Livv
Décisions

Cass. soc., 25 avril 2001, n° 98-46.294

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Waquet

Rapporteur :

M. Lanquetin

Avocat général :

M. de Caigny

Nîmes, ch. soc., du 21 oct 1998

21 octobre 1998

Attendu que M. X..., embauché le 19 mars 1988 par la société Sesla 33, en qualité d'ouvrier boucher, puis à compter du 18 mars 1992 par la société Cedica Super U en qualité de chef boucher, a été licencié avec préavis de trois mois par lettre du 17 novembre 1993 ;

Attendu que la société Cedica Super U fait grief à l'arrêt attaqué (Nîmes, 21 octobre 1998) de l'avoir condamnée à payer à M. X..., des sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et au remboursement des indemnités de chômage aux Assedic, alors, selon les moyens :

1 / que la pétition des salariés en date du 21 septembre 1993 mentionne ; "Nous tenons à nouveau à vous sensibiliser sur l'attitude de M. X..., chef boucher, ainsi que sur les problèmes relationnels que nous rencontrons toujours avec lui... nous sommes amenés régulièrement à subir ses brimades et son agessivité et son impolitesse. Ce n'est pas parce que M. X... est responsable qu'il peut se permettre de nous considérer comme des moins que rien, nous ne sommes pas des chiens et nous ne pouvons plus supporter, les uns et les autres, l'attitude de ce Monsieur..." ; qu'en affirmant que cette lettre se borne à exprimer des craintes pour l'avenir ce qui implique qu'au moment où elle a été rédigée, le comportement qu'elle entendait dénoncer n'avait encore eu aucune incidence sur la bonne marche de l'entreprise, la cour d'appel a dénaturé la pièce susvisée en violation de l'article 1134 du Code civil ;

2 / que la cause réelle et sérieuse du licenciement s'apprécie à la date où celui-ci est notifié ; qu'en l'espèce la lettre de licenciement du 17 novembre 1993 reprochait à M. X... ses "difficultés relationnelles au sein de l'équipe de boucherie et plus généralement avec l'ensemble des employés du magasin" ce qui était établi par une pétition de salariés en date du 21 septembre précédent ; que la cour d'appel qui a écarté cette pétition pour lui préférer une attestation antérieure, avec laquelle elle entrait en contradiction, établie par M. Y... le 25 mai 1993, lequel certifiait alors "n'avoir rien à reprocher à M. André X... tant dans son travail que dans son comportement vis-à-vis de tous ses collègues" a par là même refusé d'exercer son contrôle au jour où le licenciement a été prononcé et de tenir compte de cet élément nouveau, violant ainsi les articles L. 122-14-1 et suivants du Code du travail ;

3 / que l'ancienneté est fonction de la durée des services continus chez un même employeur ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que M. X... a conclu à Marseille, le 19 mars 1988 un premier contrat de travail avec la SARL Selsa lequel a été rompu le 17 mars 1992 avec paiement du solde des congés payés et remise d'un certificat de travail, et qu'à compter du 18 mars 1992, M. X... a été engagé par une autre société, la SA Cedica Super U à Cavaillon par la conclusion d'un autre contrat de travail à durée indéterminée ; que dès lors, la cour d'appel ne pouvait affirmer qu'il y avait eu mutation au sein d'un groupe pour faire remonter l'ancienneté de M. X... au sein de la société Cedica à la date de son embauche par la société Selsa sans violer les articles L. 122-1, L. 122-9, L. 122-14-4 et 5 du Code du travail ;

4 / qu'une société n'appartient à un groupe que si elle dépend d'une société dominante qui possède plus de la moitié de son capital social ou le contrôle et forme avec elle un même ensemble économique ; qu'en l'espèce, ne caractérise pas l'existence d'un groupe, la cour d'appel qui affirme simplement que la SARL Selsa et la SA Cedica Super U ont des dirigeants communs, le même objet social et sont unies par un intérêt commun ; que l'arrêt qui se fonde sur ces seules constatations pour faire remonter l'ancienneté de M. X... au sein de la société Cedica à la date de son embauche par la SARL Selsa a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard des articles L. 122-9 et L. 439-1 du Code du travail ;

5 / que les extraits du registre du commerce des sociétés Selsa et Cedica mentionnent seulement les caractéristiques de chaque société, le nom des dirigeants et les évènements propres à la vie sociale de chacune ; qu'en affirmant qu'ils mentionnaient également que ces deux sociétés étaient "unies par un intérêts commun", la cour d'appel a dénaturé lesdits extraits et violé l'article 1134 du Code civil ;

6 / que selon l'article 9 de l'annexe III Cadres et Assimilés de la convention collective des magasins de vente d'alimentation et d'approvisionnement général, le préavis des cadres, quelle que soit leur ancienneté, est de trois mois ; qu'en l'espèce, il est constant que M. X..., chef boucher avait le statut de cadre ; que dès lors, la cour d'appel qui affirme que la société Cedica a accordé à M. X... un préavis de trois mois, donc supérieur à celui auquel lui donnait droit une ancienneté de moins de deux ans a violé les articles L. 122-6 du Code du travail et 9 de l'annexe III de la convention collective susvisée ;

Mais attendu, d'abord que, hors toute dénaturation, la cour d'appel appréciant la valeur des pièces produites, sans en écarter aucune, a retenu que les difficultés relationnelles invoquées dans la lettre de licenciement n'étaient pas établies ;

Et attendu, ensuite, que la cour d'appel, qui n'a pas dénaturé les extraits du registre du commerce et qui a relevé que les deux sociétés au sein desquels le salarié avait exercé successivement son activité avaient des dirigeants communs, le même objet social, et étaient unies par un intérêt commun, a pu décider, sans encourir les griefs du second moyen, que l'ancienneté du salarié devait s'apprécier en cumulant les périodes d'activité au sein des deux sociétés ;

Que les moyens ne sont pas fondés ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.