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Décisions

CA Grenoble, 2e ch. civ., 29 mars 2004, n° 02/00136

GRENOBLE

Arrêt

Infirmation partielle

CA Grenoble n° 02/00136

28 mars 2004

La Cour statue sur l'appel interjeté par la Société PAC DIFFUSION, à l'encontre d'un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de VIENNE, le 8 novembre 2001 qui l'a :

Déclarée entièrement responsable de l'effondrement de l'abri de piscine,

Condamnée à payer à M. MAGNAT :

 

45 848,11 € en réparation du coût de construction de la piscine.

1 010,94 € en réparation du robot détérioré

 

 1 524,49 € à titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile

 

Dit que la Société AMBONATI a commis une faute (dans son devoir de conseil) engageant sa responsabilité à l'égard de la Société PAC DIFFUSION

Fixé le partage de responsabilité entre ces deux Sociétés à 80 % à la charge de PAC DIFFUSION et 20 % à la charge de AMBONATI

Exposé des faits et des moyens des parties

Mr MAGNAT a fait installer, par la Société PAC DIFFUSION, un abri de piscine facturé le 26 mai 1989 pour le prix de 209.000 Frs TTC.

Cet abri télescopique avait des dimensions hors tout en position déployée de 8,37 m × 16,65 m, dont l'élément le plus important (dans lequel les sept autres éléments s'emboîtaient) est en position fixe à l'extrémité du bassin.

La Société AMBONATI FRERES est intervenue pour l'assemblage des éléments de l'abri de piscine.

A la suite de l'effondrement de l'abri, sous le poids de la neige, le 4 janvier 1997, une expertise a été ordonnée le 27 mars 1997, désignant Mr BERGER en qualité d'expert.

A la suite du dépôt du rapport d'expertise intervenu le 28 mai 2000, Mr MAGNAT s'est prévalu des dispositions de l'article 1792 du Code Civil pour demander que soit consacrée la responsabilité de la Société PAC DIFFUSION. Devant la Cour il conclut à la confirmation du jugement.

 

La Société PAC DIFFUSION expose

Qu’un abri rétractable n'est pas un ouvrage au sens de l'article 1792 du Code civil,

Que sur la base de l'article 1147 du Code civil il appartient à M. MAGNAT de démontrer la faute de PAC DIFFUSION, ce qu'il ne fait pas, d'autant plus qu'il n'a pas respecté les consignes du manuel d'utilisation.

Subsidiairement, qu'il a commis une faute engageant sa responsabilité à 80 %, caractérisée par l'inobservation des préconisations contractuelles du manuel d'utilisation de l'équipement et des restrictions d'utilisation.

La Société AMBONATI indique qu'il ne lui appartenait pas de contrôler la qualité des éléments de l'abri et que PAC DIFFUSION s'est adjoint les services de M. LACOMBE et de la Société FABRE et était entourée des conseils techniques nécessaires.

 

SUR QUOI, LA COUR

 

Attendu que pour un plus ample exposé des faits et des prétentions des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions régulièrement déposées ;

 

Sur l'application de l'article 1792 du Code civil

 

Attendu que l'abri de piscine comprenait une construction avec une partie mobile et une partie fixe simplement posée au sol par quelques boulons, sans travaux, ni fondations ; que cet abri rétractable destiné à assurer au propriétaire de la piscine un meilleur confort d'utilisation de cet équipement, dépourvu de fondations est par hypothèse amovible ;

 

Attendu que cet équipement ne fait pas indissociablement corps avec l'ouvrage construit ; que son démontage et son remplacement peut s'effectuer sans détérioration du support ou enlèvement de la matière le composant ; qu'il résulte du rapport d'expertise qu'il suffit en effet, pour démonter l'abri, de dévisser les fixations qui assurent son ancrage au sol, sans engendrer une détérioration du support ;

Qu'il s'ensuit que le jugement qui a dit que l'abri piscine est une construction au sens de l'article 1792 du Code Civil, sera réformé ;

 

Sur l'application de l'article 1147 du Code civil

 

Attendu que pour faire jouer la responsabilité de PAC DIFFUSION dans le cadre de l'article 1147 du Code Civil, Monsieur MAGNAT, qui ne bénéficie d'aucune présomption de responsabilité, doit démontrer la faute causale de la Société PAC DIFFUSION et établir être étranger à la réalisation du sinistre ;

