Cass. 3e civ., 4 novembre 2004, n° 03-13.414
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Weber
Rapporteur :
M. Villien
Avocat général :
M. Cédras
Avocats :
SCP Boré et Salve de Bruneton, Me Cossa, SCP Masse-Dessen et Thouvenin
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 novembre 2002), que la société SNEM, aux droits de laquelle vient la société Le Logis familial, maître de l'ouvrage, assurée selon police dommages-ouvrage par la société Préservatrice foncière, aux droits de laquelle vient la société Assurances générales de France (AGF), a fait édifier quarante-sept villas, sous la maîtrise d'oeuvre de M. X..., architecte, et de la société Archi, les entrepreneurs Y..., SGE Construction et Z... ayant participé aux travaux ; qu'après réception intervenue en 1982 et 1983, des désordres se sont manifestés ; que le syndicat des copropriétaires Agora a, en 1996, assigné les constructeurs et assureur en réparation du préjudice de ses membres ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu que le syndicat des copropriétaires fait grief à l'arrêt de dire son action prescrite pour les demandes relatives aux villas 11, 29, 30, 36, 39, alors, selon le moyen :
1 / que la construction des 47 villas de l'ensemble immobilier Agora avait fait l'objet d'un marché unique conclu entre la SNEM, maître de l'ouvrage, et les divers locateurs d'ouvrage qui avaient participé, sur une même période, à l'ensemble des constructions, conçues selon un procédé identique "Architerre" breveté par l'architecte X... ; que cet ensemble avait ensuite fait l'objet d'une organisation en une copropriété unique ; qu'en énonçant, au prétexte de différence dans les détails d'exécution, que "chacune des villas constitue(rait) un ouvrage indépendant" pour l'application de l'article 1792 du Code civil, la cour d'appel a violé ce texte, ensemble les articles 1134 et 1787 du Code civil, 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile, 1er à 4 de la loi du 10 juillet 1965 ;
2 / que la garantie décennale couvre les conséquences futures de vices dont la réparation a été demandée au cours de la période de garantie ; qu'en l'espèce le syndicat des copropriétaires, s'appuyant sur les constatations des rapports A... des 27 octobre 1992 et 6 décembre 1996, dont ressortait l'existence d'un "sinistre global que l'on p(ouvai)t qualifier de généralisé", évolutif, et trouvant sa source dans des causes (mauvaise conception, mauvais dosage du béton, pose défectueuse des cloisons) communes à toutes les villas de l'ensemble immobilier, avait soutenu que l'assignation lancée en 1989, si elle ne visait que certaines villas dans lesquelles les désordres étaient déjà apparus, n'en avait pas moins interrompu la prescription pour l'ensemble des désordres résultant des mêmes vices ; qu'en déclarant son action prescrite pour les villas n° 11, 29, 30, 36 et 39 sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les dommages les affectant n'étaient pas la conséquence ou l'évolution des vices de construction dénoncés dans le délai décennal, la cour d'appel, qui a privé sa décision de motifs, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant souverainement relevé, par motifs propres et adoptés, que les désordres constatés dans les villas 11, 29, 30, 36, 39 avaient été dénoncés après expiration du délai décennal, que bien que l'ensemble Agora soit constitué de quarante-sept villas construites selon le même procédé, chacune d'entre elles devait néanmoins être considérée isolément et indépendamment des autres et constituait un cas particulier, en raison notamment du sol de fondation qui n'était jamais le même, et de la saison pendant laquelle le béton avait été coulé, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a pu en déduire que, chaque villa étant un ouvrage indépendant, il ne pouvait être retenu que des désordres constatés dans une villa seraient de nature à constituer l'aggravation de ceux ayant affecté antérieurement un autre immeuble ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du pourvoi principal, ci-après annexé :
Attendu que c'est discrétionnairement que la cour d'appel a décidé la condamnation du syndicat des copropriétaires à la prise en charge de la totalité des dépens, dès lors que cette partie avait partiellement succombé dans ses prétentions ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen du pourvoi incident, ci-après annexé :
Attendu que la cour d'appel ayant relevé que les villas 5 et 35 étaient mentionnées dans le "protocole d'accord" du 20 mai 1988 ayant interrompu à cette date et vis-à-vis d'elles le délai de forclusion décennale, et que les bombements constatés dans les cloisons et plafonds rendaient les ouvrages impropres à leur destination, le moyen manque en fait ;
Sur le second moyen du pourvoi incident :
Attendu que les AGF font grief à l'arrêt de déclarer le maître de l'ouvrage responsable des désordres affectant les villas 1 et 3, alors, selon le moyen, que l'aggravation de désordres sur un ouvrage immobilier, constatée postérieurement à l'expiration du délai de garantie décennale, ne peut être prise en charge dans le cadre de ladite garantie dès lors qu'il n'est pas constaté l'existence, dans le délai de dix ans, de désordres antérieurs de nature décennale, portant atteinte à la solidité de l'immeuble litigieux ou le rendant impropre à sa destination ; qu'en se fondant sur l'aggravation des désordres affectant les villas 1 et 3 pour accueillir les réclamations de la copropriété les concernant, bien que formulées postérieurement à l'expiration du délai décennal, sans constater qu'avant l'expiration dudit délai ces ouvrages étaient atteints de désordres de nature décennale, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1792 et 2270 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que le bombement des cloisons affectant les maisons 1 et 3 constituait l'aggravation d'un désordre évolutif, rendant par son ampleur l'ouvrage impropre à sa destination, et que l'expert, lors de sa première expertise, dont le rapport avait été déposé en 1992, avait constaté que ces déformations compromettaient la solidité ou, à tout le moins, la destination des villas, la cour d'appel a pu retenir le caractère décennal des désordres les affectant ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois.