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Décisions

CA Versailles, 3e ch., 8 septembre 2022, n° 20/05630

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Diasorin

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bou

Conseillers :

Mme Bazet, Mme Derniaux

Avocats :

Me Marguet le Brizault, Me Fouray, Me Faivre, Me Pedroletti, Me Gorny

TJ Nanterre, 2e ch., du 2 juill. 2020, n…

2 juillet 2020

La borréliose de Lyme, ou maladie de Lyme est une infection due à une bactérie du genre Borrelia comprenant plusieurs espèces, transmise par la piqûre d'une tique.

L'infection active peut évoluer en trois phases successives avec des manifestations cliniques différentes avec pour principale manifestation primaire, un érythème migrant, des manifestations secondaires de type neurologique, parfois en association avec des troubles articulaires, cardiaques et de la sensibilité, susceptibles d'intervenir dans les six mois après la morsure, enfin des manifestations tertiaires, telles une encéphalomyélite progressive, une dermatite chronique atrophiante, une arthrite chronique destructive, susceptibles d'apparaître dans les dix ans de la morsure.

 Deux sortes de tests sérologiques sont utilisés pour le diagnostic de la maladie :

- dans un premier temps, un test de technique dite Elisa (enzyme-linked immunosorbent assay) qui fonctionne par détection des anticorps spécifiquement produits par le corps en réaction à l'infection bactérienne. Ce test ne cherche pas à détecter la bactérie elle-même mais les anticorps dirigés contre elle. Ce type de dépistage, tel que le fabriquent en particulier la société Diasorin et la société Bio-Rad, est un test de sensibilité ;

- lorsque le résultat de ce premier test est positif ou douteux, le dépistage peut être confirmé par un second test, le Western-blot, lequel fonctionne par détection de la protéine de la bactérie, en réaction à des anticorps déposés sur les prélèvements. Il s'agit d'un test de spécificité.

Par actes d'huissier du 21 octobre 2016, Mme [ID] [K], Mme [RM] [D], Mme [J] [V], Mme [JJ] [U], M. [T] [M], Mme [CF] [Y], M. [ZM] [S], M. [OF] [UA], Mme [I] [TJ], M. [AL] [NX], M. [OF] [SC], Mme [O][CA], Mme [WG] [DL], Mme [AK] [DD], M. [OV] [NG], M. [IT] [DH], Mme [AI] [DY], M. [RK] [DY], M. [L] [WO], Mme [KJ] [KS], Mme [OW] [VY], M. [RT] [VH], Mme [CJ] [LZ], Mme [AZ] [JC], Mme [YF] [LA], Mme [UR] [ZE], Mme [AP] [HU], M. [AL] [HD], M. [TB] [YM], M. [YN] [ZD] [XW], Mme [TS] [JK] ès qualités de représentante légale de M. [XF] [XW], M. [JS] [AH], Mme [AP] [JB], Mme [SK] [IC], M. [FF] [GW], M. [FO] [HM], Mme [X] [KZ], Mme [MH] [KA], Mme [O] [XG], Mme [IU] [XX], Mme [ZL] [UJ], Mme [VZ] [MO], M. [EO] [LY], M. [ZU] [VR], Mme [AP] [LH], Mme [XO] [P] [WH], [DP] [DZ], Mme [AP] [DZ] ès qualités de représentante légale de [FX] [DZ], Mme [AP] [DZ] ès qualités de représentante légale de [FW] [DZ], Mme [HE] [EP], M. [MP] [DI], Mme [FN] [OM], Mme [R] [SU], Mme [MY] [NW], Mme [PE] [NN], Mme [UZ] [UB], Mme [ON] [MX] et M. [SD] [MX] ès qualités de représentants légaux de [SD] [MX], Mme [AZ] [VI], Mme [WP] [RE], M. [IL] [PL], Mme [YV] [SL], M. [UI] [TC], Mme [IK] [TT], Mme [AP] [AR], Mme [GN] [AO], Mme [F] [TI], Mme [RC] [SS] et Mme [N] [PU] ont assigné la société Bio-Rad et la société Diasorin devant le tribunal de grande instance de Nanterre.

Par acte du 1er juin 2017, Mme [G] [Z], Mme [DR] [E], Mme [FW] [A], Mme [KB] [PM], Mme [HV] [BB], M. [FG] [ST], Mme [CE] [RL], Mme [YE] [PV], Mme [VP] [XN], M. [RK] [NO], M. [RT] [EX] ès qualités de représentant légal de [PD] [EX], Mme [AK] [GM], M. [H] [JT], Mme [EG] [WX], Mme [RU] [YW] épouse [GE], Mme [EH] [HL], Mme [KR] ès qualités de représentante légale de [BG] [KB], Mme [L] [KI], Mme [W] [GF], Mme [VI] [ZV], Mme [TS] [OE], Mme [CB] [EY], Mme [P] [VA], Mme [J] [LP], Mme [AP] [DZ], Mme [AZ] [EH], Mme [LR] [US], Mme [AF] [RV] et M. [MG] [PW] ont assigné la société Diasorin devant le même tribunal.

Par ordonnance du 14 octobre 2017, les instances ont été jointes.

Plusieurs désistements sont par la suite intervenus, selon ordonnances des 17 septembre 2019 (M. [ZU] [VR]) et 3 décembre 2019 (Mme [J] [V], Mme [EG] [WX], M. [IL] [PL]).

 Exposant avoir été soumis à des tests de dépistage de la maladie de Lyme de juin 2012 à décembre 2016, produits par les laboratoires Diasorin et Bio-Rad, lesquels se sont avérés négatifs, les demandeurs ont fait valoir que ces tests ne permettaient pas de leur apporter une réponse certaine et fiable ou qu'à tout le moins, il n'avait pas été donné une information claire et intelligible leur exposant les limites de ces tests. Ils ont sollicité la réparation du préjudice d'anxiété imputé par eux à l'absence de fiabilité des tests séro-diagnostics fabriqués et/ou commercialisés par chacune des sociétés pour dépister la maladie de Lyme.

Par jugement du 2 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

- déclaré recevable l'action initiée par les demandeurs,

- débouté l'ensemble des demandes formé par les demandeurs,

- rejeté la demande d'amende civile et de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par la société Diasorin,

- rejeté la demande de publication judiciaire formée par la société Bio-Rad,

- condamné chacun des demandeurs à payer la somme de 125 euros à chacune des sociétés défenderesses, sur le fondement des frais exposés et non compris dans les dépens, à l'exclusion des demandeurs admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle,

- condamné chacun des demandeurs aux dépens de l'instance, avec recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, à l'exclusion des demandeurs admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- rejeté pour le surplus.

Suivant déclaration du 16 novembre 2020, Mme [ID] [K], Mme [RM] [D], M. [T] [M], M. [ZM] [S], M. [OF] [UA], Mme [I] [TJ], M. [AL] [NX], Mme [O] [CA], M. [OV] [NG], M. [IT] [DH], M. [PD] [EX], Mme [AI] [DY], M. [RK] [DY], M. [L] [WO], Mme [OW] [VY], M. [RT] [VH], Mme [AZ] [JC], Mme [YF] [LA], Mme [UR] [ZE], Mme [AP] [HU], M. [AL] [HD], M. [TB] [YM], M. [JS] [AH], Mme [SK] [IC], M. [FO] [HM], Mme [X] [KZ], Mme [MH] [KA], Mme [O] [XG], Mme [ZL] [UJ], Mme [VZ] [MO], M. [EO] [LY], Mme [AP] [LH], Mme [XO] [P] [WH], [DP] [DZ], Mme [HE] [EP], M. [MP] [DI], Mme [FN] [OM], Mme [PE] [NF], Mme [UZ] [UB], Mme [WP] [RE], Mme [IK] [TT], Mme [AP] [AR], Mme [GN] [AO], Mme [RC] [SS], Mme [N] [PU], Mme [FW] [A], Mme [KB] [PM], M. [FG] [ST], Mme [CE] [RL], Mme [YE] [PV], Mme [VP] [XN], M. [RK] [NO], Mme [AK] [GM], M. [H] [JT], Mme [L] [KI], Mme [VI] [ZV], Mme [TS] [OE], Mme [CB] [EY], Mme [P] [VA], Mme [AZ] [EH], Mme [LR] [US], M. [MG] [PW] ont interjeté appel du jugement à l'encontre de la société Diasorin et en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes, condamnés aux dépens et au titre des frais non compris dans ces derniers et en ce qu'il a rejeté pour le surplus.

 [DP] [DZ] est décédé le 12 août 2021.

Le magistrat chargé de la mise en état a, par ordonnances du 10 mars 2022, ordonné la disjonction de l'instance, le litige opposant [DP] [DZ] à la société Diasorin devant être jugé séparément sous le numéro de RG 22/01327, et constaté l'interruption de cette instance.

Par ordonnance du 24 mars 2022, le magistrat chargé de la mise en état a donné acte à Mme [OW] [VY], Mme [UZ] [UB], Mme [AK] [GM], M. [FG] [ST] et M. [JS] [AH] de leur désistement d'appel.

Par ordonnance du 12 mai 2022, le magistrat chargé de la mise en état a aussi donné acte à Mme [I] [TJ] de son désistement d'appel.

Par dernières écritures « récapitulatives et d'interruption d'instance' du 20 avril 2022, les appelants prient la cour de :

in limine litis,

- constater le décès de [DP] [DZ] survenu le 12 août 2021,

- prononcer l'interruption de l'instance,

- prononcer le désistement d'instance et d'action de M. [JS] [AH], Mme [OW] [VY], Mme [UZ] [UB], Mme [AK] [GM] et M. [FG] [ST], tel qu'accepté par la société Diasorin,

- sous réserve de l'acceptation expresse et sans réserve par la société Diasorin, prononcer le désistement d'instance et d'action de Mme [I] [TJ],

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré, en conséquence et statuant à nouveau,

- juger que la requise a manqué à son obligation d'information à l'égard des requérants,

- juger que la requise n'est pas en mesure de garantir la fiabilité de ses tests séro-diagnostics fabriqués et/ou commercialisés,

- juger que la fiabilité des tests séro-diagnostics participe de l'exigence de sécurité que chaque utilisateur est légitimement en droit d'attendre de ceux-ci,

 - juger que cette absence de garantie consacre le caractère défectueux des tests séro-diagnostics et engage la responsabilité de son fabricant et/ou de ceux qui les commercialisent,

s'il échet,

- juger qu'en ne s'assurant pas de la fiabilité de ses tests séro-diagnostics et en s'abstenant de la garantir, la requise a commis un manquement caractérisé à son devoir de vigilance et a engagé, à ce titre, sa responsabilité de droit commun.

En conséquence et en tout état de cause,

- débouter la société Diasorin de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner la requise à réparer le préjudice ainsi subi par les requérants notamment au titre de l'anxiété générée par l'absence de fiabilité des tests séro-diagnostics et de ses conséquences,

- condamner la société Diasorin à payer la somme de 500 000 euros à titre de dommages et intérêts respectivement à :

1. Mme [K] [ID],

2. Mme [D] [RM], 3. M. [M] [T],

4. M. [S] [ZM],

5. M. [UA] [OF],

6. S'il échet, en l'absence de désistement accepté, Mme [TJ] [I], 7. M. [NX] [AL],

8. Mme [CA] [O], 9. M. [NG] [OV],

10. M. [DH] [IT],

11. M. [EX] [PD],

12. Mme [DY] [AI],

13. M. [DY] [RK], 14. M. [WO] [L],

 15. M. [VH] [RT],

16. Mme [JC] [AZ],

17. Mme [GV],

18. Mme [ZE] [UR],

19. Mme [HU] [AP],

20. M. [HD] [AL],

21. M. [YM] [TB],

22. Mme [IC] [SK],

23. M. [HM] [FO],

24. Mme [KZ] [X],

25. Mme [KA] [MH],

26. Mme [XG] [O],

27. Mme [UJ] [ZL],

28. Mme [MO] [VZ]

29. M. [LY] [EO],

30. Mme [LH] [AP],

31. Mme [WH] [XO],

32. [DP] [DZ], décédé le 12 août 2021,

33. Mme [EP] [HE],

34. M. [DI] [MP],

35. Mme [OM] [FN],

36. Mme [NF] [PE],

37. Mme [RE] [WP],

38. Mme [TT] [IK],

39. Mme [AR] [AP],

40. Mme [AO] [GN],

 41. Mme [SS] [RC],

42. Mme [PU] [N],

43. Mme [A] [FW],

44. Mme [PM] [KB],

45. Mme [RL] [CE],

46. Mme [PV] [YE],

47. Mme [XN] [VP],

48. M. [NO] [RK], 49. M. [JT] [H],

50. Mme [KI] [L],

51. Mme [ZV] [VI],

52. Mme [OE] [TS],

53. Mme [EY] [CB],

54. Mme [VA] [P],

55. Mme [EH] [AZ],

56. Mme [US] [LR],

57. M. [PW] [MG].

- condamner la société Diasorin à verser la somme de 5 000 à chacun des requérants au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de première instance et 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés à hauteur d'appel,

- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par dernières écritures du 4 avril 2022, la société Diasorin prie la cour de :

- déclarer les appelants mal fondés en leur appel, les en débouter,

- confirmer la décision attaquée en toutes ses dispositions.

