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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 9 juin 2017, n° 16/01781

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Sté U.-EL

Défendeur :

Christian (SAL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mme Renard, Mme Douillet

TGI Paris, 3e ch. sect. 3, du 13 nov. 2…

13 novembre 2015

La société belge Lange C. SA est spécialisée dans la conception et la commercialisation d'aspirateurs de déchets urbains et industriels. Elle commercialise depuis 1995 un aspirateur de déchets urbains et industriels entièrement électrique sous le nom « Glutton » aux collectivités territoriales. A l'occasion d'un salon à Paris en novembre 2012, la société Lange C. SA a fait constater par huissier la présence d'un modèle d'aspirateur qu'elle présente comme identique au sien, présenté par la société Mécagil.

La société Lange C. a fait procéder à une saisie-contrefaçon au siège de la société Mécagil les 25 et 26 avril 2013 révélant la présence d'un modèle d'aspirateur urbain « Dumbo », fourni par la société turque Ü.-El.

La société Lange C. SA a, par actes des 27 et 29 mai 2013, fait assigner les sociétés Mécagil et Ü.-El en contrefaçon de droits d'auteur et en concurrence déloyale.

Par jugement contradictoire en date du 13 novembre 2015, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de grande instance de Paris a :

- dit que les sociétés Mécagil et Ü.-El ont, en important, exposant, offrant à la vente et en vendant un aspirateur de rue « Dumbo », « Elephant » ou « Fil », reproduisant les caractéristiques de l'aspirateur « Glutton » commercialisé par la société Lange C., sans son autorisation, ont commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur à son préjudice,

- fait interdiction aux sociétés défenderesses de poursuivre ces agissements, sous astreinte provisoire de 200 euros par infraction constatée, à l'expiration du délai d'un mois suivant la signification du présent jugement, le tribunal se réservant la faculté de liquider l'astreint

- condamné in solidum les sociétés Mécagil et Ü.-El à payer à la société Lange C. la somme de 30.000 euros, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la contrefaçon de droits d'auteur,

- rejeté la demande de la société Lange C. formée à l'encontre des sociétés défenderesses au titre de la concurrence déloyale,

- condamné in solidum les sociétés Mécagil et Ü.-El à payer à la société Lange C. la somme de 6.000 euros, au titre de l'article 700 du Code de procédure et aux dépens, civile,

- rejeté les appels en garantie réciproques formées par les sociétés Mécagil et Ü.

La société Mécagil a interjeté appel de ce jugement par une déclaration au greffe en date du 8 janvier 2016.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 février 2017, la société Mecagil demande à la cour de :

- infirmer le jugement du 13 novembre 2015 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la société Lange C. de ses demandes en concurrence déloyale et en ce qu'il a débouté la société U.-El de sa demande en garantie ;

Et, statuant à nouveau :

A titre principal de :

- déclarer la société Lange C. SA irrecevable en toutes ses demandes, fins et conclusions

- déclarer la société Lange C. SA irrecevable en son action en contrefaçon de droits d'auteur ;

- débouter la société Lange C. SA de toutes ses demandes, fins et conclusions subsidiaires au titre d'une prétendue concurrence déloyale ;

- condamner la société Lange C. SA à verser à la société Mecagil la somme de 100.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- condamner la société Lange C. SA à verser à la société Mecagil la somme de 25.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens, dont distraction au profit de maître Olivier L. conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,à titre subsidiaire :

- débouter la société Lange C. SA de sa demande tendant à voir dire que l'aspirateur urbain Glutton serait original et digne de bénéficier de la protection des articles L. 112-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle ;

- déclarer nul le procès-verbal de constat du 20 novembre 2012 ; l'écarter des débats ;

- déclarer nuls la requête à fin de saisie contrefaçon et l'ordonnance du 28 mars 2013, l'acte de signification du 25 avril 2013, le procès-verbal de saisie contrefaçon des 25 et 26 avril 2013 et les opérations de saisie contrefaçon des mêmes dates ; écarter des débats ce procès-verbal et l'ensemble des documents saisis à l'occasion des opérations de saisie contrefaçon ;

- débouter la société Lange C. SA de toutes ses demandes, fins et conclusions au titre d'une prétendue contrefaçon de droits d'auteur ;

- débouter la société Lange C. SA de toutes ses demandes, fins et conclusions subsidiaires au titre d'une prétendue concurrence déloyale ;

- condamner la société Lange C. SA à verser à la société Mecagil la somme de 100.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- condamner la société Lange C. SA à verser à la société Mecagil la somme de 25.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens, dont distraction au profit de maître Olivier L. conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, à titre plus subsidiaire :

- débouter la société Lange C. SA de toutes ses demandes indemnitaires ;

- dire n'y avoir lieu au prononcé de mesures d'interdiction, de destruction et de publication ;

- débouter la société Lange C. SA de toutes ses demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et des dépens ;

En tout état de cause :

- déclarer la société Lange C. SA mal fondée en son appel incident et l'en débouter ;

- déclarer la société U.-El mal fondée en son appel incident et principal tendant à la condamnation de la société Mecagil à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ; l'en débouter ;

- dire que la société U.-El sera tenue de garantir la société Mecagil de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

- condamner la société U.-El à verser à la société Mecagil la somme de 25.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Olivier L. conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions signifiées le 22 mars 2017, la société Lange C. demande à la cour de :

- confirmer le jugement du 13 novembre 2015 en ce qu'il a :

- dit que les sociétés Mécagil et Ü.-El ont, en important, exposant, offrant à la vente et en vendant un aspirateur urbain « Dumbo », « Elephant » ou « Fil », reproduisant les caractéristiques de l'aspirateur « Glutton » commercialisé par la société Lange C. SA, sans son autorisation, commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur à son préjudice ;

- fait interdiction aux sociétés Mécagil et Ü.-El de poursuivre ces agissements, sous astreinte provisoire de 200 (deux cent) euros par infraction constatée, à l'expiration du délai d'un mois suivant la signification du jugement, le tribunal se réservant la faculté de liquider l'astreinte ;

- condamné in solidum les sociétés Mécagil et Ü.-El à payer à la société Lange C. SA la somme de 6.000 (six mille) euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

- l'infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau :

A titre principal :

- ordonner la destruction sous le contrôle de la société Lange C. SA et aux frais solidaires des sociétés Mécagil et Ü.-El de l'intégralité du stock éventuel pouvant se trouver entre les mains de ces dernières, sous astreinte de 1.000 (mille) euros par jour de retard, à compter de l'arrêt à intervenir ;

- condamner in solidum les sociétés Mécagil et Ü.-El, à payer à la société Lange C. SA, la somme de 100.000 (cent mille) euros, sauf à parfaire, à titre de dommages et intérêts du chef de la contrefaçon de droit d'auteur ;

- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans 3 (trois) journaux ou magazines au choix de la société Lange C. SA aux frais solidaires des sociétés Mécagil et Ü.-El, sans que le coût de chaque insertion n'excède la somme de 5.000 (cinq mille) euros hors taxe à titre subsidiaire :

- dire et juger que les sociétés Mécagil et Ü.-El se sont rendues coupables d'actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Lange C. SA, faits répréhensibles sur le fondement de l'article 1240 du Code civil ;

En conséquence :

- condamner in solidumles sociétés Mécagil et Ü. à payer à la société Lange C. SA la somme de 80.000 (quatre-vingt mille) euros au titre des actes de concurrence déloyale

En tout état de cause :

- débouter les sociétés Mécagil et Ü.-El de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;

- condamner in solidum les sociétés Mécagil et Ü.-El à payer à la société Lange C. SA la somme de 25.000 (vingt-cinq mille) euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens d'appel, ainsi qu'aux frais de saisie contrefaçon.

