFA (Sté), Retiro III Meru Galerie (Sté), Société Retiro IV Meru (SNC)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Hirigoyen
Conseillers :
Mme Delbès, M. Boyer
Avocats :
Me Lallement, Me Wizmane, Me Peytavi, Me Cren
Exposé des faits
La société en nom collectif Retiro La Courtine 1 (Retiro 1 dans la suite de la décision) a été constituée le 4 juillet 2002 par la Sarl Mureville et la Sarl Alban C. International (société ACI), toutes deux dirigées par M. Jean Yves L., pour acquérir une galerie marchande à Avignon, dénommée Galerie La Courtine , la société Alban Copper, qui détient 0, 1% du capital de la Snc, s'étant vue confier, en sa qualité de société de conseil, la maîtrise d'ouvrage déléguée du programme et un mandat de gestion de la galerie commerciale.
La Snc Retiro 1 a bénéficié, pour financer l'opération, de deux prêts consentis le 26 septembre 2002 par la banque HBV Real Estate Capital, d'un montant de 5 022 000 euros avec une tranche complémentaire de 694 000 euros dont le versement était subordonné à l'entrée d'un nouvel investisseur au capital. Ces prêts consentis pour cinq ans venaient à échéance au 30 octobre 2007.
C'est dans ces conditions que les sociétés Mureville, ACI et Retiro 1 ont conclu le même jour avec la société CFA, filiale du groupe Financière Duval, un protocole d'accord aux termes duquel Mureville cédait à CFA 50,1% des parts de Retiro 1 en contrepartie d'un apport immédiat par CFA d'une somme de 700 000 euros, à compléter par apport ultérieur en compte courant d'associé à hauteur de sa participation, soit une somme totale de 1 2500 000 euros. La cession des parts de Mureville à CFA est intervenue le 25 février 2003.
A la suite de difficultés nées entre les parties, celles ci ont organisé par protocole du 2 octobre 2003 les modalités et conditions de la fin de leurs relations d'affaires.
Cet acte stipulait une promesse de cession du principal lot de la galerie marchande, sous certaines conditions et délais, par priorité au bénéfice de la société Alban Cooper, à défaut si la promesse n'avait pas été exercée dans les délais par cette dernière, au bénéfice de la société CFA, l'accord prévoyant, dans l'hypothèse où aucune des parties n'aurait pu réaliser son droit d'acquisition, la vente de ce lot à un tiers à un prix minimum convenu de 9, 5 millions d'euros.
L'exécution de ce protocole s'est trouvé à l'origine d'un abondant contentieux dont les seules décisions utiles à la compréhension du litige seront ainsi rappelées.
Sur saisine de la société CFA et par ordonnance du 30 mars 2004 confirmée et complétée par arrêt de la cour d'appel de Nîmes en date du 29 juin 2006, un administrateur provisoire a été désigné pour gérer et administrer la Snc Retiro 1 et rechercher un accord entre ses associés en vue de vendre la galerie marchande à un tiers, d'envisager la liquidation amiable de la Snc Retiro 1, ou, le cas échéant, l'ouverture d'une procédure de sauvegarde.
Parallèlement, la société CFA a saisi le tribunal de commerce d'Avignon aux fins de voir constater qu'un accord était intervenu sur la vente de la galerie La Courtine à son profit tandis que les sociétés Mureville et ACI poursuivaient devant le tribunal de commerce de Nanterre la résolution des conventions liant les parties, pour dol s'agissant du protocole d'accord initial du 26 septembre 2002, pour manquement de la société CFA à ses obligations de confidentialité s'agissant du protocole du 2 octobre 2003.
Par arrêt confirmatif de la cour d'appel de Versailles en date du 8 avril 2010, à ce jour définitif, les sociétés Mureville et ACI ont été déboutées de leurs demandes en résolution des protocoles de 2002 et 2003.
S'agissant de l'action engagée par la société CFA visant l'exécution à son profit du protocole de sortie du 2 octobre 2003, à laquelle le tribunal de commerce d'Avignon avait fait droit par jugement du 17 juin 2005, la cour d'appel de Nîmes a, après avoir sursis à statuer dans l'attente des décisions précédentes, par arrêt, à ce jour définitif, du 29 mars 2012, rejeté les moyens tirés du dol reproché à la société CFA, mais infirmé le jugement déféré en ordonnant la vente de la galerie marchande aux enchères publiques.
