Cass. soc., 24 juin 2015, n° 13-25.522
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Frouin
Rapporteur :
M. Mallard
Avocat général :
M. Beau
Avocats :
SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 30 juillet 2013), que la société Cegelec Paris a le 3 mai 2004 recruté M. X... en qualité de responsable administratif et comptable avec comme affectation Nanterre ; que le même jour, il a été détaché auprès de la société Cegelec La Réunion pour une durée de 2 ans ; que le 16 mai 2008, il a été notifié au salarié la fin du détachement et son rappel en métropole ; que n'ayant pas rejoint son affectation, il a été licencié pour faute grave et a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives tant à l'exécution de son contrat de travail qu'à la rupture de celui-ci ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de toutes les demandes qu'il avait formées à l'encontre de la société Cegelec La Réunion, alors, selon le moyen, que l'existence d'un contrat de travail est caractérisée entre les parties par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu'en cas de détachement, la persistance du lien salarial avec l'entreprise d'origine n'est pas exclusive d'un contrat de travail avec l'entreprise d'accueil ; qu'en l'espèce, il ressort de l'analyse, par la cour d'appel, des termes des clauses particulières de la convention de détachement, signée le 10 mai 2004, et dont elle a retenu qu'elle avait été régulièrement exécutée, que pendant la durée du détachement, M. X... avait été « soumis à l'autorité du directeur de Cegelec La Réunion », que cette société l'avait rémunéré et lui avait délivré ses bulletins de salaire son certificat de travail et son reçu pour solde de tout compte, qu'elle était désignée comme bénéficiaire de la clause contractuelle de non concurrence et débitrice, à ce titre, de sa contrepartie financière, qu'elle lui avait enfin délivré, le 10 octobre 2008, « une ultime sommation en vue de la restitution des clés » ; qu'en déboutant M. X... de ses demandes en paiement de dommages-intérêts et d'indemnités de rupture dirigées contre Cegelec La Réunion sans rechercher, comme il l'y invitait dans ses écritures, si ce salarié ne s'était pas trouvé en fait, pour l'exécution de son travail, dans un lien de subordination avec cette société au sein de laquelle il exerçait son activité à La Réunion, qui avait, pendant quatre ans, exercé sur lui les pouvoirs d'un employeur et avait rompu de fait, cette relation de travail en lui interdisant l'accès à ses locaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que la lettre d'engagement avait été signée par la société Cegelec Paris et que le salarié avait été mis à disposition de la société Cegelec La Réunion dans le cadre d'un détachement dont elle a écarté la nullité, la cour d'appel, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a procédé aux recherches qui lui avaient été demandées en déniant la portée des seuls éléments matériels d'intervention de la société Cegelec La Réunion ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter des demandes qu'il avait formées à l'encontre de la société Cegelec Paris au titre de la rupture du contrat de travail, alors, selon le moyen :
1°/ que l'employeur ne peut imposer au salarié une modification de son contrat de travail ; qu'en la refusant, celui-ci ne commet aucune faute ; que constitue une modification du contrat de travail la mutation du salarié hors de son secteur géographique d'activité ; qu'il ressort, en l'espèce, des propres constatations de l'arrêt attaqué qu'aux termes du contrat de travail du 3 mai 2004, le salarié avait été "engagé « au service de notre Société (...) moyennant, une affectation à l'agence Nanterre dépendant de Cegelec Paris, ... , un lieu de travail situé à « Cegelec La Réunion ¿ ZAC 2000¿ Le Port » et que cette convention, conclue pour une durée indéterminée, s'est exécutée jusqu'au 30 septembre 2008 ; qu'en considérant que constituait une faute grave son refus de rejoindre le poste à Nanterre que lui avait imposé Cegelec Paris à l'issue de son détachement, au motif que cette agence aurait été choisie comme « lieu d'affectation d'origine », la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;
2°/ que l'employeur ne peut imposer au salarié une modification de son contrat de travail ; qu'en la refusant, celui-ci ne commet aucune faute ; que constitue une modification du contrat de travail la modification de la rémunération contractuelle du salarié et la suppression d'importants avantages en nature ; qu'en considérant que constituait une faute grave le refus, par M. X..., de rejoindre le poste à Nanterre que lui avait imposé Cegelec Paris à l'issue de son détachement sans répondre aux écritures du salarié faisant valoir que ce rapatriement s'accompagnait d'une réduction importante de sa rémunération et de la suppression de son véhicule et de son téléphone de fonctions, et constituait ainsi une modification de son contrat de travail qui ne pouvait lui être imposée, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que, subsidiairement, le simple refus d'une modification de ses conditions de travail ne constitue pas à lui seul une faute grave ; qu'en déduisant une faute grave de M. X... du seul fait d'avoir refusé, après quatre année d'un détachement à La Réunion qui avait justifié son embauche, sa réintégration en métropole dans un lieu « d'affectation » contractuelle où il n'avait jamais exercé, sans rechercher, comme l'y invitait ce salarié, si ce retour ne s'accompagnait pas d'une réduction de sa rémunération et de la suppression d'avantages divers excluant que son refus fût constitutif de la faute grave invoquée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, qu'il ne résulte ni de l'arrêt, ni des pièces de la procédure que le salarié ait soutenu devant la cour d'appel que son refus de rejoindre son affectation en région parisienne ait été motivé par une réduction importante de sa rémunération et la suppression de divers avantages, résultant de cette affectation ; que la cour d'appel n'avait donc pas à répondre à une argumentation, qui ne lui avait pas été soumise, ni à procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel, après avoir fait ressortir, que les missions confiées au salarié au cours de son détachement comme à l'issue de celui-ci correspondaient à ses responsabilités et fonctions de responsable administratif et financier, a exactement décidé que la réintégration de l'intéressé dans un emploi en région parisienne, qui ne résultait pas de la mise en oeuvre d'une clause de mobilité géographique, mais du terme du détachement, ne constituait pas une modification du contrat de travail nécessitant son accord ; qu'elle a pu décider que le refus délibéré et renouvelé du salarié d'intégrer à l'issue de sa période de détachement l'agence, qui avait été choisie d'un commun accord entre les parties lors de l'engagement, constituait une faute grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'aucun moyen n'est dirigé à l'encontre du chef de l'arrêt ayant déclaré hors de cause la société Cegelec France ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.