Cass. soc., 12 septembre 2018, n° 17-10.853
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Frouin
Avocats :
SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Gatineau et Fattaccini
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 17 novembre 2016), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 31 mars 2016, n° 15-11.395), que M. X... a, le 1er septembre 2005, été engagé par la société Comptoir lyonnais d'électricité, aux droits de laquelle vient la société Sonepar Sud-Est, en qualité de directeur commercial ; que le contrat de travail comportait une clause de non-concurrence ; que les relations contractuelles ont été rompues suivant protocole d'accord du 30 juin 2007 afin que le salarié soit engagé le 1er juillet 2007 par la société Teissier appartenant au même groupe ; qu'une rupture conventionnelle homologuée par l'autorité administrative est intervenue début 2010 entre le salarié et la société Teissier ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande d'indemnité de non-concurrence formulée à l'encontre de la société Sonepar Sud-Est, alors, selon le moyen :
1°/ que la clause interdisant, avant l'expiration d'un certain délai, au salarié quittant une entreprise d'entrer dans une autre entreprise exerçant une activité similaire ne s'applique pas dès lors que les deux entreprises ne sont pas en situation réelle de concurrence mais appartiennent au même groupe économique, et que le passage du salarié de l'une à l'autre est le résultat d'une entente entre lui et ses deux employeurs successifs ; qu'elle reprend ses effets normaux à partir du jour où le contrat de travail avec le second employeur a été rompu ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Sonepar Sud-Est n'avait pas délié le salarié de l'obligation de non-concurrence lors de la rupture du contrat de travail conclu avec la société Teissier ; qu'elle l'a néanmoins débouté de sa demande en paiement de la contrepartie financière au motif qu'à la date de la rupture du second contrat, « plus de deux ans s'étaient écoulés depuis la rupture du contrat initial et la clause de non-concurrence figurant dans ce contrat dont la durée avait été contractuellement fixée à 2 années, avait en conséquence pris fin » ; qu'en statuant ainsi, quand ce délai de deux ans, qui avait été suspendu, ne commençait à courir qu'à compter de la rupture du second contrat, la cour d'appel a violé le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle, ensemble l'article L. 1121-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil alors applicable ;
2°/ que la clause de non-concurrence contenue dans un contrat de travail ne produit ses effets qu'à l'égard de la société avec laquelle le salarié a contracté et ne peut être étendue aux autres sociétés du groupe ; qu'en conséquence, la dénonciation de la seconde clause de non-concurrence ne peut avoir pour effet de libérer le salarié de son obligation de non-concurrence à l'égard de l'employeur initial ; qu'en retenant cependant, pour débouter le salarié de sa demande en paiement de la contrepartie financière, que « la clause de non-concurrence insérée au contrat de travail avec la société Teissier était strictement identique à celle liant le salarié à Sonepar » et qu' « il apparaît en conséquence sans ambiguïté dans l'esprit des parties que [le salarié] était tenu de la même et unique obligation de non-concurrence, protégeant Teissier et par la même l'ensemble des sociétés soeurs agissant dans le même secteur dont Sonepar Sud Est », la cour d'appel a derechef violé le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle, ensemble l'article L. 1121-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil alors applicable ;
3°/ que la clause de non-concurrence, qui apporte une restriction au principe de la liberté du travail, est d'interprétation stricte et ne peut être étendue au-delà de ses prévisions ; qu'en l'espèce la clause de non-concurrence interdisait au salarié, pendant une durée de deux ans, de s'intéresser, à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, sur le secteur géographique des départements de la région Sud-Est couverts par Sonepar et auprès des catégories de clients ou prescripteurs, ou à toute entreprise ou activité ayant trait tant aux études préalables, qu'à l'installation, la fourniture ou la vente des articles ou matériels se rapportant à son activité pour le compte de la société Sonepar Sud-Est ; qu'en se bornant à retenir qu'après la rupture du contrat avec la société Teissier, le salarié a contracté avec « un professionnel client de Sonepar, ce que la clause lui aurait interdit », sans rechercher si le salarié avait exercé dans le même domaine d'activité que celui de la société Sonepar Sud-Est, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1134 du code civil alors applicable ;
Mais attendu que si la clause interdisant, avant l'expiration d'un certain délai, au salarié quittant une entreprise d'entrer dans une autre entreprise exerçant une activité similaire ne s'applique pas dès lors que les deux entreprises ne sont pas en situation réelle de concurrence mais appartiennent au même groupe économique, et que le passage du salarié de l'une à l'autre est le résultat d'une entente entre lui et ses deux employeurs successifs, elle reprend ses effets normaux à partir du jour où le contrat de travail avec le second employeur a été rompu, sans que ce délai puisse s'en trouver reporté ou allongé ;
Et attendu que la cour d'appel ayant constaté qu'à la date de la rupture du contrat de travail avec la société Teissier plus de deux ans s'étaient écoulés depuis la rupture du contrat initial et que la clause de non-concurrence figurant dans ce contrat avait été contractuellement fixée à deux années, a exactement retenu que le salarié ne pouvait prétendre au paiement par la société Sonepar Sud-est de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.