Par dernières conclusions signifiées le 15 mars 2017, la société U.-El demande à la Cour de :

A titre principal :

- infirmer le jugement du 13 novembre 2015 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la société Lange C. de ses demandes en concurrence déloyale ;

- dire et juger que l'aspirateur urbain « Glutton » est insusceptible de protection au titre des articles L.112-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle ;

- dire et juger que la société Lange C. est irrecevable à agir ;

En conséquence,

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la société Lange C. SA et l'en débouter ;

à titre subsidiaire et infiniment subsidiaire :

- prononcer la nullité des procès-verbaux du 20 novembre 2012 et des 25 et 26 avril 2013 ;

- dire et juger que la société U.-Tel n'a commis aucun acte de contrefaçon et n'a commis aucun acte de concurrence déloyale ;

- dire et juger que la société Lange C. SA ne justifie d'aucun préjudice en conséquence ;

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la société Lange C. SA et l'en débouter, à titre reconventionnel,

- condamner la société L. Chrisitian à verser à la société U.-El la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et concurrence déloyale,

- constater que la loi applicable au contrat est le droit turc et que le juge compétent est le juge turc

En conséquence,

- débouter la société Mécagil de sa demande de garantie à l'encontre de la société U.-El,

- dire que la société Mécagil sera tenue de garantir la société U.-El de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

- condamner la Lange C. aux dépens que Me Canan E. O. pourra recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- condamner en outre la Lange C. à une indemnité d'un montant de 10.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 23 mars 2017.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile

MOTIFS

Sur la recevabilité de la société Lange C. :

La société Mécagil soutient que M.Christian L. n'avait pas qualité pour assigner car il n'est pas le dirigeant de la société Lange C. et il n'a pas non plus la qualité de représentant légal de celle-ci, les deux seuls représentants légaux en étant les administrateurs délégués qui sont les sociétés From ideas to the market et P.A Thibaut.

La société U.-El indique s'associer aux moyens développés par la société Mécagil sur le défaut de qualité à agir de la personne ayant demandé la délivrance de l'assignation sauf qu'elle ne saurait se prévaloir de l'assignation délivrée à une autre partie au litige.

L'assignation du 27 mai 2013 a été délivrée à la demande de la société Lange C. 'agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège'.

La société de droit belge Lange C. compte depuis 2007 deux administrateurs délégués qui sont deux personnes morales, la société P. A Thibaut et la société From Ideas to the Market qui a remplacé M.Christian L. dans ces fonctions, celui-ci en étant le gérant.

L'article 20 des statuts de la société Lange C. prévoient qu'elle peut être représentée 'soit par deux administrateurs conjointement, soit dans la limite de la gestion journalière et des pouvoirs qui leur ont été conférés par le ou les délégués à cette gestion agissant ensemble ou séparément' ; il résulte de cette disposition que la société Lange C. peut être représentée par un seul des deux administrateurs dès lors que cette représentation entre dans la limite de la gestion journalière ; or l'engagement d'une action en contrefaçon qui a pour seul finalité de défendre les intérêts de la société ne dépasse pas la limite ainsi fixée ; en conséquence la société From Ideas to the Market avait qualité pour engager cette action et elle était à cet effet régulièrement représentée par son dirigeant, M.Christian L..

Si M. Christian L. a été désigné dans l'acte de signification de l'assignation comme représentant légal de la société Lange C. et non comme représentant légal de la société From Ideas to the Market, cette indication constitue en conséquence une erreur et donc un vice de forme.

L'article 122 du Code de procédure civile dispose que 'la nullité des actes de procédure peut être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement ; mais elle est couverte si celui qui l'invoque a postérieurement à l'acte invoqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever la nullité'.

La société Mécagil n'a soulevé aucune exception de nullité et ayant opposé une fin de non-recevoir et conclu au fond, elle ne peut plus invoquer la nullité de l'assignation.

Sur le procès-verbal de constat du 20 novembre 2012

Les sociétés Mécagil et U.-El poursuivent la nullité du procès-verbal dressé le 20 novembre 2012 par Me L., huissier de justice, soutenant que celui-ci ne fait pas état de la présence d'une personne l'ayant accompagné.

Il résulte de la lecture de ce procès-verbal la mention en pages 2 et 5 que Me L. s'est fait accompagner par Mme C., employée technique du salon qui s'est fait remettre le prospectus présentant l'aspirateur 'Dumbo' annexé au constat ; Mme C. n'étant ni salariée d'un concurrent des sociétés Mécagil et U.-El et n'ayant aucun lien avec la société Mécagil et U.-El, elle avait la qualité de tiers par rapport à ces dernières et sa présence était nécessaire pour permettre à Me L. de conserver le rôle passif qu'exige son intervention en tant que constatant.

La société U.-El prétend que le constat doit être déclaré nul car il s'apparente à une saisie-contrefaçon descriptive en raison de la réalisation par l'huissier de photographies de l'aspirateur litigieux.

En l'espèce le constat relève qu'une 'machine est exposée au fond du stand' et ajoute quatre photos représentant chacune des faces de l'aspirateur ce qui ne saurait être qualifié de description détaillée des caractéristiques de l'aspirateur litigieux.

Sur la requête afin de saisie-contrefaçon du 28 mars 2013 et du procès-verbal de saisie des 25 et 26 avril 2013

La société Mécagil soutient que la requête afin de saisie contrefaçon est nulle en ce qu'elle n'a pas été signée par l'avocat dont elle comporte le nom.

Il ne peut être contesté que la requête a été présenté par un avocat et aucun élément ne démontre qu'elle ne l'aurait pas été par l'avocat dont le nom figure et qui a été le seul avocat ayant défendu les intérêts de la société Lange C. au cours de cette procédure.

La société U.-El expose que le procès-verbal de saisie contrefaçon doit être annulé en raison d'un délai insuffisant entre la signification de l'ordonnance et le début des opérations de saisie.

Or le procès-verbal de saisie indique que l'ordonnance a été signifiée à dix heures et que les opérations de saisie contrefaçon ont débuté à dix heures treize après que l'huissier a 'lu à haute voix l'ordonnance à Monsieur V. Marc, PDG, et m'être assurée de la parfaite compréhension des termes de l'ordonnance, je demande s'il existe des questions' ; il s'avère dès lors que le délai observé de plus de dix minutes a été satisfaisant.

Enfin, les demanderesses prétendent que toutes les pièces annexées au procès-verbal des 25 et 26 avril 2013 n'ont pas été communiquées.

Il convient de relever que, d'une part, la société Lange C. a répondu à la sommation de communiquer de la société Mécagil du 27 mars 2014 et a communiqué les pièces correspondantes aux documents exploités dans la présente procédure, d'autre part, a produit l'intégralité des pièces communiquées qui font l'objet de sa pièce 39.

En conséquence, les griefs des sociétés Mécagil et U.-El tendant aux annulations précitées ne sont pas fondés.

Sur la présomption de titularité des droits invoquée par la société Lange C.

La société Lange C. se prévaut de la tularité de ses droits sur l'aspirateur Glutton créé par M. Christian L. en 1995 exposant qu'elle en assure la commercialisation.

Il est constant que la personne morale qui commercialise de façon non équivoque une oeuvre de l'esprit est présumée à l'égard des tiers recherchés en contrefaçon et en l'absence de revendication du ou des auteurs, détenir sur ladite oeuvre des droits patrimoniaux de l'auteur.

La société Mécagil soutient que la société Lange C. est irrecevable en ce qu'elle ne rapporte pas la preuve de la création de l'aspirateur Glutton, de la date de celle-ci et de la cession des droits de son auteur à son profit.

Pour bénéficier de cette présomption simple, il appartient à la personne morale d'identifier précisément l'oeuvre qu'elle revendique, de justifier de la date à laquelle elle a commencé à en assurer la comercialisation et d'établir que les caractéristiques de l'oeuvre qu'elle revendique sont identiques à celle dont elle rapporte la commercialisation sous son nom.

Il importe peu que les reproductions invoquées sur l'aspirateur Glutton aient été déposées à titre de marque au nom de M.Christian L. dès lors que la société Lange C. invoque sa comercialisation depuis 1995 et que M.Christian L. qui est titulaire de la marque communautaire tridimensionnelle Glutton ne revendique aucun droit de propriété.

La société Lange C. caractérise l'aspirateur revendiqué par les éléments suivants :

Il est sur trois roues, deux à l'arrière, et une à l'avant

Les roues arrière sont plus grandes que la roue avant

Un guidon de commande est fixé depuis la roue avant

Un nez profilé partant du haut de l'appareil vres l'extrémité avant du chassis lui conférant un aspect aérodynamique empruntant à la fois au design d'un train et à celui d'un véhicule automobile

Une coque blanche faite d'un seul montant

Des lignes en relief blanc ton sur ton traversant la face gauche de la coque horizontalement en son milieu et soulignant l'arête du nez

Le châssis blanc remonte vers le nez de l'aspirateur en formant une courbe et est délimité du reste du corps de l'aspirateur par un liseré épais en relief

Une poubelle amovible est fixée à l'arrière de l'aspirateur et elle est surmontée d'un coffre blanc avec un gyrophare

Sur la face droite de l'aspirateur se trouve un renforcement créant une surface plane

Une buse en plastique transparente rejoint le coffre de l'aspirateur

Une boule est située sur la face gauche à l'avant de la roue arrière.

Elle produit notamment des copies d'écran de son internet datés des 12 décembre 2012, 28 mars 2013, 22 mai 2013 ; ceux-ci mentionnent 'Glutton : l'aspirateur de déchets urbains et industriels' et retracent l'historique de sa création et sa commercialisation depuis 1995 ; ils comportent des photographies qui, quand bien même elles ne donnent à voir que la face droite de l'aspirateur, permettent de retrouver les caractéristiques invoquées par la société Lange C. et démontrent la divulgation de cet appareil depuis 1995.

La société Lange C. corrobore cette commercialisation en versant une brochure de présentation qui identifie l'appareil en cause, des factures visant l'aspirateurs urbain dénommé Glutton; si celles-ci comportent plusieurs références, il n'en demeure pas moins que figure une même dénomination de sorte qu'il ne s'ensuit pas que la distinction ainsi opérée corresponde à des appareils ayant des caractéristiques autres que celles de l'appareil revendiqué.

Elle produit également des articles de presse datant de 2000, 2007 et 2012 qui lui sont consacrés.

Ces pièces démontrent la commercialisation non équivoque par la société Lange C. d'aspirateurs dénommés Glutton correspondant au modèle revendiqué depuis 1995.

En conséquence c'est à bon droit que les premiers juges ont dit que la société Lange C. était recevable à se prévaloir de la protection attachée aux droits d'auteur.

Sur l'originalité

Lest sociétés U.-El et Mécagil prétendent que l'aspirateur Glutton est tout à fait banal et qu'il répond à un ensemble d'impératifs techniques liés à la fonction d'un aspirateur de voirie.

L'article L112-1 du code la propriété intellectuelle dispose que les droits d'auteur sont protéges du seul fait de la création quel que soit le genre, la forme, l’expression, le mérite ou la destination de l'oeuvre de l'esprit considérée.

Il importe peu que la société Lange C. ait déposé le 25 juin 2014 sous priorité du 25 juin 2013 une demande internationale de brevet ayant pour objet 'aspirateur urbain' dès lors que cette demande qui est intervenue plus d'un an après l'introduction en contrefaçon porte sur le mécanisme de la buse d'aspiration, les moyens de préhension et un accessoire qui sert de soutien, l'aspirateur n'étant pas réduit à ces seuls éléments techniques et le droit d'auteur protègeant la forme indépendamment de l'invention.

