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Décisions

Cass. com., 14 septembre 2022, n° 21-11.302

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rémery

Agen, du 07 déc. 2020

7 décembre 2020

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 7 décembre 2020), le 11 février 2015, M. [B], qui exploitait son activité de boulanger dans un local donné à bail commercial par la SCI Manalu, a été mis en liquidation judiciaire, M. [O] étant nommé en qualité de liquidateur.

2. M. [N] a fait une offre d'achat du fonds de commerce du débiteur pour le prix de 80 000 euros, outre 8 000 euros de commission due à la société Agen immobilier, devenue la société Alvimmopro, sous conditions de l'autorisation du bailleur d'effectuer des travaux de rénovation, du renouvellement du bail aux mêmes conditions et de la gratuité de trois mois de loyers.

3. La SCI Manalu ayant accepté l'ensemble de ces conditions, le juge-commissaire a, par une ordonnance du 26 mai 2015 qui n'a fait l'objet d'aucun recours, autorisé la vente du fonds au profit de M. [N] aux conditions précitées.

4. Le 24 juin 2015, les clés des locaux ont été remises à M. [N].

5. Le 13 juillet 2015, prétendant avoir été trompé sur la consistance du fonds, M. [N] a dénoncé son offre d'achat et n'a pas donné suite à la demande du liquidateur du 27 juillet 2015 tendant à la régularisation de l'acte notarié de vente du fonds.

6. Le 7 septembre 2015, la SCI Manalu a délivré un commandement de payer visant la clause résolutoire en raison du non-paiement des loyers, puis une assignation en référé en constat de l'acquisition de la clause résolutoire, ce qui a abouti à une ordonnance de référé du 19 janvier 2016 constatant l'acquisition de cette clause au 7 octobre 2015.

7. Le 3 décembre 2015, M. [N] a assigné le liquidateur, la SCI Manalu et la société Agen immobilier en annulation de sa promesse d'achat et de l'acte de cession subséquent du fonds et, subsidiairement, en résolution de la vente du fonds.

8. Reconventionnellement, la SCI Manalu a demandé la condamnation de M. [N] à lui payer des dommages-intérêts, en invoquant sa faute à l'origine de l'impossibilité de relouer les lieux avant le 1er septembre 2016.

Examen des moyens

Sur les premier et second moyens du pourvoi principal, ci-après annexés

9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

10. La SCI Manalu fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts formée contre M. [N] au titre des loyers non perçus entre les mois de juin 2015 et août 2016, alors « que le juge doit, en toutes circonstances, observer et faire observer le principe du contradictoire ; qu'en ayant énoncé, pour rejeter la demande en dommages-intérêts de l'exposante au regard de la faute commise par M. [V] [N] l'ayant empêché de louer ses locaux, que l'ordonnance du juge des référés du 19 janvier 2016 avait alloué à la SCI Manalu une somme de 10 020 euros alors qu'aucune des parties, dont M. [N], n'en avait fait état et a fortiori discuté pour s'opposer à cette demande, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

11. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

12. Pour rejeter la demande indemnitaire de la SCI Manalu fondée sur la faute délictuelle imputée à M. [N], à l'origine d'un préjudice de perte de loyers entre les mois de juin 2015 et août 2016, l'arrêt constate que la SCI Manalu a elle-même saisi le juge des référés en résolution du bail et qu'il a été fait droit à sa demande par ordonnance du 19 janvier 2016, laquelle lui a alloué la somme de 10 020 euros au titre des loyers impayés, de sorte que la SCI n'est pas fondée à demander une nouvelle fois le paiement d'un arriéré de loyers.

13. En statuant ainsi, sans avoir invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen pris d'un prétendu double paiement demandé par la SCI Manalu, qu'elle relevait d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, rejetant toute autre demande plus ample ou contraire, il rejette la demande de dommages-intérêts formée par la SCI Manalu contre M. [N], l'arrêt rendu le 7 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne M. [N] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [N] et le condamne à payer à la société Alvimmopro, à M. [O], en qualité de liquidateur de M. [B], et à la SCI Manalu la somme de 3 000 euros chacun ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé en l'audience publique du quatorze septembre deux mille vingt-deux et signé par Mme Vaissette, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour M. [N].

