Cass. 2e civ., 30 juin 2011, n° 10-21.235
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Loriferne
Avocats :
SCP Baraduc et Duhamel, SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Waquet, Farge et Hazan
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Fructicomi a acheté en 1995 à la société César un immeuble à usage commercial, dont le gros oeuvre avait été réalisé par la société Alves, assurée auprès des Assurances générales de France (AGF), actuellement dénommée Allianz ; que la société Fructicomi a consenti sur ce bien un contrat de crédit bail immobilier au profit de la société de Florette pour une durée de 15 ans commençant à courir le 15 septembre 1995 ; que ces deux sociétés ont souscrit auprès de la société Uni Europe, aux droits de laquelle vient la société Axa France IARD, un contrat dassurances avec effet au 25 octobre 1995, couvrant notamment les dommages matériels aux biens loués et les pertes de loyers ; que la société de Florette a sous-loué les lieux à la société Innovation le 20 décembre 2004 ; que le 2 mai 2005, des hourdis, éléments de constructions, sont tombés dans le hall d'exposition ; que la société de Florette a déclaré le sinistre auprès de son assureur, la société Uni Europe ; que la société Innovation a assigné en référé la société de Florette pour obtenir la suspension du paiement de ses loyers et la réalisation des travaux de réfection nécessaires ; qu'il résulte de l'expertise judiciaire que des dommages, du fait de la chute d'autres hourdis, étaient survenus en 1994 et avaient été déclarés en 1995 auprès des AGF ; qu'assignée au fond devant un tribunal de grande instance par la société locataire en février 2007 en réparation des divers préjudices subis, la société de Florette a elle-même fait assigner la société Axa France IARD, en paiement des montants des travaux de réparation de l'immeuble, de la perte des loyers, des frais d'expertise et des dommages-intérêts ; que la société Axa France IARD a appelé en garantie les AGF au titre de la garantie décennale de l'entrepreneur principal ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société de Florette fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes à l'encontre de l'assureur AGF au titre de la garantie décennale assurant la société Alves, alors, selon le moyen, que l'action en garantie décennale qui se transmet avec la propriété de l'immeuble aux nouveaux acquéreurs, couvre les désordres apparus postérieurement à l'expiration du délai décennal mais qui se rattachent à des premiers désordres dénoncés dans le délai ; qu'il résulte des constatations de la cour d'appel que le sinistre survenu en 2005 n'est que l'aggravation de celui dénoncé en 1995 dans le délai décennal ; que dès lors, en déboutant la société de Florette, nouveau propriétaire de l'immeuble, aux motifs qu'elle n'avait pas appelé dans la cause l'ancien propriétaire et que l'action était prescrite, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 1792 et suivants du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient notamment qu'une déclaration de sinistre a été régularisée du fait du sinistre originel de 1995 ; que cette simple déclaration n'a pas pour effet d'interrompre la prescription décennale, que le premier juge a constaté que ni la société de Florette ni la société Fructicomi n'avaient assigné l'assureur AGF, dans le délai décennal ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, dont il résulte que les nouveaux désordres, constatés au-delà de l'expiration du délai décennal qui est un délai d'épreuve, s'ils trouvent leur siège dans l'ouvrage où un désordre de même nature était survenu, ne peuvent être réparés au titre de l'article 1792 du code civil, la réparation du sinistre initial n'ayant pas été demandée en justice avant l'expiration de ce délai, la cour d'appel a exactement jugé que l'action en garantie au titre de la responsabilité décennale du constructeur était prescrite ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 113-9, L. 121-15 du code des assurances, ensemble l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour débouter la société de Florette de ses demandes à l'encontre de son assureur Axa France IARD au titre du contrat d'assurance dommage et responsabilité civile, l'arrêt retient notamment, par motifs propres et adoptés, que les conclusions de l'expert judiciaire précisent «être dans le même cas de figure que la précédente déclaration de sinistre de 1995 sachant qu'actuellement les désordres se généralisent à l'ensemble des planchers» et suffisent à établir que ces chutes de hourdis constituent un seul et même sinistre ; qu'il ne résulte pas des pièces produites que l'assureur, la société Uni Europe, ait conclu le contrat en octobre 1995 en ayant connaissance du sinistre initial affectant les hourdis et de l'expertise en cours sur ce point, à la suite des premières manifestations du sinistre ; que dans ces conditions, la société Axa France IARD venant aux droits d'Uni Europe fait justement valoir que la garantie n'est pas mobilisable, faute d'aléa lors de la souscription du contrat ;
Qu'en statuant ainsi, en se bornant à énoncer que le sinistre survenu en 2005 n'était que la suite de celui survenu en 1994 et que l'assureur n'avait pas eu connaissance de ce sinistre, sans constater l'existence d'une clause interdisant d'étendre le bénéfice des stipulations contractuelles à un sinistre antérieur ni relever qu'au moment de la conclusion du contrat le risque découlant de cet accident antérieur était certain dans sa réalisation et déterminable dans son étendue, la cour d'appel a violé les articles susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du premier moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions déboutant la société de Florette et la société Fructicomi de leurs demandes à l'encontre de la société Axa France IARD, l'arrêt rendu le 6 mai 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Dit y avoir lieu de mettre hors de cause la société Allianz anciennement dénommée Assurances générale de France.