La société Lange C. ne conteste pas que certains éléments constitutifs de l'aspirateur Glutton sont fonctionnels mais soutient que la combinaison particulière des éléments choisis et la recherche d'un certain esthétisme caractérise l'originalité de sa création.

Si l'existence d'éléments tels que les roues, la buse d'aspiration, la présence d'une poubelle amovible constituent des caractéristiques fonctionnelles qui se retrouvent dans ce type d'aspirateur et si le positionnement et la direction de la buse vers l'avant de l'appareil répond selon les conclusions de la société Lange C. en première insrtance à un souci ergonomique, donc fonctionnel, en revanche, le nombre et le positionnement des roues, soit une seule à l'avant, la forme de l'avant de l'appareil rappelant un nez profilé et qui lui donne un aspect aérodynamique comme un un nez d'avion ou d'une locomotive, l'emplacement de la poubelle à l'arrière afin de dissimuler au maximum le sac poubelle,et le fait de la surmonter d'un coffre sont des choix arbitraires qui ne sont pas fonctionnellement contraints ; tels qu'arbitrairement choisis et agencés par son auteur ces choix révèlent une combinaison suggérant un mouvement aérodynamique sans césure avec le chassis blanc qui remonte vers le nez de l'aspirateur en formant une courbe et qui délimite le reste du corps de l'aspirateur par un liseré épais en relief; cette combinaison qui apparaît clairement sur les photographies produites et correspondant à l'aspirateur Glutton n'est pas l'objet d'un simple savoir-faire technique mais marque cet objet d'art appliqué d'une recherche esthétique reflétant l'empreinte de la personnalité de son auteur.

Sur la contrefaçon

La société U.-El fait valoir que les photos de l'appareil Dumbo exploitées et mises en exergue par la société Lange C. dans ses écritures ne sont pas celles du procès-verbal de constat qui présentent l'aspirateur buse rangée et intégrée dans le coffre de l'appareil, cet argument ne saurait être retenu puisque l'huissier a annexé un prospectus qui présente l'appareil en fonction et buse sortie.

Les sociétés U.-El et Mécagil affirment que les deux aspirateurs présentent des différences excluant tout risque de confusion.

Il importe peu qu'il y ait des différences dès lors que la contrefaçon en droit d'auteur est réalisée par la reprise des caractéristiques essentielles de l'oeuvre qui sont au fondement de son originalité.

La société U.-El évoque des proportions distinctes et la localisation des inscriptions présentes sur la coque qui permet, selon elle, de distinguer l'aspirateur Dumbo.

La cour constate que :

- les deux appareils présentent une buse d'aspiration placée à l'avant de sorte que, quand bien même l'appareil Dumbo a un encart de rangement au sein de la coque, celui-ci ne modifie pas la forme de la coque faite d'un seul montant, et une fois la buse sortie il n'y a qu'une différence d'angle de 45°, les deux appareils étant proportionnellement identiques ;

- les deux appareils comportent à l'arrière une poubelle surmontée d'un coffre blanc avec un gyrophare, la différence de forme du capot de la poubelle amovible ne constituant qu'une différence de détail ;

- les deux aspirateurs présentent visuellement à l'avant une seule roue, quand bien même pour le Dumbo, elle est constituée par deux pneus accolés,

- la face droite des deux appareils comprend pour chacun un renforcement créant une surface plane quand bien même elle est de plus petite dimension sur le Dumbo,

- leur face gauche présente sur la partie arrière la même insertion 'Electric ‘et des inscriptions sur la coque quand bien même elles ne sont pas placées à la même hauteur et que l'un comporte la mention 'Glutton' et l'autre le dessin d'un éléphant, cette différence n'étant pas significative ;

- les deux appareils comportent un guidon fixé depuis la roue avant ; si celui de l'aspirateur Glutton se présente avec des commandes électriques et deux poignées situées de part et d'autre de sa partie centrale alors que celui 'Dumbo' consiste en un manche en forme de crochet, cette différence n'est perceptible que pour l'utilisateur ;

En conséquence les différences n'affectent pas l'impression d'ensemble identique des deux appareils, le Dumbo ayant repris les caractéristiques originales de l'appareil Glutton commercialisé par la société Lange C. et constituant dès lors une contrefaçon.