 Y ajoutant,

- condamner chacun des appelants au paiement de l'amende civile prévue à l'article 32-2 du code de procédure civile, à hauteur du montant que la cour jugera approprié,

- condamner les appelants à verser chacun à la société Diasorin la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, avec recouvrement direct dans les termes de l'article 699 dudit code.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 mai 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Le décès de [DP] [DZ] et l'interruption de l'instance le concernant ont d'ores et déjà été respectivement constatés et prononcée par le magistrat chargé de la mise en état. De même, ce magistrat a donné acte à Mme [OW] [VY], Mme [UZ] [UB], Mme [AK] [GM], M. [FG] [ST], M. [JS] [AH] et Mme [I] [TJ] de leur désistement d'appel.

La disposition du jugement ayant déclaré recevable l'action des demandeurs n'a pas été frappée d'appel. N'en étant pas saisie, la cour n'a pas à statuer de ce chef.

Sur la responsabilité du fait des produits défectueux

Le tribunal a débouté les demandeurs de leurs prétentions formées sur ce fondement, considérant qu'ils ne démontraient pas une quelconque défectuosité des tests litigieux qui serait à l'origine du préjudice d'anxiété allégué et notant au surplus que l'anxiété dont ils se prévalaient n'était que peu documentée et qu'ils ne caractérisaient pas le lien entre celle-ci et le dépistage.

Concernant la défectuosité au regard de la balance bénéfice/risque, il a énoncé qu'il résultait des travaux des sociétés savantes et des autorités sanitaires que le test Elisa n'assurait pas le diagnostic mais constituait seulement une aide au diagnostic, comme indiqué dans la notice d'utilisation, de sorte que sa fiabilité ne s'analysait qu'à l'aune de cette finalité, les demandeurs fixant un objectif au test différent de celui défini par les limites scientifiques, tenant à l'état des connaissances scientifiques et médicales sur la pathologie et aux possibilités de la diagnostiquer. Il a noté d'ailleurs que les demandeurs n'établissaient pas l'existence de connaissances scientifiques qui auraient permis de concevoir un test de meilleure efficience et a conclu que l'existence d'un défaut ne pouvait se déduire de la seule absence de certitude absolue du résultat. Il a aussi retenu que la limitation des tests à la détection de trois principales souches ne saurait être considérée comme un défaut dès lors que l'absence de détection de l'ensemble des souches connues était précisée à la notice et justifiée par des raisons de prévalence géographique dans le cadre d'un consensus entre autorités sanitaires et sociétés savantes.

Concernant la défectuosité résultant d'une information insuffisante, il a relevé que la conformité de la notice aux exigences essentielles devait être appréciée au regard du destinataire de l'information. Il a jugé que celle contenue dans la notice respectait les recommandations en vigueur à l'époque et était adaptée à son destinataire qui n'était pas le patient, mais le professionnel, médecin biologiste, compétent pour comprendre et traiter l'information qui lui était délivrée.

Les appelants se plaignent d'un défaut de fiabilité des tests en raison du nombre de souches limité recherché, alors qu'il existerait jusqu'à vingt souches pathogènes dont aucune n'est ciblée par les tests litigieux, et en raison de leur calibrage, les tests étant calibrés pour ne détecter au plus que 5 % de malades sur une population donnée et basés sur des recommandations sans valeur normative. Ils invoquent que la conférence de consensus du 13 décembre 2006 et les sources scientifiques dont la société Diasorin se prévaut n'ont pas une telle valeur, en l'absence d'une validation par la Haute autorité de santé (HAS). Ils arguent que la terminologie d'aides au diagnostic' n'est pas employée dans les notices produites et que la recommandation de bonne pratique publiée en juin 2018 par la HAS consacre l'absence de fiabilité des tests. Ils affirment que le test Elisa constitue le seul outil de diagnostic puisqu'il pose un diagnostic d'exclusion en cas de résultat négatif, le second test ne pouvant être passé en cas d'Elisa négatif, et prévient tout accès aux soins.

Ils avancent que la défectuosité du produit découle de son absence de fiabilité établie par le constat posé par Haut conseil de la santé publique (HCSP) et la mission d'évaluation lancée par le ministère de santé, ainsi que par le centre national de référence (CNR) des Borrelia.

Ils font valoir qu'un produit est défectueux dès lors qu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, que l'usage raisonnablement attendu d'un test est qu'il donne un résultat exact et que la responsabilité du fait des produits défectueux s'applique y compris à un défaut potentiel. Ils ajoutent que le fabricant ne peut se retrancher derrière la conformité du produit à l'état des connaissances scientifiques et/ou à une prétendue norme ou réglementation à la date de mise en circulation initiale, la qualité s'évaluant à la date de mise en circulation du lot dont le produit incriminé fait partie et le fabricant étant soumis à une obligation de vigilance constante.

Ils prétendent que la défectuosité du produit résulte aussi du non-respect de l'obligation d'information, cette information étant due aux usagers du produit, c'est-à-dire aux personnes soumises au dépistage qui, privées d'une information claire et intelligible sur les performances des tests, ont été enfermées dans une croyance fausse d'absence de maladie.

L'intimée conteste les griefs des appelants en faisant valoir qu'ils n'ont pas été retenus par le jugement attaqué, ni non plus par d'autres juridictions ayant adopté la même solution et sont contredits par diverses institutions (agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), HAS, Ministère de la santé...).

Elle nie tout défaut intrinsèque, arguant que les tests atteignent les performances revendiquées conformément à l'article R. 5211-21-3° du code de la santé publique. Elle fait valoir que les critiques émises par le HCSP portent sur d'autres tests que les siens et relativise l'avis du CNR au motif notamment du caractère très récent de cette position.

Elle nie aussi tout défaut de présentation, observant que ses notices précisent que la détection est limitée à trois souches, comme validé par les autorités sanitaires et les sociétés savantes, que le test a pour seul objectif la détection d'anticorps et mentionne les limites des performances. Elle soutient que cette présentation est adaptée aux utilisateurs, soit les médecins biologistes, et qu'elle est appropriée, explicite et intelligible, la notice étant mise à la disposition des biologistes dès qu'ils achètent le test. Elle conteste l'alerte de l'ANSM en 2012 et argue que les modifications des notices faites ne concernent pas la sécurité légitimement attendue.

Elle fait valoir que l'usage raisonnablement attendu s'infère de cette présentation et ne consiste pas en un diagnostic certain, ni à l'égard de toutes les souches de sorte que l'atteinte d'un tel diagnostic sur la base du seul test n'est pas légitime. Elle souligne notamment que la fiabilité est un concept étranger à la responsabilité des produits défectueux et que la notion de défaut potentiel n'est pas transposable à l'espèce. Elle observe que l'attente légitime de sécurité s'apprécie au regard de l'état des connaissances au moment de la mise en circulation, ces connaissances étant celles consacrées par la pratique. Elle soutient que ses tests sont conformes aux recommandations de l'ANSM et du HCSP et que celles de la HAS sont compatibles avec celles émises à l'occasion de la conférence de consensus de 2006. Elle ne prétend pas que la conférence de consensus ait une valeur normative mais argue que ses recommandations sont le fruit d'un travail collectif et que les avis dont elle se prévaut concordent sur tous les points clés. Elle affirme que le test Elisa reste le test de référence et que les seuils de calibrage sont conformes aux données de la science et recommandations applicables.

Aux termes de l'article 1386-1 devenu 1245 du code civil, le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime.

Il résulte de l'article 1386-4 devenu 1245-3 du même code qu'un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, que dans l'appréciation de cette sécurité, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation et qu'un produit ne peut être considéré comme défectueux par le seul fait qu'un autre, plus perfectionné, a été mis postérieurement en circulation.

Selon l'article 1386-9 devenu 1245-9, le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage.

L'article 1386-11 devenu 1245-10 dispose :

Le producteur est responsable de plein droit à moins qu'il ne prouve :

1° Qu'il n'avait pas mis le produit en circulation ;

2° Que, compte tenu des circonstances, il y a lieu d'estimer que le défaut ayant causé le dommage n'existait pas au moment où le produit a été mis en circulation par lui ou que ce défaut est né postérieurement ;

3° Que le produit n'a pas été destiné à la vente ou à toute autre forme de distribution ;

4° Que l'état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où il a mis le produit en circulation, n'a pas permis de déceler l'existence du défaut ;

5° Ou que le défaut est dû à la conformité du produit avec des règles impératives d'ordre législatif ou réglementaire.

Le producteur de la partie composante n'est pas non plus responsable s'il établit que le défaut est imputable à la conception du produit dans lequel cette partie a été incorporée ou aux instructions données par le producteur de ce produit.

La directive n° 85/374 du 25 juillet 1985 qui a été transposée en droit français aux articles précités précise dans ses considérants introductifs : Considérant que, pour protéger l'intégrité physique et les biens du consommateur, la détermination du caractère défectueux d'un produit doit se faire en fonction non pas de l'inaptitude du produit à l'usage, mais du défaut de sécurité à laquelle le grand public peut légitimement s'attendre; que cette sécurité s'apprécie en excluant tout usage abusif du produit, déraisonnable dans les circonstances.

La sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre renvoie à l'attente légitime du public face à un produit donné et s'apprécie in abstracto. Elle ne constitue pas une sécurité absolue mais seulement légitime au regard du produit concerné.

La simple implication d'un produit dans la réalisation du dommage ne suffit pas à rapporter la preuve de son défaut.

La défectuosité peut être intrinsèque, liée à la conception ou à la fabrication du produit, ou résulter de l'information insuffisante sur les conditions d'utilisation du produit ou les risques encourus par ses utilisateurs.

Au cas d'espèce, il est reproché au test Elisa de la société Diasorin d'être à l'origine d'un préjudice d'anxiété né d'un défaut de conception du produit qui le rend non fiable et d'un défaut de présentation du produit lié à une absence d'information.

- sur le défaut intrinsèque du test :

Il appartient aux appelants de démontrer que le test est affecté d'un défaut de conception entraînant un défaut de fiabilité exposant les utilisateurs auxquels ce produit est destiné à un risque grave.

A cet égard, la cour note d'abord que les appelants ne se fondent sur aucune constatation d'experts judiciaires et n'ont jamais sollicité, ni ne sollicitent devant elle de mesure d'expertise permettant de disposer d'un avis objectif sur le défaut invoqué alors que quoi qu'ils en disent, le litige porte sur un débat de nature scientifique.

Ensuite, au soutien de leurs allégations, les appelants versent aux débats un certain nombre de documents, notamment une lettre du professeur [B], chef de service des maladies infectieuses et tropicales au groupe hospitalier [145], du 31 juillet 2013 faisant état de la fiabilité limitée des tests sérologiques, une attestation du docteur [WY] du 10 février 2012 mentionnant l'existence de 70 à 80 % de faux négatifs dans les tests Elisa, un avis du professeur [BE] de l'université [118] du 3 octobre 2013 évoquant le caractère insatisfaisant des tests Elisa et le rapport du 4 décembre 2014 du HCSP mettant en évidence des défauts sur certains éléments.

