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Décisions

Cass. com., 7 juillet 2020, n° 18-19.292

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

M. Ponsot

Avocats :

SCP Piwnica et Molinié, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Lyon, du 15 mars 2018

15 mars 2018

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 15 mars 2018), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 23 juin 2015, pourvoi n° 14-14.082) et les productions, par un acte du 30 juillet 2008, la société Les Véritables Biscuits du terroir (la société VBT), société de droit suisse représentée par M. C..., en sa qualité d'administrateur, a consenti un prêt à la société UFF Villefranche (la société UFF), société française dont le capital était détenu par la société Kiros Establishment (la société Kiros), immatriculée au Liechtenstein, dont M. C... était l'associé unique.

2. Par deux actes du 23 juin 2011, la société Kiros, représentée par M. C..., a cédé à la société Seven Stars Worldwide (la société Seven) sa participation dans le capital de la société UFF et sa créance résultant du solde de son compte courant d'associé.

3. L'acte de cession mentionne que M. C... y intervient pour les besoins de l'article 7, intitulé « déclaration et garantie du cédant », qui stipule que le cédant déclare et garantit au cessionnaire des parts qu'à la date de réalisation, lui-même et M. C... ne disposent d'aucune créance, d'aucun droit ni revendication d'aucune sorte, directement ou indirectement, à l'encontre de la société UFF.

4. La société VBT a assigné la société UFF en paiement du solde de sa créance au titre du contrat de prêt. M. C... et la société Seven sont intervenus volontairement à l'instance. Les sociétés UFF et Seven ont conclu principalement à l'irrecevabilité de l'action de la société VBT pour défaut de droit d'agir, soutenant qu'en application de l'article 7 du contrat de cession, M. C..., dirigeant et associé de cette société, avait renoncé à la créance détenue par elle.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Les sociétés UFF et Seven font grief à l'arrêt de déclarer recevable la demande en paiement formée par la société VBT alors :

« 1°/ que l'appréciation des pouvoirs du dirigeant d'une société relève de la loi nationale à laquelle cette société est soumise ; qu'au cas d'espèce, il résultait des propres constatations des juges du fond que la société VBT était une société de droit suisse, et les parties avaient discuté dans leurs conclusions de l'engagement de cette société par M. C..., en application de l'article 7 (f) du contrat de cession de parts sociales du 23 juin 2011, au regard des règles du droit suisse des sociétés ; qu'en retenant que « le dirigeant d'une société n'engage en principe celle-ci que par les actes qu'il accomplit en qualité de mandataire social et à défaut de mention de cette qualité, il appartient au tiers contractant de faire la preuve que le dirigeant a eu et manifesté la volonté d'agir au nom et pour le compte de la société » et encore que « les intimées ne démontrent pas qu'il [M. C...] avait le pouvoir de renoncer aux créances sur la société UFF dont la société VBT était titulaire », sans interroger la loi suisse applicable à la question des pouvoirs du dirigeant, la cour d'appel a violé les articles 3 du code civil et L. 210-3 du code de commerce, ensemble les principes du droit international privé régissant les sociétés ;

2°/ qu'en présence d'une clause contractuelle ambiguë, le juge doit rechercher la volonté des parties ; que lorsqu'une clause est susceptible de deux sens, on doit plutôt l'entendre dans celui avec lequel elle peut avoir quelque effet, que dans le sens avec lequel elle n'en pourrait produire aucun ; qu'en l'espèce, les sociétés UFF et Seven soutenaient que la clause faisant l'objet de l'article 7 (f) du contrat de cession de parts sociales du 23 juin 2011, aux termes de laquelle « Le cédant déclare et garantit au cessionnaire qu'à la date de réalisation : (
) (f) M. L... C..., ne dispose d'aucune créance, d'aucun droit ni revendication d'aucune sorte, directement ou indirectement, à l'encontre de la société », n'avait de sens que si elle était rapprochée des autres circonstances de l'espèce, et en particulier du courriel de M. P... du 24 mai 2011 selon lequel « Dans ce contrat [de cession], les parties devront garantir qu'elles ne disposent d'aucun droit direct ou par l'intermédiaire d'une autre société, contre UFF ou SSW », dont il résultait que le but poursuivi par la clause était de garantir l'absence de toute créance détenue contre la société cédée par M. C... ou n'importe quelle entité animée par lui, dont la société VBT ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur le but poursuivi par la clause et sur le sens et l'intérêt qu'elle pouvait avoir si l'on considérait, comme elle l'a fait, que M. C... n'avait entendu s'engager qu'à titre personnel, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, ensemble les articles 1156 et 1157 du même code. »

Réponse de la Cour

6. D'une part, après avoir énoncé que le dirigeant d'une société n'engage en principe celle-ci que par les actes qu'il accomplit en qualité de mandataire social et qu'à défaut de mention de cette qualité, il appartient au tiers contractant de faire la preuve que le dirigeant a eu et manifesté la volonté d'agir au nom et pour le compte de la société, l'arrêt constate que M. C... est intervenu à l'acte de cession « pour les besoins de l'article 7 » comme personne physique, sans mentionner aucune autre qualité, seules la société Kiros et la société Seven y étant désignées comme parties, la première en tant que cédante et la seconde en tant que cessionnaire. Ayant ainsi souverainement exclu que M. C... se fût engagé en qualité de dirigeant de la société VBT, la cour d'appel n'avait pas à rechercher s'il avait, ou non, le 23 juin 2011, le pouvoir d'engager cette société en application de la loi suisse.

7. D'autre part, c'est par une interprétation souveraine de l'article 7 (f) de l'acte de cession que la cour d'appel, après avoir énoncé que la créance de remboursement de la société VBT contre la société UFF, née du prêt qu'elle avait consenti à celle-ci le 30 juillet 2008, était comprise dans son patrimoine, distinct de celui de M. C..., a retenu qu'à supposer même que la commune intention des parties ait été de garantir la société Seven de toute action en paiement contre la société UFF, cette clause ne pouvait, à elle seule, conférer à M. C... la titularité de la créance litigieuse et, par voie de conséquence, le pouvoir d'y renoncer. En l'état de ces appréciations, rendant inopérante la recherche invoquée par la seconde branche, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

9. Les sociétés UFF et Seven font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de garantie formée contre M. C... alors « que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, ayant retenu qu'en souscrivant à l'article 7 (f) du contrat de cession de parts sociales du 23 juin 2011, M. C... s'était engagé comme personne physique sans aucune autre qualité, la cour d'appel ne pouvait ensuite, pour repousser la demande en garantie formée à son encontre, considérer que l'engagement résultant de l'article 7 (f) n'avait été donné que par la société Kiros (société cédante) à l'exclusion de M. C... en tant que personne physique ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel qui s'est contredite, a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

10. Ayant constaté que la garantie stipulée à l'article 7 du contrat de cession avait été donnée, non pas par M. C... mais par la société Kiros, en sa qualité de cédante, c'est sans se contredire que la cour d'appel a rejeté la demande de garantie formée contre M. C....

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.