Livv
Décisions

Cass. soc., 17 mars 2021, n° 19-21.486

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cathala

Rapporteur :

Mme Pécaut-Rivolier

Avocat général :

Mme Trassoudaine-Verger

Avocats :

SAS Cabinet Colin-Stoclet, Me Le Prado, SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin

Paris, du 20 juin 2019

20 juin 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 juin 2019), le syndicat des pilotes d'Air France (SPAF) a assigné les sociétés Air France et Transavia France pour qu'il soit ordonné que les pilotes d'Air France détachés à Transavia France puissent prendre connaissance des tracts et publications syndicales diffusés par le SPAF.

Examen des moyens

Sur les moyens uniques des pourvois incidents des sociétés Air France et Transavia France :

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal du SPAF :

Enoncé du moyen

3. Le SPAF fait grief à l'arrêt de mettre hors de cause la société Air France, alors :

« 1°/ que la partie à l'encontre de laquelle est formée une demande ne peut être mise hors de cause par le juge, qui a l'obligation de statuer sur cette demande ; qu'en considérant, pour mettre hors de cause la société Air France, que le fait de demander sa condamnation ne suffisait pas à la maintenir dans la cause, la cour d'appel a violé l'article 5 du code de procédure civile ;

2°/ que le SPAF faisait valoir que la société Air France, en lui indiquant que « la communication syndicale par voie électronique n'est pas prévue et autorisée par le protocole de droit syndical », lui avait interdit de diffuser de l'information syndicale par voie électronique aux salariés mis à disposition de la société Transavia France ; qu'une telle interdiction s'imposait au SPAF quand bien même la société Air France n'aurait eu aucun pouvoir de contrainte sur la société Transavia France ; qu'en se bornant à relever, pour mettre hors de cause la société Air France, que celle-ci ne détenait aucun pouvoir pour contraindre la société Transavia France à procéder à la diffusion d'une information syndicale en son sein, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2141-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 5 du code de procédure civile :

4. Pour mettre hors de cause la société Air France, l'arrêt énonce que le fait de demander la condamnation de la société Air France ne suffit pas à lui seul à la maintenir dans la cause et que bien que demeurant l'employeur des pilotes détachés chez la société Transavia France, entreprise appartenant au même groupe, la société Air France ne détient cependant aucun pouvoir pour contraindre cette dernière, société autonome, à procéder d'une manière quelconque à la diffusion d'une information syndicale en son sein, quels que soient les écrits qu'elle ait pu commettre à ce sujet.

5. En statuant ainsi, alors que le syndicat demandait à ce qu'il soit enjoint à la société Air France, en sa qualité d'employeur des salariés mis à disposition de la société Transavia France, de faire en sorte que ces salariés aient accès aux tracts et publications du syndicat, la cour d'appel, qui n'a pas statué sur la demande, a violé le texte susvisé.

Et sur le deuxième moyen du pourvoi principal du SPAF, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. Le SPAF fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes, alors « que les sections syndicales ont pour objet de d'assurer la représentation des intérêts matériels et moraux de tous les membres de l'entreprise, y compris ceux mis à disposition d'une autre entreprise, qui peuvent choisir d'exercer leur droit de vote dans leur entreprise d'origine et ne sont éligibles que dans cette entreprise ; que leur droit à recevoir l'information émise par une section syndicale constituée dans leur entreprise d'origine ne saurait être subordonné à la constitution, par le syndicat concerné, d'une section syndicale au sein de l'entreprise d'accueil ; qu'en considérant, pour rejeter les demandes du SPAF, que, faute d'avoir constitué une section syndicale au sein de la société Transavia France, le SPAF, syndicat représentatif au sein de la société Air France, ne pouvait être autorisée à afficher et diffuser, à destination des salariés de la société Air France mis à disposition de la société Transavia France, des informations syndicales au sein de cette société, la cour d'appel a violé l'article 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et les articles L. 2141-4, L. 2142-1, L. 2142-3, L. 2142-4, L. 2142-5, L. 2142-6 et L. 2314-23 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 2142-3 à L. 2142-7 et L. 2314-23 du code du travail :

7. En vertu des articles L. 2142-3 à L. 2142-7 du code du travail, les organisations syndicales ayant constitué une section syndicale au sein de l'entreprise peuvent diffuser des communications syndicales aux salariés de l'entreprise. Les salariés mis à disposition d'une entreprise extérieure, qui demeurent rattachés à leur entreprise d'origine, doivent pouvoir accéder à ces informations syndicales.

8. Il appartient en conséquence à l'employeur de prendre toutes les mesures nécessaires, en accord avec l'entreprise utilisatrice, pour que la diffusion des communications syndicales puisse être assurée auprès des salariés mis à disposition.

9. Pour débouter le SPAF de ses demandes relatives à la diffusion de l'information syndicale auprès des pilotes de la société Air France mis à disposition de la société Transavia France, l'arrêt relève que le SPAF n'a pas constitué de section syndicale au sein de la société Transavia France et n'y est pas représentatif.

10. En statuant ainsi, par un motif inopérant, alors qu'il n'était pas contesté que le SPAF avait constitué une section syndicale au sein de l'entreprise employeur, et qu'il lui appartenait en conséquence d'ordonner à l'employeur de prendre toutes mesures nécessaires, en accord avec l'entreprise utilisatrice, pour que la diffusion des communications syndicales du SPAF puisse être assurée auprès des salariés mis à disposition de cette dernière, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a mis hors de cause la société Air France et rejeté les demandes du SPAF, l'arrêt rendu le 20 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.