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Décisions

Cass. soc., 7 février 2018, n° 16-18.946

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvet

Avocats :

SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Gatineau et Fattaccini

Versailles, du 14 avr. 2016

14 avril 2016

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 14 avril 2016), que M. Y..., engagé le 20 août 2001 par la société DHL express France, aux droits de laquelle vient la société DHL international express France, en qualité d'attaché commercial grands comptes, a été promu le 1er octobre 2003, au poste de responsable grands comptes ; qu'à compter du 1er février 2008, il a été détaché en qualité de « Business Development Manager », pour une durée initiale de 3 ans, auprès de la société DHL Worldwide express Logistics NV/SA, située en [...], détachement prolongé jusqu'au 31 janvier 2013 ; qu'il a été licencié le 3 mai 2013, en raison de son refus d'accepter le changement de ses conditions de travail suite à la fin de son détachement et de ses absences injustifiées depuis le 2 avril 2013 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et de le débouter de ses demandes indemnitaires à ce titre et à raison des conditions vexatoires de son licenciement alors, selon le moyen :

1°/ que le contrat de travail constitue la loi des parties ; qu'en l'espèce, il résultait de l'article 13 de l'avenant au contrat de travail de M. Y... régularisé le 8 janvier 2008, qu'à l'issue de sa période de détachement, la société DHL express France s'engageait à le réintégrer « à son poste ou à le reclasser à un poste équivalent, soit en France, soit à l'étranger », ainsi qu'à lui faire « au moins une proposition de reclassement » et ce, « au plus tard à la date connue du retour prévu en France » ; qu'en décidant néanmoins que la société DHL express France avait respecté son engagement de reclasser le salarié en lui faisant une « proposition ferme » et « conforme aux obligations de l'employeur », motif pris de ce qu'à l'issue du détachement, elle lui avait proposé un emploi dans des conditions similaires à celles qu'il connaissait pendant le détachement, en termes de rémunération et de responsabilités, quand il ressortait de ses propres constatations que la date de la fin du détachement de M. Y... en [...], fixée au 31 janvier 2013, avait été arrêtée dès le mois de janvier 2011 et confirmée par un mail de l'employeur le 17 août 2012, et que le salarié n'avait reçu de proposition relative à un poste de réintégration sur Paris que le 18 janvier 2013, soit quelques jours avant la fin de sa mission, ce dont il s'évinçait que l'employeur avait manqué à son obligation de reclassement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1134 du code civil, ensemble l'article L 1235-1 du code du travail ;

2°/ qu'en tout état de cause, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi ; que manque à son obligation d'exécuter le contrat de travail de bonne foi l'employeur qui, bien qu'informant six mois à l'avance son salarié détaché de la fin prochaine de sa mission et de son non-renouvellement, ne revient vers lui que dans les derniers jours de son détachement pour lui faire part d'une proposition de poste assortie d'un délai de réponse extrêmement bref, obligeant de la sorte le salarié à agir dans la précipitation ; qu'en l'espèce, M. Y... faisait valoir que si la date d'expiration de son détachement en [...], fixée au 31 janvier 2013, avait bien été prévue dès le mois de janvier 2011 et confirmée par mail en août 2012, il n'avait cependant reçu de proposition relative à un poste de réintégration en France, à la suite de ses relances, que le 18 janvier 2013, soit quelques jours à peine avant la fin de sa période détachement qui durait depuis 5 ans, le mettant ainsi dans une situation professionnelle et familiale « ingérable » ; qu'en décidant toutefois que la société DHL express France avait respecté son engagement de reclasser le salarié en lui faisant une « proposition ferme » et « conforme aux obligations de l'employeur », motif pris de ce qu'à l'issue du détachement, elle lui avait proposé un emploi dans des conditions similaires à celles qu'il connaissait pendant le détachement, en termes de rémunération et de responsabilités, quand il lui appartenait de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si, en amont, le silence anormalement long conservé par l'employeur entre son mail du 17 août 2012 et sa proposition du 18 janvier 2013, sa carence dans l'accompagnement de son salarié lors du processus de réintégration en France au mépris notamment de son engagement de « jouer un rôle actif dans l'accompagnement de l'expatrié à son retour » contenu dans le document interne lié à la politique de mobilité internationale, ainsi que la tardiveté de sa proposition faite dans les derniers jours de la mission et assorti d'une invitation à y répondre dans les 4 jours, ne constituaient pas, de sa part, autant de manquements à son obligation de loyauté et de bonne foi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1222-1 du code du travail et 1134 et 1147 du code civil, ensemble l'article L 1235-1 du Code du travail ;

3°/ que la décision de l'employeur de réintégrer un salarié à l'issue de son détachement et les conditions de sa mise en oeuvre, ne peuvent porter une atteinte excessive au droit de l'intéressé au respect de sa vie personnelle et familiale ; qu'en se bornant à retenir, pour conclure que M. Y... ne pouvait prétendre que la société DHL express France avait manqué à ses obligations relatives au respect de sa vie privée, que l'employeur « a accepté de garder à sa charge les frais de scolarité des enfants jusqu'en avril 2013 et lui a laissé ainsi du temps pour organiser son retour en France », quand la connaissance tardive par le salarié, longuement détaché, de cette proposition de prise en charge, formalisée postérieurement au délai extrêmement bref de 4 jours qui lui avait été imparti pour répondre à l'offre de réintégration faite elle-même quelques jours à peine avant la fin de sa mission, n'était pas de nature à ôter son caractère fautif au comportement de l'employeur à qui l'exposant reprochait de l'avoir informé de sa réintégration sur un poste à Paris de manière tardive et précipitée, et ce au mépris des délais de prévenance convenables, le privant ainsi de la latitude nécessaire pour réorganiser son retour et celui de sa famille et constituant de ce fait une atteinte excessive à sa vie privée et familiale, la cour d'appel a statué aux termes d'un motif inopérant et privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1121-1 du code du travail, 9 et 1134 du code civil, ensemble l'article L 1235-1 du Code du travail.

Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté, procédant à la recherche prétendument omise, que la société avait respecté son engagement de reclasser le salarié en lui proposant, avant la date connue de son retour prévu en France, un emploi, refusé par l'intéressé, présentant des caractéristiques équivalentes à celui qu'il occupait avant son détachement, et relevé que la société, en différant sa prise de poste au 1er avril 2013 et en acceptant de garder à sa charge les frais de scolarité de ses enfants jusqu'en avril, lui avait laissé le temps d'organiser son retour en France, a par ces seuls motifs, et sans encourir les griefs du moyen, légalement justifié sa décision ;

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :

Attendu que le rejet du premier moyen rend sans portée le deuxième moyen pris d'une cassation par voie de conséquence ;

Sur le troisième moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.