Cependant, ces documents sont rédigés dans des termes généraux et ne justifient pas de défauts spécifiques aux tests Diasorin alors qu'il existe d'autres fabricants de tests. Au demeurant, certaines de ces pièces, telles celles relatives au professeur [B], révèlent surtout, ce qui résulte par ailleurs de l'ensemble des éléments produits, la difficulté du diagnostic de la maladie de Lyme au regard de l'état des connaissances scientifiques et médicales ainsi que du caractère polymorphe et rapidement évolutif de la maladie. Elles sont pour d'autres, comme le rapport du HCSP de 2014, beaucoup plus nuancées que la présentation faite par les appelants et témoignent de controverses au sujet de la maladie de Lyme et de son diagnostic. La cour observe en outre que la société Diasorin se prévaut certes de la conférence de consensus du 13 décembre 2006, reposant sur des conclusions d'un comité d'experts européen, l'EUCLAB, mais se fonde aussi sur un certain nombre de publications émanant d'autorités sanitaires et de sociétés savantes (ANSM, HAS, Ministère de la santé, société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF)...) de nature à contredire tout ou partie des arguments des appelants relatifs à l'absence ou au manque de fiabilité des tests. La cour note encore que selon les recommandations de bonne pratique de la HAS de juin 2018, document récent et postérieur à la période incriminée, la stratégie diagnostique intègre toujours les tests Elisa même si la HAS a proposé pour l'avenir le développement de nouveaux outils diagnostiques, étant souligné que la requête visant à l'annulation de la décision d'adoption de cette recommandation déposée notamment par deux associations, qui critiquait en particulier les préconisations tenant à la stratégie diagnostique, a été rejetée par le Conseil d'Etat le 4 décembre 2019. Il sera souligné au demeurant qu'il n'est pas prouvé que de nouveaux outils existent depuis et qu'ils présentent de manière certaine une fiabilité supérieure.

Les appelants invoquent aussi tout particulièrement la position du CNR des Borrelia exprimée en 2021 selon laquelle la recherche d'IgM anti Borrelia burgdoferi sensu lato par Elisa ne sera plus réalisée systématiquement au motif qu'elle ne présente pas de performances diagnostiques suffisantes. Mais il y a lieu de souligner que cette position du CNR, au reste très récente, n'est qu'un élément parmi un ensemble qui, pour le moins, n'établit pas de manière univoque et certaine l'absence de fiabilité dénoncée alors que, d'une part, la charge de la preuve du défaut incombe aux appelants de sorte qu'il ne saurait être attendu de la société Diasorin qu'elle établisse l'absence de défectuosité et que, d'autre part, si la preuve du défaut peut être rapportée par voie de présomptions et indices, c'est à la condition qu'ils soient graves, précis et concordants.

Au-delà de ces considérations générales, la cour rappelle que la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre doit être appréciée compte tenu notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation et qu'il convient de prendre en considération la destination, les caractéristiques et les propriétés objectives du produit en cause.

Il est constant que le test de type Elisa relève de la catégorie des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro dont la définition est fournie par l'article L. 5221-1 du code de la santé publique ainsi rédigé : constituent des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro les produits, réactifs, matériaux, instruments et systèmes, leurs composants et accessoires, ainsi que les récipients pour échantillons, destinés spécifiquement à être utilisés in vitro, seuls ou en combinaison, dans l'examen d'échantillons provenant du corps humain, afin de fournir une information concernant un état physiologique ou pathologique, avéré ou potentiel, ou une anomalie congénitale, pour contrôler des mesures thérapeutiques, ou pour déterminer la sécurité d'un prélèvement d'éléments du corps humain ou sa compatibilité avec des receveurs potentiels.

Selon l'article R. 5211-21 du même code applicable aux dispositifs de médicaux de diagnostic in vitro conformément à l'article R. 5221-15 :

Les dispositifs médicaux sont conçus et fabriqués, compte tenu de l'état de la technique généralement reconnu, de telle manière que, lorsqu'ils sont utilisés conformément à leur destination et dans les conditions prévues à cette fin, ils ne compromettent pas, directement ou indirectement :

1° L'état clinique et la sécurité des patients ;

 2° La santé et la sécurité des utilisateurs ou d'autres personnes ;

3° La sécurité des biens.

Ils sont conçus et fabriqués, compte tenu de l'état de la technique généralement reconnu, de manière à pouvoir être utilisés aux fins qui sont les leurs, selon les indications du fabricant et atteindre les performances fixées par celui-ci et attestées par un certificat de conformité conformément aux dispositions législatives du présent chapitre.

Un effet secondaire et indésirable n'est admis que s'il présente un risque acceptable au regard des performances du dispositif.

En l'occurrence, il résulte des notices du test communiquées par la société Diasorin qui couvrent toute la période litigieuse que ce test, destiné à être utilisé par des laboratoires d'analyses médicales, vise à détecter à un moment donné les anticorps dirigés contre Borrelia burgdorferi sensu lato et non l'agent pathogène lui- même. Les notices précisent d'ailleurs l'absence de résultat sûr dans les phases précoces de la maladie, qu'un résultat négatif n'exclut pas une borréliose aigüe et qu'un résultat positif peut aussi indiquer une infection passée avec une persistance d'anticorps. Elles mentionnent aussi que les résultats du test sont indiqués de façon qualitative comme positifs ou négatifs vis-à-vis de la présence d'anticorps IgM anti-Borrelia burgdorferi et que le diagnostic d'une maladie infectieuse ne doit pas être établi d'après le résultat d'un seul dosage mais en considération des investigations cliniques, des autres procédures diagnostiques et de l'avis d'un médecin.

Il en ressort clairement que selon les indications du fabricant, ce test n'a pas pour objectif d'assurer le diagnostic de la maladie mais d'y contribuer. De même, la documentation émanant d'autorités sanitaires et de sociétés savantes confirme cette finalité du test. Ainsi, le rapport de l'ANSM produit aux débats énonce que le diagnostic sérologique doit être prescrit et interprété en fonction des signes cliniques évocateurs. La position de la SPILF de juillet 2016 indique clairement qu'il s'agit d'une aide au diagnostic.

Comme l'a exactement relevé le tribunal, la fiabilité du test litigieux doit donc être mesurée à l'aune de sa finalité qui est celle d'une aide au diagnostic. La circonstance invoquée par les appelants selon laquelle il serait interdit de faire passer le test Western-blot en cas de résultat négatif du test Elisa n'est pas démontrée, en l'absence de preuve de sanctions prononcées contre les médecins éventuellement concernés. Tout au plus, le coût de ce second test n'est-il pas pris en charge par l'assurance maladie mais ce fait, non imputable à la société Diasorin, est indifférent à la finalité du test. Celle-ci, liée notamment aux limites scientifiques et à la difficulté du diagnostic, détermine l'usage qui peut en être raisonnablement attendu, à savoir détecter la présence ou l'absence d'anticorps contre la bactérie, et le défaut ne saurait exister à raison de la seule absence de certitude absolue quant au point de savoir si le patient est atteint ou non de la maladie.

Il est exact par ailleurs que le test de la société Diasorin ne recherche que les anticorps relatifs à trois souches de Borrelia alors qu'il en existe plus. Mais il n'est pas démontré par des éléments scientifiques sûrs qu'un test aurait pu être techniquement conçu de manière à détecter toutes les souches ou davantage, ni que ce choix ne corresponde pas aux principales souches pathogènes existant en Europe et même en France, l'article de la revue Sciences et avenir invoqué par les appelants destinés au grand public ne présentant pas des garanties de fiabilité suffisantes. Au contraire, les sources documentaires sur lesquelles se fonde l'intimée (rapport de l'ANSM du 2 janvier 2017, recommandations de la HAS, conférence de consensus de 2006, position de la SPILF de juillet 2016) confirment que la quasi-totalité des infections détectées sont dues aux sources recherchées. Comme l'a justement énoncé le tribunal, la technique retenue s'explique ainsi par des raisons de prévalence géographique admises tant par les autorités sanitaires que par les sociétés savantes. Dès lors, le test présente de ce chef la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, d'autant comme relevé par les premiers juges que l'absence de détection de l'ensemble des souches connues apparaît clairement à la lecture de la notice.

Les appelants se plaignent aussi de ce que les tests sont calibrés sur la base du postulat suivant lequel 5 % au plus de la population saine peut être contaminée dans une même zone géographique. Ils produisent un article de M. [C] faisant référence au test Elisa et mentionnant que les recommandations de l'EUCALB sont de vérifier qu'au plus 5 % de ces témoins sont positifs au seuil choisi. Ils invoquent un article de M. [RD] qui s'agissant des performances des Elisa, indique que près d'un malade sur deux n'est pas détecté par les tests statistiques actuellement disponibles. Mais, d'une part, ces données relatives au calibrage du test sont connues des utilisateurs, à savoir les laboratoires, les notices mentionnant les valeurs de référence en termes de sensibilité et de spécificité. D'autre part, les éléments sur lesquels se fondent les appelants sont insuffisants à démontrer que ce seuil et/ou la méthode employée ne seraient pas pertinents scientifiquement dès lors que la société Diasorin fait état de nombreuses sources documentaires émanant d'autorités sanitaires et de sociétés savantes corroborant sa position et les performances qu'elle revendique (références définies par le consensus de 2006 fondées comme déjà indiqué sur les conclusions d'experts européens, l'EUCALB, rapport de l'ANSM d'octobre 2015 mentionnant que seuls 5% des sujets développent une infection active, position de la SPILF de 2016, annexe 4 du rapport de l'ANSM de janvier 2017 qui a par ailleurs estimé que les tests Diasorin présentaient une spécificité et une sensibilité suffisantes).

Enfin, la circonstance que les différentes sources invoquées par la société Diasorin n'aient pas de valeur normative est inopérante à prouver le caractère défectueux du produit. Il suffit d'ajouter à l'instar du tribunal que les performances des tests ont été fixées en conformité aux références résultant du consensus de 2006 qui reflètent l'état de la science à cette date, puis rappelées par le HSCP en 2014 et confirmées en janvier 2017 par l'ANSM, et étant rappelé que les éléments relativement isolés invoqués par les appelants, dont la dernière position du CNR, sont insuffisants à rapporter la preuve du défaut allégué.

La preuve du défaut intrinsèque du produit n'est donc pas rapportée.

- sur le défaut résultant de l'absence d'information ou de l'information insuffisante :

Le tribunal a rappelé qu'il est prévu à l'article B.8.1 et suivants de l'annexe I de la directive européenne 98/79/CE du 27 octobre 1998 sur les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro que chaque dispositif doit être accompagné des informations nécessaires pour pouvoir être utilisé correctement et en toute sécurité, en tenant compte de la formation et des connaissances des utilisateurs potentiels et permettre d'identifier le fabricant. Ces informations sont constituées des indications figurant sur l'étiquetage et dans la notice d'utilisation. Il a également rappelé les dispositions de l'article R. 5221-16 du code de la santé publique reprenant celles de la directive précitée.

C'est par des motifs pertinents que les premiers juges ont relevé que le test Elisa n'était pas directement commercialisé auprès des patients mais de laboratoires d'analyses médicales de sorte que l'information contenue dans la notice d'utilisation est destinée à ces professionnels qui utilisent les tests et doit être adaptée à ceux-ci, l'information due aux patients étant délivrée par le laboratoire qui pratique le test et par le médecin qui pose le diagnostic, professionnels non attraits au litige.

Or, comme relevé ci-dessus, les notices versées aux débats par la société Diasorin mentionnent les limites des tests, soit le fait que le test recherche les anticorps et non la bactérie elle-même, le ciblage de trois souches et les limites des performances (absence de résultat sûr, possibilité de faux négatifs, valeurs de référence...). Ces informations apparaissent adaptées aux compétences des biologistes utilisant et interprétant ces tests.

Il résulte certes des pièces versées aux débats que dans son rapport de décembre 2014, le HCSP a recommandé un audit du marché des notices qui a été confié à l'ANSM, laquelle a déposé son rapport du contrôle du marché d'après les notices en janvier 2017. Mais il en ressort, comme déjà indiqué, que les notices des tests Diasorin remplissent totalement les recommandations en termes de composition, spécificité, sensibilité et étude LCR/sérum, soit tous les points étudiés (tableau 2 figurant en page 13). En outre, si les appelants arguent que les notices ont fait l'objet de corrections à l'occasion de cet état des lieux, il n'est fait valoir aucune critique précise et argumentée contre les motifs du jugement par lesquels le tribunal a constaté que cette mise en conformité n'a pas consisté en une modification des tests, ni même en une réécriture des notices mais en des précisions sans rapport avec la sécurité légitimement attendue.

Par voie de conséquence, la défectuosité alléguée résultant d'une présentation insuffisante du produit n'est pas démontrée, étant précisé que la société Diasorin justifie des conditions dans lesquelles elle met à la disposition de ses clients les notices, soit par une lettre du 7 juin 2012 avisant les laboratoires de la mise en place d'un portail de communication sur son site internet et par le contenu de ce portail comprenant lesdites notices. Le moyen selon lequel l'effectivité de cette communication ne serait pas prouvée manque ainsi en fait. Il en résulte que le défaut d'information sur les conditions d'utilisation et les risques du produit n'est pas établi.

