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Décisions

CA Agen, ch. civ., 7 septembre 2022, n° 21/00527

AGEN

Arrêt

CA Agen n° 21/00527

6 septembre 2022

FAITS :

Par acte sous seing privé du 12 novembre 1998, la SCI Foncière d'Auch a donné à bail commercial à la SA Compagnie Européenne du Vêtement (devenue ensuite la SA La Halle), pour une durée de 9 ans, un bâtiment à usage de commerce, stockage et services constituant le lot n° 3 d'un ensemble immobilier situé [Adresse 10], d'une surface de 920 m² et de 142 m² pour le stockage, afin que le preneur y exerce une activité de vente de tous articles concernant l'équipement de la personne, et notamment chaussures et/ou vêtements, textiles, prêt à porter, maroquinerie, accessoires, bonneterie, à l'enseigne 'La Halle aux Vêtements'.

Le prix annuel du bail a été fixé à la somme de 720 000 F (soit 109 763,29 Euros) hors taxes et charges, payable par quart et d'avance, avec indexation à l'expiration de chaque période annuelle, en fonction de la variation de l'indice trimestriel du coût de la construction.

Les parties ont renouvelé le bail à effet du 15 avril 2008, jusqu'au 14 avril 2017.

Par acte d'huissier du 11 janvier 2017, la SA La Halle a signifié à la SARL Clayes Invest (venant aux droits de la SCI Foncière d'Auch) une demande de nouvellement du bail à effet du 15 avril 2017 pour une nouvelle durée de 9 années.

A défaut d'accord sur le nouveau prix du bail, le 12 avril 2019, la SA La Halle, a signifié au bailleur une demande de fixation du prix du bail à la somme annuelle de 49 510 Euros, au motif que ce montant était conforme à la valeur locative puis, à défaut d'accord, a saisi le président du tribunal de grande instance d'Auch en application de l'article R. 145-23 du code de commerce, afin de le faire fixer à ce montant.

Par acte du 5 juillet 2019, la SA La Halle a fait assigner la SARL Clayes Invest devant le président du tribunal de grande instance d'Auch, juge des loyers commerciaux, à cette fin.

Par jugement rendu le 1er octobre 2019, le juge des loyers commerciaux, avant-dire droit sur le fond, a ordonné une expertise confiée à [W] [F] afin de rechercher les éléments permettant la détermination de la valeur locative des locaux.

M. [F] a établi son rapport le 2 avril 2020.

Il a proposé la fixation de la valeur locative annuelle hors taxes à 65 600 Euros.

Le 2 juin 2020, le tribunal de commerce de Paris a prononcé le redressement judiciaire de la SA La Halle.

Les Selarl AJRS et FHB, administrateurs judiciaires, et la SCP BTSG2, mandataire judiciaire, sont intervenues à la poursuite de l'instance devant le juge des loyers commerciaux.

Les administrateurs judiciaires ont résilié le bail commercial à effet du 31 juillet 2020.

Le 30 octobre 2020, la SA La Halle a été placée en liquidation judiciaire.

La SCP BTSG2 et la Selarl Axyme, liquidateurs judiciaires, sont intervenues à l'instance.

Par jugement rendu le 2 mars 2021, le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire d'Auch a :

- reçu en leurs interventions la société B.T.S.G.2, prise en la personne de Me [H] [P] et la société Axyme, prise en la personne de Me [B] [L], es-qualités de liquidateurs judiciaires de la société La Halle,

- fixé à 65 000 Euros HT/an en principal le loyer du bail en renouvellement au 15 avril 2017, dont bénéficie la société La Halle sur les locaux situés [Adresse 10] (lot n° 3),

- condamné la société Clayes Invest à rembourser à la SAS La Halle les trop-perçus de loyers depuis le 15 avril 2017, avec les intérêts au taux légal à compte du mémoire préalable en date du 11 avril 2019 puis à compter de chaque échéance trimestrielle,

- condamné la société Clayes Invest à verser la somme de 5 000 Euros à la SAS La Halle sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Clayes Invest aux entiers dépens qui comprendront les frais d'expertise (3 000 Euros), les frais d'assignation devant le juge des loyers commerciaux (70,67 Euros) et les frais de signification du jugement,

- rejeté toute autre demande plus ample ou contraire,

- ordonné l'exécution provisoire.

Le juge des loyers a, essentiellement, pris en compte le fait qu'il n'existe pas de parking pour la clientèle ; qu'il n'y avait pas lieu d'appliquer de décote pour prise en charge par le locataire de la taxe foncière compte tenu des usages locaux qui la prennent en compte au titre de la valorisation unitaire ; qu'il existe une enclave, sans cloisonnement physique, dans un lot appartenant à un tiers ; et que les valeurs locatives sont à la baisse dans la ville d'[Localité 9].

Par acte du 12 mai 2021, la SARL Clayes Invest a déclaré former appel du jugement en désignant la Selarl Axyme, es-qualité de liquidateur judiciaire de la SAS La Halle, et la SCP BTSG2, es-qualité de mandataire liquidateur de la SAS La Halle, en qualité de parties intimées et en indiquant que l'appel porte sur la totalité du dispositif du jugement, qu'elle cite dans son acte d'appel.

La clôture a été prononcée le 13 avril 2022 et l'affaire fixée à l'audience de la Cour du 4 mai 2022.

PRETENTIONS ET MOYENS :

Par dernières conclusions notifiées le 7 avril 2022, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, la SARL Clayes Invest présente l'argumentation suivante :

- Sur les locaux eux-mêmes :

* la surface d'exploitation réelle est de 1 052 m² et l'expert a appliqué un coefficient de pondération de 0,1 pour une zone à droite du local au motif qu'elle est théoriquement inexploitable alors qu'elle est pourtant exploitée en surface de vente de sorte que la surface pondérée à prendre en compte doit être portée à 952,6 m².

* l'enclave non cloisonnée n'a pas d'incidence particulière.

* l'activité pouvant être exercée est assez étendue.

- L'absence de parking dédié ne doit pas avoir d'incidence sur la valeur locative :

* la SA la Halle a pris les locaux à bail sans faire du parking une nécessité.

* elle relève de la stratégie commerciale de la SA la Halle consistant à s'implanter en périphérie des centres-villes.

* il n'existait aucune difficulté réelle pour stationner en 2017, sans qu'il ne puisse être tenu compte d'événements postérieurs.

- Les facteurs locaux de commercialité sont bons :

* les locaux bénéficient d'une bonne visibilité dans une zone commerciale à proximité d'autres enseignes, dont certaines très attirantes comme Mac Donald's et Lidl.

* la localisation est adaptée à la clientèle populaire.

* l'expert a écarté sans motif un bail conclu avec la société Casa, dont le magasin est contigu et qui fait ressortir un prix de 166 Euros/m², en retenant une valeur baissée à 85 Euros/m², alors que les éléments de comparaison qu'il a fournis conduisent à une valeur moyenne de 148,25 Euros et une valeur médiane de 131,50 Euros et qu'il a proposé, dans le litige pour la seconde partie des locaux appartenant à la SCI Vingt et Un, une valeur de 105 Euros cette société ayant conclu un nouveau bail, pendant la crise sanitaire, sur la base d'une valeur locative de 115 Euros.

* elle a pu donner à nouveau à bail ses locaux à effet du 23 mai 2021 pour un prix de 132,25 Euros/m² avec taxe foncière à la charge du preneur.

* il faut retenir une valeur de base de 158 131,60 Euros/an.

- Un coefficient de majoration de 5 % doit être appliqué pour tenir compte de la possibilité de sous-louer.

- Les abattements invoqués par la SA La Halle ne sont pas justifiés :

* la mise de la taxe foncière à la charge du preneur est habituelle et les valeurs locatives incluent déjà cet élément.

* le respect des normes, et les travaux qui peuvent être imposés par l'administration, n'ont pas d'incidence sur la valeur locative.

* le prix du bail doit être fixé à 166 038,18 Euros/an/HT/HC ou à 162 731,05 Euros.

- La demande de remboursement du dépôt de garantie ne peut être admise :

* cette demande est nouvelle en appel, et se heurte à la prohibition de l'article 564 du code de procédure civile.

* ce remboursement pouvait cependant être sollicité devant le premier juge, les locaux ayant été restitués le 30 juillet 2020.

* il n'existe pas de lien suffisant entre cette demande et la fixation du loyer renouvelé.

- Les locaux n'ont pas été restitués en bon état :

* un procès-verbal de restitution auquel le preneur a été appelé le 16 septembre 2020 atteste du mauvais état des locaux.

