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Décisions

Cass. soc., 15 avril 1992, n° 89-40.874

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cochard

Rapporteur :

M. Ferrieu

Avocat général :

M. Picca

Avocats :

Me Choucroy, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Grenoble, ch. soc., du 21 nov. 1988

21 novembre 1988

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 21 novembre 1988), que M. de X..., après avoir travaillé environ un an pour la société Kis Belgique, a signé le 22 novembre 1982 avec la société mère Kis France un contrat comportant une clause de non-concurrence et le nommant directeur de la filiale Kis Irlande ; qu'il a ensuite été muté à New-York, puis au Canada, enfin nommé le 28 février 1986 directeur général de la division service minute de la filiale Kis Angleterre ; que cette filiale ayant été rachetée par un tiers, la société Kis France a fait au salarié diverses propositions de reclassement qui n'ont pas abouti, et que l'intéressé a été en définitive licencié par lettre du 24 octobre 1986 ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir dit que le licenciement de M. de X... n'était pas fondé sur une cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné la société à lui verser des dommages-intérêts de ce chef, alors, selon le moyen, ainsi qu'il résultait des courriers échangés entre les parties et versés aux débats, que par lettre du 13 août 1986, M. de X... a rappelé à la société Kis France que deux propositions lui avaient été faites et qu'il les avait refusées, que par lettre du 3 septembre 1986, la société Kis France a rappelé à M. de X... qu'elle lui avait proposé une association avec une autre société du groupe pour créer une activité sur le marché britannique, que M. de X... n'a pas répondu à cette proposition, que par lettre du 9 septembre 1986, la société a finalement proposé à M. de X... un poste de responsable zone exportation sur l'Afrique, assorti d'une rémunération pouvant éventuellement atteindre 330 000 francs par an, que cette lettre a été réceptionnée par M. de X... le 12 septembre 1986, que ce n'est que le 22 septembre 1986, soit dix jours plus tard, que M. de X... a très clairement exprimé son refus en déclarant : "A mon vif regret et quel que soit mon désir de continuer à travailler avec vous, je ne puis en l'état accepter votre proposition... En tout état de

cause, le salaire envisagé dans votre courrier du 9 septembre 1986, m'apparaît largement insuffisant et devra être augmenté... Je ne saurais accepter une réduction de l'ordre de 50 %", même s'il souhaitait de plus amples détails ; que par courrier du 25 septembre 1986, la société Kis France a très nettement indiqué à M. de X... qu'elle maintenait exactement la rémunération qu'elle lui proposait, que par lettre du 9 octobre 1986, M. de X... a réaffirmé

son refus du poste proposé en indiquant : "Plusieurs problèmes subsistent en effet m'interdisant d'accepter votre offre du 9 septembre 1986... Cette rémunération n'est pas acceptable", que c'est dans ces conditions qu'alors que les pourparlers se poursuivaient depuis de nombreuses semaines, pendant lesquelles le salarié était rémunéré sans contrepartie, et qu'un désaccord apparaissait irréductible entre les parties quant à la rémunération proposée par la société, que celle-ci a engagé la procédure de licenciement ; de sorte que manque de base légale au regard des dispositions des articles L. 122-14-3 et L. 122-14-4 du Code du travail, l'arrêt attaqué qui, en l'état, a considéré que la société aurait agi avec précipitation et que le licenciement de M. de X... serait en conséquence sans cause réelle et sérieuse ;

Mais attendu que les juges du fond, appréciant les éléments de fait qui leur étaient soumis, ont souverainement constaté que la société n'avait pas attendu, pour licencier le salarié, son refus exprès du nouvel emploi proposé et qu'en fondant le licenciement sur ce seul refus inexistant, elle avait agi avec précipitation et légèreté ; qu'en l'état de ces constatations, par un arrêt motivé, la cour d'appel a décidé, dans l'exercice des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 122-14-3 du Code du travail, que le licenciement de l'intéressé ne procédait pas d'une cause réelle et sérieuse ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le second moyen, pris en ses trois branches :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt, d'une part, d'avoir admis que le contrat de travail de M. de X... comportait une clause de non-concurrence à la date de licenciement et d'avoir en conséquence, condamné la société à lui verser une somme à titre d'indemnité de non-concurrence, d'autre part, à titre subsidiaire, d'avoir calculé ladite indemnité ainsi qu'un complément d'indemnité de licenciement sur une assiette inexacte, alors, selon le moyen, d'une part, que viole les dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt attaqué qui, tout en constatant que le contrat du 22 novembre 1982 qui contenait une clause de non-concurrence, avait été signé par M. de X... avec la société Kis France alors qu'il travaillait pour la filiale Kis Irlande de la

société et qu'il avait cessé de travailler pour cette filiale à compter de la fin novembre 1984, a admis qu'au moment de son licenciement en octobre 1986, l'intéressé était toujours lié par la clause de non-concurrence du contrat de 1982, sans s'expliquer sur le moyen des conclusions d'appel de la société faisant valoir que si la société Kis France avait entendu, postérieurement à la cessation de la collaboration entre M. de X... et la société Kis France, maintenir la clause de non-concurrence en question, ladite clause aurait été rappelée dans les lettres que M. de X... avait reçues postérieurement à l'occasion de chacune de ses nouvelles affectations, ce qui n'avait pas été le cas ; et alors, d'autre

part, que, subsidiairement, manque de base légale au regard des dispositions des articles L. 122-9 du Code du travail et 1134 du Code civil, l'arrêt attaqué qui retient un salaire mensuel moyen de 40 713 francs par mois sur les douze derniers mois de présence de M. de X..., en admettant les chiffres invoqués par celui-ci, pour calculer son indemnité de non-concurrence et son indemnité de licenciement, sans s'expliquer sur le moyen des conclusions d'appel en réponse de la société faisant valoir que les chiffres invoqués par M. de X... étaient ceux de ses revenus bruts alors que pouvaient seuls être pris en compte pour lesdits calculs ses revenus nets ; qu'enfin, faute de s'être expliqué sur ce moyen des conclusions d'appel de la société, l'arrêt attaqué a de nouveau violé les dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel, qui, dans l'exercice de son pouvoir souverain, a constaté que le contrat de travail écrit du 22 novembre 1982 intervenu entre la société et le salarié et comportant la clause de non-concurrence n'avait pas été modifié par les lettres successives de détachement et qu'au jour du licenciement, ledit contrat était toujours en vigueur entre les parties, a ainsi répondu aux conclusions prétendument délaissées ; que la première branche du moyen ne peut être accueillie ;

Attendu, en second lieu, qu'il ne résulte pas des conclusions d'appel de la société qu'elle ait discuté l'assiette de l'indemnité de licenciement ; que le moyen, nouveau et mélangé de fait et de droit, est irrecevable sur ce point ;

Attendu, enfin, en ce qui concerne l'indemnité de non-concurrence, que la cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis, l'a calculée sur la base des sommes perçues par le salarié au cours de ses douze derniers mois au service de la société ; qu'elle a ainsi répondu aux conclusions prétendument délaissées ; que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.