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Décisions

Cass. 3e civ., 12 mai 2004, n° 02-20.247

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Weber

Paris, 19e ch. B, du 12 sept. 2002

12 septembre 2002

3 - Sur le pourvoi n° F 02-20.621 formé par :

1 / la société anonyme Elf Aquitaine,

en cassation d'un arrêt rendu le 12 septembre 2002 par la cour d'appel de Paris (19e chambre section B), au profit :

1 / de la commune de Vigneux-sur-Seine

2 / de la Société d'économie mixte de Vigneux " SEMVI",

3 / de la société KSB,

4 / de la société Gan incendie accidents, GAN Euro Courtage IARD, dont le siège est ...,

5 / de la société Ice Entreprise,

défenderesses à la cassation ;

4 - Sur le pourvoi n° V 02-20.887 formé par :

1 / la société KSB,

en cassation d'un arrêt rendu le 12 septembre 2002 par la cour d'appel de Paris (19e chambre section B), au profit :

1 / de la commune de Vigneux-sur-Seine, dont le siège est ...,

2 / de la Société d'économie mixte de Vigneux (SEMVI),

3 / de la société Elf Aquitaine,

4 / de la société Gan incendie accidents, GAN Euro courtage IARD,

5 / de la société Ice entreprise,

défenderesses à la cassation ;

Les demanderesses au pourvoi n° Z 02-20.247 invoquent, à l'appui de leurs recours, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

La demanderesse au pourvoi n° C 02-20.503 invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

La demanderesse au pourvoi n° F 02-20.621 invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

La demanderesse au pourvoi n° V 02-20.887 invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Joint les pourvois n° Z 02-20.247, C 02-20.503, F 02-20.621 et V 02-20.887 ;

Donne acte à la commune de Vigneux-sur-Seine, à la Société d'économie mixte de Vigneux (SEMVI) anciennement dénommée Société vigneusienne d'économie mixte (SAVEM), et à la société KSB anciennement dénomée Pompes Guinard du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Ice entreprise ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 septembre 2002) que la commune de Vigneux-sur-Seine, maître de l'ouvrage, a chargé la société Elf Aquitaine SNEA (société Elf) de la maîtrise d'oeuvre d'une opération de géothermie destinée à la fourniture de chauffage, d'eau chaude et d'équipements collectifs de logements, et la société anonyme vigneusienne d'économie mixte (SAVEM), devenue société d'économie mixte de Vigneux (SEMVI) maître de l'ouvrage délégué, a conclu avec la société Pompes Guinard, devenue KSB, assurée par la société GAN, un contrat relatif à la fourniture et à la mise en place d'un ensemble pompe-tubage-tête de puits, destiné à la réalisation de cette opération ;

qu'ayant constaté, après réception, des anomalies de fonctionnement (vibrations, insuffisance de débit), le maître de l'ouvrage et le maître de l'ouvrage délégué ont assigné les locateurs d'ouvrage en réparation de leur préjudice ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° Z 02-20.247 :

Attendu que la commune de Vigneux-sur-Seine et la société SEMVI font grief à l'arrêt de déclarer que la garantie décennale n'est pas applicable aux désordres constatés, alors, selon le moyen, qu'après avoir relevé que l'objet de l'ouvrage de l'installation de géothermie est d'assurer le chauffage de 3 430 logements et que l'équipement de pompage devait permettre une variation de débit de 50 à 250 m3/h, la cour d'appel constate qu'après blocage de la pompe le 27 février 1986 et remplacement de la pompe par une pompe identique mais placée à 25 mètres plus bas, des phénomènes vibratoires ont été observés sur l'ensemble tête du puits à sa remise en service le 21 mars 1986 ; que l'expert a affirmé, sans être démenti, que l'installation ne pouvait être exploitée avec sécurité et fiabilité au-delà de 170 à 180 m3/h en raison du phénomène de vibrations ; qu'en septembre 1986, une nouvelle pompe a été installée à moins 180 mètres ; que, néanmoins, les vibrations ont persisté ; qu'après juillet 1991, la pompe a été descendue à moins 180 mètres mais, selon l'expert, la pompe ne pouvait donner satisfaction ;