* elle a été contrainte d'accorder à son nouveau locataire une remise de 4 mois de loyers pour qu'il puisse procéder à une remise en état, soit 40 326 Euros.

Au terme de ses conclusions, elle demande à la Cour de :

- infirmer le jugement sauf en ce qu'il a rejeté les contestations présentées par la SAS La Halle,

- fixer le loyer du bail renouvelé à compter du 15 avril 2017 à la valeur locative soit 166 038,18 Euros/HT/an, ou subsidiairement à la valeur indicielle soit 162 731,05 Euros,

- condamner la SAS La Halle, prise en la personne de ses liquidateurs à lui payer la somme de 7 000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance,

- déclarer irrecevable la demande de restitution du dépôt de garantie,

- subsidiairement et reconventionnellement :

- condamner la SAS La Halle prise en la personne de ses liquidateurs à lui payer la somme de 40 326 Euros en réparation de la perte de loyers subie du fait du mauvais état des locaux, à compenser avec le dépôt de garantie,

- en tout état de cause :

- débouter la SAS La Halle prise en la personne de ses liquidateurs de leurs demandes et la condamner à lui payer la somme de 8 000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposé en appel, et mettre les dépens à sa charge avec distraction.

Par dernières conclusions notifiées le 23 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, la SCP BTSG2 et la Selarl Axyme, es-qualités de liquidateurs judiciaires de la SAS La Halle, présentent l'argumentation suivante :

- La valeur locative a baissé :

* la ville d'[Localité 9] souffre d'une baisse d'attractivité du fait de la proximité de [Localité 13] dont l'attrait augmente.

* les locaux sont situés dans une zone commerciale de second plan.

* il existe un grave problème de stationnement : il n'existe pas de parking dédié et le stationnement est gratuit et est monopolisé par les personnes travaillant en ville, comme l'expert l'a expliqué en détail.

- Le prix de base à retenir :

* la surface pondérée a été calculée à 908 m² et il existe une zone enclavée qui n'est pas incluse dans le bail, même si elle est exploitée.

* l'expert a proposé un prix de base de 85 Euros/m² sans retenir la référence au bail Casa qui date du 1er janvier 2011 et les estimations à 148,25 Euros et 131,50 Euros avancées par la SARL Clayes Invest correspondent à des locaux mieux situés.

* le prix du bail de la SCI Vingt et Un est supérieur car les locaux voisins sont plus petits, le nouveau bail signé par cette société stipule un prix inférieur de 30 % au loyer précédent et s'il est plus élevé que l'évaluation faite par le juge des loyers, c'est suite à la modification de certaines clauses du bail, le locataire pouvant par exemple sous-louer et bénéficie de places de parking à l'arrière.

* le prix du nouveau bail conclu par la SARL Clayes Invest atteste d'une baisse de 30 % pour le lot n° 3, même s'il est supérieur au prix fixé par le juge des loyers compte tenu également de la modification de clauses au profit du locataire.

- Des coefficients doivent être appliqués :

* - 5 % pour la situation d'enclavement d'une partie des locaux imposé par le règlement de copropriété.

* - 10 % pour l'absence de parking.

* - 5 à 10 % pour prise en charge par le preneur de la taxe foncière sans contrepartie, à caractère impératif peu important les usages, et cet abattement n'ayant pas été pratiqué sur les valeurs de références, ce qui exclut toute double déduction.

* - 10 % pour travaux de mises aux normes imposés par l'autorité administrative supportés par le preneur.

* - 5 % au titre des frais de gestion de l'immeuble mis à la charge du preneur, qui ne sont pas inclus dans le périmètre d'interdiction du nouvel article R. 145-35 du code de commerce.

- Le dépôt de garantie doit lui être restitué :

* le juge des loyers n'était pas compétent sur ce point, mais compte tenu de la plénitude de juridiction de la Cour, cette demande peut être présentée en appel, dès lors qu'elle est en lien avec le litige sur l'exécution du bail.

* ce dépôt d'un montant de 45 285,18 Euros ne lui a toujours pas été restitué alors que les locaux ont été libérés.

- La demande de dommages et intérêts ne peut être admise :

* la créance correspondante n'a pas été déclarée au passif de la liquidation judiciaire.

* la franchise de loyers invoquée ne correspond pas à la somme réclamée et le nouveau bail se limite à faire référence à une remise à titre commercial.