PREMIER MOYEN DE CASSATION

M. [N] fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné M. [N] à payer à Me [O], ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [G] [B] la somme de 86.220 €, et à la société AGEN IMMOBILIER, devenue la société ALVIMMOPRO, la somme de 8.000 €, DE L'AVOIR débouté de ses demandes de dommages et intérêts de 283,04 € au titre des frais d'assurance, de 230,10 € au titre des frais de sommation et de 18.401 € au titre de la perte d'exploitation, et DE L'AVOIR débouté de la demande qu'il avait formée afin de voir prononcer la résolution judiciaire de la vente du fonds de commerce ;

1. ALORS QUE pour apprécier si les manquements d'une partie à ses obligations sont suffisamment graves pour justifier la résiliation du contrat, les juges du fond doivent prendre en compte toutes les circonstances de la cause intervenues, y compris après l'acte introductif d'instance, jusqu'au jour de leur décision ; qu'en décidant que M. [N] ne pouvait pas se prévaloir au soutien de son action en résolution de la vente du fonds de commerce de ce que le bail commercial avait été anéanti en conséquence de l'acquisition de la clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers et de ce que le cédant avait donc manqué à son obligation de délivrance dès lors que le commandement de payer délivré par le bailleur, le 7 septembre 2015, puis l'assignation en référé qui s'en est suivi, étaient largement postérieurs à son refus de régulariser, la cour d'appel a violé l'article 1184 du code civil dans sa rédaction applicable en l'espèce ;

2. ALORS QU'il est au pouvoir du cessionnaire d'agir en résolution de la vente de gré à gré d'un élément de l'actif mobilier du débiteur en liquidation judiciaire, quand bien même elle est autorisée par l'ordonnance du juge-commissaire ; qu'en retenant, par des motifs éventuellement adoptés du jugement entrepris, que la vente des actifs d'un débiteur en liquidation judiciaire ne peut être faite que d'autorité de justice, sans être susceptible de rescision pour lésion, la cour d'appel a violé l'article L. 641-19 du code de commerce, ensemble l'article 1184 du code civil dans sa rédaction applicable en l'espèce.

SECOND MOYEN DE CASSATION

M. [N] fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR écarté la demande qu'il avait formée contre Me [O], ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [G] [B], la société AGEN IMMOBILIER, devenue la société ALVIMMOPRO, et la société MANALU à lui payer la somme 39.074,04 € ;

ALORS QU'en application des articles 624 et 625 du code de procédure civile, la cassation à venir sur le premier moyen de cassation emportera l'annulation par voie de conséquence des dispositions de l'arrêt qui, pour débouter M. [N] de sa demande en remboursement de la somme de 39.074,04 €, retiennent que la demande en résolution de la vente a été rejetée. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat aux Conseils, pour la société Manalu.

La SCI Manalu reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté sa demande de dommages et intérêts pour une somme de 28 056 euros envers M. [V] [N] représentant les loyers non perçus entre le mois de juin 2015 et le mois d'août 2016.

1°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, observer et faire observer le principe du contradictoire ; qu'en ayant énoncé, pour rejeter la demande en dommages et intérêts de l'exposante au regard de la faute commise par M. [V] [N] l'ayant empêché de louer ses locaux, que l'ordonnance du juge des référés du 19 janvier 2016 avait alloué à la SCI Manalu une somme de 10 020 euros alors qu'aucune des parties, dont M. [N], n'en avait fait état et a fortiori discuté pour s'opposer à cette demande, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE le juge doit fonder sa décision sur des éléments en rapport avec l'objet du litige ; qu'en s'étant prévalu de l'ordonnance du juge des référés du 19 janvier 2016 pour rejeter la demande en dommages et intérêts de la SCI dirigée contre M. [V] [N] alors que cette ordonnance ne concernait pas la même personne, ne portait pas sur la même période, ni sur le même fondement juridique, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.