Entre temps, la société CFA s'est portée acquéreur le 18 décembre 2007 de la créance hypothécaire détenue par la banque HBV au titre du prêt que cette dernière avait initialement consenti à la Snc Retiro 1, venu à échéance le 30 octobre précédent, pour un montant en principal de 4 241 850 euros.
La société CFA a ensuite :
- le 6 mai 2008, fait délivrer à la société Mureville, tenue aux dettes sociales en sa qualité d'associé en nom, un commandement de payer aux fins de saisie vente à hauteur de la somme de 2 205 602, 06 euros représentant la quote part de cette dernière au prorata de sa participation dans la Snc Retiro1,
- le 9 juin 2008, mis en demeure par sommation la Snc Retiro1 d'avoir à régler cette même somme,
- au vu de la réponse de l'administrateur provisoire de la Snc Retiro1 lui ayant indiqué le 4 juillet 2008 ne pas disposer des fonds permettant le règlement et se trouver par conséquent contraint, compte tenu de l'exigibilité de la créance, de régulariser une déclaration de cessation des paiements, pris acte de ces informations et informé l'administrateur provisoire, par courrier du 16 juillet 2008, qu'elle suspendait les effets de sa sommation du 9 juin 2008,
- en août 2008 fait assigner en référé les sociétés Mureville et ACI en paiement en leurs qualités d'associés en nom tenus aux dettes sociales.
Par ordonnance de référé du 26 novembre 2008, confirmée par arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 30 avril 2009, il a été fait droit aux demandes de l'intéressée et les sociétés Mureville et ACI ont été condamnées, sur le fondement de l'article L. 221-1 du code de commerce, à payer à la société CFA la somme actualisée au 1er février 2009 de 2 346 631, 82 euros.
La société CFA a alors engagé, sur le fondement de ces décisions, plusieurs actions en ouverture d'une procédure collective à l'égard de la société Mureville, dont elle a été déboutée, tandis que cette dernière a sollicité l'ouverture d'une procédure de conciliation qui, ouverte le 18 mai 2009, a échoué.
Diverses mesures de saisies ont été engagées par la société CFA, notamment de parts de Mureville dans les sociétés Retiro III Meru et Retiro IV qui ont donné lieu à un contentieux accessoire mais qui explique l'intervention volontaire de ces deux dernières à la présente instance.
Par acte du 7 août 2009 la société Mureville a fait assigner la société CFA devant le tribunal de commerce de Nanterre et saisi celui-ci d'une action tendant, d'une part, à voir déclarer irrecevable la société CFA en sa demande en paiement au titre de la créance de prêt sur la société Retiro 1, d'autre part, d'une action en réparation d'un abus de majorité lors de l'assemblée générale de septembre 2006 statuant sur la mise en vente de la galerie marchande.
Elle faisait valoir, pour l'essentiel du premier chef, que n'ayant été condamnée au titre de l'obligation aux dettes sociales que par décisions de référé, elle avait intérêt à faire juger au fond que l'action en paiement dirigée contre elle était irrecevable, et soutenait pour l'essentiel que l'obligation aux dettes sociales ne bénéfice qu'aux tiers et non aux associés, qu'en ayant délibérément suspendu les effets de la sommation de payer délivrée à la société Retiro 1, la société CFA s'était privée de la condition préalable du recours contre les associés tenant aux vaines poursuites, que CFA bénéficiait en outre des garanties et sûretés qui étaient attachées à la créance cédée de sorte qu'elle était mal fondée à recourir à son encontre au titre des dettes sociales.
Par jugement du 25 mai 2010, le tribunal de commerce de Nanterre a disjoint les causes et s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris s'agissant de l'action relative à l'obligation aux dettes sociales au titre du prêt.
Par jugement dont appel en date du 22 novembre 2011, le tribunal de commerce de Paris a débouté la société Mureville de l'ensemble de ses demandes, l'a condamnée à payer à la société CFA la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, a ordonné l'exécution provisoire et condamné la société Mureville aux entiers dépens.
La société Mureville a relevé appel de cette décision selon déclaration en date du 1er décembre 2011.