* le montant réclamé ne repose sur aucun chiffrage objectif et les défaillances résultant de la vétusté, seules constatées par l'huissier, ne sont pas à la charge du preneur.* le nouveau bail a nécessité un réaménagement des locaux.

Au terme de leurs conclusions, elles demandent à la Cour de :

- déclarer la demande de dommages et intérêts irrecevable pour non déclaration au passif,

- infirmer le jugement sur le montant du loyer,

- fixer à 44 812 Euros le loyer annuel en renouvellement au 15 avril 2017,

- confirmer le jugement pour le surplus,

- condamner la SARL Clayes Invest à leur rembourser la somme de 45 285,18 Euros au titre du dépôt de garantie outre 4 000 Euros chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- mettre les dépens à la charge de l'appelante.

MOTIFS :

1) Sur le loyer renouvelé :

Aux termes de l'article L. 145-33 du code de commerce, le montant des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative ; à défaut d'accord cette valeur est déterminée d'après les caractéristiques du local considéré, la destination des lieux, les obligations respectives des parties, les facteurs locaux de commercialité, les prix couramment pratiqués dans le voisinage.

Selon l'article R. 145-6 du même code, les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire.

Enfin, le prix du bail à renouveler s'apprécie à la date du renouvellement.

En l'espèce, en premier lieu, l'expert judiciaire a situé et décrit ainsi les locaux donnés à bail commercial à la SAS La Hall- le bâtiment dépend d'une copropriété des parcelles cadastrées [Cadastre 7] et [Cadastre 1], [Cadastre 8] et [Cadastre 4].

- le lot n° 1 est occupé la société Casa, le lot n° 2 par la SAS La Halle aux chaussures, ces lots étant la propriété de la SARL Clayes Invest.

- la SAS La Halle occupe également le lot n° 3 appartenant à la SARL Clayes Invest, en litige, dans lequel se situe, sans séparation physique, le lot n° 4 appartenant à la SCI Vingt et Un.

- le local en litige est ainsi composé de 2 lots distincts appartenant à des propriétaires différents, objets de 2 baux commerciaux différents.

- les locaux sont situés en retrait de l'avenue de l'Yser.

- le lot n° 3 est entièrement consacré à la surface de vente.

- les locaux sont constitués d'une construction type 'boîte' avec bardage double peau, couverture et bac acier, avec façade partiellement vitrée d'environ 11 m et 25 m de profondeur, parquet flottant, murs peints en bon état et climatisés.

- la copropriété ne dispose d'aucun parking privatif.

Par application de la charte de l'expertise en évaluation immobilière (5ème édition, mars 2017) il a calculé que la surface utile pondérée est de 908 m² selon les éléments suivants :

- surface de vente d'origine incluant les cabines d'essayage : 860 m² retenue pour la totalité de la surface,

- surface de stockage : 142 m² soit 42,60 m² après application d'un coefficient de 0,3,

zone à droit du local théoriquement inexploitable : 50 m² soit 5 m² après application d'un coefficient de 0,1. L'appelante conteste l'application de ce dernier coefficient.

Le mécanisme de la pondération consiste à évaluer l'intérêt pour l'activité d'une surface réelle, comme le prévoit l'article R. 145-3 du code de commerce.

La zone en question est constituée d'une bande d'une largeur moyenne de 1,50 m qui se situe entre le lot n° 4 appartenant à la SCI Vingt et Un, et le mur extérieur.

Or, cette situation est purement juridique, aucune séparation physique n'existant entre les lots n° 3 et 4 de sorte que toute la surface, y compris cette bande, est exploitée normalement.

Si cette situation peut donner lieu à un abattement (voir plus bas), il n'y a pas lieu de prendre en compte une pondération compte tenu qu'il s'agit d'une surface de vente complète et utile, semblable à la surface de vente d'origine

Par conséquent, comme le réclame l'appelante, la surface utile pondérée sera fixée à 952,60 m².

En deuxième lieu, l'expert judiciaire a constaté les éléments suivants :

- la ville d'[Localité 9], préfecture du Gers, a perdu des habitants (23 136 habitants en 1990 contre 21 618 en 2016).

- la communauté d'agglomération créée en janvier 2017 comporte 38 418 habitants répartis sur 34 communes, représentant une densité de population de 63,8/habitants/km², contre 104,9/habitants/km² de moyenne en France métropolitaine.