Les demandes en ce qu'elles sont fondées sur la responsabilité des produits défectueux doivent être rejetées, le jugement étant confirmé en ce sens.

Sur le manquement à l'obligation d'information

Le tribunal a jugé que l'article L. 111-1 du code de la consommation n'était pas applicable, ne s'agissant pas de produits de consommation et les patients ne pouvant être considérés comme des consommateurs, et que l'obligation d'information pré-contractuelle ou contractuelle résultant des anciens articles 1134 et 1135 du code civil n'était pas non plus applicable, à défaut de contrat entre le fabricant et le patient.

Les appelants font valoir que le fabricant du test est débiteur d'une obligation d'information résultant de l'article L. 111-1 du code de la consommation et de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique. Ils soutiennent que le premier de ces textes ne prévoit aucune exception et que le second consacre un droit général à l'information. Ils invoquent que le régime de la responsabilité des produits défectueux n'exclut pas l'application de régimes de responsabilité spéciaux et que l'absence de lien direct entre le fabricant et le consommateur importe peu. Ils avancent encore que le fabricant est soumis à une obligation d'information en vertu des articles 1134 et 1135 du code civil dans leur rédaction applicable. Ils prétendent que dans tous les cas, la société Diasorin n'a pas respecté l'obligation d'information pesant sur elle.

L'intimée réplique que le régime de responsabilité des produits défectueux prévaut sur tous les autres régimes de responsabilité ayant le même fondement et qu'à défaut de preuve d'un fondement distinct, la demande doit être rejetée. Elle soutient que le code de la consommation est inapplicable en l'absence de lien contractuel direct ou indirect avec le fabricant, lequel ne doit aucune information au patient, et aux motifs que les contrats sur les soins sont exclus de l'article L. 111-1 précité et que l'article L. 224-105 du code de la consommation exclut les patients du champ de ce code au profit de celui de la santé publique. Elle argue que l'information du patient prévue par le code de la santé publique incombe aux professionnels de santé, ce qu'elle n'est pas.

La directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux dispose en son article 13 qu'elle ne porte pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou au titre d'un régime spécial de responsabilité existant au moment de la notification de la présente directive. Quant à l'article 1386-18 issu de la loi du 19 mai 1998 de transposition de ladite directive, devenu l'article 1247-17 depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, il énonce que les dispositions du chapitre consacré à la responsabilité des produits défectueux ne portent pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou au titre d'un régime spécial de responsabilité.

 Il est de principe que si, selon l'article 1386-18, devenu l'article 1245-17 du code civil, le régime de responsabilité du fait des produits défectueux ne porte pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extra contractuelle ou au titre d'un régime spécial de responsabilité, c'est à la condition que ceux-ci reposent sur des fondements différents, tels la garantie des vices cachés ou la faute.

En matière de responsabilité du fait des produits défectueux, l'information constitue un des critères permettant d'apprécier l'existence du défaut. Il s'ensuit qu'un grief tiré du manquement à l'information sur les conditions d'utilisation du produit et ses risques ne peut être avancé que dans le cadre de l'action sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux et ne peut constituer une faute distincte du défaut allégué.

De plus, l'article L. 111-1 du code de la consommation, dans sa version en vigueur, dispose :

Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;

2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4 ;

3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;

4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte ;

5° S'il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en œuvre des garanties et aux autres conditions contractuelles ;

6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.

La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés par décret en Conseil d'Etat.

Les dispositions du présent article s'appliquent également aux contrats portant sur la fourniture d'eau, de gaz ou d'électricité, lorsqu'ils ne sont pas conditionnés dans un volume délimité ou en quantité déterminée, ainsi que de chauffage urbain et de contenu numérique non fourni sur un support matériel. Ces contrats font également référence à la nécessité d'une consommation sobre et respectueuse de la préservation de l'environnement.

Ces dispositions visent ainsi l'information délivrée dans la perspective de la conclusion d'un contrat alors qu'en l'espèce, aucun contrat n'a vocation à être conclu entre le fabricant du test et le patient.

Par ailleurs, le tribunal a justement relevé que la directive 2011/83/UE du Parlement et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs (l'article L. 111-1 résultant de la loi du 17 mars 2014 qui a transposé ladite directive) prévoit en son point 30 que les soins de santé doivent faire l'objet d'une réglementation spécifique et que ces soins sont définis dans la directive 2011/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2011 relative à l'application des droits des patients en matière de soins et de santé transfrontaliers comme des services de santé fournis par des professionnels de la santé aux patients pour évaluer, maintenir ou rétablir leur état de santé, y compris la prescription, la délivrance et la fourniture de médicaments et de dispositifs médicaux. Il a encore justement noté que selon l'article 3 b de cette même directive, en sont exclus les contrats portant sur les soins de santé tels que définis par l'article 3 point a de la directive 2011/24/UE, que ces services soient ou non assurés dans le cadre d'établissements de soins.

Il s'ensuit que l'article L. 111-1 ne saurait s'appliquer à un soin de santé incluant la fourniture de dispositifs médicaux tels que le test litigieux. La référence faite par les appelants à l'article L. 1111-3-3 du code de la santé publique faisant lui-même référence à l'article L. 113-3 du code de la consommation n'est pas de nature à contredire cette conclusion, l'application du code de la consommation étant strictement limitée à l'article L. 113-3 et portant sur les frais et devis, éléments non concernés par le présent litige.

Les dispositions de l'article L. 111-1 ne sont donc pas applicables au litige.

C'est également à tort que les appelants se prévalent de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique ainsi rédigé dans sa version issue de la loi du 26 janvier 2016 :

Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Elle est également informée de la possibilité de recevoir, lorsque son état de santé le permet, notamment lorsqu'elle relève de soins palliatifs au sens de l'article L. 1110-10, les soins sous forme ambulatoire ou à domicile. Il est tenu compte de la volonté de la personne de bénéficier de l'une de ces formes de prise en charge. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver.

Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser.

Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel.

La volonté d'une personne d'être tenue dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic doit être respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission.