Sur le préjudice

La société Lange C. demande à la cour d'augmenter le montant de la réparation qui lui a été allouée par les premiers juges soit 30 000€.

Les sociétés Mécagil et U.-El soutiennent que le préjudice allégué est inexistant dans la mesure où la société Mécagil n'a vendu aucun appareil litigieux et qu'elle a détruit l'unique exemplaire en sa possession, le seul appareil vendu correspondant à un aspirateur de structure modifiée mis au point à la suite des opérations de saisie contrefaçon.

Il n'en demeure pas moins que la société Mécagil a présenté l'aspirateur en cause sur des salons professionnels et a participé à des appels d'offres ce qui a favorisé une banalisation de l'oeuvre originale de la société Lange C. et a ainsi porté atteinte à sa réputation en créant un doute auprès des clients sur l'originalité de l'appareil.

C'est par une juste appréciation de ce préjudice que les premiers juges ont alloué à la société Lange C. une somme de 30 000€ sauf pour la cour à y ajouter une mesure de publication.

En revanche, dans la mesure où il n'est pas démontré l'existence d'appareils litigieux dans le circuit commercial, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de destruction.

Sur les demandes reconventionnelles

La société Mécagil invoque le caractère abusif de la procédure engagée à son encontre aux motifs qu'elle a mis en oeuvre tous les moyens permettant de résoudre amiablement le litige en faisant détrire le seul appareil détenu et en cessant de le proposer à la vente ce dont elle a justifié auprès de la société Lange C. avant même la mise en oeuvre de la procédure.

Le choix d'ester en justice est un droit dont l'usage ne saurait être reproché à la société Lange C., quand bien même la société Mécagil avait alors renoncé à offrir à la vente de l'appareil en cause et même des appareils modifiés.

La société Mécagil invoque la garantie de la société U.-El en sa qualité de concepteur de l'aspirateur 'Eléphant : Dumbo' et de vendeur.

La société U.-El fait valoir qu'en ce qui concerne les relations contractuelles entre les parties, le juge compétent est le tribunal du défendeur donc le juge turc et la loi applicable au contrat la loi turque.

Si la société Mécagil fait observer la contradiction de la société U.-El qui demande à être garantie par elle, force est de constater que la société Mécagil et la société U.-El sont liées par un contrat portant sur la distribution de l'appareil en cause par la société Mécagil dont il n'est pas contesté qu'il désigne le juge du défendeur et l'application de la loi turque ; la garantie d'éviction due par le vendeur suit donc le sort de ce contrat et la cour est incompétente pour en connaître.

En revanche, la société U.-El fait valoir qu'elle n'a fait que produire et exporter les produits aux caractéristiques, dénomination ert coloris exigés par la société Mécagil ce qui ne s'inscrit pas dans la relation contractuelle ci avant évoquée ; pour autant elle n'en fait pas la démonstration de sorte que sa demande en garantie à l'encontre de la société Mécagil sera rejetée.

En conséquence, c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné in solidum les sociétés Mécagil et U.-El du chef de contrefaçon.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

La société Lange C. ayant dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement déféré sauf à :

DIRE irrecevable la société Mécagil en son appel en garantie à l'encontre de la société U.-El

Et sauf à y ajouter :

ORDONNE la publication de l'arrêt à intervenir dans trois journaux ou magazines au choix de la société Lange C. SA aux frais solidaires des sociétés Mécagil et Ü.-El, sans que le coût de chaque insertion n'excède la somme de 5.000 euros hors taxe.

CONDAMNE in solidum les sociétés Mécagil et U.-El à payer à la société Lange C. la somme de 15 000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

REJETTE toute autre demande, fin ou conclusion plus ample ou contraire.

CONDAMNE in solidum les sociétés Mécagil et U.-El aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.