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Décisions

Cass. 3e civ., 9 janvier 1991, n° 89-12.706

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Senselme

Rapporteur :

M. Chapron

Avocat général :

M. Dubois de Prisque

Avocats :

Me Boulloche, Me Copper-Royer, Me Choucroy, Me Odent, SCP Célice et Blancpain, SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde

Angers, du 10 janv 1989

10 janvier 1989

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 10 janvier 1989), que la caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Sarthe (CRCAMS) a fait édifier, en 1971-72, un immeuble sous la maîtrise d'oeuvre de M. X..., architecte, le lot menuiserie métallique et vitrerie étant confié à la société Pantz et Laon, laquelle a sous-traité le lot vitrerie à la Société française du verre (SFV), ces deux entreprises étant assurées après de la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) ; que les doubles vitrages ont été fournis par la société Boussois et le mastic par la société Auxiglass ; que la réception provisoire, avec des réserves pour certains vitrages, est intervenue le 29 mars 1973, la réception définitive étant effectuée le 26 avril 1974 ; que des désordres ayant affecté les doubles vitrages, la CRCAMS a, en mars 1984, assigné M. X..., la société Pantz et Laon, représentée par le syndic à la liquidation de ses biens, et la SMABTP, puis en novembre 1984, a appelé en cause la SFV et les sociétés Boussois et Auxiglass ;

Attendu que la CRCAMS fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecebable son action dirigée contre les sociétés Boussois et Auxiglass sur le fondement de la non-conformité des produits livrés, alors, selon le moyen, 1° que la CRCAMS, maître de l'ouvrage, disposait contre les fabricants, les société Auxiglass et Boussois, d'une action directe fondée sur la non-conformité de la chose livrée ; que les sociétés Auxiglass et Boussois avaient remis des vitrages et du mastic non conformes au contrat en raison de leur mauvaise fabrication ; que ces produits ne répondaient pas aux caractéristiques en considération desquelles le contrat avait été conclu ; que la CRCAMS pouvait donc leur demander réparation dans le délai de droit commun de trente ans ; que la cour d'appel d'Angers n'a pas justifié sa décision vis-à-vis des articles 1603, 1604, 1641 et suivants du Code civil ; 2° que les faits étaient antérieurs à la parution de la loi du 3 janvier 1977 ; que la CRCAMS est un organisme régi par le Code rural ; qu'elle ne se trouvait donc pas soumise à la prescription commerciale ; que la cour d'appel a violé l'article 189 bis ancien du Code de commerce ; 3° que la cour d'appel n'a pas dans le même temps répondu aux conclusions formées sur ce point ni satisfait aux prescriptions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que les sociétés Boussois et Auxiglass étaient en droit d'opposer à la CRCAMS, exerçant une action de nature contractuelle, tous les moyens de défense qu'elles pourraient opposer à leur propre cocontractant, la cour d'appel, qui a retenu que la SFV, qui, dans ses rapports avec ses fournisseurs, pouvait faire valoir la prescription de 10 ans applicable entre commerçants, pouvait opposer cette prescription à la CRCAMS, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ces chefs ;

Sur le second moyen du pourvoi formé par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Sarthe : (sans intérêt) ;

Sur le moyen unique du pourvoi formé par la SMABTP et le deuxième moyen du pourvoi formé par M. X..., réunis :

Attendu que la SMABTP et M. X... font grief à l'arrêt d'avoir déclaré la société Pantz et Laon et M. X... responsables in solidum des désordres affectant les doubles vitrages des parties fixes et des parties mobiles, alors, selon le moyen, 1° qu'en se bornant à faire état de l'embuage des vitrages, sans préciser quels étaient les désordres qui affecteraient les parties fixes des fenêtres ni en quoi ces gros ouvrages seraient impropres à leur destination, la cour d'appel, qui n'a pas justifié que l'installation litigieuse aurait été, dans son ensemble, rendue impropre à sa destination, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1972 et 2270 du Code civil, dans leur rédaction issue de la loi du 3 janvier 1967, ainsi qu'au regard des articles R. 111-26 et R. 111-27 du Code de la construction et de l'habitation ; 2° que les doubles vitrages des parties ouvrantes étaient, à la différence de ceux des parties fixes, soumis à la garantie biennale de l'article 12 du décret du 22 décembre 1967, devenu l'article R. 111-27 du Code de la construction et de l'habitation, alors même qu'ils auraient été affectés du même désordre que ceux des parties fixes ; qu'ainsi, en les soumettant à la garantie décennale, la cour d'appel a violé ledit article ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a retenu que l'embuage des vitrages, qui nuisait à l'occupation normale de l'immeuble par la rétention d'humidité qui contrariait leur fonction d'isolation et par l'obstacle apporté à la vue et à la lumière et que ces désordres étaient généralisés et affectaient indistinctement les parties fixes et ouvrantes, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi formé par M. X... : (sans intérêt) ;

Et sur le troisième moyen du pourvoi formé par M. X... : (sans intérêt) ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a .. , l'arrêt rendu le 10 janvier 1989, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen.