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Décisions

Cass. com., 22 novembre 2011, n° 10-23.125

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

SCP Baraduc et Duhamel, SCP Boré et Salve de Bruneton

Lyon, du 15 juin 2010

15 juin 2010

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite des difficultés rencontrées par la société Laboratoires Agelys, un protocole d'accord a été conclu en vue d'assurer sa recapitalisation entre la société Laboratoire Sicobel, qui distribuait notamment ses produits, et certains de ses actionnaires, la société Garibaldi participations, la société Héléa financière et la société Rhône Alpes création (les investisseurs institutionnels), ainsi que M. X..., ce dernier intervenant non seulement à titre personnel mais également en qualité de président de la société Laboratoire Sicobel ; qu'aux termes de ce protocole d'accord, il a été convenu d'un apport par les investisseurs institutionnels en compte courant dans les livres de la société Laboratoire Sicobel d'une somme globale de 559 995, 78 euros, de la création de la société Sicobel développement par l'apport des titres des sociétés Laboratoires Agelys Laboratoire Sicobel et de la cession de la branche cosmétique de la société Laboratoires Agelys à la société Laboratoire Sicobel ; que les dispositions de ce protocole n'ayant pas été mises en oeuvre, les investisseurs institutionnels ont assigné la société Laboratoire Sicobel en remboursement des sommes qu'ils avaient apportées en compte courant conformément à ce protocole ;

Sur le premier moyen et le second moyen, pris en ses deux premières branches, celles-ci étant rédigées en des termes identiques aux quatrième et cinquième branches du premier moyen, réunis :

Attendu que les investisseurs financiers font grief à l'arrêt d'avoir dit inopposable à la société Laboratoire Sicobel la convention d'apport en compte courant du 28 juin 2007 signée avec cette dernière et d'avoir en conséquence rejeté l'intégralité de leurs demandes dirigées contre la société Laboratoire Sicobel tendant notamment à la restitution du principal, augmenté des intérêts des sommes qu'elles lui avaient versées en exécution de cette convention, alors, selon le moyen :

1°/ que l'apport de fonds qui, s'insérant dans une opération plus globale, n'a pas seulement vocation à être remboursé, n'est pas une opération bancaire ; qu'en jugeant que l'apport en compte courant de la société Laboratoire Sicobel était une opération de banque quand elle constatait que, s'inscrivant dans l'opération plus globale de création de la société holding Sicobel développement à laquelle devait être apporté l'ensemble des titres des sociétés Laboratoires Agelys et Laboratoire Sicobel, il devait être converti pour moitié en actions de la société Sicobel développement et pour moitié en obligations convertibles émises par la société Sicobel développement, la cour d'appel a violé l'article L. 511-5 du code monétaire et financier ;

2°/ que seule la réalisation à titre habituel d'opérations bancaires est interdite à toute personne autre qu'un établissement de crédit ; qu'en jugeant de l'apport en compte courant effectué par les investisseurs financiers contrevenait au monopole bancaire institué par l'article L. 511-5 du code monétaire et financier sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si cette opération était accomplie à titre habituel par les investisseurs institutionnels, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 511-5 du code monétaire et financier ;

3°/ que l'opération de banque effectuée par tout personne non titulaire d'un agrément bancaire n'est pas entachée de nullité ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 511-10, L. 511-14 et L. 612-2 du code monétaire et financier ;

4°/ que le cocontractant d'une société peut légitimement croire à la réalité des pouvoirs de l'actionnaire qui en détient l'essentiel des parts et se présente comme son dirigeant ; qu'en jugeant que les investisseurs institutionnels n'étaient pas fondées à invoquer l'apparence du mandat de M. X... quand elle constatait qu'il s'était présenté comme le dirigeant de la société Laboratoire Sicobel dont il détenait près de 85 % des actions et qu'il avait participé seul aux négociations pour le compte de cette société, la cour d'appel a violé l'article 1998 du code civil ;

5°/ qu'en dépit de l'absence ou du dépassement de pouvoir par le mandataire, le mandant est tenu s'il a ratifié l'acte conclu par le mandataire ; qu'en retenant l'inopposabilité de la convention d'accord d'apport en compte courant conclue par M. X... à la société Laboratoire Sicobel, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette société ne l'avait pas ratifiée en encaissant les sommes et en fournissant pour ce faire son propre RIB, sans émettre aucune protestation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1998 du code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir rappelé que le mandant ne peut être engagé sur le fondement du mandat apparent que si la croyance du tiers à l'étendue des pouvoirs est légitime et que ce caractère suppose que les circonstances autorisent les tiers à ne pas vérifier les limites de ce pouvoir, l'arrêt retient que M. X... n'était ni le directeur général ni le président de la société Laboratoire Sicobel et que le seul fait qu'il en possédait 84, 52 % des actions ou qu'il ait seul, pour le compte de cette société, participé aux négociations de recapitalisation de la société Laboratoires Agelys, est insuffisant pour caractériser l'apparence d'un mandat, d'autant que la convention, qui précise pour chacun des autres signataires les fonctions complètes de leur dirigeant et l'existence de leur pouvoir, se limite pour la société Laboratoire Sicobel, à mentionner pour M. X..., sans autres indications, qu'il en est le président ; que c'est par une appréciation souveraine des circonstances de fait que par une décision motivée, la cour d'appel a pu considérer que M. X..., n'ayant ni le pouvoir ni la qualité pour engager la société Laboratoire Sicobel, la convention n'était pas opposable à cette dernière ;

Attendu, en second lieu, qu'ayant relevé que la société Laboratoire Sicobel ne pouvait être engagée par l'intégralité des conditions de la convention et que les investisseurs financiers ne pouvaient se prévaloir de versements en compte courant de sommes destinées dès l'origine à recapitaliser la société Laboratoires Agelys et qui ont été transférées immédiatement sur les comptes de cette société, la cour d'appel a fait ressortir que la société Laboratoire Sicobel n'avait pas ratifié la convention conclue par M. X... ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en ses trois premières branches, en ce qu'elles attaquent des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur le second moyen, pris en sa sixième branche :

Vu l'article 1376 du code civil ;

Attendu que pour rejeter la demande des investisseurs financiers tendant à la restitution du principal des sommes qu'ils avaient versées à la société Laboratoire Sicobel en exécution de la convention d'apport en compte courant, l'arrêt retient que M. X... n'avait ni le pouvoir ni la qualité pour engager la société Laboratoire Sicobel, que c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que la convention ne lui était pas opposable et que, la société Laboratoire Sicobel ne pouvant être engagée par l'intégralité des conditions de la convention, les investisseurs financiers ne peuvent se prévaloir de versements en compte courant de sommes destinées dès l'origine à recapitaliser la société Laboratoires Agelys et qui ont été transférées immédiatement sur les comptes de cette société ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans préciser, dès lors qu'elle tenait le protocole d'apport en compte courant pour inopposable à la société Laboratoire Sicobel, le titre en vertu duquel cette dernière a reçu les fonds qu'elle a transférés à une société tierce, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision :

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande des investisseurs tendant à la restitution de la somme de 559 995, 78 euros, l'arrêt rendu le 15 juin 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée.