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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 6, 4 février 2010, n° 07/20822

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Finama (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme David

Conseillers :

Mme Chandelon, Mme Fevre

Avoués :

Me Melun, SCP Ribaut

Avocats :

Me Pourteau, Me Barbaud, Me Charpentier-Oltramare

T. com. Paris, du 28 nov. 2007, n° 20060…

28 novembre 2007

Par acte notarié du 11 mai 1996, la Société en Nom Collectif G. IMMOBILIER (SNC) dont Mme Edith T. épouse C. et Mlle Ingrid C., sa fille, étaient les seules associées, a acquis un ensemble immobilier commercial sis à [...] moyennant un prix de 9.650.000 F. financé à hauteur de 8.600.000 F (1.311.062 €) par un prêt souscrit auprès de la Banque pour l'Industrie Française (BIF) devenue Finama.

Mme Edith C., gérante de la SNC et Mlle Ingrid C. se sont portées cautions solidaires de ces engagements.

Par courrier recommandé du 7 mars 1997, la BIF a notifié à la SNC qu'elle appliquerait la clause d'exigibilité anticipée prévue au contrat de prêt à défaut de règlement sous dix jours des mensualités de remboursement restées impayées.

Pour s'acquitter de sa dette, la SNC a vendu plusieurs lots dépendant de l'ensemble immobilier les 26 octobre et 8 décembre 1999.

Par jugement d'adjudication du 13 décembre 2001, 56 emplacements de stationnement ont encore été cédés.

Le 3 février 2004, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la SNC et la banque Finama a déclaré sa créance à titre privilégié à hauteur de 1.880.635,42 €, arrêtée au 3 février 2004, outre les intérêts au taux de 10,90 % l'an à échoir.

Par jugement du 7 mars 2005, confirmé par arrêt du 18 janvier 2007, l'action en nullité du prêt souscrit engagée par la SNC a été déclarée prescrite.

Par exploit du 22 juin 2006, la banque Finama a assigné en paiement Mmes Edith et Ingrid C. prises en leurs qualités d'associées de la SNC.

Par jugement du 28 novembre 2007, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris les a condamnés à payer à la société Finama:

- 1.428.347,70 € portant intérêt au taux conventionnel de 7,90 % à compter du 13 mai 2007 et jusqu'à la signification du jugement,

- solidairement, la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 10 décembre 2007, Mmes Edith et Ingrid C. ont interjeté appel de cette décision.

Dans leurs dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, déposées le 10 avril 2008, Mmes Edith et Ingrid C. demandent à la Cour de:

- infirmer le jugement,

- déclarer irrecevable l'action en ce qu'elle est dirigée contre Mlle Ingrid C. et de la mettre hors de cause,

- dire la déchéance du terme non acquise,

- réduire à 1€ la clause pénale de majoration de 3 points de la partie des échéances impayées correspondant au capital restant du,

- fixer à 221.212,55 l'encourt du prêt au 11 février 2008,

- condamner l'intimée à leur verser 1.000.000 € de dommages intérêts ou une somme équivalente au solde dont elles pourraient être jugées redevables,

- la condamner à leur verser la somme de 8.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, déposées le 19 juin 2009, la banque Finama demande à la Cour de:

- confirmer partiellement le jugement,

Y ajoutant,

- prononcer la condamnation solidaire des appelantes au paiement de la somme de 1.337.086,50 € arrêtée au 31 mai 2009 portant intérêts capitalisés au taux conventionnel, jusqu'au paiement,

- les condamner à 10.000 € de dommages intérêts pour résistance abusive et à 5 .000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

CELA ETANT EXPOSE,

LA COUR,

Sur la déchéance du terme

Considérant que l'article 3 du contrat de prêt notarié prévoit une clause d'exigibilité anticipée des sommes dues 'en cas de non paiement, à son échéance, d'un terme ou d'une somme due à la Banque pour l'Industrie Française, à un titre quelconque, en vertu des conventions contenues dans l'acte' et dispose pouvoir, dans une telle hypothèse,'exiger le versement de toutes les sommes à elle dues et ce, dix jours après un simple avis adressé par lettre recommandé avec accusé de réception à la partie créditée, au domicile élue par elle';

Considérant que l'échéance du 11 février 1997 étant restée impayée, la BIF a mis en demeure la SNC de procéder à son règlement par courrier recommandé avec accusé de réception du 21 février 1997;

Considérant que cette mise en demeure étant restée infructueuse, elle lui a adressé le 7 mars 1997 le courrier recommandé avec accusé de réception dont la teneur suit:

"A défaut de règlement dans les dix jours des sommes dues, nous vous informons que nous ferons application de la clause d'exigibilité anticipée prévue à l'acte de prêt du 11 mai 1996 sans préjudice des poursuites précédemment annoncées";

Considérant que de ces termes dépourvus de toute ambiguïté, il convient de déduire la résiliation du contrat dix jours après réception du courrier du 7 mars 1997,

Qu'est sans incidence sur cette situation juridique acquise, le fait que les décomptes opérés par la banque retiennent la date postérieure du 5 novembre 1999 pour porter au crédit de la SNC les remboursement partiels opérés après la déchéance du terme, la méthode de calcul ainsi employée ne pouvant être critiquée que dans la mesure où elle aggraverait la situation débitrice de la société SNC;

Considérant encore que les requérantes ne peuvent soutenir que la SNC était à jour de ses paiements à la date de la déchéance du terme comme il sera démontré ci après;

Sur l'irrecevabilité de la demande dirigée contre Mme Edith C.

Considérant que pour solliciter sa mise hors de cause, Mlle Ingrid C. expose ne plus être associée de la SNC et justifie avoir cédé les 4825 parts qu'elle détenait le 7 août 2002, selon acte régulièrement enregistré à la recette des impôts le 1er septembre 2002;

Mais considérant qu'aux termes de l'article L221-1 du code de commerce, répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales les personnes ayant la qualité d'associés à la date à laquelle les paiements sont devenus exigibles;

Considérant que Mlle Ingrid C. ayant cédé ses parts postérieurement au mois de mars 1997, correspondant à la déchéance du terme, ce moyen ne saurait prospérer;

Sur la majoration des intérêts

Considérant que l'article 3 précité du contrat de prêt se termine par la disposition suivante:

"Dans le cas où la Banque pour l'Industrie Française exigerait, en application de l'une quelconque des clauses ci-dessus, le remboursement immédiat du capital dû, majoré des intérêts échus mais non payés, les sommes restant dues produiraient des intérêts de retard jusqu'à la date du règlement effectif, à un taux égal à celui du prêt majoré de trois points. En outre le prêteur pourra vous demander une indemnité égale au plus à sept pour cent du capital restant dû";

Considérant que la présence de cette clause ne permettait pas au tribunal de considérer non rapportée la preuve d'une majoration des intérêts ni d'arrêter le cours des intérêts conventionnels à la date de signification du jugement;

Sur la demande de minoration de la clause pénale

Considérant que la clause pénale se présente sous une double forme:

- une indemnité correspondant à 7% du capital restant dû,

- la majoration de 3% des intérêts;

Considérant que l'indemnité appliquée n'est pas critiquée; qu'elle a été calculée sur une somme de 7.626.402,48 F (1.162.637,56 €) qui correspond au capital restant du au 11 août 1999 majoré "d'intérêts intercalaires";

Que cette solution est favorable aux appelantes, la banque étant en droit de calculer la pénalité à partir du capital résiduel dû le jour de la déchéance du terme soit 8.367.286,07;

Considérant cependant que cette pénalité atteint la somme conséquente de 81.384,63 €; qu'en lui ajoutant une majoration de 3 points des intérêts de base déjà très supérieurs à ceux du marché actuel, il en résulte une clause pénale manifestement excessive que la Cour réduira dans le décompte de la créance, calculant le montant de la pénalité définitive, qui ne pourra plus augmenter après le présent arrêt, la créance retenue par la Cour devant produire à compter de cette date intérêt au taux conventionnel de 7,90 %;

Sur le quantum de la créance

Considérant qu'il est contesté par les appelantes sur différents points qu'il convient d'examiner;

Considérant que la banque ne produit aucune réclamation pour les échéances des 13 août 1996 et 13 novembre 1996; qu'il est donc constant qu'elles ont été réglées à bonne date;

Considérant que pour prétendre que celles des 11 février et 11 mai 1997 auraient été acquittées, Mmes C. évoquent un 'transfert de compte' sans justifier du moindre paiement;

Considérant que ce transfert est bien établi par les pièces produites; qu'il ne correspond cependant pas à un versement mais à une écriture comptable visant à faire passer les impayés d'un compte courant à un compte spécifiquement ouvert à cet effet;

Considérant que les créances de 25.424 €, 159.747 €, 164.433 € et 63.188 € dont se prévalent les appelantes figurent bien au crédit du compte de la SNC;

Considérant que contrairement à ce soutiennent Mmes C., la SNC n'a pas déposé le 2 novembre 2000 un chèque de 698.480,25 F (106.483 €);

Qu'en réalité, les décomptes produits par la banque permettent de constater que cette somme correspond à la différence entre le produit de la vente opérée le 2 novembre 1999, 164.433 € et le montant des intérêts des sommes dues sur la période 3 août 1997/30 septembre 1999, 380.127,74 F (57.950,10 €);

Considérant que les appelantes font encore état de la condamnation pour faute professionnelle de M° T., notaire intervenu dans cette opération, à hauteur de 421.334,83 €;

Qu'il convient cependant de constater qu'il s'agit de la somme accordée par le tribunal;

Que la condamnation a été réduite à 206.092,86 € par la Cour et que la Finama a bien porté ce montant au crédit du compte de la SNC;

Considérant qu'elles font encore valoir que la vente des parkings aurait dégagé une créance de 375.247,78 €, ce dont elles ne rapportent pas la preuve;

Qu'il résulte cependant du jugement d'adjudication que le prix de vente dégagé s'est élevé à 349.108,25 € et que les décomptes de la banque ne comportent qu'une partie de ce montant, 251.978,81 €, reçu à titre provisionnel le 24 septembre 2002;

Que la créance de la banque sera en conséquence diminuée de la différence soit 97.129,44€, majorée des intérêts conventionnels de 10,90 % qu'elle a appliqués sur ce montant considéré à tort comme restant dû;

Considérant enfin que les intérêts versés par la Caisse des Dépôts et des Consignations ont, contrairement à ce que soutiennent les appelantes, été intégrés dans le décompte produit à hauteur de 69.403 €;

Considérant que le dernier décompte de la banque appelle encore, de la part de la Cour, les observations suivantes:

Que l'arriéré qui y figure indiqué comme arrêté au 5 novembre 1999 et qui correspond aux échéances impayées de février, mai et août 1997, soit 738.935,75 F majoré des intérêts produits, d'un montant de 54.153,35 F peut être retenu; qu'il correspond à 120.905,65 €;

Mais considérant que la créance chiffrée à 8.419.431,58 F ou 1.283.543,21 € par la banque ne peut être admise, cette somme résultant de l'addition entre les 120.905,65 € précités et le montant du capital restant dû au 11 août 2009, majoré dans les termes précités, de1.162.637,56 €;

Qu'il en résulte que la somme de 120.905,65 €, a été comptabilisée deux fois et qu'il convient de déduire la créance de la banque de ce montant majoré comme précisé ci-dessus;

Considérant encore que sous la rubrique 'mouvements débiteurs jusqu'au 30 septembre 2000", la banque impute à la SNC des 'frais d'appel' engagés le 17 janvier 2000 et 'une provision de frais d'hypothèques';

Qu'aucun de ces postes n'étant justifié, il convient de retirer le montant correspondant de 10.053,65 € majoré comme précisé ci-dessus;

Considérant que le poste 'agios au 30/09/2000" peut être admis sous réserve d'en exclure les intérêts des sommes exigées indûment, qu'il concerne les intérêts postérieurs au 2 novembre 1999, date à laquelle les précédents avaient été apurés par la vente conclue à cette date;

Considérant qu'il n'en résulte pas pour autant, comme le soutiennent les appelantes, qui ne fournissent aucun décompte et oublient, dans leurs observations, de prendre en compte les intérêts des sommes dues par la SNC, qu'à la suite des différents versements opérés cette dernière n'aurait plus de dette et serait créancière de la banque;

Considérant que rectifiant le décompte produit et usant de son pouvoir de réduire une clause pénale qu'elle considère manifestement excessive et dont elle arrête à ce jour le montant définitif, avec pour conséquence de limiter à 7,90 % les intérêts à échoir de la créance que la Cour évalue, à ce jour, à 700.000 €;

Considérant que la capitalisation des intérêts est de droit;

Sur les autres demandes de la banque

Considérant que les comptes présentées par la Finama ne pouvaient permettre aux appelantes de se convaincre, au jour le jour, de l'évolution de la dette de la SNC, laquelle n'a pu être déterminée par la Cour qu'en procédant au recoupement de multiples décomptes, qui ne portent jamais sur les mêmes périodes, omettent ou rajoutent certains postes;

Que dans un tel contexte, la banque ne peut se prévaloir de l'absence complète de bonne foi des associées et qu'elle sera déboutée tant de sa demande de dommages intérêts que de l'application sollicitée des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

Sur la demande reconventionnelle

Considérant que les appelantes reprochent à la banque de n'avoir pas mis en oeuvre dès le début des relations contractuelles, la délégation de loyers prévue dans la convention de prêt;

Mais considérant que le fait pour la banque de ne pas faire jouer cette garantie, qui n'était pour elle qu'une faculté, ne saurait être considérée comme fautive;

Qu'en toute hypothèse Mmes C. étant assignées dans cette instance en leur qualité de gérante et non au titre de leur engagement de caution, elles n'ont subi aucun préjudice du chef de la saisie opérée par le syndic qui a permis de réduire la dette de la SNC à l'égard du syndicat de copropriété;

Considérant qu'elles ne sauraient davantage reprocher à la banque d'avoir mis en oeuvre cette délégation contractuelle à compter du mois de juillet 1997;

Considérant qu'il résulte des développements précédents que la Finama étant créancière de la SNC à la date du 3 novembre 1999, la procédure de saisie immobilière entreprise ne peut davantage être critiquée;

Que s'agissant d'une procédure d'exécution réglementéee engagée conformément aux dispositions légales elle ne peut être constitutive de 'harcèlement';

Que la même observation s'impose pour les autres procédures diligentées;

Qu'à supposer même qu'elle soit la conséquence des ventes forcées, ce qui n'est pas démontré, la perte de valeur de l'ensemble immobilier ne saurait engager la responsabilité de la banque;

Considérant qu'il convient en conséquence de débouter Mmes C. de leurs demandes de dommages intérêts;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'exception d'irrecevabilité soulevée par Mme Ingrid C. et la demande de dommages intérêts de la banque Finama;

L'infirme pour le surplus;

Condamne solidairement Mme Edith C. et Mme Ingrid C. à payer à la banque Finama la somme de 700.000 €, montant de sa créance arrêtée à ce jour, clause pénale comprise et réduite dans les termes du dispositif;

Dit que cette somme portera intérêts au taux conventionnel de 7,90 % l'an à compter de ce jour;

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les termes prévus par l'article 1154 du code civil;

Rejette les autres demandes;

Condamne solidairement Mme Edith C. et Mme Ingrid C. aux dépens avec distraction au profit de l'avoué concerné dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.