Dans leurs dernières conclusions signifiées le 23 septembre 2013, les sociétés Mureville, Retiro III Meru Galerie et Retiro IV Meru, ces dernières intervenantes volontaires, demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau:
1- à titre principal :
- de constater que CFA a acquis le 18 décembre 2007 par endossement la créance de prêt auprès de la banque HVB sans en informer la Snc Retiro 1 et ses associées Muréville et ACI alors que le prêt était arrivé à son terme, que l'exécution du prêt par la Banque HVB allait déclencher la vente immédiate de la galerie et que la poursuite du contrat de prêt était contraire à l'objet social (opération de marchands de biens avec revente de l'actif à court terme) et à l'intérêt social (accroissement du passif social) de la Snc Retiro la Courtine 1,
- de constater que CFA, associée de la Snc Retiro 1 et non tiers, sollicite le paiement d'une dette sociale à l'encontre de son co associé,
- de constater que CFA a suspendu de sa propre initiative et de son plein gré sa mise en demeure qui n'était ni vaine, ni préalable,
- de constater que CFA a prétendu agir dans l'intérêt de la SNC Retiro 1 en suspendant le recouvrement de sa créance alors que dans le même temps, elle lui a facturé chaque mois depuis 2007 des intérêts et pénalités de retard à un taux d'environ 9 %, soit 1.549.783,68 € au titre des intérêts majorés du prêt pour la période de 2007 à août 2013 et des intérêts en comptes courants et commissions au taux de 8 % avec capitalisation annuelle soit 1.978.139,55 € au titre des intérêts au titre du compte courant pour la période courant jusqu'à août 2013 de sorte qu'au total le montant des intérêts revendiqués par CFA est de 3.530.000 euros,
- de constater que le contrat de prêt du 26 septembre 2002 prévoit de très nombreuses sûretés et garanties au profit du prêteur aux droits duquel vient CFA pour des montants très supérieurs au montant de la créance, que CFA n'a mis en oeuvre aucune des sûretés et garanties consenties mais qu'elle a veillé à leur renouvellement,
- et de juger en conséquence que CFA est irrecevable et non fondée à demander le paiement à Mureville de sa créance au titre du contrat de prêt,
- de condamner CFA à restituer à Mureville avec intérêts calculés selon l'article 7.0 du contrat de prêt HVB la somme de 945.966,84 euros avec intérêts à compter du 1 er décembre 2011, la somme de 160.031,29 euros avec intérêts à compter du 7 janvier 2011 au titre du solde demeurant saisi à la suite de l'annulation d'une partie des saisies, la somme de 135.366,49 euros avec intérêts à compter du 7 janvier 2011 au titre du solde restant à restituer par CFA en vertu de l'arrêt du 7 juin 2012,
- de la condamner à payer la somme de 356.478,69 euros à la SNC Retiro IV Meru et celle de 2.643.969,49 euros à la SNC Retiro III Meru Galerie à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
- de la condamner encore au paiement de la somme de 500.000 euros à Muréville à titre de dommages et intérêts en réparation des frais exposés à la suite des nombreuses procédures engagées par CFA sur le fondement de décisions de référé et à ses risques et périls, la somme de 500 000 euros en réparation de son préjudice moral, d'image et de réputation, la somme de 2 500 000 euros, sauf à parfaire, à titre de dommages et intérêts en réparation de la détérioration de la cote crédit du « groupe Alban Cooper »,
2- à titre subsidiaire,
- de surseoir à statuer sur le quantum de la créance de CFA dans l'attente de l'instance pendante devant le tribunal de commerce de Paris initiée par Muréville et Alban Cooper International aux fins de contestation de l'ensemble des intérêts revendiqués par CFA au titre de sa créance de prêt acquise par endossement,
3- à titre très subsidiaire,
- de juger que CFA a engagé sa responsabilité à l'égard de Muréville pour avoir renoncé unilatéralement à recouvrer sa créance contre la Snc Retiro la Courtine 1 et pour s'être opposée à la vente de la galerie marchande dans le but personnel de se la faire attribuer alors que la vente aurait permis le paiement intégral de sa créance,
- de juger que le préjudice subi par Mureville est constitué par l'ensemble du cours des intérêts revendiqués par CFA,
- de juger en conséquence que le solde de la créance de CFA au titre du prêt HVB à l'encontre de Mureville, s'élève à la somme de 871.077,30 euros,
- de juger que la créance de CFA à l'encontre de Mureville ne sera acquittée par cette dernière qu'à défaut de paiement par la Snc Retiro 1 (la vente de la galerie étant prévue le 17 octobre 2013 et eu égard à la situation de fortune de CFA) et d'accorder à Muréville un report de paiement de 24 mois jusqu'à ce que Mureville ait elle-même recouvré ses créances contre la Snc Retiro 1 au titre des jugements exécutoires et inexécutés du 19 octobre 2012 et 9 avril 2013,
4- en tout état de cause,
- de désigner tel expert judiciaire aux fins de déterminer les conséquences financières et notamment le manque à gagner de la société Mureville au titre des opérations qu'elle aurait réalisées si CFA ne l'avait pas poursuivi indûment en paiement du prêt HVB, condamner CFA à verser aux sociétés Mureville, SNC Retiro III Meru Galerie et Retiro IV une provision ad litem de 25.000 euros pour l'assistance par un expert conseil et par son avocat ainsi qu' une somme égale au montant de la consignation qui sera fixée par la cour,
- de débouter CFA de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- de condamner CFA à payer à la société Mureville la somme de 80.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 20 septembre 2013, la société CFA demande à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, de juger que Mureville reste débitrice, compte tenu des sommes déjà acquittées ou saisies et de l'annulation d'une des saisies attributions intervenues, de la somme de 1 497 043, 72 euros en principal et intérêts courus jusqu'au 31 août 2013, y ajoutant de condamner en conséquence la société Mureville à lui payer cette somme, outre celle de 30 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel et de la condamner aux dépens.
Motifs
SUR CE
1 Sur la demande principale tendant à voir dire la société CFA irrecevable en sa demande en paiement dirigée contre un co associé en nom
Selon l'article L. 221-1 du code de commerce, les associés en nom collectif répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales.
La société Mureville soutient au préalable que ces dispositions ne peuvent être invoquées que par des tiers de sorte que la société CFA, qui n'a pas la qualité de tiers pour être associée à ses côtés au sein de la Snc débitrice, serait irrecevable à la poursuivre au titre de son obligation aux dettes sociales.
Mais selon les articles 1615 et 1692 du code civil, la cession de créance transfère au cessionnaire les droits et actions appartenant au cédant et attachés à la créance cédée, de sorte qu'ayant acquis la créance hypothécaire dont la banque HBV disposait sur la Snc Retiro 1 au titre du prêt qui avait été consentie à cette dernière, la société CFA disposait, en sa qualité de créancier substitué, de l'action en paiement qui en constituait l'accessoire et qu'elle pouvait exercer, dans les conditions prévues par l'article L. 221-1 du code civil, sans que sa double qualité d'associée et de créancière n'y fasse obstacle.
La société Mureville soutient ensuite que la société CFA serait irrecevable à agir en paiement à son encontre au motif qu'elle n'a pas respecté la procédure de l'action dirigée contre les associés tenus dettes sociales
Elle relève à cet égard que la société CFA lui a délivré un commandement de saisie vente le 6 mai 2008 sans avoir préalablement mis en demeure la Snc Retiro 1 de payer, alors qu'une telle mise en demeure constitue le préalable à l'action à l'encontre des associés.
2 Elle soutient que la sommation de payer finalement délivrée à la société débitrice le 9 juin 2008 n'était que de pure forme dans la mesure où était visée non pas la totalité de la créance de la Snc Retiro 1 mais le seul montant susceptible d'être réclamé à la société Mureville au prorata de sa participation au capital.
Et conteste enfin le caractère de vaine mise en demeure de cette sommation dans la mesure où la société CFA a, de sa propre initiative et par courrier du 16 juillet 2008 adressé à l'administrateur provisoire de la débitrice cédée, suspendu les effets de ce commandement.
Selon l'article R. 221-10 du code de commerce, le créancier ne peut poursuivre un associé à défaut de paiement ou de constitution de garanties par la société que huit jours au moins après mise en demeure de celle-ci.
