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Décisions

CA Paris, 16e ch. A, 13 octobre 2005

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

L'ile (EURL)

Défendeur :

Ellini

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Gaboriau

Conseillers :

Mme Imbaud-Content, M. Zavaro

Avoué :

SCP Baskal - Chalut-Natal

Avocats :

Me Sacripanti, Me Daubriac

CA Paris

12 octobre 2005

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

La Cour statue sur l'appel interjeté par l'EURL L'ILE à l'encontre du jugement rendu le 13/10/2005 par le tribunal de grande instance de PARIS qui a :

- dit que la cession de bail intervenue entre M. Slimane ELLINI et l'EURL L'ILE était contraire aux clauses du bail et donc inopposable à M. Mamhoud ELLINI,

- constaté, en conséquence, que l'EURL L'ILE était occupante sans droit ni titre des locaux commerciaux sis à [...] et ordonné son expulsion des lieux dans les trois mois de la signification du jugement,

- dit n'y avoir lieu à astreinte non plus qu'à exécution provisoire et à indemnité au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- condamné l'EURL L'ILE aux dépens ;

Les faits et la procédure peuvent être résumés ainsi qu'il suit :

Par acte du 26/5/1971, M. Mamhoud ELLINI a donné à bail à M. Slimane ELLINI des locaux sis à [...] pour le commerce de 'fabrique et vente de pâtisserie, fruiterie, plats du jour' ;

Ledit bail, renouvelé à effet du 1er/10/1997, autorisait la cession par le preneur de son droit au bail en totalité à un successeur dans son commerce mais 'à la condition que la cession ne puisse compter un loyer inférieur à celui fixé au bail, que le preneur reste garant solidaire avec le cessionnaire du paiement des loyers et de l'exécution des conditions du bail, que la cession ait lieu en présence du bailleur dûment appelé et qu'elle soit faite par acte contenant engagement direct du cessionnaire envers le bailleur auquel un original enregistré de cet acte devait être remis sans frais pour lui dans le mois de la signature' ;

Par acte notarié du 10/9/2003, M. Slimane ELLINI a cédé son droit au bail à l'EURL L'ILE, le bailleur ayant été appelé au rendez-vous de signature mais ne s'y étant pas présenté ;

Le 26/3/2004, M. Mamhoud ELLINI a fait assigner l'EURL L'ILE devant le tribunal de grande instance de PARIS aux fins de voir dire la cession irrégulière au regard des clauses du bail et donc inopposable au bailleur et voir, en conséquence, ordonner l'expulsion sous astreinte de la défenderesse des lieux ;

L'EURL L'ILE s'est opposée à la demande et a formé demande reconventionnelle en paiement d'une somme de 10 000 € à titre de dommages- intérêts pour procédure abusive ;

C'est dans ces conditions que le jugement déféré a été rendu ;

En cause d'appel, l'EURL L'ILE a fait assigner Me MESUREUR, notaire ayant reçu l'acte de cession, aux fins de lui voir déclarer commun l'arrêt à intervenir, celui-ci n'ayant pas, sur cette assignation délivrée à une personne présente au domicile du destinataire, constitué avoué ;

L'EURL L'ILE, appelante, demande à la Cour :

- d'infirmer le jugement déféré en déboutant M. Mamhoud ELLINI de ses demandes et en faisant droit à sa demande reconventionnelle en paiement d'une somme de 10 000 € à titre de dommages- intérêts pour procédure abusive,

- de condamner M. Mamhoud ELLINI au paiement d'une somme de 2000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

M. Mamhoud ELLINI, intimé, demande à la Cour :

- de confirmer le jugement déféré sauf à dire que les lieux devront être libérés dans les huit jours de l'arrêt à intervenir et ce sous astreinte de 1000 € par jour de retard jusqu'à remise des clés,

- de condamner l'EURL L'ILE au paiement d'une somme de 3500 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

CECI ETANT EXPOSÉ,

LA COUR,

Considérant que l'EURL L'ILE, reprenant l'argumentation développée en première instance, allègue, au soutien de son appel, la nullité de la clause du bail relative à la cession au motif que cette clause porterait interdiction générale et absolue de toute cession et non simple limitation de ce droit, ce en violation des dispositions de l'article L 145-16 du code de commerce ;

Mais considérant que la clause dont s'agit n'interdit pas la cession au successeur dans le commerce soumettant simplement celle-ci à certaines conditions lesquelles n'apparaissent pas de nature à y mettre obstacle puisque tenant à de simples conditions de formalisme (présence ou appel du bailleur, remise d'un original de l'acte à celui-ci dans un délai déterminé) outre condition usuelle de garantie solidaire du cédant ;

Qu'elle n'est pas, dès lors, contraire aux dispositions de l'article L 145-16 du code de commerce déclarant nulles toute clause interdisant la cession par le preneur du droit au bail au profit de l'acquéreur de son fonds de commerce, le moyen de l'appelante de ce chef n'étant donc pas fondé ;

Considérant que l'EURL L'ILE fait encore valoir à l'appui de son appel qu'il y aurait eu continuité d'exploitation du fonds cédé de sorte, selon elle, que les conditions du bail relatives à la cession auraient été respectées, la cession en cause impliquant nécessairement, dans ces conditions, transfert de la clientèle et donc transfert du fonds ;

Mais considérant que l'acte de cession reçu par devant notaire est intitulé 'acte de cession du droit au bail', qu'il y est expressément stipulé en page 3 que la cession 'excluait la cession de la clientèle et qu'elle ne pouvait en aucun cas s'analyser comme une cession de fonds', les parties y déclarant à nouveau en page 8 que 'la cession n'emportait pas cession de clientèle et qu'elle n'était donc pas assimilable à une cession de fonds de commerce' ;

Que ces indications de l'acte de cession, en concordance avec l'extrait Kbis du 21/7/2004 de l'EURL L'ILE versé aux débats faisant mention de l'exploitation par celle-ci au 1er/10/2003 d'un fonds par elle créé, démentent les assertions ci-dessus de l'appelante sur le fait qu'elle aurait continué à exploiter dans les lieux le fonds cédé, l'appel de ce chef n'étant donc pas davantage fondé ;

Considérant que l'appelante soutient encore, pour justifier son appel, que la cession était possible dès lors qu'intervenue en raison du départ à la retraite du cédant ;

Mais considérant que M. Slimane ELLINI n'a jamais notifié au bailleur et aux créanciers inscrits, au visa de l'article L 145-51 du code de commerce, son intention de céder son bail en raison de son départ à la retraite et que cette notification aurait, au demeurant, impliqué qu'il y ait eu changement envisagé d'activité par le cessionnaire ce qui n'était pas le cas, l'EURL L'ILE exerçant dans les lieux loués la même activité ;

Considérant que ce moyen n'est donc pas davantage fondé que les précédents ;

Considérant que les demandes de M. Mamhoud ELLINI à l'encontre de l'EURL L'ILE étant fondées, cette dernière doit être déboutée de sa demande à titre de dommages- intérêts pour procédure abusive ;

Considérant, au vu de ce qui précède, que le jugement déféré qui a, par ailleurs justement dit n'y avoir lieu à assortir d'une astreinte, la condamnation à libérer les lieux, sera confirmé en toutes ses dispositions sauf à dire que les lieux devront être libérés par l'EURL L'ILE dans le mois de la signification du présent arrêt ;

Considérant que le présent arrêt sera déclaré commun à Me MESUREUR, notaire ;

SUR LA DEMANDE DES PARTIES AU TITRE DE L'ARTICLE 700 DU NOUVEAU CODE DE PROCÉDURE CIVILE,

Considérant que l'EURL L'ILE qui devra supporter la charge des dépens ne saurait solliciter indemnité au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Considérant, concernant la demande du même chef de M. Mamhoud ELLINI, qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais par lui exposés dans l'instance, une somme de 1600€ lui étant allouée à cet égard ;

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement et réputé contradictoirement,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf à dire que les lieux devront être libérés par l'EURL L'ILE dans le mois de la signification du présent arrêt,

Déclare le présent arrêt commun à Me MESUREUR, notaire ayant reçu l'acte de cession,

Condamne l'EURL L'ILE à payer à M. Mamhoud ELLINI la somme de 1600 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Déboute l'EURL L'ILE de sa demande du même chef à l'encontre de M. Mamhoud ELLINI,

Condamne l'EURL L'ILE aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction, pour les dépens d'appel, au profit de la SCP NABOUDET- HATET.