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Décisions

CA Nancy, 5e ch., 7 septembre 2022, n° 21/02985

NANCY

Arrêt

VAL DE BRIEY, du 06 déc. 2021

6 décembre 2021

EXPOSE DU LITIGE

Selon bail commercial du 28 décembre 2000, la société de Saintignon a loué à la société Sport Boutiq des locaux situés [Adresse 1] comportant un local commercial, moyennant un loyer mensuel de 911,65 euros par mois.

Le 24 juin 2020, la société de Saintignon et la société Sport Boutiq ont signé une convention de résiliation amiable anticipée du bail, aux termes de laquelle le preneur s'est engagé à quitter les lieux au plus tard le 31 août 2020.

Par acte en date du 31 mai 2021, la bailleresse a fait assigner la société Sport Boutiq devant le président du tribunal judiciaire de Val de Briey, statuant en référés, afin de voir constater la résiliation du bail commercial le 31 août 2020, de constater la dette locative au 31 août 2021 à la somme de 7484,80 euros, ordonner l'expulsion et de condamner le preneur au paiement d'une indemnité d'occupation postérieurement à la résiliation du bail.

Suivant ordonnance contradictoire en date du 6 décembre 2021, le président du tribunal judiciaire de Val de Briey a :

- au principal renvoyé les parties à se pourvoir comme elles aviseront,

- Constaté à compter du 30 août 2020 la résiliation du bail portant sur l'immeuble situé [Adresse 1],

- ordonné l'expulsion de tout occupant des lieux ci-dessus,

- dit que le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L.433-1 et L.433-2 du code des procédures civiles d'exécution,

- fixé le montant de l'indemnité mensuelle d'occupation due par la société Sport Boutiq jusqu'à la libération complète et définitive des lieux désignés ci-dessus, au montant mensuel du loyer soit la somme de 911,65 euros, à compter du 30 août 2020, x 16 mois = 14,586, euros,

- condamné la société Sport Boutiq à payer les indemnités d'occupation à la société de Saintignon,

- Débouté la société de Saintignon de sa demande au titre de la dette locative,

- Débouté la société de Saintignon de sa demande de dommages- intérêts,

- Condamné la société Sport Boutiq aux entiers dépens de la présente instance,

- Condamné la société Sport Boutiq à payer à la société de saintignon la somme de 500 euros au titre de l'article 700 Code de Procédure Civile.

Suivant déclaration électronique transmise au greffe le 21 décembre 2021, la société Sport Boutiq a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 6 mai 2022, la société Sport Boutiq demande à la cour de :

- donner acte à la partie appelante qu'elle interjette appel

- voir et recevoir le présent appel en la forme ;

- au fond le dire fondé et justifié ;

- infirmer en toutes ses dispositions la décision entreprise et statuant à nouveau,

- dire que la jouissance des lieux a pris fin par la remise des clés à la date du 30 juin 2020.

- dire qu'il n'y a pas lieu à indemnité d'occupation et débouter la société de Saintignon de l'intégralité de ses demandes.

- infirmer la décision dont appel en ce qu'elle a condamné la concluante aux dépens et à une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et débouter la société de Saintignon de ses demandes,

- Condamner la société de Saintignon au versement de la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de la présente instance, qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de l'appelante,

- débouter la société de Saintignon de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 25 février 2022, la la société de Saintignon demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance rendue par le juge des référés près le tribunal judiciaire de Val-de-Briey le 6 décembre 2021,

- condamner l'appelante à verser la somme de 3 000 euros à la société de Saintignon à titre de dommages et intérêts,

- condamner l'appelante à verser la somme de 5 000 euros à la société de Saintignon au titre de l'article 700 code de procédure civile.

La procédure a été clôturée par ordonnance le 08 juin 2022.

Le 21 juin 2022, le conseil de la société Sport Boutiq a demandé la révocation de l'ordonnance de clôture susvisée afin de lui permettre de produire aux débats une nouvelle attestation de M. [R] [I].

MOTIFS :

Sur la demande de rabat de l'ordonnance de clôture :

En application de l'article 783 alinéa 1er du code de procédure, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion, ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats à peine d'irrecevabilité prononcée d'office. Néanmoins, l'article 784 du même code précise que l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.

En l'espèce, la transmission par l'appelante d'une nouvelle attestation de M. [R] [I], laquelle a été rédigée postérieurement à l'ordonnance de clôture initiale, constitue une cause grave justifiant le rabat de cette décision.

Au soutien de sa demande, la société Sport Boutiq justifie qu'elle était dans l'incapacité de verser aux débats l'attestation litigieuse, avant le 8 juin 2022, celle-ci étant en effet datée du 17 juin 2022. Le témoin revenant sur une partie de ses déclarations antérieures, consignées en l'espèce dans sa précédente attestation, il convient dans le souci de respecter le principe du contradictoire de permettre aux parties de faire utilement leurs observations sur ce nouveau témoignage.

Il convient pour ces motifs de faire droit à la demande et d'ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture en date du 8 juin 2022. Il y a lieu également d'ordonner de nouveau la clôture au jour du présent arrêt.

Sur la demande principale :

Conformément à l'article 872 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans la limite de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Il est constant en l'espèce que par acte sous seing privé en date du 24 juin 2020, les parties ont convenu à l'amiable de la résiliation du bail commercial les liant, au plus tard le 31 août 2020. Il est précisé que 'les parties procéderont amiablement, lors de la remise des clés, à un état des lieux de sortie contradictoire'.

Conformément à cet accord des parties, il convient de confirmer l'ordonnance déférée, en ce qu'elle a constaté la résiliation du bail portant sur l'immeuble sis [Adresse 1] à compter de la date mentionnée ci-dessus.

En revanche, en l'absence d'établissement entre les parties d'un état des lieux de sortie contradictoire, comme il est stipulé dans la convention signée le 24 juin 2020, la société de Saintignon ne rapporte pas la preuve que le locataire serait resté en possession des clés après le 31 août 2020. Si M. [R][I] a affirmé dans un premier temps que le gérant de la société Sport Boutiq détenait toujours les clés du local le jour de sa visite le 26 juin 2021, ce dernier est formellement revenu sur son témoignage dans sa seconde attestation délivrée le 17 juin 2022.

Au soutien des autres pièces pièces versées aux débats, la société de Saintignon ne rapporte pas non plus la preuve que la société Sport Boutiq se serait maintenue de manière illicite dans les lieux, après la résiliation du bail convenue entre les parties au 31 août 2020. Celles-ci ne démontrent pas en effet une occupation sans droit ni titre de ses locaux par l'appelante que se soit à des fins commerciales ou encore pour un usage privatif.

L'attestation de Mme [K] [O], locataire de l'appartement situé au dessus des locaux commerciaux, se borne en effet à constater qu'une personne relève régulièrement la boîte lettres mais n'affirme en aucune manière que ces derniers feraient toujours l'objet d'une exploitation par les anciens preneurs, ou même qu'ils seraient toujours occupés. Le témoin ne précise pas en outre que la société Sport Boutiq occuperait toujours de manière effective les locaux, ni même que celle-ci aurait conservé les clés permettant leur accès.

Par ailleurs, les photographies produites aux débats ne démontrent pas que la société Sport Boutiq occuperait encore les locaux après la résiliation amiable du bail. Celles-ci établissent au contraire que ces derniers ont été abandonnés par les locataires, lesquels ont négligé de procéder à l'évacuation de cartons d'emballage et de leurs déchets après leur départ. L'absence de libération des biens appartenant au locataire après son départ ne permet pas cependant d'établir la volonté de ces derniers de se maintenir dans les locaux anciennement loués.

Enfin, conformément à un courrier en date du 26 septembre 2020, M. [V] [Y], gérant de la société GF menuiserie, a confirmé à la société de Saintignon qu'elle renonçait à son projet de reprendre la location des locaux, après avoir indiqué sans plus de précisions : 'nous avons constaté que cette convention de résiliation n'était pas respectée'. Ce courrier ne permet pas d'établir que la société Sport Boutiq aurait conservé la jouissance des locaux. Il ne caractérise en l'espèce aucun acte d'exploitation ou d'occupation qui serait imputable aux anciens preneurs.

La société de Saintignon fait valoir en dernier que la société Sport Boutik a résilié son abonnement de fourniture d'électricité auprès de la société EDF, le 22 mai 2021, soit près de neuf mois après la date convenue de l'expiration du bail. En l'absence de production des relevés de consommation attestant d'une consommation postérieurement à la résiliation du bail, la résiliation tardive du contrat de fourniture d'électricité ne démontre pas que le locataire se serait maintenu dans les locaux après le 31 août 2020.

Il en va de même de l'indication au registre du commerce et des sociétés de son adresse postale correspondant aux locaux donnés à bail. Cette seule indication ne permet pas d'établir la preuve que la société Sport Boutiq aurait maintenu son activité commerciale dans les locaux désignés, en l'absence d'éléments probants établissant que celle-ci aurait conservé la gestion et l'exploitation de son magasin.

Il convient en conclusion d'infirmer l'ordonnance déférée, en ce qu'elle a constaté que la société Sport Boutiq était occupante sans droit ni titre, ordonné son expulsion et condamné celle-ci au paiement d'une indemnité d'occupation.

- Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure :

La société de Saintignon est condamnée aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel et déboutée de ses demandes formées au titre des frais irrépétibles de procédure exposés en première instance et en cause d'appel.

La société de Saintignon est condamnée à payer à la société Sport Boutiq la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure exposés en première instance et en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,

ORDONNE le rabbat de l'ordonnance de clôture en date du 8 juin 2022 ;

ORDONNE de nouveau la clôture de l'instruction au jour du présente arrêt ;

CONFIRME l'ordonnance entreprise, en ce qu'elle a constaté la résiliation du bail portant sur l'immeuble sis [Adresse 1] et débouté celle-ci de ses demandes formées au titre de la dette locative et de dommages-intérêts ;

L'INFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et ajoutant :

DÉBOUTE la société de Saintignon de toutes ses demandes ;

CONDAMNE la société de Saintignon à payer à la société Sport Boutiq la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure exposés en première instance et en cause d'appel ;

CONDAMNE la société de Saintignon aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Olivier BEAUDIER, Conseiller pour le président empêché à la Cour d'Appel de NANCY, et par Monsieur Ali ADJAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.