En l'espèce, l'assignation en paiement a été délivrée à la Sarl Mureville le 4 août 2008, soit postérieurement à la mise en demeure qui lui a été notifiée par acte d'huissier le 9 juin 2008, de sorte qu'il a été satisfait à la condition de mise en demeure préalable, peu important que la société CFA ait fait précéder ces actes d'un commandement de payer délivré directement à son associé.
Le caractère de vaine mise en demeure est par ailleurs suffisamment établi par le courrier en réponse que l'administrateur provisoire gérant la Snc a adressé le 4 juillet 2008 à la société poursuivante lui indiquant la trésorerie de la SNC La Courtine 1 ne permet pas de régler les sommes objet de la sommation. Compte tenu de l'exigibilité de cette créance à laquelle mon administrée ne peut faire face, je suis contraint de régulariser une déclaration de cessation des paiements de la SNC' et par l'absence, constante, de paiement ou de constitution de garanties par la société dans les huit jours de la mise en demeure, de sorte que la société CFA se trouvait dès après l'expiration de ce délai, soit à compter du 18 juin 2008, recevable à engager l'action en paiement contre l'associée tenue aux dettes sociales.
En cet état, le courrier du 16 juillet 2008 indiquant à l'administrateur provisoire que les effets de la sommation précédemment délivrée étaient suspendus est de nul effet, dès lors qu il ne vaut nullement renonciation ni remise de dette consentie au débiteur principal et ne peut par conséquent être invoqué à leur profit par les associés en nom, au motif du caractère subsidiaire de leur engagement, étant en outre souligné que le recours en paiement engagé contre ces derniers n'est pas subordonné, à la différence du recours contre les associés d'une société civile, à la condition de vaines poursuites exigée par l'article 1858 du code civil.
La société Mureville soutient enfin, toujours au visa de l'article R 221-10 du code de commerce, que compte tenu des nombreuses garanties dont la créance cédée était assortie, parmi lesquelles le privilège de prêteur de deniers à hauteur d'une somme très largement supérieure à la créance invoquée, la société CFA qui disposait des moyens de recouvrer sa créance sur le débiteur principal n'était pas recevable à agir contre elle.
3 Mais les garanties évoquées par l'article R. 221-10 du code de commerce ne sont pas celles qui sont attachées à la créance mais les garanties de paiement que doit constituer le débiteur principal dans les huit jours de la mise en demeure, et à défaut desquelles le créancier se trouve libre d'agir contre les associés au titre de leur obligation aux dettes sociales, de sorte que ce moyen sera encore écarté.
En définitive, la société débitrice ne s'étant pas exécutée dans les huit jours de la sommation à elle délivrée, il a été satisfait à la condition tenant à la vaine mise en demeure préalable et l'action en paiement dirigée contre l'associée au titre de son obligation aux dettes sociales pouvait régulièrement être engagée de sorte que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Mureville de sa demande principale.
Sur la fraude
La société Mureville soutient subsidiairement qu'en ayant suspendu sa mise en demeure tout en poursuivant son associée alors qu'elle disposait de garanties sur la société SNC Retiro 1 lui permettant de recouvrer la créance de prêt qu'elle avait acquise de la banque, la société CAF a agi en fraude à la loi et à ses droits d'associés , n'ayant eu en réalité d'autre but que de lui nuire, en s'opposant à la vente de la galerie marchande tout en lui facturant les intérêts conventionnels liés au prêt pour un montant de près de 3, 5 millions d'euros.
Mais ni la fraude à ses droits d'associé, ni l'abus de droit également allégué ne sont établis.
Le rachat par CFA du contrat de prêt venu à échéance a permis de préserver le seul actif de la société Retiro 1, dont le sort était alors discuté entre les associés qui souhaitaient chacun l'acquérir pour son propre compte.
La société CFA a ensuite régulièrement exercé les droits attachés à la créance cédée, le cessionnaire de créance, qui se trouve dans une situation distincte de celle du subrogé qui ne peut recevoir plus qu'il n'a payé, disposant d'un recours à hauteur du montant nominal de la créance transférée avec tous ses accessoires, en ce compris les intérêts conventionnels qui continuent à courir.