que la cour d'appel constate encore qu'il a fallu modifier les données de base pour mettre en place un autre modèle de pompe placé à moins 180 mètres afin d'obtenir le rendement escompté de 250m3/h ; que la conception de l'installation est inadaptée à la situation de fait ; qu'il résulte de ces constatations que l'ouvrage de géothermie était impropre à sa destination, le débit étant, ainsi que la ville et la SEMVI le soutenaient dans leurs conclusions et le rappelle la cour d'appel, un élément essentiel du chauffage et le débit de 250 m3/h étant nécessaire dès que la température extérieure descendait à 7 ; que la cour d'appel, qui a néanmoins affirmé que l'ouvrage n'était pas impropre à sa destination parce que l'installation de géothermie a toujours fonctionné et a seulement fait preuve d'un manque de performance certains mois de l'année, n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences qui en résultaient légalement, pivant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant souverainement relevé que l'ouvrage de géothermie n'était pas en lui-même affecté de dommages de nature à compromettre sa solidité ou à le rendre impropre à sa destination, et que l'installation avait toujours fonctionné, mais seulement fait preuve d'un manque de performance certains mois de l'année, la cour d'appel en a exactement déduit que l'article 1792 du Code civil n'était pas applicable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi n° Z 02-20.247 et le moyen unique du pourvoi n F 02-20.621, réunis :

Attendu que la commune de Vigneux-sur-Seine et la société SEMVI font grief à l'arrêt de limiter l'étendue de la responsabilité de la société ELF, et que celle-ci fait grief à l'arrêt de retenir sa responsabilité, alors, selon le moyen :

1 ) que tout en constatant que la société SNEA était chargée de la maîtrise d'oeuvre complète de l'opération, que, notamment, elle était expressément chargée de participer à la définition de la pompe à mettre en place, et que le Cahier des clauses administratives particulières (CCAP) et le Cahier des clauses techniques particulières (CCTP) par elle établis prévoyaient un débit de 250 m3/h pour un rabattement hydrodynamique de 0 + 5 mètres, et en constatant également que la baisse de débit est la conséquence de la mauvaise détermination de l'ouvrage par rapport au puits, ce qui a rendu nécessaire la modification de la profondeur de la turbo-pompe et de la puissance de la pompe alimentaire de surface, ce dont il résulte que l'inexécution de l'obligation de résultat dont la société SNEA était, selon la cour d'appel elle-même, tenue, la cour d'appel, qui a néanmoins décidé que la société SNEA n'était responsable de l'insuffisance de débit qu'à compter de juin 1990 lorsque a été constatée la modification du puits, sans constater, et a fortiori justifier, que cette modification du puits constituait une cause étrangère exonérant la société SNEA de sa responsabilité avant juin 1990, ce qu'excluaient tout au contraire ses constatations, selon lesquelles, si la société SNEA avait inclus dans ses calculs l'hypothèse d'une modification du rabattement du puits, cette prise en considération aurait permis de définir une pompe habile à répondre à ces modifications, a violé l'article 1147 du Code civil ;

2 ) que tout en constatant que la société SNEA a commis une faute dans la définition de la pompe à mettre en place, que la baisse de débit est la conséquence de la mauvaise détermination de l'ouvrage de pompage par rapport au puits, que c'est une mauvaise appréciation du rabattement hydrodynamique du puits qui a conduit à une conception de l'installation d'un équipement de pompage inadaptée à la situation de fait, qu'il a fallu modifier les données de base pour mettre en place un autre modèle de pompe placée à - 180 mètres afin d'obtenir le rendement de 250 m3/h, ce dont il résulte que, chargée de la maîtrise d'oeuvre complète de l'installation de géothermie, la société SNEA était responsable de l'insuffisance de débit dès février 1986, date à laquelle la première pompe avait dû être remplacée par une autre pompe mais placée 25 mètres plus bas, soit à - 110 mètres en raison du supplément de rabattement, la cour d'appel, qui a néanmoins décidé que la société SNEA n'était responsable de l'insuffisance de débit qu'à compter de juin 1990, n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui en résultaient légalement, violant de plus fort l'article 1147 du Code civil ;

3 ) que les parties sont libres de déterminer la nature de leur obligation, soit de moyens, soit de résultat ; que lorsqu'une partie s'engage à remplir ses obligations avec diligence et suivant les règles de l'art en la matière, sans promettre un résultat déterminé, elle n'est tenue qu'à une obligation de moyens ; qu'en décidant néanmoins que la société ELF Aquitaine était tenue à une obligation de résultat, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, s'il était uniquement stipulé dans le contrat de maîtrise d'oeuvre du 13 octobre 1983 et son avenant n 2 du 4 décembre 1984 qu'elle s'engageait à remplir ses obligations avec diligence et suivant les règles de l'art, de sorte qu'elle n'était tenue qu'à une obligation de moyens et non de résultat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1137 et 1147 du Code civil, ensemble l'article 1134 du Code civil ;

4 ) que l'obligation contractuelle est de moyens lorsque son exécution est soumise à une forte part d'aléa, en raison du fait que des éléments extérieurs à la volonté du débiteur sont susceptibles d'interférer dans l'exécution contractuelle ; que les obligations liées à l'exploitation des hydrocarbures et de gîtes géothermiques sont soumises aux aléas géologiques ; qu'en décidant néanmoins que la société ELF Aquitaine était tenue à une obligation de résultat, au motif inopérant qu'elle devait réaliser des calculs précis pour la définition de la pompe, sans rechercher si l'exploitation de gîtes géothermiques en sous-sol ne comportait pas des aléas, de sorte que la société ELF Aquitaine n'était tenue qu'à une obligation de moyens, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1137 et 1147 du Code civil, ensemble l'article 1134 du Code civil ;

5 ) que le juge ne peut méconnaître les limites du litige, telles qu'elles sont déterminées par les conclusions respectives des parties ; qu'en décidant néanmoins que la société ELF Aquitaine avait commis une faute dans la définition de la pompe de production, dès lors qu'elle n'avait pas envisagé d'inclure dans ses paramètres l'hypothèse d'une modification du rabattement du puits à tous les niveaux de profondeur de la pompe, bien que la ville de Vigneux-sur-Seine et la société d'économie mixte de Vigneux se soient bornées à soutenir que la société ELF Aquitaine, à la suite de son étude de faisabilité, n'avait émis aucune réserve concernant la baisse de la nappe phréatique, sans aucunement prétendre qu'il était possible d'inclure une telle donnée dans les paramètres, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 7 du nouveau Code de procédure civile ;

6 ) que la responsabilité contractuelle de l'entrepreneur est subordonnée à la preuve d'une faute ; qu'en décidant que la société Elf Aquitaine avait commis une faute dans la définition de la pompe de production, en omettant d'inclure dans ses paramètres l'hypothèse d'une modification très importante du rabattement du puits, sans constater qu'un rabattement d'une telle importance était prévisible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

7 ) que la responsabilité contractuelle de l'entrepreneur est subordonnée à la preuve d'une faute ; qu'en décidant néanmoins que la société Elf Aquitaine avait commis une faute dans la définition de la pompe de production, en omettant d'inclure dans ses paramètres l'hypothèse d'une modification du rabattement du puits pour diverses raisons dont une tenant au pompage lui-même, sans rechercher si la conception d'une telle pompe incluant toutes les modifications du puits était techniquement concevable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant souverainement relevé que la baisse du débit de l'installation était la conséquence de la mauvaise détermination de l'ouvrage de pompage par rapport au puits, démontrant la faute de la société ELF, chargée de la définition de la pompe, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, a pu en déduire, sans modifier l'objet du litige, abstraction faite de motifs erronés, mais surabondants, relatifs à l'obligation de résultat, que la faute commise par le maître d'oeuvre engageait sa responsabilité sur le fondement de l'article 1147 du Code civil, à partir d'une date qu'elle a souverainement déterminée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen du pourvoi n° Z 02-20.247 et le second moyen du pourvoi n° V 02-20.887, réunis :

Attendu que la commune de Vigneux-sur-Seine et la société SEMVI font grief à l'arrêt de limiter l'étendue de la responsabilité de la société KSB, et que celle-ci fait grief à l'arrêt de retenir sa responsabilité, alors, selon le moyen :

1 ) que la cour d'appel constate que si l'hypothèse d'une modification du rabattement du puits avait été envisagée, cette prise en considération aurait permis de définir une pompe habile à répondre à ces modifications ; que la ville de Vigneux-sur-Seine et la SAVEM faisaient valoir dans leurs conclusions que le phénomène de rabattement était parfaitement connu de la société KSB puisque celle-ci en faisait état dans son catalogue commercial édité en 1983 ; que, chargée contractuellement de la fourniture et de la mise en place de l'équipement de pompage, ainsi que la cour d'appel le retient, la société KSB, professionnel averti, devait, avant de s'engager, s'assurer auprès de la société ELF que les prescriptions techniques avaient bien pris en compte les particularités spécifiques à toute nappe phréatique, à savoir les niveaux de cette nappe ; et si tel n'était pas le cas, la société KSB devait, au besoin, refuser de s'engager ; qu'en retenant que la société KSB, fabricant de pompes, était malvenue pour donner des conseils à la société ELF, maître d'oeuvre de l'opération et reconnue comme spécialiste de forages, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;

2 ) que la cour d'appel constate que l'expert affirme, sans être démenti, que l'installation ne pouvait être exploitée en l'état avec sécurité et fiabilité au-delà de 170 à 180 m3/h en raison du phénomène vibratoire ; qu'en septembre 1986, une nouvelle pompe a été installée à la profondeur de moins 110 mètres, mais les pulsations et vibrations ont persisté, ce dont il résulte que, placée dans le "contexte" contractuel (moins 85 mètres), la pompe ne permettait pas le débit contractuellement prévu de 250 m3/h ; que la cour d'appel retient encore que les phénomènes de vibrations dont l'installation de la société KSB a été affectée sans que l'expert puisse en déterminer la cause ont occasionné une diminution des quantités de fluide géothermique exploitées, la pompe ne pouvant fonctionner à plein régime, et que la société KSB ne rapporte pas la preuve d'une cause étrangère qui l'aurait empêchée de remplir ses obligations ; que la cour d'appel, qui a néanmoins décidé que la société KSB, tenue d'une obligation de résultat, n'était contractuellement responsable de l'insuffisance de débit que jusqu'en 1990, date de la constatation de la modification du puits, n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences qui en résultaient légalement, violant ainsi l'article 1147 du Code civil ;

3 ) qu'après avoir justement rappelé que l'entrepreneur ne peut être tenu que dans les limites des exigences techniques contractuelles, que l'installation de pompage aurait fonctionné si les conditions d'utilisation de ce matériel avaient été celles qui étaient prévues et surtout que les caractéristiques du puits ne correspondaient pas à celles qui avaient été spécifiées dans le contrat, circonstance qui avait été constatée dès le 13 janvier 1986 par les société Guinard et SNEA qui avaient signalé le supplément de rabattement, la cour d'appel a cependant déclaré KSB contractuellement responsable du débit insuffisant jusqu'en 1990, date à laquelle elle a considéré que la modification du puits avait été constatée ; qu'en affirmant que KSB ne rapportait la preuve de l'existence d'une cause étrangère alors même qu'elle constatait que la modification du puits quant au caractère supérieur du niveau dynamique par rapport aux prévisions avait "déjà été constatée dès le 13 janvier 1986 par les sociétés Guinard et SNEA", la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations relatives à la cause étrangère, établie dès 1986, en violation des articles 1147 et 1148 du Code civil ;

4 ) que la société KSB faisait encore valoir que le contrat conclu avec la SEMVI excluait sa responsabilité dans les cas de "détérioration du puits" ou d'utilisation du matériel dans des conditions qui ne seraient pas conformes à celles définies dans l'offre, la commande et (les) notices de mise en route et d'exploitation" et soutenait qu'en l'occurrence sa responsabilité ne pouvait être engagée puisque précisément le puits avait fonctionné avec un rabattement dynamique très supérieur à celui défini dans le marché ; qu'en retenant la responsabilité contractuelle de la société KSB sans répondre à ces conclusions déterminantes de nature à entraîner l'exonération totale de la société KSB, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

5 ) que, sauf convention contraire, l'entrepreneur n'est tenu que d'une obligation de moyens lorsque l'exécution de son obligation est soumise à un aléa particulier ; que tel est le cas des obligations liées à l'exploitation des gîtes géothermiques qui sont soumis à des aléas particulièrement importants de type géologique ; qu'en affirmant que la société KSB avait à sa charge une obligation de résultat sans rechercher si la société KSB avait contracté une obligation quant au rendement de l'installation ni si l'exécution de sa prestation ne comportait pas un aléa particulier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

6 ) qu'enfin, lorsque les désordres n'affectent pas la solidité de l'ouvrage ni ne le rendent impropres à sa destination, la responsabilité des locateurs d'ouvrage ne peut être recherchée que sur le fondement d'une faute prouvée ; qu'en considérant, après avoir relevé que la cause des vibrations ayant affecté la pompe d'exhaure n'avait pu être déterminée par l'expert, que la société KSB devait être déclarée contractuellement responsable du débit insuffisant jusqu'en 1990 faute pour elle d'avoir établi l'existence d'une cause étrangère l'ayant empêchée de remplir ses obligations tout en constatant que les désordres n'avaient pas rendu l'ouvrage de géothermie impropre à sa destination pas plus qu'ils n'en avaient affecté la solidité, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui découlaient de ses constatations au regard de l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant souverainement relevé que les phénomènes de vibration dont étaient affectées les installations mises en place par la société KSB avaient occasionné une diminution des quantités de fluides exploitées, et retenu que l'entrepreneur ne rapportait pas la preuve d'une cause étrangère qui l'aurait empêché de remplir l'obligation de résultat à sa charge, la cour d'appel, qui n'a pas retenu la responsabilité de l'entrepreneur au titre des "désordres intermédiaires", et qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, a pu en déduire, abstraction faite de motifs surabondants relatifs à l'impossibilité de donner des conseils à la société ELF, que la responsabilité de la société KSB était engagée sur le fondement de l'article 1147 du Code civil, jusqu'à une date qu'elle a souverainement déterminée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen du pourvoi n° Z 02-20.247 :

Attendu que la commune de Vigneux-sur-Seine et la société SEMVI font grief à l'arrêt d'ordonner une expertise sur la détermination de l'étendue du préjudice subi par elles, alors, selon le moyen :

1 ) qu'aux termes de l'article 1147 du Code civil, "le débiteur est condamné au paiement de dommages-intérêts à raison de l'inexécution de l'obligation" ; que tout en retenant que les sociétés KSB et SNEA étaient contractuellement responsables de l'insuffisance de débit de l'installation de géothermie, la première jusqu'en juin 1990 et la seconde à compter du 1er juillet 1990, le débit contractuellement prévu de 250 m3/h n'ayant pu être atteint, ce dont il résulte que la ville de Vigneux-sur-Seine et la société SAVEM devaient être indemnisées par les sociétés KSB et SNEA de l'inexécution de leur obligation contractuelle constituée par l'insuffisance de débit de l'installation sans avoir à justifier d'un préjudice, la cour d'appel, qui a néanmoins refusé de les indemniser de l'insuffisance de débit de l'installation, seule indemnisation par elles sollicitée, parce qu'elles ne communiquaient qu'une étude théorique prenant comme base de calcul l'insuffisance de débit de l'installation, qu'il existe une chaîne d'intervenants dans l'utilisation de la géothermie, qu'une ou plusieurs sociétés non parties à l'instance seraient chargées de la gestion des installations dans des conditions ignorées de la cour d'appel et qu'enfin, les factures d'énergie réglées par l'usager comprenant peut-être le coût global de l'énergie, ce serait l'usager qui serait victime, n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences qui en résultaient légalement, violant ainsi l'article 1147 du Code civil ;

2 ) que selon l'article 4 du nouveau Code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions des parties, lesquelles sont fixées par leurs conclusions ; que dans leurs conclusions, ni la société KSB, ni la société SNEA n'ont prétendu que la commune de Vigneux-sur-Seine et la SAVEM ne pouvaient être indemnisées de l'insuffisance de débit de l'installation de géothermie parce que d'autres personnes seraient intervenues dans l'utilisation de la géothermie parce que d'autres personnes seraient intervenues dans l'utilisation de la géothermie, que d'autres sociétés non parties à l'instance auraient été chargées de la gestion des installations et que l'usager serait la seule victime ; qu'en refusant pour ces motifs d'indemniser la ville de Vigneux-sur-Seine et la SAVEM de l'insuffisance de débit de l'installation de géothermie et en donnant à l'expert commis la mission susmentionnée, la cour d'appel a modifié les termes du litige, violant ainsi l'article 4 du nouveau Code de procédure civile et excédé ses pouvoirs ;

Mais attendu que la faculté d'ordonner une mesure d'instruction relève du pouvoir discrétionnaire des juges du fond ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les deux moyens du pourvoi n° C 02-20.503, réunis :

Attendu que la société Le GAN fait grief à l'arrêt de retenir la responsabilité de la société KSB et la garantie de son assureur, alors, selon le moyen :

