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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 25 mai 2012, n° 11/12983

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Smart & Co (SAS)

Défendeur :

Multipass (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lachacinski

Conseillers :

M. Rajbaut, Mme Nerot

Avocats :

Me Gerigny Freneaux, Me Teissonniere, Me Hardouin, Me Lumeau

TGI Paris, 3e ch. 3e sect., du 1er juill…

1 juillet 2011

Exposé des faits

Les sociétés SMART & CO et MULTIPASS proposent à la vente des coffrets et cartes cadeaux permettant à leurs bénéficiaires d'accéder à une sélection de prestations de services déclinées autour de thématiques variées telle que la détente et le bien-être, l'aventure, la gastronomie, les séjours et les divertissements, respectivement sous les marques SMARTBOX et WONDERBOX ;

La société SMART & CO indique avoir découvert au mois d'octobre 2008 que la société concurrente MULTIPASS se serait, selon elle, livrée à des actes de contrefaçon de droits d'auteur en faisant figurer sur son coffret 'Nuit insolite' la photographie d'une yourte vue de l'extérieur imitant celle apposée sur son coffret Smartbox 'Séjour pittoresque', ainsi qu'à des actes de parasitisme par la reprise des éléments caractéristiques de sa charte graphique et par la même association thèmes/couleurs ;

La société SMART&CO a assigné le 22 septembre 2009 la société MULTIPASS en contrefaçon et en concurrence déloyale et parasitaire devant le tribunal de grande instance de Paris ;

Par jugement du 1er juillet 2011, le tribunal a :

- dit que la société SMART& CO recevable en son action mais irrecevable à agir en contrefaçon de droit d'auteur sur la photographie illustrant le coffret 'Séjour pittoresque' commercialisé en 2008,

- débouté la société SMART & CO de sa demande en parasitisme,

- débouté la société MULTIPASS de ses demandes reconventionnelles en procédure abusive et parasitisme,

- condamné la société SMART & CO à payer à la société MULTIPASS la somme de 8.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ;

Vu l'appel interjeté le 8 juillet 2011 par la société SMART & CO ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 6 février 2012 par lesquelles la société SMART & CO demande à la cour :

- d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a déclaré ses demandes recevables et a rejeté les demandes reconventionnelles de la société MULTIPASS,

* à titre liminaire, sur l'intérêt à agir,

- de confirmer la décision en ce qu'elle a jugé qu'elle était recevable à agir à l'encontre de la société MULTIPASS,

* à titre principal, sur la contrefaçon de droits d'auteur,

- de dire que du 1er au 30 octobre 2008 la société MULTIPASS a contrefait sur le coffret cadeau 'Nuit insolite' la photographie de la yourte vue de l'extérieur qu'elle exploitait sur son coffret cadeau 'Séjour pittoresque',

- d'infirmer en conséquence le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes en contrefaçon de droit d'auteur,

- de la déclarer bien fondée en son appel,

- de condamner la société MULTIPASS à lui verser à titre provisionnel la somme de 50.000 euros à titre de dommages intérêts,

- d'ordonner une expertise visant à déterminer, d'une part son gain manqué, d'autre part le montant des bénéfices réalisés par la société MULTIPASS entre le 1er et le 30 octobre 2008 grâce à la commercialisation du coffret 'Nuit insolite',

* à titre principal, sur le parasitisme,

- de dire que la société MULTIPASS a commis des actes de parasitisme en reprenant entre le 7 août 2008 et le 8 juillet 2009 les caractéristiques essentielles de la charte graphique de ses coffrets cadeaux et les associations thèmes/couleurs des coffrets Smartbox,

- d'infirmer en conséquence le jugement en ce qu'il la déboutée de ses demandes en parasitisme,

- de la déclarer bien fondée en son appel,

- de condamner la société MULTIPASS à lui verser à titre provisionnel la somme de 517.800,93 euros en réparation du gain manqué en raison des actes de parasitisme commis à son encontre entre le 7 août 2008 et le 8 juillet 2009,

- de condamner la société MULTIPASS à lui payer la somme de 350.000 euros en réparation du trouble commercial qu'elle a subi en raison des actes de parasitisme commis à son encontre entre le 7 août 2008 et le 8 juillet 2009,

- d'ordonner la publication du dispositif de la décision à intervenir dans les conditions suivantes :

« Parution du communiqué suivant en police 'Times new roman' 12 sur le haut de la page d'accueil du site internet www.wonderbox.fr :

« Par arrêt en date du [...] la société MULTIPASS a été condamnée par la cour d'appel de Paris pour avoir commis des actes de contrefaçon et de parasitisme à l'encontre de la société SMART & CO caractérisés d'une part, par la contrefaçon des droits d'auteur de SMART & CO sur la photographie d'une yourte et, d'autre part, la reprise des éléments caractéristiques de la charte graphique des coffrets Smartbox de SMART & CO. La cour d'appel de Paris a notamment fait injonction à la société MULTIPASS de cesser la promotion, fabrication, commercialisation et distribution des coffrets Wonderbox reprenant indûment les éléments caractéristiques de la charte graphique des coffrets Wonderbox de SMART & CO. La société MULTIPASS a été également condamnée à payer à la société SMART & CO la somme de [...] à titre de dommages intérêts et la somme de [...] au titre de l'article 700 du code de procédure civile. La publication judiciaire, la condamnation aux dépens et l'exécution provisoire ont également été ordonnées par la cour d'appel de Paris »,

« Parution du communiqué suivant en police 'Times new roman' dans trois journaux choisis par elle aux frais exclusifs de la société MULTIPASS et dans la limite de la somme de 5.000 euros par insertion, sous l'intitulé :'Par arrêt en date du [...] la société MULTIPASS a été condamnée par la cour d'appel de Paris pour avoir commis des actes de contrefaçon et de parasitisme à l'encontre de la société SMART & CO caractérisés d'une part, par la contrefaçon des droit d'auteur de la société SMART & CO sur la photographie d'une yourte et, d'autre part, la reprise des éléments caractéristiques de la charte graphique des coffrets Smartbox de SMART & CO. La cour d'appel de Paris a notamment fait injonction à la société MULTIPASS de cesser la promotion, fabrication, commercialisation et distribution des coffrets Wonderbox reprenant indûment les éléments caractéristiques de la charte graphique des coffrets Wonderbox de la société SMART & CO. La société MULTIPASS a été également condamnée à payer à la société SMART & CO la somme de [...] à titre de dommages intérêts et la somme de [...] au titre de l'article 700 du code de procédure civile. La publication judiciaire, la condamnation aux dépens et l'exécution provisoire ont également été ordonnées par la cour d'appel de Paris »,

« Les dites parutions devront être effectuées dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement (sic) à intervenir, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard,

«  La parution du communiqué sur le site internet de la société MULTIPASS est ordonnée pour une période ininterrompue de 30 jours à compter de la date de mise en ligne du dit communiqué ; à défaut de parution du communiqué dans le délai imparti, la cour, et nonobstant l'application d'astreintes éventuellement dues par la société MULTIPASS, la période de parution du communiqué sera portée à 60 jours ininterrompus à compter de la date de mise en ligne du dit communiqué,

* à titre subsidiaire, sur les demandes reconventionnelles de la société MULTIPASS,

- de constater qu'elle n'a commis aucun abus du droit d'agir à l'encontre de la société MULTIPASS,

- de dire qu'elle n'a commis aucun acte de parasitisme à l'encontre de la société MULTIPASS,

* de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société SMART & CO (sic) de ses demandes reconventionnelles,

- de condamner la société MULTIPASS à lui payer la somme de 35.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel,

- d'ordonner l'exécution provisoire du jugement, en ce compris les dépens (sic) ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 5 décembre 2011 par lesquelles la société MULTIPASS demande à la cour :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la société SMART & CO irrecevable à agir en contrefaçon, en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes en parasitisme et contrefaçon et en ce qu'il l'a condamnée aux dépens et à lui payer la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré que la société SMART & CO justifiait d'un intérêt à agir sur le fondement du parasitisme, de ce qu'il l'a déboutée de sa demande en réparation au titre de la procédure abusive et de sa demande de dommages intérêt en parasitisme,

- de statuer à nouveau sur l'infirmation du jugement,

- de déclarer irrecevable l'action de la société SMART & CO en parasitisme compte tenu de l'absence d'intérêt à agir à son encontre,

- de condamner la société SMART & CO à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages intérêts pour abus du droit d'agir,

- de déclarer recevable sa demande reconventionnelle relative aux actes de parasitisme et de concurrence déloyale commis par la société SMART & CO,

- de dire que la société SMART & CO a commis des actes de parasitisme en reprenant dans sa nouvelle charte graphique 2009 les éléments essentiels de la charte graphique de ses coffrets cadeaux,

- de condamner en conséquence la société SMART & CO à lui payer la somme forfaitaire de 30.000 euros à parfaire au titre du gain manqué et du trouble commercial qu'elle a subis,

- d'enjoindre (sic) à la société SMART & CO de fabriquer, distribuer, commercialiser et faire la promotion de ses coffrets cadeaux Smartbox utilisant la charte graphique 2009 sous quelque forme, de quelque manière et à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir,

- d'ordonner à la société SMART & CO le retour et le retrait du marché de l'ensemble de ses coffrets cadeaux Smartbox utilisant la charte graphique 2009, et de tout document commercial ou publicitaire portant une reproduction des produits incriminés, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir,

- d'ordonner la destruction de l'ensemble des coffrets cadeaux Smartbox utilisant la charte graphique 2009 en circulation sur le marché,

- d'ordonner la publication de la décision à venir dans deux journaux aux frais de la société SMART & Co ainsi que la diffusion sur les sites internet http://wwwsmartbox.com/fr/ et http://weekendesk.fr/ pendant une durée de deux mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir sur leur page d'accueil en haut et en caractères TIMES 16, du bandeau publicitaire suivant : PUBLICATION JUDICIAIRE :'Par arrêt du [...] la cour d'appel de Paris a condamné la société SMART & CO à [....] aux dépens, à la somme de [....] euros à titre de dommages intérêts et de [....} au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à la publication judiciaire de l'arrêt dans deux journaux nationaux et sur la page d'accueil des sites internet pendant une durée de deux mois internet http://wwwsmartbox.com/fr/ et http://weekendesk.fr/ aux motifs que la société SMART & CO (Smartbox) a repris la charte graphique de la société MULTIPASS (Wonderbox) commettant de ce fait un acte de parasitisme et de concurrence déloyale au préjudice de cette dernière',

- de condamner la société SMART & CO à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

SUR QUOI, LA COUR :

Sur l'intérêt à agir de la société SMART & CO, la recevabilité de l'action :

La société MULTIPASS estime que la société SMART & CO n'a pas qualité pour agir contre elle tant au titre de sa demande en contrefaçon de droit d'auteur de la photographie de la yourte exploitée sur le coffret cadeau Smartbox 'Séjour pittoresque' qu'au titre de ses demandes fondées sur le prétendu parasitisme de la composition graphique SMARTBOX qui serait une couleur pour un coffret, un bandeau blanc avec le titre du coffret et une photographie ;

Elle soutient que l'intérêt à agir qui doit être né et actuel est celui qui existe au moment où l'action est engagée ; que la société SMART & CO ne justifie d'aucun préjudice dans la mesure où elle a retiré de la vente le 27 octobre 2008 l'ensemble des coffrets cadeaux litigieux 'Nuit insolite' dont la photographie représentait l'extérieur d'une yourte ; qu'actuellement, la photographie du nouveau coffret cadeau 'Nuit insolite' représente l'intérieur d'une yourte et se distingue de celle exploitée en 2008 sur le coffret de la société SMART & CO 'Séjour pittoresque' de sorte que l'action engagée par la société appelante au moment de son assignation pour faire juger qu'elle a commis des actes de contrefaçon de droit d'auteur est dépourvue d'intérêt né et actuel ;

Mais la société SMART & CO réplique à juste titre que si l'intérêt à agir doit être né et actuel, elle disposait au moment où elle a engagé son action en justice d'un tel intérêt, les faits de contrefaçon de droit d'auteur allégués à l'encontre de la société MULTIPASS lui ayant, selon elle, occasionné un préjudice direct et certain dont elle demande réparation, peu important que lesdits faits aient été commis sur un court laps de temps ou qu'ils aient rapidement cessé ;

La société MULTIPASS soutient encore que l'intérêt à agir devant être légitime et juridiquement protégé, la société SMART & CO ne démontre pas l'intérêt qu'elle a à agir au titre du parasitisme dès lors que les coffrets cadeaux Smartbox n'ont plus les mêmes caractéristiques visuelles que celles dont la société SMART & CO revendique l'atteinte et que les coffrets cadeaux Wonderbox n'avaient plus à la date de l'assignation, les mêmes caractéristiques visuelles que celles que la société SMART & CO lui reproche d'avoir imité ;

Mais les actes de parasitisme qui auraient été commis selon la société SMART & CO à son encontre par la société MULTIPASS à une date donnée fondent l'intérêt légitime revendiqué qui justifie l'action engagée par la société appelante qui se prétend victime du comportement déloyal de la part d'une société concurrente ; que l'intérêt à agir n'est au surplus pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action ;

Le jugement déféré qui a déclaré la société SMART & CO recevable à agir au titre des actes de contrefaçon de droit d'auteur et de parasitisme sera par conséquent confirmé ;

Sur la contrefaçon au titre des droits d'auteur :

La société SMART & CO reproche à la société MULTIPASS d'avoir contrefait sur son coffret 'Nuit insolite' la photographie de la yourte vue de l'extérieur qu'elle exploitait sur son coffret cadeau SMARTBOX 'Séjour pittoresque' ;

Elle explique que la photographie représentant selon la description qu'en a faite le tribunal 'une yourte nomade traditionnelle avec notamment une porte fermée orange et des décorations bleues en bas sur le pourtour de la yourte, laquelle est implantée dans un cadre naturel composé d'herbe, d'arbres en arrière-plan et d'un ciel bleu. Des pas japonais alignés en direction de la porte de l'habitation sont visibles au premier plan' est le résultat d'un parti pris esthétique et que la banalité du thème photographié n'entraîne pas automatiquement la banalité de la photographie dont l'originalité dépend de la composition, et de l'organisation de l'image, de son cadrage et de l'angle de prise de vue ;

Reprenant les arguments de fait développés par le tribunal, la société MULTIPASS sollicite en revanche le rejet de la demande formée par la société SMART & CO au titre de la contrefaçon de la photographie et soutient, pour nier les actes qui lui sont reprochés, que la photographie du coffret cadeau Wonderbox 'Nuit insolite' n'est pas une reprise de celle du coffret cadeau Smartbox 'Séjour pittoresque';

Selon l'article L. 112-2 9° sont considérés notamment comme oeuvres de l'esprit au sens du code de la propriété intellectuelle les oeuvres photographiques et celles réalisées à l'aide de techniques analogues à la photographie ;

Il appartient à celui qui se revendique la protection accordée à l'auteur d'une oeuvres photographique de démontrer qu'elle répond aux critères d'originalité révélant l'empreinte de la personnalité de son créateur ;

Conformément à l'article 6 du code de procédure civile qui prévoit que les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à fonder leur prétentions, le photographe ou son ayant droit a l'obligation de démontrer que la photographie sur laquelle il revendique des droits d'auteur est originale du fait du choix ou de l'intérêt de l'objet ou du sujet photographié, de la technique photographique mise en oeuvre (vitesse d'obturation, focale, exposition dans le cas de l'utilisation généralement d'appareils argentiques), de l'aménagement du décor par une mise en scène ou par une quelconque intervention humaine, fusse le moment délibérément choisi par le photographe (arc en ciel, éclairs, effets naturels provoqués par la pluie, la neige, la chaleur ou provoqués par une intervention humaine), du choix de l'angle de prise de vue ou du cadrage ou du travail réalisé sur le support que c soit de la pellicule ou un support numérique ;

Or en l'espèce, la société SMART & CO ne décrit dans ses écritures d'appel aucun élément permettant à la cour de connaître l'effort personnel de création du photographe qui conférerait à la photographie de la yourte un caractère d'originalité susceptible de l'admettre comme oeuvre photographique au sens de l'article sus-visé ;

La seule indication que l'originalité de la photographie de SMART & CO résulte de la composition et de l'organisation de l'image, de son cadrage et de l'angle de prise de vue n'est pas en soi suffisante (Point 59 des conclusions de la société SMART & CO) pour permettre à la cour de déterminer ce qui caractérise l'empreinte de la personnalité du photographe ;

Il appartient en effet à une époque où le maniement des appareils photographiques numériques est devenu courant et banal, où les réglages se font généralement automatiquement sans plus aucune intervention humaine si ce n'est dans le choix du sujet et du déclenchement de l'appareil, d'exiger du demandeur à l'action en contrefaçon d'une photographie de définir de façon précise ce qui caractérise l'originalité de sa photographie et de dire où se trouve l'empreinte de sa personnalité, sans transférer sur les juridictions saisies le fardeau de cette preuve, celles-ci ne pouvant fonder leurs décisions que sur des faits préalablement exposés et contradictoirement discutés ; que cette carence méconnaît, en outre, les droits de la défense ;

La demande formée par la société SMART & CO au titre des actes de contrefaçon sera par conséquent rejetée et le jugement déféré confirmé par des motifs substitués propres à la cour ;

Sur les actes de parasitisme allégués à l'encontre de la société MULTIPASS :

Les premiers juges ont, à juste titre, comme le rappelle la société MULTIPASS indiqué que le principe de la liberté du commerce implique qu'un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit, sous réserve de l'absence de faute préjudiciable à un exercice paisible et loyal du commerce tenant, notamment à la captation parasitaire des investissements d'autrui et que le parasitisme économique est caractérisé par la circonstance selon laquelle une personne physique ou orale, à titre lucratif et de façon injustifiée, s'inspire ou copie une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissement, indépendamment de tout risque de confusion ;

La société SMART & CO reproche à la société MULTIPASS d'avoir commis à son encontre des actes de parasitisme en reprenant indûment les éléments caractéristiques de la composition graphique de ses coffrets cadeaux Smartbox et en copiant servilement les associations de thèmes/couleurs utilisés pour ces coffrets ;

Elle expose que pour fidéliser sa clientèle et lui permettre d'identifier facilement et rapidement ses produits, elle a, dès le début de ses activités en 2003, développé et décliné une charte graphique identique pour tous ses coffrets de forme carrée 16,2 cm x 16,2 cm laquelle reposait sur la combinaison de trois éléments : une couleur située dans le quart en bas à gauche du coffret, un bandeau blanc sur la moitié supérieure du carré avec le titre du coffret et une photographie dans le dernier quart, en bas et à droite ;

Elle déclare avoir découvert qu'à partir du mois d'août 2008, la société MULTIPASS avait adopté une nouvelle charte graphique reprenant, selon elle, les trois éléments caractéristiques de ses propres coffrets cadeaux : un bandeau blanc avec le titre du coffret cadeau, une couleur, et une photographie, la charte graphique qu'elle utilisait auparavant - bordure de couleur noire, bandeau jaune orangé sur le côté du coffret, photographie au centre - étant totalement différente de celle nouvellement adoptée ;

Elle ajoute que la société MULTIPASS a également servilement copié les associations thèmes/codes couleurs de ses coffrets Smartbox ;

Ainsi selon elle, les coffrets Wonderbox 'Rêve d'exception', 'Turbo', 'Adrénaline', 'Sports et aventures', 'Séjours spa et bien être', 'Escapade gastronomique', 'A la découverte des vins', 'Tables d'ici et d'ailleurs', 'Chambre d'hôte prestige' et 'Nuit insolite' reprennent à l'identique les codes couleurs de ses coffrets 'Rêves et délices', 'Sensation', 'Initiation sportive', 'Séjour sportif', 'Séjour bien-être', 'Escapade gourmande', 'Dégustation', 'Saveurs du monde', 'Chambre d'hôte de prestige' 'Séjour pittoresque' ;

La société MULTIPASS réplique que les couleurs utilisées par la société SMART & CO n'ont jamais répondu à une logique de marketing et que ce n'est que lorsqu'elle a elle-même eu l'idée d'associer un thème à une couleur que la société SMART & CO en a fait de même et en veut pour preuve le tableau ci-après :

Fig 1

WONDERBOX    SMARTBOX

Séjour tables d'hôtes     Vert métallisé   Chambre d'hôte Prestige              Bleu/vert d'eau

Mais ce tableau fait curieusement apparaître que les sociétés concurrentes qui associaient dès les années 2006-2007 des couleurs avec des thèmes, par exemple la couleur orange pour le coffret 'Turbo' de Wonderbox et la couleur bleue pour le coffret 'Sensation' de Smartbox, ou la couleur verte pour 'Escapade gastronomique' chez Wonderbox et la couleur rouge pour le même titre chez Smartbox ont au fur et à mesure des années écoulées adopté les mêmes couleurs pour désigner des thèmes identiques, faisant ainsi apparaître que les sociétés concurrentes rivalisaient auprès de leur clientèle en adoptant des moyens de communication thématique et visuelle approchants ;

Il est ainsi peut être exact, comme le souligne le tribunal, que l'ensemble des acteurs sur le marché des coffrets cadeaux utilisent des couleurs différentes en fonction des thèmes et que l'emploi de couleur spécifiques telles que la couleur bordeaux pour le coffret 'Dégustation' chez Smartbox ou 'Tables d'ici et d'ailleurs' chez Wonderbox ou la couleur verte pour le coffret 'Escapade gourmande' chez Smartbox et 'Escapade gastronomique' chez Wonderbox est évident et ne saurait revêtir une valeur économique individualisée procurant un avantage concurrentiel, il n'en demeure pas moins que de reprendre sans nécessité des couleurs similaires pour désigner des thèmes identiques avec des désignations approchantes ( Escapade gourmande et escapade gastronomique - Séjour bien-être et séjour spa et bien-être - Rêves d'exception et rêves et délices) fait qu'il apparaît que l'une des deux sociétés concurrentes, à titre lucratif et de façon injustifiée, s'inspire ou copie la valeur économique de l'autre qui lui procure un avantage concurrentiel, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissement ;

Mais dans la mesure où le parasite économique est le fait d'un suiveur qui se place dans le sillage d'un agent économique afin de lui prendre de façon fautive une valeur économique auquel il ne peut prétendre, il est nécessaire pour le demandeur qui s'estime lésé de déterminer l'agent suiveur ;

Or, en l'espèce, la société SMART & CO qui prétend avoir dès le début de son activité en 2003 développé et décliné une charte graphique identique pour tous ses coffrets (Pièces n° 9 à 12 et n° 62 se rapportant à quatre coffrets 'Week-end de charme', 'Bien-être', 'Bien-être en France' et 'Escapade gourmande Edition 2007") ne démontre en revanche pas à quelle date précise cette charte graphique a été mise en place pour l'ensemble de ses coffrets cadeaux Smartbox , - les quelques coffrets commercialisés sous un format carré différent et sous la dénomination 'weekendesk.fr' ne pouvant constituer une gamme -, ni si elle a été la première à développer pour les coffrets Smartbox les codes thèmes/couleurs qu'elle oppose au titre du parasitisme à la société MULTIPASS ;

Elle se contente d'affirmer à partir du coffret 'Séjour pittoresque' que la société MULTIPASS est responsable d'actes de parasitisme à son encontre en copiant sa charte graphique ainsi que l'association des thèmes/couleurs des coffrets et ne produit aucun document duquel il ressortirait qu'elle a développé de façon explicite, voire implicitement un mode de communication basé sur un code couleur associé à un thème et que la charte graphique a été inventée par ses concepteurs dans l'intention d'en faire un signe de ralliement pour sa clientèle;

La société SMART & CO reproche encore à la société MULTIPASS d'avoir repris sur la couverture de son coffret 'Nuit insolite' la photographie d'une yourte vue de l'extérieur en tous points identiques à celle figurant sur son coffret SMARTBOX 'Séjour pittoresque' avant de la remplacer par une vue prise de l'intérieur de la yourte ;

Elle indique que le choix de la photographie d'une yourte n'était nullement imposé par le contenu du coffret 'Nuit insolite' et que d'avoir un temps abandonné la photographie de la yourte sur ses coffret Smartbox n'avait pour objet que de se distancier des coffrets de la société MULTIPASS ;

Elle trouve également dans le positionnement tarifaire du coffre 'Nuit insolite' 69,90 euros correspondant au prix de vente de son coffret 'Séjour pittoresque' ainsi que dans le nombre de coffrets vendus - 2.380 exemplaires - par la société MULTIPASS et la chute d'une importante part de marché, la preuve de ce que celle-ci cherche à se placer dans son sillage ;

Mais dans la mesure où la société MULTIPASS commercialise dans le coffret cadeau 'Nuit insolite' des séjours dans une yourte, il ne saurait lui être reproché d'avoir apposé sur ledit coffret la photographie d'une yourte sur laquelle la société SMART & CO ne démontre avoir aucun droit privatif ; il ne saurait pas davantage lui être reproché au titre d'agissements parasitaires d'avoir reproduit la photographie d'une vue intérieure d'une yourte laquelle constitue un hébergement qu'elle offre à sa clientèle ; l'identité des prix des prestations offerts par le coffret qui s'appliquent à des prestations identiques ou le nombre d'exemplaires vendus ne constituent également pas en soi un comportement parasitaire ; pas davantage, la baisse significative de ventes manquées par la société SMART & CO au cours des années 2008 et 2009 apparaît, à défaut de preuve rapportée d'une corrélation incontestable, la conséquence du comportement parasitaire allégué de la société MULTIPASS ;

La société SMART & CO sera par conséquent déboutée de l'ensemble de ses demandes au titre du parasitisme et le jugement ainsi confirmé de ce chef ;

Sur les actes de parasitisme et de concurrence déloyale allégués à l'encontre de la société SMART & CO :

La société MULTIPASS reproche à la décision déférée d'avoir rejeté sa demande reconventionnelle tendant à voir condamner la société SMART & CO pour avoir commis des actes de parasitisme en tirant profit, sans aucune contrepartie financière des fruits de son travail en reprenant sa composition graphique constituée par une photographie au centre du coffret cadeau, une bande blanche sur toute la partie inférieure et le nom du coffret dans la bande blanche ;

Elle soutient que la modification de la charte graphique de la société SMART & CO s'inscrit dans le sillage de son ancienne charte graphique dans la mesure où le nouveau visuel des coffrets cadeaux Smartbox reprend les caractéristiques essentielles et esthétiques de ses produits Wonderbox ;

La société SMART & CO réplique qu'elle n'a commis aucun acte de parasitisme à l'encontre de la société MULTIPASS ;

Les coffrets cadeaux Smartbox de forme carrée mis sur le marché au cours de l'année 2008 présentent une couleur située dans le quart en bas à gauche, un bandeau blanc sur la moitié supérieure du carré avec le titre du coffret et l'indication 'Smartbox' écrite en lettres minuscules noires pour 'Smart' et en lettres vertes pour 'box' ainsi qu'une photographie dans le dernier quart, en bas et à droite ;

Les coffrets Wonderbox mis sur le marché à la même date se signalent par une forme rectangulaire ( 17,7cm x 13,7cm) avec à sa partie inférieure un bandeau blanc dans lequel est porté un commentaire attractif assorti d'un titre, ledit bandeau épousant un cercle central entouré lui-même d'un cercle blanc marqué au milieu et à droite par une étoile et par la mention 'Wonder' écrite en lettres capitales noires et en lettres blanches pour 'Box' laquelle est suivie de six étoiles de dimensions croissantes en partant du haut vers le bas ;

Mais de la comparaison des coffrets cadeaux opposés, il ne résulte pour le consommateur d'attention moyenne aucun risque de confusion, les ressemblances existantes étant insuffisantes pour induire quiconque en erreur sur les produits commercialisés dans le même réseau de distribution, les dimensions des coffrets ainsi que les mentions et les inscriptions qui y sont portées étant de nature à permettre de ne pas les confondre et à attribuer à chacune des sociétés opposées l'origine exacte de leurs produits ;

Invoquant le comportement parasitaire de la société SMART & CO à son encontre, la société MULTIPASS soutient que depuis le début de l'année 2009, la société SMART & CO a repris les caractéristiques de ses coffrets Wonderbox, à savoir la photographie en place centrale du coffret, la bande blanche sur la partie inférieure et le nom du coffret cadeau dans cette partie inférieure (Pièce 26 du dossier MULTIPASS) ;

Mais les coffrets Smartbox Nouvelle Collection sont de forme carrée (16,2cm x 16,2cm) et présentent un cartouche de couleur blanche dans leur partie inférieure avec une partie droite oblitérée et dans lequel est inscrit le titre, une photographie couvrant l'ensemble du coffret à l'exception de la partie supérieure gauche de couleur blanche dans lequel figure la mention 'Smartbox' écrite en lettres minuscules noires pour 'Smart' et en lettres minuscules vertes pour 'box' ;

Cette présentation confère aux coffrets cadeaux de la société SMART & CO une physionomie caractéristique qui ne saurait être confondue avec les coffrets de la sociétés MULTIPASS tels qu'ils ont été ci-dessus décrits ;

La société MULTIPASS sera par conséquent déboutée de sa demande de condamnation de la société SMART & CO à des dommages intérêts pour concurrence déloyale ou parasitaire ;

Le jugement sera par conséquent confirmé de ce chef ;

Sur l'abus de procédure allégué par la société MULTIPASS :

Invoquant les dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile, la société MULTIPASS fait grief à la décision déférée de ne pas avoir retenu sa demande de condamnation de la société SMART & CO à titre de dommages intérêts pour procédure abusive ;

Pour justifier sa demande, elle indique faire l'objet de manière incessante de poursuites initiées par la société SMART & CO, avoir changé de charte graphique en supprimant les trois parties du coffret cadeau, la bande blanche étant utilisée tant en haut qu'en bas des coffrets, la photographie étant placée au centre du coffret et le titre en bas à gauche, et avoir retiré de la vente à la fin de l'année 2009 le coffret cadeau prétendument litigieux ;

Elle soutient que la société SMART & CO agit contre elle avec une réelle intention de lui nuire ;

La société SMART & CO réplique n'avoir commis aucun abus du droit d'agir ;

Mais l'appréciation inexacte qu'a pu faire la société SMART & CO de ses droits d'auteur sur la photographie de la yourte ou de sa demande de dommages intérêts au titre du parasitisme n'est pas en soi constitutive d'une faute ;

Au surplus la mise en oeuvre d'une voie de recours contre la décision déférée ne constitue pas un comportement procédural abusif, le droit d'agir en justice n'ayant pas en l'espèce dégénéré en faute ;

La demande de dommages intérêts pour procédure abusive formée par la société SMART & CO sera donc rejetée ;

Il convient en revanche de faire droit à la demande formée par la société MULTIPASS au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en fixant ses frais non compris dans les dépens à la somme de 15.000 euros ;

La demande formée au même titre par la société SMART & CO doit être rejetée ;

P A R C E S M O T I F S,

Confirme le jugement rendu le 1er juillet 2011 par le tribunal de grande instance de Paris en toutes ses dispositions,

Déboute les sociétés SMART & CO et MULTIPASS de l'ensemble de leurs demandes fondées sur le droit d'auteur, sur les comportements parasitaires et sur la concurrence déloyale,

Condamne la société SMART & CO à payer à la société MULTIPASS la somme complémentaire de 15.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société SMART & CO aux entiers dépens d'appel dont distraction dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.