 

Sur la faute de la Société PAC DIFFUSION

 

Attendu qu'il résulte du rapport d'expertise que l'étude des conditions météorologiques montre que le 4 janvier au soir, la surcharge de neige atteignait 25 Kg/2, surcharge très largement suffisante pour expliquer l'effondrement, alors que l'abri était normalement suffisamment dimensionné pour résister à une petite surcharge de neige (une dizaine de Kg/2) ;

Attendu que selon l'expert les causes à l'origine de l'effondrement sont les suivantes :

La notice de vérification présentée par la Société PAC DIFFUSION présente de nombreuses anomalies,

Les équerres de liaison sont de mauvaise qualité, ne présentant pas les caractéristiques de résistance suffisantes au regard des contraintes dues aux charges permanentes et surcharges,

La mauvaise qualité des équerres de liaison fait que l'abri est dans un état de stabilité précaire sous les seules surcharges permanentes, une petite modification des charges entraîne sa ruine (chute de neige, vent),

Attendu que l'expert a précisé qu'une faute de PAC DIFFUSION peut être retenue en raison de la fragilité des équerres de liaison : « que la mauvaise qualité des équerres de liaison... peut expliquer l'effondrement de l'abri sous une légère modification des conditions météorologiques » ;

 

Sur la faute de M. MAGNAT

 

Attendu cependant que M. MAGNAT a commis une faute ;

 

Qu'en effet, ainsi qu'il résulte des mentions manuscrites portées sur la facture par Monsieur MAGNAT lui-même (« Bon pour réception », suivi de sa signature), celui-ci s'est vu remettre le jour de la livraison un manuel d'utilisation qui définissait les conditions d'utilisation de l'abri piscine ;

 

Que de plus, par lettre recommandée avec AR en date du 10.12.92 la Société PAC DIFFUSION rappelait à Mr MAGNAT les dispositions à prendre en cas de neige ; que cette lettre a bien été délivrée au domicile de M. MAGNAT ainsi qu'il résulte de l'accusé de réception qui comporte la signature « Magnat » ;

 

Attendu qu'en tout état de cause, le manuel d'utilisation dont il n'est pas contestable qu'il ait été remis, précise : « La couche de neige recouvrant le toit doit être régulièrement enlevée. Important : En cas de précipitation de neige... si l'abri n'est pas chauffé (ce qui était le cas), le replier. » ;

 

« Après chaque manœuvre, l'abri doit rester impérativement fixé au sol par les diverses attaches disposées à cet effet. Chaque module doit être maintenu au sol par l'intermédiaire de deux points de fixation situés de part et d'autre de l'élément. » ;

 

Attendu que l'expert, sur ce dernier point, a relevé que les équerres de fixation sur les deux éléments centraux n'avaient pas été mises en place ;

 

Attendu que l'expert a conclu que les précautions préconisées par le constructeur lorsque l'abri est déployé n'avaient pas été entièrement satisfaites par M. MAGNAT (absence des fixations sur deux éléments centraux). « Cette cause peut également expliquer l'effondrement de l'abri sous une faible surcharge de neige » (rapport d'expertise p. 25) ;

 

Attendu que les précautions en cas de chute de neige n'ont pas avoir été prises avec l'efficacité voulue par M. MAGNAT ; que notamment ce dernier aurait dû replier l'abri de piscine du fait des intempéries, comme le prévoyait le manuel d'utilisation, ce qu'il n'a pas fait ;

Attendu que l'expert a ainsi résumé son avis :

« L’abri est normalement suffisamment dimensionné pour résister à une petite surcharge de neige (une dizaine de kg/m2) permettant au maître de l'ouvrage de prendre les précautions nécessaires dès les premiers flocons (sauf si ces précautions ont été prises avant l'hiver), sous cette seule surcharge les déformations sont déjà très importantes.

 

La mauvaise qualité des équerres de liaison est suffisante pour expliquer la ruine de l'abri sous une surcharge de neige très faible, inférieure à celle précisée ci-dessus.