Les droits des mineurs ou des majeurs sous tutelle mentionnés au présent article sont exercés, selon les cas, par les titulaires de l'autorité parentale ou par le tuteur. Ceux-ci reçoivent l'information prévue par le présent article, sous réserve des articles L. 1111-5 et L. 1111-5-1. Les intéressés ont le droit de recevoir eux-mêmes une information et de participer à la prise de décision les concernant, d'une manière adaptée soit à leur degré de maturité s'agissant des mineurs, soit à leurs facultés de discernement s'agissant des majeurs sous tutelle.

 Des recommandations de bonnes pratiques sur la délivrance de l'information sont établies par la Haute Autorité de santé et homologuées par arrêté du ministre chargé de la santé.

En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen.

L'établissement de santé recueille auprès du patient hospitalisé les coordonnées des professionnels de santé auprès desquels il souhaite que soient recueillies les informations nécessaires à sa prise en charge durant son séjour et que soient transmises celles utiles à la continuité des soins après sa sortie.

En effet, ainsi que le fait valoir à raison la société Diasorin, elle n'est pas un professionnel de santé, ni d'ailleurs un établissement de santé alors que l'information incombe aux professionnels de santé, lesquels doivent avec les établissements de santé rapporter la preuve de la délivrance de l'information.

Le tribunal a aussi justement écarté les dispositions des anciens articles 1134 et 1135 du code civil à défaut de contrat entre le fabricant et le patient et la théorie de la chaîne des contrats, en l'absence de vente entre le fabricant et le patient.

L'action ne peut donc non plus prospérer sur le fondement du manquement à l'obligation d'information.

- sur la responsabilité délictuelle pour faute

Le tribunal a pour l'essentiel relevé que les notices étaient conformes à l'état de la technique généralement reconnu et répondaient aux exigences réglementaires, que les critiques relatives à l'information avaient été précédemment écartées et que celles relatives à l'obligation de vigilance n'étaient pas non plus fondées.

Les appelants invoquent que le manquement à l'obligation d'information du fabricant constitue une faute délictuelle à leur égard, un tiers à un contrat pouvant se prévaloir, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, d'un manquement contractuel dès lors qu'il lui a causé un dommage. Ils arguent aussi de la violation des dispositions de l'article L. 5221-2 du code de la santé publique et de celles de l'article R. 5211- 21 du même code fixant les exigences essentielles du dispositif concernant la sécurité et la santé des patients. Enfin, ils font valoir un manquement à l'obligation de vigilance quant à l'efficacité du produit et quant aux avantages/inconvénients relatifs à son utilisation.

La société Diasorin réplique que le manquement à une obligation de vigilance n'est pas distinct du manquement à l'obligation de sécurité et qu'en tout état de cause, il n'est pas démontré de manquement de sa part à son obligation de vigilance. Elle fait valoir que le régime qui s'applique est non celui de la certification par un organisme tiers mais celui de la déclaration sous la seule responsabilité du fabricant et que ses tests sont revêtus du marquage CE, la déclaration de conformité étant datée d'août 2007.

Comme rappelé ci-dessus, il est de principe que si le régime de responsabilité du fait des produits défectueux ne porte pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extra contractuelle ou au titre d'un régime spécial de responsabilité, c'est à la condition que ceux-ci reposent sur des fondements différents, tels la garantie des vices cachés ou la faute.

En matière de responsabilité du fait des produits défectueux, l'information constitue un des critères permettant d'apprécier l'existence du défaut. Il s'ensuit qu'un grief tiré du manquement à l'information sur les conditions d'utilisation du produit et ses risques ne peut être avancé que dans le cadre de l'action sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux et ne peut constituer une faute distincte du défaut allégué.

En tout état de cause, il résulte des énonciations précédentes qu'il n'est caractérisé aucun manquement de la société Diasorin à son obligation d'information à l'égard des laboratoires d'analyses médicales de sorte que les appelants ne justifient pas, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, de l'existence d'un manquement contractuel qui leur a causé un dommage.

Il se déduit aussi du principe précité que la violation alléguée aux dispositions du code de la santé publique relatives aux exigences du dispositif concernant l'état clinique et la sécurité des patients ne constitue pas une faute distincte du défaut invoqué. Il en est du même du grief tiré du manquement au devoir de vigilance et de surveillance de la société Diasorin.

En toute hypothèse, les griefs invoqués de ces chefs ont été écartés par les motifs qui précèdent. Le tribunal a par ailleurs justement observé par des motifs approuvés par la cour que les tests de la société Diasorin sont soumis à la déclaration de conformité aux fins de marquage CE conformément à la directive 98/79/CE du 27 octobre 1998, laquelle impose de se conformer à 'l'état de la technique généralement reconnu', et que les performances des tests ont été fixées en conformité avec celles définies par le consensus de 2006, reflétant l'état de la science à cette époque, puis par le HCSP en 2014 et confirmées par l'ANSM en janvier 2017. En outre, contrairement à ce qu'affirment les appelants, cette conformité ne date pas de décembre 2015, la société Diasorin justifiant que la déclaration de conformité remonte à août 2017.

Ainsi, la responsabilité de la société Diasorin ne saurait-elle non plus être retenue sur le fondement de la responsabilité prévue à l'article 1382 devenu 1240 du code civil. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les demandeurs de l'ensemble de leurs prétentions.

Sur la procédure abusive.

Si les sommes réclamées sont considérables et apparaissent avoir été fixées de manière forfaitaire, sans réelle justification et alors que la situation de chacun des appelants, selon leurs écritures détaillant le cas de chacun d'entre eux, n'est pas identique ni même similaire, ce simple fait ne caractérise ni une intention de nuire, ni de manière plus générale un abus du droit d'agir en justice. La circonstance que les fondements de l'action développés en première instance et rejetés par les premiers juges soient quasiment les mêmes en appel ne caractérisent pas non plus un tel abus.

En conséquence, il n'y a pas lieu de prononcer une amende civile, étant observé que la société Diasorin ne réclame pas devant la cour de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement sera confirmé sur les dépens de première instance et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Chacun des appelants sera condamné à payer à la société Diasorin une somme supplémentaire de 150 euros au titre des frais irrépétibles d'appel. La charge des dépens d'appel sera supportée par les appelants.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions frappées d'appel ;

Ajoutant :

Condamne chacun des appelants à payer la somme de 150 euros à la société Diasorin au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne les appelants aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Françoise BAZET, Conseiller pour le Président empêché, et par Madame Claudine AUBERT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.