- le taux de logements vacants est de 13,8 sur [Localité 9] contre 8,1 en moyenne en France.

- le revenu moyen des auscitains est inférieur à celui de la communauté d'agglomération, lui-même inférieur à la moyenne nationale.

- le taux de chômage est de 15,5 %.

- la ville d'[Localité 9], située seulement à une heure de [Localité 13] comme d'[Localité 6] est en perte de vitesse dans un département agricole connaissait des difficultés.

- les locaux en question sont situés dans la 'ville basse' en dehors des deux principaux pôles d'activité qui se situent au [Localité 11], sur la [Localité 12], où sont installées des enseignes comme Hyper-Leclerc, Décathlon, Conforama, Kiabi, Centrakor, et au Sud autour d'un hypermarché Carrefour.

- les locaux en litige sont implantés en retrait de l'avenue de l'Yser, sans réelle lisibilité des enseignes, et l'emplacement doit être qualifié de très secondaire avec une faible attractivité, malgré la présence des enseignes Mac Donald's et Lidl.

En troisième lieu, l'expert a examiné les loyers commerciaux couramment pratiqués dans la zone.

Il a précisé que compte tenu du nombre très limité de commerces dans cette zone et même dans la ville, il est difficile de calculer une moyenne mathématique aussi aisément que dans une grande métropole.

Il a écarté la référence d'ordre général à 'l'argus de l'enseigne' invoquée par la SAS La Halle en indiquant que les éléments proposés n'étaient pas adaptés à la ville d'[Localité 9].

L'appelante invoque le nouveau bail conclu pour ses locaux à compter du 23 mai 2021 d'un montant de 132,25 Euros/m², mais cette référence est postérieure de plusieurs années à la date à laquelle le renouvellement en litige doit s'apprécier et il est possible que les facteurs locaux de commercialité se soient améliorés dernièrement.

Il en est de même du nouveau bail conclu avec la SCI Vingt et Un qui, désormais, intègre des places de parking.

L'expert judiciaire a pris en compte :

- Dans la même zone :

- enseigne Bastide Médical, surface 362 m², 28 avenue de l'Yser, taxe foncière à la charge du preneur : excellente visibilité bénéficiant du trafic pénétrant dans l'agglomération : 140 Euros/m².

- enseigne Casa, surface 292 m², taxe foncière à la charge du preneur, 183 Euros/m² mais l'expert n'a pas retenu ce montant en indiquant que le prix avait été fixé en 2011, avant la baisse des facteurs locaux de commercialité et qu'il n'y était plus adapté à ceux-ci. L'appelante, qui avait produit l'ancien bail, ne communique d'ailleurs pas le nouveau bail ayant pris effet en 2020, ce qui indique que l'observation de l'expert est exacte.

- Dans la zone Sud de l'hypermarché Carrefour :

- enseigne Districenter, surface 828 m², 132 Euros/m²

- enseigne Blue Box, surface 561 m², 128 Euros/m²

- enseigne La Grande Récré : surface 765 m², 125 Euros/m²

- En centre ville :

- boutique située rue Dessole, principale rue commerçante et piétonne de la 'ville haute', à côté de la cathédrale : 165 Euros/m².

- boutique d'optique rue de Lorraine, en première ligne avec saillie sur le trottoir, dans le secteur en développement sur rive gauche : 229 Euros/m²

- superette Casino très bien placée en ville basse : 108/Euros/m².

Il a déterminé un prix moyen applicable au local en litige à 85 Euros/m², prenant en compte une décote pour mise à la charge du preneur de la taxe foncière, soit un prix annuel HT qui sera relevé à 952,60 x 85 Euros = 80 971 Euros.

En cinquième lieu, à partir de ce chiffre, il sera procédé aux corrections suivantes de la valeur locative :

1) Décote de 5 % pour enclave (réclamée par les intimées) :

Cette décote est appliquée pour tenir compte de l'enclave dans le lot n° 3 du lot n° 4 appartenant à un tiers.

Même s'il n'existe pas de séparation physique entre les lots n° 3 et 4 et si la SAS La Halle a exploité les lots comme s'ils n'en constituaient qu'un seul, il n'en reste pas moins qu'une partie du magasin est constitué d'un lot qui n'appartient pas au même bailleur que le lot n° 3.