 

De même l'absence des fixations en pied de portique est également suffisante pour être à l'origine de la ruine sous une surcharge de neige très faible. »

Attendu qu'il convient en conséquence eu égard aux fautes et erreurs respectives de M. MAGNAT et de PAC DIFFUSION de retenir un partage de responsabilité de 50 % pour M. MAGNAT et de 50 % pour PAC DIFFUSION ;

 

Sur l'appel en cause de la Société AMBONATI

 

Attendu que la Société PAC DIFFUSION, spécialisée dans la construction des abris de piscine, était en charge des conception, fourniture et pose de l'abri commandé par les époux MAGNAT (p. 89 du rapport d'expertise) ; Que cette Société était liée par un contrat de collaboration technique avec Monsieur Jean-Marc LACOMBE, ingénieur ;

Attendu que selon l'expert, «la Société AMBONATI apparaît comme « l’assembleur » des abris à partir des indications techniques fournies par la Société PAC et Mr LACOMBE » (p. 83) ;

 

Que conformément à sa mission, Monsieur LACOMBE était en relation directe avec la Société FABRE, fabricant des équerres de liaison ;

 

Attendu que selon l'expert, en vue de lancer le marché des abris de piscines, la Société PAC DIFFUSION a voulu le faire au moindre coût, notamment concernant les équerres de liaison, dont le prix a été discuté entre la Société PAC DIFFUSION (Monsieur TANGORRE) et la Société FABRE, sans pour autant spécifier les caractéristiques techniques à remplir, telle que la résistance minimum des pièces ;

 

Que l'expert conclut que bien que coordinateur de l'ensemble de l'opération, la Société PAC DIFFUSION ne s'est pas assurée de la réalisation de tests et essais de charge, en vue de vérifier la résistance de la structure où des éléments la composant, cette carence se traduisant entre autres par l'acceptation sans réserve des équerres prototypes ;

 

Que l'expert conclut « qu’en tant qu'assembleur, nous ne pensons pas que la Société AMBONATI ait commis des erreurs » ;

 

Qu'en conséquence, la Société AMBONATI FRERES ne saurait voir sa responsabilité engagée pour pallier la carence professionnelle de la Société PAC DIFFUSION ;

 

Attendu que l'obligation de conseil a vocation à fonctionner chaque fois que l'une des parties se fie à la compétence de l'autre dans un domaine où elle est normalement incompétente ; que la Société AMBONATI FRERES n'avait aucune obligation de renseignement envers PAC DIFFUSION, spécialiste en la matière ;

Que la Société AMBONATI ne justifie pas du préjudice dont elle demande réparation ; qu'elle sera déboutée de sa demande à ce titre ;

 

Sur la réparation du préjudice de M. MAGNAT

 

Attendu que l'expert a fixé à la somme de 343 788,80 TTC (52 410.26 €) la réparation du coût de reconstruction de l'abri piscine et à 7 580,43 F (1 155.63 €) le montant du robot détérioré ;

Que compte tenu de la part de responsabilité (50 %) de M. MAGNAT, il y a lieu de condamner la Société PAC DIFFUSION à lui verser une indemnité de 26 205,13 € pour la piscine et de 577,81 € pour le robot ;

 

 

PAR CES MOTIFS

 

La COUR, STATUANT publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

 

REFORME le jugement entrepris ;

 

ET STATUANT A NOUVEAU

 

DECLARE M. MAGNAT et la Société PAC DIFFUSION responsables chacun à 50 % des conséquences dommageables de l'effondrement de l'abri de piscine sur le fondement des dispositions de l'article 1147 du Code civil ;

 

CONDAMNE en conséquence la Société PAC DIFFUSION à verser à M. MAGNAT la somme de 52.410,26 € en réparation du coût de reconstruction de l'abri piscine ;

 

Dit que cette condamnation est indexée sur l'indice National BT 01, l'indice de référence étant celui publié au jour du dépôt du rapport d'expertise, et qu'elle sera réévaluée en fonction de celui publié au jour du paiement ;

 

CONDAMNE la Société PAC DIFFUSION à payer à M. MAGNAT la somme de 1 155.63 €, en dédommagement du robot, et une somme de 1 500 € à titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, pour des motifs tirés de l'équité, en sus de la somme déjà accordée à ce titre par la décision de première instance ;

 

CONDAMNE la Société PAC DIFFUSION à payer à la Société AMBONATI FRERES une somme de 1 500 € pour des motifs tirés de l'équité ;

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

 

CONDAMNE la Société PAC DIFFUSION aux dépens dont distraction au profit de la SELARL DAUPHIN MIHAJLOVIC.