Cass. com., 18 septembre 2019, n° 16-26.962
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Piwnica et Molinié, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 septembre 2016), que, par un arrêt définitif, M. A... a été déclaré coupable de complicité d'abus de biens sociaux commis au préjudice de la Société des lubrifiants Elf Aquitaine (la SLEA), à laquelle a succédé la société Total lubrifiants, et condamné à payer à cette dernière une certaine somme à titre de dommages-intérêts ; que soutenant avoir agi au nom et pour le compte de la société Coprim dont il était le dirigeant, M. A... a assigné la société Sogeprom entreprises (la société Sogeprom), venue aux droits de cette dernière, en remboursement des sommes versées à la société Total lubrifiants ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. A... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen, que le dirigeant est le mandataire de la société dont il est l'organe ; qu'en jugeant que les relations entre une société en nom collectif et son gérant ne résultaient pas d'un contrat de mandat au sens de l'article 1984 du code civil, la cour d'appel a violé ce texte par refus d'application ;
Mais attendu qu'après avoir énoncé, par motifs adoptés, que le dirigeant social d'une société détient un pouvoir de représentation de la société, d'origine légale, l'arrêt retient, à bon droit, que les dispositions spécifiques du code civil régissant le mandat n'ont pas vocation à s'appliquer dans les rapports entre la société et son dirigeant ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. A... fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :
1°/ que la cour d'appel a constaté que le contrat du 5 mars 1991 avait été souscrit par M. A... en sa qualité de représentant légal de la société Coprim, dans l'exercice de ses fonctions, au nom et pour le compte de la société Coprim, qui avait tiré avantage des faits commis par son représentant légal pour avoir acquis ainsi 40% des droits à construire sur les terrains vendus ; qu'il s'en déduisait que M. A... était intervenu à l'acte litigieux en sa seule qualité d'organe social dans l'exercice strict de ses fonctions et dans l'unique but d'accomplir l'objet social de la société qui était d'acquérir des terrains et des droits à construire ; qu'en jugeant cependant que l'usage illicite des biens de la société Coprim procédait de la convention du 5 mars 1991 que M. A... avait souscrit en sa qualité de représentant légal de la société Coprim et que s'agissant d'un acte personnel du dirigeant, il devait en assumer seul les conséquences, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant l'article 1382 du code civil ;
2°/ que le seul constat de la commission, par le représentant légal de la société agissant ès qualités, d'une infraction pénale intentionnelle est insuffisant à exonérer la personne morale de toute responsabilité ; qu'en énonçant que toute infraction pénale intentionnelle commise par un dirigeant est par essence un acte personnel détachable de ses fonctions, qui n'engage pas la société, sans rechercher concrètement si l'acte avait été accompli en dehors des fonctions du dirigeant, en dehors de ses pouvoirs et à des fins strictement personnelles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que M. A... avait été définitivement jugé coupable de complicité d'abus de biens sociaux au préjudice de la SLEA, retenu que cette faute impliquait un usage illicite des biens de la société qu'il dirigeait, consistant à rémunérer des commissions occultes avec le patrimoine de celle-ci, et énoncé que la faute pénale intentionnelle du dirigeant est par essence détachable des fonctions, peu important qu'elle ait été commise dans le cadre de celles-ci, ce dont elle a déduit que M. A... ne pouvait se retourner contre la société venant aux droits de la société Coprim pour lui faire supporter in fine les conséquences de cette faute qui est un acte personnel du dirigeant, que ce soit vis-à-vis des tiers ou de la société au nom de laquelle il a cru devoir agir, la cour d'appel, qui n'avait pas à faire la recherche invoquée à la deuxième branche, a statué à bon droit ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu que M. A... fait encore le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, que toute personne a droit au respect de ses biens ; que refuser au représentant légal d'une personne morale, condamné en lieu et place de cette dernière, à indemniser la victime à raison du préjudice résultant du contrat signé par cette société, la possibilité d'agir sur le fondement des dispositions des articles 1984 et suivants du code civil ou sur celles des dispositions de l'article 1382 du code civil, pour obtenir de la société qu'elle prenne en charge le paiement de la dette qui est celle du mandant et non du mandataire, a pour effet de le priver de tout recours contre le véritable responsable et porte une atteinte disproportionnée à ses biens ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 1 du protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 544 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel ayant retenu, par des motifs vainement critiqués par le deuxième moyen, que la faute pénale intentionnelle commise par le dirigeant était un acte personnel dont il devait seul assumer les conséquences, ce dont il se déduit que la dette de réparation du préjudice causé par cette faute est une dette propre, le grief pris de ce que M. A... aurait supporté sur ses biens la dette de la société manque par le fait qui lui sert de base ; que le moyen est inopérant ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.