Cass. com., 20 novembre 2019, n° 17-19.918
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
Me Haas, SCP Boulloche
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'André V... et sa soeur, Mme V..., ont créé, sous le régime de la tontine, la société civile immobilière Excalibur, ayant pour objet principal l'acquisition de biens immobiliers, notamment celle d'un ensemble immobilier situé à Fontenailles ; que par une convention du 27 juillet 2000, la société Galaad Inc. (la société Galaad) a prêté à la société Excalibur la somme de 304 898,03 euros en vue de l'acquisition de cet ensemble immobilier ; que le 31 décembre 2011, cette convention, initialement prévue pour une durée de cinq ans, a fait l'objet d'un avenant prorogeant son terme jusqu'au 31 décembre 2014 ; que, le 13 mars 2013, la société Galaad a assigné la société Excalibur en paiement de la somme de 2 378 084,19 euros et aux fins d'obtenir le transfert à son profit des parts sociales détenues par André V... et Mme V... ; qu'André V... étant décédé le [...] , Mme V... est devenue l'unique associée de la société Excalibur ;
Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches :
Attendu que Mme V... et la société Excalibur font grief à l'arrêt de les condamner, in solidum, à payer à la société Galaad la somme de 1 558 026,10 euros avec intérêts au taux de 6 % à compter du 31 décembre 2014 et capitalisation alors, selon le moyen :
1°/ que dans leurs conclusions d'appel déposées et notifiées le 16 décembre 2015, Mme V... et la SCI Excalibur ont soutenu que la cour d'appel devait distinguer entre la partie de la dette à laquelle il convenait d'appliquer le taux d'intérêt contractuel de 6 % fixé par la convention d'ouverture de crédit du 27 juillet 2000 et celle qui, faute d'entrer dans le cadre de cette convention, ne pouvait se voir appliquer ce taux ; que la cour d'appel a décidé que l'intégralité de la condamnation prononcée devait être majorée du taux de 6 % ; qu'en statuant ainsi, sans répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que le juge doit respecter les conventions des parties et ne peut étendre les obligations qui y sont stipulées ; qu'en appliquant explicitement le taux d'intérêt de 6 % issu de la convention de 2000 notamment aux « charges courantes d'entretien de l'ensemble immobilier », sans constater que ces charges entraient bien dans le cadre du prêt ayant fait l'objet de la convention du 27 juillet 2000 et accordé en vue de l'acquisition de l'ensemble immobilier et non de son entretien, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable à la cause ;
Mais attendu qu'ayant, par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, arrêté la dette de la société Excalibur envers la société Galaad au titre de la convention du 27 juillet 2000 à la somme de 1 558 026,10 euros, comprenant notamment le paiement des charges courantes de l'ensemble immobilier, l'arrêt retient qu'il convient d'appliquer à cette somme le taux d'intérêt contractuel de 6 % stipulé par cette convention ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a ainsi répondu, en les écartant, aux conclusions prétendument délaissées, a légalement justifié sa décision ;
Et sur le moyen, pris en sa première branche :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1165 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Attendu que pour ordonner à Mme V..., à défaut de s'être acquittée du remboursement de sa dette, de transférer l'ensemble de ses parts à la société Galaad en garantie de la dette résultant de la convention du 27 juillet 2000 dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte, l'arrêt retient que l'article 5 de cette convention stipule que la société Excalibur devra s'acquitter du remboursement de sa dette dans le mois de l'arrêté de compte et qu'à défaut de ce remboursement à bonne date et jusqu'à ce que celui-ci soit intervenu, la société Galaad pourra exiger le transfert à son profit d'une fraction des parts constituant le capital de la société Excalibur ;
Qu'en statuant ainsi, alors que Mme V... n'avait signé la convention du 27 juillet 2000 qu'en qualité de gérante de la société Excalibur, de sorte qu'elle n'y avait pas consenti en son nom personnel et que cette clause du contrat lui était inopposable, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il ordonne à Mme V..., à défaut de s'être acquittée du remboursement de sa dette, de transférer l'ensemble de ses parts à la société Galaad en garantie de la dette résultant de la convention d'ouverture du 27 juillet 2000 dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai et, ce, pendant un délai de trois mois, l'arrêt rendu le 27 avril 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.