Il s'agit d'une situation atypique qui soumet le preneur à deux baux distincts signés avec des propriétaires différents, ce qui est de nature à créer une instabilité pour le locataire si le bail portant sur le lot n° 4 n'était pas renouvelé ou si le bailleur donnait congé, ce qui rendrait alors difficile la poursuite de l'exploitation sur le seul lot n° 3.

L'abattement de 4 048,55 Euros est justifié, ce qui diminue le prix annuel du bail à : 80 971 - 4 048,55 = 76 922,45 Euros.

2) Décote de 10 % pour absence de parking dédié (réclamée par les intimées) :

Le lot n° 3 ne dispose pas de son propre parking.

L'expert a identifié dans la zone un total de 76 places de stationnement et il a constaté, lors de sa venue sur les lieux, de réelles difficultés de stationnement compte tenu que les places de stationnement sont en réalité utilisées par des tiers, au point que l'enseigne Mac Donald's, qui dispose d'une aire de stationnement privative, l'a clôturée pour le réserver à sa seule clientèle, ce que n'a pas fait la SCI Vingt et Un.

Il a noté que s'il existe un vaste parking situé à 500 mètres avec une navette gratuite, il est peu utilisé et ne correspond pas aux habitudes locales qui consistent à pouvoir stationner à proximité immédiate de son lieu de destination.

L'abattement de 8 097,10 Euros est justifié qui diminue le prix annuel du bail à 76 922,45 - 8 097,10 = 68 825,35 Euros.

3) Décote pour mise à la charge du preneur de la taxe foncière (réclamée par les intimées) :

Il est exact que le paiement de la taxe foncière, qui incombe par principe au bailleur, constitue un facteur de diminution de la valeur locative lorsqu'il est mis à la charge du preneur indépendamment des usages.

En effet, selon l'article R. 145-8 du code de commerce, les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci s'est déchargé sur le locataire constituent un facteur de diminution de la valeur locative.

Toutefois, en l'espèce, l'expert a expliqué que le calcul de la valeur locative de base à 85 Euros/m² est fait au vu d'éléments de comparaison qui tiennent déjà compte de la mise à la charge du preneur de la taxe foncière, de sorte que l'abattement est déjà pris en compte.

Il ne peut donc faire l'objet d'un nouvel abattement.

4) Décote pour clause relative aux travaux de mises aux normes (réclamée par les intimées) :

Le bail contient la clause suivante, s'agissant du preneur :

'Il fera son affaire personnelle, dès à présent et pendant toute la durée du bail, de leur maintien en conformité au regard de toutes les réglementations administratives et de police applicables tant auxdits locaux qu'à l'activité qui sera exercée'

Par cette clause, la SARL Clayes Invest s'est déchargée sur la SAS La Halle de l'exécution des travaux pouvant être imposés par l'administration, alors qu'ils sont par principe à la charge du bailleur au titre de l'obligation de délivrance, que ce soit lors de la conclusion du bail ou au cours de son exécution.

Lors du renouvellement, le preneur était ainsi exposé à devoir faire face à des mises en conformité pouvant résulter de l'évolution de la réglementation.

Un nouvel abattement limité à 2 %, soit 1 619,42 Euros tenant compte toutefois de la faible probabilité d'une injonction de mise aux normes et du fait que, selon l'article R. 145-35-2° du code de commerce dans sa rédaction issue du décret du 3 novembre 2014, aucune grosse réparation à ce titre ne peut plus être mise à la charge du locataire, sera appliqué.

Le prix annuel HT du bail sera ainsi diminué à 68 825,35 - 1 619,42 = 67 205,93 Euros.

5) Décote pour clause relative aux frais de gestion de l'immeuble (réclamée par les intimées) :

Le bail contient la clause suivante :

'Le preneur remboursera de même la quote-part des salaires et charges concernant tout le personnel affecté aux lieux loués, tels que les gardiens, personnels de nettoyage, administration, ainsi que les avances permanentes de trésorerie appelées par le syndic et les honoraires de gestionnaire de l'immeuble.'

Par cette clause, la SARL Clayes Invest s'est déchargée sur la SAS La Halle de certains frais de gestion qui, en principe, incombent au propriétaire.

Toutefois, selon l'article R. 145-35 du code de commerce, les honoraires de gestion des loyers du local ou de l'immeuble mis à bail ne peuvent être imputés au locataire.

La clause reste ainsi valide pour ce qui concerne les frais autres que ceux relatifs à la gestion de l'immeuble.

Un nouvel abattement de 1 %, soit 809,71 Euros, tenant compte du faible montant pouvant être mis à la charge du preneur, sera appliqué.

Le prix annuel HT du bail sera ainsi diminué à 67 205,93 - 809,71 = 66 396,22 Euros.

6) Réhaussement pour possibilité de sous-louer (réclamé par l'appelante) :

L'appelante réclame un réhaussement de 5 % au motif que le preneur peut sous-louer les locaux.

Mais, au contraire, le bail stipule en page 11 'Le preneur ne pourra sous-louer en tout ou partie les locaux loués, ni se substituer toute personne physique ou morale dans les lieux loués.'.

Il n'y a donc pas lieu d'appliquer ce réhaussement.

Le prix annuel du bail HT sera fixé à 66 396,22 Euros.

Le jugement sera réformé sur le prix du bail ainsi que sur le point de départ des intérêts de restitution qui courent à compter de la délivrance de l'assignation en fixation du prix à l'initiative du bailleur, soit le 5 juillet 2019.

2) Sur la demande de restitution du dépôt de garantie :

Vu les articles 564 et 566 du code de procédure civile,

La SAS La Halle présente, pour la première fois en appel, une demande de restitution du dépôt de garantie.

Elle ne constitue ni l'accessoire, ni la conséquence, ni le complément de la demande de fixation du prix du bail renouvelé.

Par suite, elle doit être déclarée irrecevable, peu important que la SA La Halle prétende n'avoir pu la présenter devant le juge des loyers compte tenu de la compétence restreinte de cette juridiction, et indépendamment de la plénitude de juridiction de cette Cour.

3) Sur l'état de restitution des locaux :

Selon l'article L. 622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture d'une procédure collective interrompt toute action en justice de la part de tous les créanciers tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.

Selon l'article L. 622-24 du même code, à partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement, à l'exception des salariés, adressent leurs déclarations de créances au mandataire judiciaire.

Selon l'article L. 622-26 du même code, à défaut de déclaration, les créances non déclarées régulièrement sont inopposables au débiteur.

Il en résulte en l'espèce que, dès lors que la SARL Clayes Invest n'allègue pas, et a fortiori ne justifie pas, avoir déclaré à la procédure collective sa créance invoquée d'un montant de 40 326 Euros à l'encontre de la SAS La Halle, laquelle trouve son origine dans le contrat de bail, cette demande est irrecevable.

Enfin, l'équité nécessite de condamner l'appelante à payer à l'intimée la somme de 3 000 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

- la Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

- CONFIRME le jugement, SAUF en ce qu'il a :

- fixé à 65 000 Euros HT/an en principal le loyer du bail en renouvellement au 15 avril 2017, dont bénéficie la société La Halle sur les locaux situés [Adresse 10] (lot n° 3),

- condamné la société Clayes Invest à rembourser à la SAS La Halle les trop-perçus de loyers depuis le 15 avril 2017, avec les intérêts au taux légal à compte du mémoire préalable en date du 11 avril 2019 puis à compter de chaque échéance trimestrielle,

- STATUANT à nouveau sur les points infirmés,

- FIXE le prix annuel hors taxes du bail renouvelé à compter du 15 avril 2017 à 66 396,22 Euros ;

- CONDAMNE la SARL Clayes Invest à rembourser à la SCP BTSG2 et la Selarl Axyme, es-qualité de liquidateurs judiciaires de la SAS La Halle, les trop-perçus de loyers depuis le 15 avril 2017 avec intérêts au taux légal à compter du 5 juillet 2019, puis à compter de chaque échéance ;

- Y ajoutant,

- DECLARE la demande de restitution du dépôt de garantie présentée par la SCP BTSG2 et la Selarl Axyme, es-qualité de liquidateurs judiciaires de la SAS La Halle, irrecevable ;

- DECLARE la demande d'indemnisation pour dégradations imputables au preneur présentée par la SARL Clayes Invest irrecevable ;

- CONDAMNE la SARL Clayes Invest à payer à la SCP BTSG2 et la Selarl Axyme, es-qualité de liquidateurs judiciaires de la SAS La Halle, la somme totale de 3 000 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE la SARL Clayes Invest aux dépens de l'appel.

- Le présent arrêt a été signé par Claude GATÉ, présidente, et par Charlotte ROSA, adjointe administrative faisant fonction de greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.