1 ) que la police d'assurance excluait la garantie de l'assureur pour le simple défaut de performance par rapport à la commande, sauf à ce qu'il découle d'un vice caché ; qu'ayant retenu que l'installation avait toujours fonctionné normalement, sauf pour certains mois de l'année où elle avait fait preuve d'un manque de performances, la cour d'appel a condamné la société KSB sur le fondement de l'article 1147 du Code civil, excluant ainsi nécessairement l'hypothèse d'un vice caché ; qu'en retenant néanmoins la garantie du GAN pour les dommages immatériels liés à ce défaut de performance, du fait qu'il aurait constitué un vice caché du bien livré, la cour d'appel a violé ensemble les articles 1134, 1147 et 1641 du Code civil ;

2 ) que le vice caché est le défaut qui rend la chose impropre à sa destination normale ; qu'en se bornant à relever que les vibrations de l'installation ne s'étaient révélées qu'après plusieurs mois de fonctionnement, pour retenir l'existence d'un vice caché de l'installation de la société KSB, et considérer comme acquise la garantie du GAN au titre des dommages immatériels découlant d'un tel vice, sans rechercher si ces vibrations avaient rendu l'installation impropre à sa destination normale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1641 du Code civil ;

3 ) que la cour d'appel affirmait que les vibrations avaient entraîné un défaut de performances de l'installation, mais que celle-ci avait néanmoins toujours fonctionné, à défaut de pouvoir atteindre le rendement maximal contractuellement fixé ; qu'il en résultait que l'installation n'était pas impropre à sa destination normale, et que les désordres constituaient un défaut de conformité aux stipulations contractuelles, exclu du champ d'application de la garantie du GAN ;

qu'en retenant néanmoins que les vibrations de l'installation constituaient un vice caché du bien livré, pour en déduire que la garantie du GAN était acquise au titre des dommages immatériels découlant de ce vice, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé, par refus d'application, les articles 1134 et 1147 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu que l'insuffisance de débit et les vibrations affectant l'installation, qui ne pouvait être exploitée en l'état avec sécurité et fiabilité au-delà d'un certain seuil, ne s'étaient révélées qu'après plusieurs mois de fonctionnement, la cour d'appel, qui n'a pas retenu que la responsabilité des locateurs d'ouvrage ait été engagée au titre de non-conformités aux stipulations contractuelles, et qui a effectué la recherche prétendûment omise, a pu en déduire que les dommages provenaient d'un vice caché, et que la garantie de l'assureur était due, par application des articles 3.15 et 4.1 des conditions particulières de la police ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° V 02-20.887 :

Attendu que la société KSB fait grief à l'arrêt de retenir l'existence d'un contrat d'entreprise et non d'un contrat de vente, alors, selon le moyen :

1 ) que les juges du fond doivent en toutes circonstances faire respecter et respecter eux-mêmes le principe de la contradiction ;

qu'en relevant, pour retenir la qualification de contrat d'entreprise au détriment de celle de vente, que les parties avaient de façon non équivoque entendu placer leurs relations contractuelles sous le régime du contrat d'entreprise de sorte qu'il n'y avait pas lieu d'avoir égard aux critères habituels de qualification du contrat d'entreprise, la cour d'appel a statué par un moyen relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à s'expliquer sur ce point, en violation de l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;

2 ) que constitue un contrat de fournitures soumis au régime de la vente la convention aux termes de laquelle une collectivité publique choisit sur le catalogue du fabricant un produit standard de pompage qui répond spécifiquement aux caractéristiques de l'ouvrage à l'intérieur duquel cet ensemble doit être placé, sans aménagement particulier autre que l'agencement des éléments vendus entre eux ; qu'en adoptant éventuellement les motifs des premiers juges soumettant la convention au régime du contrat d'entreprise sans répondre aux conclusions de la société KSB signifiées le 30 mai 2002 faisant valoir d'abord que l'ensemble de pompage avait été choisi par le donneur d'ordre après que celui-ci eut défini les caractéristiques du puits et ensuite qu'il convenait de distinguer le puits lui-même qui constitue un ouvrage et l'équipement de pompage fabriqué en série et livré par le vendeur au vu des exigences techniques qui lui avaient été fournies par les documents contractuels, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé que les parties avaient, par contrat du 11 mars 1985, entendu placer leurs relations contractuelles sous le régime du marché de travaux en se soumettant notamment au cahier des clauses administratives particulières qui prévoyait la fourniture et la mise en place de divers équipements, la cour d'appel a pu en déduire, sans violer le principe de la contradiction, et sans être tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, que les sociétés SAVEM et KSB avaient conclu un contrat d'entreprise ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.