Enfin le cours des intérêts encore dus ne résulte que de la réticence de la société Mureville à s'exécuter et des multiples contentieux ayant opposé les parties, auxquels la société Mureville a pris sa part, étant en outre observé que son obligation à la dette procède de la créance de CFA sur la Snc Retiro1 qui n'est pas contestée dans le cadre de la présente instance.
Aussi, la société Mureville sera t-elle déboutée de ses demandes en restitution des sommes versées en exécution de l'arrêt de référé de la cour d'appel de Paris en date du 30 avril 2009, de ses demandes de dommages intérêts et de sa demande subsidiaire d'expertise aux fins d'évaluer son préjudice.
La fraude et l'abus de droit n'étant pas établis, elle sera encore déboutée de la demande de remise des intérêts qu'elle présente sur ces fondements.
Sur la demande incidente de la société CFA
La société CFA demande à la cour de condamner la société Mureville à lui payer le solde restant dû sur la créance en principal et intérêts ayant couru jusqu'au 31 août 2013, soit la somme de 1 498 043, 72 euros, compte tenu des règlements déjà intervenus ou des saisies attributions pratiquées, le tout pour une somme totale de 2 346 631, 82 euros, de laquelle doit cependant être déduite des sommes saisies dont la restitution judiciaire a été ordonnée à hauteur de 1 240 633, 69 euros.
4 Tandis que la société Mureville sollicite qu'il soit sursis à statuer en l'état d'une assignation qu'elle a été autorisée à faire délivrer à bref délai en date du 12 juin 2013 à la SNC Retiro 1 et à la société CFA contestant, notamment par le biais de l'action ut singuli, la facturation par la société CFA des intérêts sur la Snc Retiro 1, débitrice principale.
Cette assignation est versée aux débats ainsi que les premières conclusions au fond de la Snc Retiro 1.
La créance en principal correspondant à la créance de prêt acquise par la société CFA au prorata de la part de Mureville dans le capital de la Snc Retiro 1, n'est pas contestée.
La société CFA qui évoque, quant à elle, au soutien de sa demande, des difficultés d'exécution, y compris de son fait, de l'arrêt de référé de la cour d'appel de Paris ayant condamné la société Mureville à lui payer la somme en principal de 2 112 441 augmentée de la somme de 234 190, 52 euros au titre des intérêts courus jusqu'au 1er février 2009, ne conclut pas sur la demande de sursis à statuer.
Ne formulant une demande de condamnation à l'encontre de la société Mureville que du solde d'une créance dont les intérêts sont encore à ce jour contestés, pour des motifs distincts de ceux de la présente instance, le souci d'une bonne administration de la justice conduira à ne prononcer condamnation à l'encontre de la société Mureville qu'à hauteur du principal de part de créance lui revenant au titre de son obligation aux dettes sociales, soit la somme non contestée de 2 112 441, 30 euros, et de surseoir à statuer sur le surplus jusqu'à ce qu'il soit définitivement statué sur l'assignation délivrée le 12 juin 2013 par la société Mureville à la SNC Retiro 1 et à la société CFA devant le tribunal de commerce de Paris, portant sur les seuls intérêts facturés par la société CFA sur la débitrice principale.
La demande de délais de paiement de la société Mureville, non justifiée, sera rejetée.
Sur les autres demandes
Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile sans que l'équité ne commande d'en faire application en cause d'appel.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
Reçoit les sociétés Retiro III Meru Galerie et Retiro IV Meru en leur intervention volontaire,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,
Condamne la société Mureville à payer à la société CFA , en deniers ou quittance, la somme de 2 112 441, 30 euros, correspondant au principal de la créance d'associée,
Sursoit à statuer s'agissant des intérêts ayant couru sur cette somme et sur la demande incidente de la société CFA tendant à voir condamner la société Mureville à payer le solde de la somme restant due, compte tenu des versements intervenus et des mesures d'exécution forcée entreprises, jusqu'à ce qu'il soit définitivement statué sur l'assignation délivrée le 12 juin 2013 par la société Mureville à la SNC Retiro 1 et à la société CFA devant le tribunal de commerce de Paris,
Dit que l'affaire sera radiée du rôle des instances en cours jusqu'à ce que la cause du sursis ait disparu et qu'elle sera rétablie, le cas échéant, à la demande de la partie la plus diligente.
Rejette toute autre demande,
Condamne la société Mureville aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.